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14/03/2024 | FRANCE | N°22/06855

France | France, Cour d'appel de Lyon, 2ème chambre b, 14 mars 2024, 22/06855


N° RG 22/06855 - N° Portalis DBVX-V-B7G-ORZN



















décision du

Juge aux affaires familiales de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 29 août 2022



RG :20/02315

ch n°



[T]



C/



[Y]







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE LYON



2ème Chambre B



ARRET DU 14 Mars 2024







APPELANTE :



Mme [E] [X] [T]>
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 11] (ITALIE)

[Adresse 10]

[Localité 2]





assistée de Me Carole DELAY, avocat au barreau de l'AIN









INTIME :



M. [D] [Y]

né le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 18] (MAROC)

[Adresse 8]

[Localité 3]







assisté de Me Laurence BE...

N° RG 22/06855 - N° Portalis DBVX-V-B7G-ORZN

décision du

Juge aux affaires familiales de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 29 août 2022

RG :20/02315

ch n°

[T]

C/

[Y]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

2ème Chambre B

ARRET DU 14 Mars 2024

APPELANTE :

Mme [E] [X] [T]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 11] (ITALIE)

[Adresse 10]

[Localité 2]

assistée de Me Carole DELAY, avocat au barreau de l'AIN

INTIME :

M. [D] [Y]

né le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 18] (MAROC)

[Adresse 8]

[Localité 3]

assisté de Me Laurence BENNETEAU DESGROIS, avocat au barreau de l'AIN

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 02 Janvier 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 Février 2024

Date de mise à disposition : 14 Mars 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré:

- Sophie DUMURGIER, présidente

- Carole BATAILLARD, conseillère

- Françoise BARRIER, conseillère

assistée pendant les débats de Priscillia CANU, greffière

En présence de Christel ABAD, greffière stagiaire,

En présence de Clara MEDJAED, avocate stagiaire,

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu en audience publique par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Priscillia CANU, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [D] [Y], né le [Date naissance 9] 1953 à [Localité 18] (Maroc), et Mme [E]-[X] [T] née le [Date naissance 7] 1958 à [Localité 11] (Italie), tous deux de nationalité française, se sont mariés le [Date mariage 6] 1980 devant l'officier d'état civil de [Localité 16] (Ain), sans avoir fait précéder leur union d'un contrat préalable.

Par ordonnance de non-conciliation du 15 janvier 2008, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a notamment :

- attribué à M. [Y] la jouissance provisoire du logement familial, bien de communauté, à titre non-gratuit,

- dit que Mme [T] devra se reloger et quitter les lieux dans les trois mois à compter de l'ordonnance, soit au plus tard au 1er mai 2008, à peine d'expulsion,

- constaté que le remboursement du crédit immobilier est pris en charge par l'assurance du fait de l'admission au titre de l'invalidité de M. [Y].

Par jugement du 30 juin 2009, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a notamment prononcé le divorce des époux [Y]-[T] à leurs torts partagés, par application des dispositions des articles 242 à 245 du code civil.

Par arrêt du 17 janvier 2011, la cour d'appel de Lyon a notamment infirmé et mis à néant le jugement rendu entre les parties le 30 juin 2009 par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse.

Par ordonnance de non-conciliation du 20 mars 2012, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a notamment :

- attribué la jouissance provisoire du domicile conjugal à l'époux, à titre non-gratuit,

- constaté que son conjoint s'est relogé,

- constaté que le règlement du prêt immobilier sur le domicile conjugal était effectué par l'assureur de M. [Y], compte tenu de son invalidité.

Par jugement du 20 juin 2014, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a notamment :

- prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage le divorce de M. [Y] et de Mme [T],

- dit que le jugement prendra effet dans les rapports entre les époux en ce qui concerne leurs biens à compter du 20 mars 2012,

- ordonné, s'il y a lieu, la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux [T]-[Y].

Par arrêt définitif du 19 janvier 2016, la cour d'appel de Lyon a confirmé ce jugement sauf en ce qui concerne le montant de la prestation compensatoire allouée en première instance.

Par exploit du 4 septembre 2020, M. [Y] a fait assigner Mme [T] en liquidation et partage de la communauté devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse.

Au terme de ses dernières conclusions saisissant la juridiction, M. [Y] demandait au juge aux affaires familiales, au visa des articles 1360 du code de procédure civile, 815 et suivants du code civil, 1433 du code civil, 1382 (ancien) du code civil, de :

Rejetant toutes fins et conclusions contraires,

- déclarer recevable sa demande de partage de la communauté ayant existé entre lui-même et Mme [T],

- ordonner l'ouverture des opérations de liquidation-partage de la communauté ayant existé entre eux et commettre tel notaire qu'il plaira au tribunal de désigner s'il estime que certains points doivent être précisés devant cet auxiliaire de justice,

- commettre le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse pour surveiller les opérations de liquidation-partage,

- constater que l'arrêt du 19 Janvier 2016 prononçant le divorce a fixé à la date du 20 mars 2012 la date de dissolution de la communauté,

- fixer à la somme de 57 600 euros l'indemnité d'occupation qu'il doit à l'indivision,

- fixer à la somme de 55 563,32 euros la récompense qui lui est due par la communauté au titre des remboursements des deux prêts [14] et [15],

- fixer à la somme de 11 258,08 euros la créance qui lui est due par l'indivision au titre du remboursement du prêt [12],

- fixer à la somme de 1 246 euros la créance qui lui est due par l'indivision au titre du solde des impôts 2012 sur les revenus 2011,

- fixer à la somme de 2 993 euros la créance qui lui est due par l'indivision au titre des taxes foncières 2012, 2013, 2014 et 2015,

- fixer à la somme de 1 780,18 euros, sauf à parfaire, la créance qui est lui est due par l'indivision au titre des cotisations d'assurance,

- fixer à la somme de 2 328 euros, sauf à parfaire, la créance qui lui est due par l'indivision au titre des taxes d'habitation,

- fixer à la somme de 198 euros la créance qui lui est due par l'indivision au titre des frais de diagnostic,

- fixer à la somme de 885 euros la créance qui lui est due par l'indivision au titre de la taxe d'habitation 2012, sauf à parfaire pour les taxes d'habitation ultérieures,

- condamner Mme [T] à lui verser la somme de 38 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Au terme de ses dernières écritures saisissant le juge aux affaires familiales, Mme [T] demandait à la juridiction, au visa des articles 1359 et suivants du code de procédure civile et 815 et suivants, 815-13 et 1467 du code civil, de :

- dire M. [Y] recevable mais mal fondé en son action,

- constater l'échec de la tentative de liquidation et de partage amiable de la communauté ayant existé entre elle et M. [Y],

- dire que le jugement de divorce prendra effet entre les époux, s'agissant de leurs biens, à compter du 20 mars 2012,

- dire que leur régime matrimonial est celui de la communauté de biens réduite aux acquêts,

- ordonner la liquidation et le partage judiciaire du régime matrimonial ayant existé entre eux,

- commettre pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de ladite communauté, tel notaire qui plaira au tribunal, qui pourra s'adjoindre tout sapiteur, sous la surveillance du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse chargé du suivi des opérations de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux, avec mission particulière de :

* évaluer les masses active et passive des ex-époux,

* chiffrer les droits de chacun dans la liquidation de leur régime matrimonial,

* faire les comptes entre M. [Y] et elle,

- rappeler que le notaire commis pourra s'adjoindre, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d'un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis,

- rappeler que la mission comprend toute recherche utile auprès des débiteurs ou de ceux qui détiennent des valeurs pour le compte des époux, sans que le secret professionnel puisse lui être opposé (article 259-3 du code civil),

- à cet effet, ordonner, et au besoin, requérir les responsables du fichier FICOBA de répondre à toute demande dudit notaire,

- ordonner également à la Banque de France, ainsi qu'à tout établissement bancaire désigné par [17] comme détenant ou ayant détenu des fonds intéressant cette instance, de produire les états et relevés audit expert,

- dire qu'en cas d'empêchement du notaire et du juge commis, il sera pourvu à leur remplacement par ordonnance rendue sur requête,

- enjoindre aux parties d'apporter, dès le premier rendez-vous auprès du notaire, les pièces suivantes :

* le livret de famille,

* les actes notariés de propriété pour les immeubles,

* les actes et tout document relatif aux donations et successions,

* la liste des adresses des établissements bancaires où les parties disposent d'un compte,

* les contrats d'assurance-vie (le cas échéant),

* les cartes grises des véhicules,

* les tableaux d'amortissement des prêts immobiliers et mobiliers,

* une liste des crédits en cours,

* le financement de la maison du Maroc de l'époux,

En tout état de cause,

- fixer à la somme de 158 400 euros l'indemnité d'occupation que lui doit M. [Y],

- déclarer comme non sujet à récompense par la communauté les prêts immobiliers et de travaux [14] et [15] pris en charge par l'assurance invalidité,

- en conséquence, débouter M. [Y] de sa demande de voir fixer la somme de 55 563,32 euros au titre de récompense de communauté de ces deux prêts,

- rejeter la demande de M. [Y] de fixer à 11 258,08 euros la créance de l'indivision à son égard au titre du remboursement du crédit [12] souscrit en décembre 2008,

- fixer à la somme de 2 993 euros la créance due par l'indivision à M. [Y] au titre des taxes foncières 2012 à 2015,

- fixer à la somme de 1 534 euros, à parfaire, la créance due par l'indivision à M. [Y] au titre de l'assurance habitation,

- fixer à la somme de 198 euros la créance due par l'indivision à M. [Y] au titre des frais avancés de diagnostic,

- fixer à la somme de 885 euros, à parfaire, la créance due par l'indivision à M. [Y] au titre de la taxe habitation,

- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions contraires,

- statuer de ce que droit sur les dépens.

Aux termes d'un acte notarié établi le 5 mai 2021 par Me [S] [I], notaire à [Localité 19] (Ain), M. [Y] et Mme [T] ont vendu l'ancien domicile conjugal sis [Adresse 5] à [Localité 13] moyennant le prix de 450 000 euros.

Par jugement rendu le 29 août 2022, auquel il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :

- constaté l'échec de la tentative de partage amiable et de liquidation du régime matrimonial ayant existé entre M. [Y] et Mme [T],

- ordonné la liquidation et le partage judiciaire de leurs intérêts patrimoniaux,

- fixé à la somme de 1 200 euros par mois l'indemnité d'occupation due à l'indivision par M. [Y] pour le bien immobilier de [Localité 13] (Ain),

- dit que M. [Y] sera redevable à l'égard de l'indivision d'une somme de 123 600 euros au titre de l'indemnité d'occupation, pour la période du 20 mars 2012 au 10 septembre 2020,

- débouté M. [Y] de sa demande de récompense à l'encontre de la communauté au titre des échéances des prêts immobiliers sur le domicile conjugal, prises en charge par l'assureur dans le cadre de son invalidité,

- débouté M. [Y] de sa demande de créance à l'encontre de l'indivision au titre du crédit [12] du 27 novembre 2008,

- débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts,

- renvoyé les parties devant Me [K] [F], notaire à [Localité 2] (Ain), aux fins de dresser l'acte de partage conformément au jugement,

- dit qu'en l'absence d'accord des parties sur les attributions, le notaire procédera par tirage au sort,

- dit qu'en cas de refus par une partie de signer l'acte de partage, l'autre partie pourra saisir le juge aux fins d'homologation, et que dans ce cas les frais de la procédure seront mis à la charge de l'opposant ou du défaillant,

- débouté M. [Y] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

'

Par déclaration reçue au greffe le 13 octobre 2022, Mme [T] a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- fixé à la somme de 1 200 euros par mois l'indemnité d'occupation due à l'indivision par M. [Y] pour le bien immobilier de [Localité 13] (Ain),

- dit que M. [Y] sera redevable à l'égard de l'indivision d'une somme de 123 600 euros au titre de l'indemnité d'occupation, pour la période du 20 mars 2012 au septembre 2020.

Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées le 7 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, Mme [T] demande à la cour, vu les articles 815-9 et suivants du code civil, de :

- dire recevable et bien fondé l'appel qu'elle a interjeté à l'encontre du jugement rendu le 29 août 2022 par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en ce qu'il a :

' fixé à la somme de 1 200 euros par mois l'indemnité d'occupation due à l'indivision par M. [Y] pour le bien immobilier de [Localité 13],

' dit que M. [Y] sera redevable d'une somme de 123 600 euros d'indemnité d'occupation à l'égard de l'indivision pour la période du 20 mars 2012 au 10 septembre 2020,

- infirmer le jugement sur ces dispositions dont appel,

Et, statuant à nouveau,

À titre principal :

- fixer à la somme de 2 240 euros (2 800 euros X 20 %) par mois l'indemnité d'occupation due à l'indivision par M. [Y] pour le bien immobilier de [Localité 13],

À titre subsidiaire :

- fixer à la somme de 1 500 euros (450 000 euros X 5 % X 80 %) par mois l'indemnité d'occupation due à l'indivision par M. [Y] pour le bien immobilier de [Localité 13],

En tout état de cause :

- dire que M. [Y] sera redevable d'une indemnité d'occupation pour les périodes du 1er mai 2008 au 17 janvier 2011 et du 20 mars 2012 au 10 septembre 2020,

Par conséquent,

À titre principal :

- fixer à la somme de 297 920 euros l'indemnité d'occupation due par M. [Y] à l'indivision pour la période du 1er mai 2008 au 17 janvier 2011 et du 20 mars 2012 au 10 septembre 2020,

À titre subsidiaire :

- fixer à la somme de 199 500 euros l'indemnité d'occupation due par M. [Y] à l'indivision pour la période du 1er mai 2008 au 17 janvier 2011 et du 20 mars 2012 au 10 septembre 2020,

À titre infiniment subsidiaire et dans le cas où la cour n'entend pas fixer le montant de l'indemnité d'occupation, ne s'estimant pas suffisamment éclairée :

- ordonner au notaire désigné pour dresser l'acte de partage, Me [K] [F], de fixer le montant de l'indemnité d'occupation sur la période qui sera fixée dans le cadre du présent arrêt,

En tout état de cause :

- rejeter toutes fins et conclusions contraires,

- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes en cause d'appel,

- statuer de ce que droit sur les dépens.

Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées le 30 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, M. [Y] demande à la cour, au visa des articles 1360 du code de procédure civile, 815 et suivants, 1433 et 1382 (ancien) du code civil, de :

Rejetant toutes fins et conclusions contraires,

- débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes en cause d'appel,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation dont il est redevable envers l'indivision à la somme de 1 200 euros par mois,

- faire droit à son appel incident et réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' fixé la période pendant laquelle il est redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision du 20 mars 2012 au 10 septembre 2020,

' l'a débouté de sa demande de récompense à l'encontre de la communauté au titre des échéances des prêts immobiliers,

' l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts,

Et statuant à nouveau,

- dire qu'il est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation du 20 mars 2012 au 3 mai 2016 uniquement,

- en conséquence, fixer l'indemnité d'occupation qu'il doit à l'indivision à la somme de 57 600 euros,

- dire que la communauté lui doit une récompense de 12 032 euros au titre d'un prêt immobilier remboursé par des fonds propres,

- condamner Mme [T] à lui verser la somme de 38 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 2 janvier 2024.

SUR CE

Sur l'étendue de la saisine de la cour

L'article 562 du code de procédure civile prévoit que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

L'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que la cour n'est tenue de statuer que sur les demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties.

Par l'effet dévolutif de l'appel la cour connaît des faits survenus au cours de l'instance d'appel, postérieurement à la décision déférée, et statue au vu de tous les éléments justifiés même s'ils n'ont été portés à la connaissance de l'adversaire qu'au cours de l'instance d'appel.

Sont soumises à la cour, au regard de l'acte d'appel et des dernières conclusions des parties, les prétentions portant sur :

- l'indemnité d'occupation :

' le montant de l'indemnité,

' la période pour laquelle une indemnité est due,

- la récompense sollicitée par M. [Y] au titre du remboursement d'un prêt immobilier,

- les dommages-intérêts sollicités par M. [Y]

- l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Sur l'indemnité d'occupation

Sur le montant de l'indemnité

Le premier juge a fixé le montant de l'indemnité d'occupation due à 1 200 euros par mois, en retenant que le mode de calcul de l'indemnité n'était pas contesté.

Mme [T] considère être recevable et bien fondée à solliciter le réexamen du montant de l'indemnité d'occupation due par M. [Y] à l'indivision en faisant valoir que, si le premier juge a retenu que le mode de calcul n'était pas contesté pour fixer le montant mensuel de l'indemnité à 1 200 euros, c'est parce que la demande qu'elle a formée en première instance tenait déjà compte du partage de l'indivision et correspondait donc uniquement à la somme qui lui était due, et non celle due à l'indivision.

Ainsi, l'appelante soutient qu'elle demandait au juge, dans ses écritures de première instance, de fixer à 158 400 euros l'indemnité d'occupation dont son ex-époux lui était redevable, en se référant à un loyer d'environ 2 800 euros par mois, correspondant aux prix du pays de Gex pour un bien de 165 m², vendu à plus de 450 000 euros.

Elle prétend avoir toujours considéré que la valeur locative du bien était de 2 800 euros compte tenu du marché immobilier du Pays de Gex et de la superficie du bien indivis, et que l'indemnité d'occupation pouvait être arrêtée à la somme de 2 240 euros par mois, après déduction des 20% au titre de la précarité de l'occupation, dont la moitié, 1 200 euros devait lui revenir.

Mme [T] indique que sa demande correspond, d'une part, à la fourchette de valeurs locatives établie par l'agence immobilière qui a permis la vente de la maison, et, d'autre part, aux annonces locatives pour des biens équivalents.

Selon elle, si la cour considère qu'elle ne peut pas fixer le montant de l'indemnité, il appartiendra au notaire, qui connait la valeur locative des biens immobiliers situés dans le Pays de Gex, d'arrêter ce montant.

À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour viendrait à déterminer le montant de l'indemnité d'occupation au regard du prix de vente de la maison, elle demande que le pourcentage appliqué soit de 5 %, soit 1 500 euros par mois, et non pas de 4 %, la Cour de cassation retenant qu'un tel pourcentage correspond au calcul traditionnellement appliqué.

Pour sa part, M. [Y] fait valoir que le premier juge a appliqué la méthode de calcul usuelle de l'indemnité d'occupation en retenant un pourcentage de 4 % du prix de vente du bien pour fixer son montant et qu'il l'a attribuée à l'indivision post-communautaire et non à un indivisaire, cette indemnité faisant partie des comptes d'indivision et non des comptes entre les parties. Il indique à ce titre que l'appelante reconnaît en cause d'appel que l'indemnité est incontestablement due à l'indivision.

Selon lui, et contrairement à ce qu'allègue l'appelante, il n'existait aucun accord des parties pour fixer le loyer à 2 800 euros par mois, et il conteste avoir donné son accord pour une telle évaluation.

M. [Y] soutient que les éléments, non contradictoires, produits par l'appelante pour prétendre que la valeur retenue ne correspondrait pas à la valeur du marché dans le Pays de Gex sont dépourvus de force probante, en relevant que l'estimation établie par l'agence immobilière ne respecte pas les formes légales pour être produite en justice.

Il expose, sans remettre en cause la valorisation du marché immobilier dans le Pays de Gex, que le bien litigieux a été vendu pour une somme relativement faible au regard de sa superficie et du marché immobilier local, compte tenu de son état, de sorte que la valeur locative fixée à partir du prix de vente réel prend elle aussi en compte l'état du bien.

L'intimé fait état d'un courriel de l'agent immobilier, que Mme [T] verse elle-même aux débats, qui précise que l'intérieur du bien doit faire l'objet d'importants travaux de rafraichissement pour un budget de 150 000 à 200 000 euros.

M. [Y] considère que l'appelante a judiciairement acquiescé à cette méthode de calcul qu'elle a reprise dans ses dernières conclusions devant le tribunal judiciaire.

Il fait valoir que la demande formée à titre subsidiaire par Mme [T], qui vise à laisser le notaire désigné fixer le montant de l'indemnité d'occupation, doit être rejetée dès lors que, d'une part, cette mesure retarderait les opérations, le notaire ne pouvant que formuler un avis qui devra être homologué par le juge du fond, et que, d'autre part, elle est irréaliste puisqu'il n'est plus possible d'accéder au bien vendu en 2021 ni d'évaluer son état.

L'intimé ajoute que si Mme [T] sollicite, à titre infiniment subsidiaire, l'application d'un pourcentage de 5 % sur le prix de vente, le fait de retenir un pourcentage de 4 % apparait de bonne justice au regard du coefficient d'abattement de 20 % retenu, lequel pourrait également être supérieur. Il souligne que l'appelante a volontairement retardé les opérations de liquidation-partage de la communauté et a ainsi augmenté le montant de l'indemnité qu'il doit à l'indivision.

Le second alinéa de l'article 815-9 du code civil dispose que l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

Si Mme [T] fait état d'un accord des parties visant à retenir un loyer mensuel de 2 800 euros par mois afin de déterminer le montant de l'indemnité d'occupation, elle ne produit toutefois aucun élément démontrant l'existence d'un tel accord.

Compte tenu de la vente du bien immobilier intervenue le 5 mai 2021, il y a lieu de calculer l'indemnité d'occupation sur la base du prix de vente de 450 000 euros.

Le fait que Mme [T] ait proposé une méthode de calcul sur la base de 4 % de la valeur du prix de vente dans ses conclusions de première instance ne fait pas obstacle à ce qu'elle demande en appel, à titre subsidiaire, que l'indemnité soit fixée à 5% de ce prix, dès lors que les calculs qu'elle a proposés visaient expressément l'indemnité d'occupation dont M. [Y] lui serait redevable, et non pas l'indemnité due à l'indivision, la défenderesse évoquant alors un loyer mensuel de 2 800 euros.

Ainsi, la valeur locative annuelle de l'ancien domicile conjugal, dont M. [Y] a eu la jouissance privative, sera évaluée selon la méthode de calcul habituelle à 5 % du prix de vente de 450 000 euros, soit à un montant de 22 500 euros par an, et de 1 875 euros par mois.

Pour tenir compte de la précarité de l'occupation de l'indivisaire, un abattement de 20 % sera appliqué à cette valeur locative et le montant de l'indemnité d'occupation dont est redevable M. [Y] envers l'indivision post communautaire sera ainsi fixé à 1 500 euros par mois, infirmant sur ce point le jugement entrepris.

Sur la période durant laquelle une indemnité est due

Mme [T] fait valoir que la prescription est suspendue entre époux en application de l'article 2236 du code civil et que le délai de prescription quinquennale court à compter du jour où le jugement de divorce a acquis force de chose jugée, soit le 11 juillet 2016, date à laquelle l'arrêt du 19 janvier 2016 qui a prononcé le divorce entre les époux est devenu définitif. Elle précise avoir formé sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation par conclusions notifiées le 22 février 2021, soit moins de cinq ans après.

Selon elle, c'est à tort que le premier juge n'a pas tenu compte de la période du 1er mai 2008 au 17 janvier 2011, période des mesures provisoires de la première procédure de divorce, l'échec de cette première procédure ne pouvant anéantir les effets de la décision exécutoire pendant la période où elle s'exécutait incontestablement, comme l'admet la Cour de cassation.

L'appelante considère ainsi que M. [Y] est redevable d'une indemnité d'occupation à compter de la date de la première ordonnance de non-conciliation jusqu'à la date à laquelle la procédure est devenue caduque, en raison du rejet de la demande en divorce qui ne rend pas nulles les mesures provisoires, et à compter de la seconde ordonnance de non-conciliation du 20 mars 2012.

Elle soutient qu'il est indéniable que, durant cette période, elle n'a pas pu jouir du bien immobilier qui a été attribué à titre onéreux à l'époux dès la première ordonnance de non-conciliation et qu'elle a dû quitter le 1er mai 2008, lorsqu'un logement social lui a été attribué.

Mme [T] soutient que l'indemnité d'occupation est due jusqu'au 10 septembre 2020, date à laquelle M. [Y] lui a donné le double des clefs du bien indivis en vue de la mise en vente, et non pas seulement jusqu'en janvier 2016, date de l'arrêt ayant prononcé de manière définitive le divorce des époux.

Elle considère que l'indemnité d'occupation ne peut davantage être limitée à la date du déménagement de M. [Y] en mai 2016, l'indemnité étant due même si le bien n'est pas habité, dès lors que l'indivisaire en détenait seul l'accès et qu'il y entreposait des véhicules.

Selon l'appelante, si M. [Y] soutient qu'elle détenait les clefs de l'appartement depuis leur séparation en se fondant sur un mandat de vente qu'elle a signé en octobre 2014, il est néanmoins constant que ce dernier a fait visiter les lieux aux agences qu'elle a mandatées, la jouissance de l'immeuble lui ayant été attribuée à titre onéreux.

Elle ajoute que les échanges entre leurs avocats démontrent qu'elle a officiellement récupéré les clefs le 10 septembre 2020. À l'inverse, Mme [T] estime que la présence de leur fils ainé dans le bien indivis ne démontre pas qu'elle disposait des clefs.

M. [Y] soutient que c'est à juste titre que le premier juge ne l'a pas condamné au versement d'une indemnité d'occupation pour la période du 1er mai 2008 au 17 janvier 2011 en retenant, d'une part, que le rejet de la première demande en divorce a rendu caduques les mesures provisoires prises antérieurement, d'autre part, que seul le juge qui prononce le divorce peut écarter le principe de la gratuité de la jouissance du domicile conjugal antérieurement à l'ordonnance de non-conciliation rendue dans le cadre de la procédure qui a abouti au divorce, et, enfin, que l'échec de la première procédure de divorce a laissé au domicile conjugal son statut de bien commun.

Il fait valoir que l'ordonnance de non-conciliation du 15 janvier 2008 est devenue caduque après l'arrêt du 9 février 2011 qui a rejeté la demande en divorce, et que la demande est prescrite, s'agissant d'un acte autonome soumis au délai légal de prescription de 5 ans à compter de la date de sa caducité, de sorte que toute demande concernant son application est prescrite à compter du 12 janvier 2016, aucun acte interruptif de prescription n'étant intervenu entre temps.

En revanche, l'intimé ne conteste pas le point de départ de l'indemnité d'occupation mais estime n'en être redevable que jusqu'au 3 mai 2016, date à laquelle il a pris un appartement en location.

Selon lui, c'est à tort que le premier juge n'a pas fait droit à sa demande au motif qu'il ne justifie pas du fait que Mme [T] était en possession des clefs, sans tenir compte des pièces établissant que c'était bien le cas, alors que les nombreux courriers officiels entre avocats n'ont jamais évoqué la question des clés en dépit des allégations de l'appelante qui évoque « moults demandes », et que Mme [T] a signé seule un mandat de vente avec une agence immobilière en octobre 2014, laquelle a pu visiter le bien et publier une annonce.

À titre subsidiaire, il sollicite que la cour retienne, comme cela a déjà pu être jugé par la Cour de cassation, que l'indivisaire qui conserve les clés d'un bien indivis pouvait les mettre à la disposition d'autres indivisaires sur leur demande.

Enfin, M. [Y] considère qu'il n'a pas usé privativement du bien immobilier de 2012 à 2016 puisque Mme [T] lui a imposé la présence d'un des enfants du couple, arguant qu'elle était propriétaire par moitié du bien indivis et qu'elle entendait en faire usage, ce qui démontre par ailleurs qu'elle disposait des clés.

Le premier juge n'a fait droit à la demande d'indemnité d'occupation qu'à compter du 20 mars 2012, date de l'ordonnance de non-conciliation, considérant qu'une procédure de divorce qui n'a pas abouti et dont le rejet rend caduques toutes les mesures provisoires prises antérieurement ne peut permettre de remettre en cause les effets d'un jugement de divorce postérieur qui, lui, a mis fin au mariage et dont seul le juge qui l'a prononcé ou la juridiction d'appel peut écarter le principe de la gratuité de la jouissance du domicile conjugal antérieurement à l'ordonnance de non-conciliation qui a été rendue dans le cadre de la procédure qui a abouti au divorce, en application de l'article 262-1 du code civil selon lequel la jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu'à l'ordonnance de non conciliation, sauf décision contraire du juge.

Le premier juge a également considéré que l'échec de la première procédure de divorce a laissé au domicile conjugal son statut de bien commun et ne lui a donc pas conféré celui d'un bien dépendant de l'indivision post communautaire puisque la dissolution de la communauté n'est pas intervenue.

L'article 2236 du code civil dispose que la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux, ainsi qu'entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité.

Selon l'article 612 du code de procédure civile, le délai de pourvoi en cassation est de deux mois, sauf disposition contraire.

Selon l'article 1086 du même code, le délai de pourvoi en cassation suspend l'exécution de la décision qui prononce le divorce. Le pourvoi en cassation exercé dans ce délai est également suspensif.

Il est acquis que la suspension de la prescription entre époux dure jusqu'à ce que la décision ayant prononcé ou confirmé le principe du divorce ait acquis force de chose jugée.

Il ressort des pièces produites par les parties que l'arrêt ayant confirmé le jugement qui a prononcé le divorce des époux [Y]-[T] a été rendu le 19 janvier 2016.

L'examen du certificat de non-pourvoi établi le 11 juillet 2016 par le directeur de greffe de la Cour de cassation, produit par M. [Y], révèle que cet arrêt a été signifié à Mme [T] le 9 mars 2016.

Compte tenu du délai de pourvoi en cassation, qui est de 2 mois à compter de la signification de l'arrêt, l'appelante était recevable à former une demande au titre de l'indemnité d'occupation jusqu'au 9 mai 2021.

Or, elle a présenté sa demande au cours de la première procédure de divorce, par conclusions du 21 février 2021, ce que M. [Y] ne conteste pas, et elle n'encourt donc aucune prescription.

S'agissant de la première période pour laquelle l'appelante sollicite une indemnité d'occupation, qui s'étend du 1er mai 2008 jusqu'au 17 janvier 2011, il y a lieu de relever que, par ordonnance de non-conciliation du 15 janvier 2008, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a, notamment :

- attribué à M. [Y] la jouissance provisoire du logement familial, bien de communauté, à titre non-gratuit,

- dit que Mme [T] devra se reloger et quitter les lieux dans les trois mois à compter de l'ordonnance, soit au plus tard au 1er mai 2008, à peine d'expulsion.

Par la suite, le jugement du 30 juin 2009 ayant prononcé le divorce des époux [Y]-[T] a été infirmé et mis à néant par un l'arrêt rendu le 17 janvier 2011 par la cour d'appel de Lyon, qui a débouté les époux de leurs demandes en divorce.

Il est constant que, sauf dispositions contraires, la caducité d'un titre exécutoire ne le prive pas de son efficacité pour la période antérieure à la caducité. [Civ. 1ère, 9 février 2011, n° 09-72.653]

L'ordonnance de non conciliation rendue le 1er mai 2008, qui a attribué à l'époux la jouissance du logement familial à titre onéreux, est devenue caduque par l'effet de l'arrêt rendu le 17 janvier 2011.

Cependant, sa caducité n'a pas anéanti rétroactivement le droit à une indemnité d'occupation reconnu à l'épouse par cette décision exécutoire.

M. [Y] est ainsi redevable d'une indemnité d'occupation au titre de cette première période, du 1er mai 2008 au 17 janvier 2011, soit pendant 32 mois.

En ce qui concerne la seconde période discutée par les parties, ces dernières s'accordent sur le point de départ fixé au 20 mars 2012, date de l'ordonnance de non-conciliation rendue dans le cadre de la seconde procédure de divorce.

C'est à juste titre que le premier juge a retenu que M. [Y] ne démontre pas que Mme [T] avait conservé les clés du domicile conjugal après son départ en 2008, ni qu'il n'en a plus été en possession après le 3 mai 2016, consécutivement à son départ, alors que le magistrat conciliateur lui avait accordé la jouissance provisoire de l'immeuble à titre onéreux, qu'il a constaté que l'épouse s'était relogée, et qu'il a été le dernier à se reloger.

Il est acquis que l'indemnité, contrepartie du droit de jouir privativement, est due même en l'absence d'occupation effective des lieux.

Faute pour M. [Y] de rapporter la preuve d'une remise des clés à Mme [T] avant le 10 septembre 2020, date à laquelle elle reconnait les avoir récupérées, ce que confirme le courriel adressé par son conseil au conseil de l'intimé le 10 septembre 2020, celui-ci est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation, au titre de la seconde période, du 20 mars 2012 jusqu'au 10 septembre 2020, ce qui correspond à 101 mois.

M. [Y] est ainsi débiteur envers l'indivision d'une indemnité d'occupation pour une période totale de 133 mois (32 + 101), soit une indemnité de 199 500 euros (133 * 1 500).

Il convient dès lors d'infirmer le jugement qui a dit que M. [Y] sera redevable d'une somme de 123 600 euros d'indemnité d'occupation à l'égard de l'indivision pour la période du 20 mars 2012 au 10 septembre 2020, et de juger que M. [Y] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation mensuelle de 1 500 euros du 1er mai 2008 jusqu'au 17 janvier 2011 et du 20 mars 2012 jusqu'au 10 septembre 2020, soit d'une somme totale de 199 500 euros.

Sur la récompense sollicitée par M. [Y] au titre des prêts immobiliers

Le premier juge a débouté M. [Y] de sa demande de récompense à l'encontre de la communauté au titre des échéances des prêts immobiliers ayant financé le domicile conjugal, prises en charge par l'assureur dans le cadre de son invalidité.

M. [Y], appelant incident, prétend, qu'en application de l'article 1433 du code civil, il est admis en jurisprudence, selon l'arrêt rendu le 12 avril 2012 par la première chambre civile de la Cour de cassation, que les échéances de remboursement de prêts contractés par la communauté prises en charge par les assureurs au titre de l'invalidité d'un des époux donnent droit à récompense si elles ont intégré le patrimoine propre de l'époux.

Selon lui, le premier juge a retenu de manière erronée que les versements de l'assureur ont été opérés sur le compte joint alors qu'il les a perçus sur son compte bancaire personnel, de sorte qu'ils sont bien entrés dans son patrimoine propre avant d'être versés aux organismes prêteurs.

L'intimé considère qu'il n'avait aucune obligation de verser ces fonds propres au profit de la communauté et qu'il doit ainsi bénéficier d'une récompense de 12 032 euros correspondant aux 77 mensualités de 156,26 euros ainsi assumées pour la communauté.

Pour sa part, Mme [T] fait valoir que le premier juge a justement relevé que le fait que les indemnités d'invalidité équivalentes au montant des échéances des crédits aient été versées sur le compte joint, et non sur le compte personnel de M. [Y], contrairement à ses allégations, ne change rien au fait que M. [Y] n'a exposé aucune dépense avec ses deniers personnels pour régler les échéances des prêts, ce qui exclut son droit à récompense.

Elle considère en outre que M. [Y] dénature l'arrêt rendu le 12 avril 2012 par la Cour de cassation dont il se prévaut, pour en déduire que les fonds sont entrés dans son patrimoine propre pour avoir transité sur son compte avant d'être versés aux organismes prêteurs, alors qu'il n'a subi aucun appauvrissement fondant une récompense du fait de la prise en charge des échéances par l'assurance.

L'appelante ajoute que, de jurisprudence constante, le paiement par l'assureur au titre de l'invalidité de l'un des époux des échéances d'un prêt immobilier contracté pour l'acquisition d'un immeuble n'ouvre pas droit à récompense, les sommes en question n'ayant été versées ni par la communauté ni par les époux.

Selon l'article 1433 du code civil :

« La communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres.

Il en est ainsi, notamment, quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d'un propre, sans qu'il en ait été fait emploi ou remploi.

Si une contestation est élevée, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous les moyens, même par témoignages et présomptions. »

Il est constant que le remboursement par le biais d'une assurance-invalidité d'une dette d'emprunt incombant à la communauté ne donne pas lieu à récompense au profit de l'époux sur la tête duquel l'assurance a été contractée, l'indemnité versée par l'assureur n'ayant jamais figuré dans le patrimoine personnel de l'époux accidenté. [Civ. 1ère, 1er déc. 1987 n°85-15.260]

Il est acquis que les échéances de remboursement d'un prêt, contracté par la communauté pour financer la construction d'une maison sur un terrain propre d'un époux et garanti par un contrat d'assurance-invalidité, qui ont été prises en charge par l'assureur à la suite de l'invalidité de l'autre époux n'ouvrent pas droit à récompense dès lors que ces sommes ne sont entrées ni dans le patrimoine propre de l'époux invalide, ni dans le patrimoine de la communauté. [Civ. 1ère, 12 avril 2012, n° 11-14.653]

C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que M. [Y] n'a exposé aucune dépense avec ses deniers personnels pour régler les échéances des prêts, ce qui exclut tout droit à récompense. La circonstance selon laquelle les fonds auraient transité par le compte personnel de M. [Y] avant d'être versés à la banque est sans incidence sur leur nature, ces fonds n'ayant pas vocation à intégrer le patrimoine de M. [Y].

Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a rejeté la demande de récompense formée par M. [Y] au titre de la prise en charge des échéances de prêt par l'assureur dans le cadre de son invalidité.

Sur les dommages-intérêts sollicités par M. [Y]

M. [Y], appelant incident, fait valoir, qu'outre l'augmentation de la durée de l'indemnité d'occupation dont il est redevable, le refus de Mme [T] de procéder à la vente amiable du bien immobilier commun a également eu pour conséquence de faire perdre à la communauté une somme conséquente.

Il prétend que, contrairement à ce que le premier juge a retenu, il n'a pas concouru à rendre la vente du bien immobilier difficile.

Selon lui, il ressort des éléments versés aux débats que Mme [T] a refusé deux offres d'achat du bien immobilier, dont l'une s'élevait à 520 000 euros pour la somme de 508 000 euros net vendeur.

M. [Y] soutient que, le bien immobilier ayant finalement été vendu 450 000 euros, soit 432 000 euros net vendeur, l'attitude de Mme [T] lui a fait perdre une chance de vendre le bien immobilier pour une somme supérieure, de sorte qu'il est bien fondé à solliciter la somme de 38 000 euros correspondant à la moitié de la différence entre les deux prix.

Mme [T] considère que c'est à juste titre que le premier juge a débouté M. [Y] de sa demande de dommages-intérêts après avoir relevé que les deux parties ont concouru à rendre la vente immobilière difficile.

Elle affirme que la vente du bien et l'ouverture des opérations de liquidation-partage ont en effet été complexifiées par l'absence de communication entre les époux, par leur défiance l'un envers l'autre, et par leurs exigences respectives.

L'appelante fait valoir à ce titre que le juge de la mise en état avait relevé dès 2013 « l'attitude de blocage de madame puis de monsieur pour vendre le bien dans des conditions raisonnables ».

Mme [T] expose que le bien a été vendu pour une somme supérieure de 52 000 euros au prix qu'acceptait M. [Y] et que ce dernier ne rapporte la preuve d'aucun abus et qu'il doit ainsi être débouté de sa demande.

C'est à juste titre que le premier juge a retenu que les différents éléments produits par les parties révèlent que ces dernières ont toutes deux concouru à rendre la vente immobilière difficile.

Ainsi, M. [Y] ne démontre pas que l'attitude de Mme [T] procède d'un abus qui lui a fait perdre une chance de vendre le bien immobilier à un prix supérieur.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dépens seront partagés par moitié entre les parties et employés en frais privilégiés de partage.

L'équité ne commande pas de condamner l'une ou l'autre des parties sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement rendu le 29 août 2022 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, sauf en ce qu'il a :

- fixé à la somme de 1 200 euros par mois l'indemnité d'occupation due à l'indivision par M. [Y] au titre de l'occupation du bien immobilier de [Localité 13],

- dit que M. [Y] sera redevable d'une somme de 123 600 euros d'indemnité d'occupation à l'égard de l'indivision pour la période du 20 mars 2012 au 10 septembre 2020,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Fixe le montant mensuel de l'indemnité d'occupation due par M. [Y] à l'indivision au titre de sa jouissance privative du bien immobilier sis à [Localité 13] à 1 500 euros,

Dit que M. [Y] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation mensuelle de 1 500 euros du 1er mai 2008 jusqu'au 17 janvier 2011 et du 20 mars 2012 jusqu'au 10 septembre 2020, soit d'une somme totale de 199 500 euros.

Y ajoutant,

Dit que les dépens seront partagés par moitié et employés en frais privilégiés de partage,

Rejette la demande formée par M. [Y] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Priscillia CANU, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre b
Numéro d'arrêt : 22/06855
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;22.06855 ?
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