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12/03/2024 | FRANCE | N°21/06356

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 12 mars 2024, 21/06356


AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE





RAPPORTEUR





R.G : N° RG 21/06356 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NZEU





S.A. [5]



C/

CPAM DE L'AISNE SERVICE JURIDIQUE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 09 Juillet 2021

RG : 15/01635















































AU NOM DU PEUPLE FRAN'

AIS



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 12 MARS 2024











APPELANTE :



S.A. [5]

(Assurée : [P] [N])

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON substituée par Me Alexis D...

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 21/06356 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NZEU

S.A. [5]

C/

CPAM DE L'AISNE SERVICE JURIDIQUE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 09 Juillet 2021

RG : 15/01635

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 12 MARS 2024

APPELANTE :

S.A. [5]

(Assurée : [P] [N])

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON substituée par Me Alexis DOSMAS, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

CPAM DE L'AISNE SERVICE JURIDIQUE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Mme [W] [B] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir spécial

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Février 2024

Présidée par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Anais MAYOUD, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente

- Anne BRUNNER, conseillère

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Magistrate, et par Anais MAYOUD, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Le 10 mars 2014, Mme [N], salariée de la société [5], a souscrit une déclaration de maladie au titre d'une tendinite épicondylienne du coude droit, déclaration accompagnée d'un certificat médical initial du 4 février 2014 mentionnant : « tendinite épicondylienne droite du coude avec calcification ».

Mme [N] a bénéficié d'un arrêt de travail jusqu'au 16 février 2014.

Après enquête administrative, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne (la caisse, la CPAM) a pris en charge, le 13 août 2014, ladite maladie au titre de la législation sur les risques professionnels, tableau n° 57 des maladies professionnelles.

Le 27 mai 2015, la société [5] (la société) a saisi la commission de recours amiable en contestation de cette décision, laquelle a rejeté son recours le 20 juillet 2015.

Par requête reçue au greffe le 29 juillet 2015, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire, aux fins de contestation de l'imputabilité des soins et arrêts de travail à la maladie professionnelle déclarée.

L'état de santé de Mme [N] a été déclaré consolidé au 10 novembre 2016.

Par jugement du 9 juillet 2021, le tribunal :

- rejette la demande d'expertise médicale judiciaire formée par la société, et toutes autres demandes subséquentes,

- déclare opposable à la société la décision de prise en charge par la caisse des arrêts de travail et soins prescrits du 4 février 2014 au 14 novembre 2016 à Mme [N] consécutivement à la maladie professionnelle déclarée le 20 mars 2014,

- dit que la procédure est sans frais pour les recours introduits avant le 1er janvier 2019.

Par déclaration enregistrée le 30 juillet 2021, la société a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions reçues au greffe le 24 décembre 2021 puis le 29 janvier 2024 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- ordonner avant dire-droit une expertise médicale judiciaire sur pièces, le cas échéant, aux frais qu'elle avancera, sur l'origine et l'imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail indemnisés par la caisse au titre de la maladie professionnelle de Mme [N],

Dans ce cadre,

* choisir l'expert sur l'une des listes dressées en application de l'article 2 de la loi n°71-498 du 29 juin 1971 ou, à défaut, parmi les médecins spécialistes ou compétents pour l'affection considérée,

* impartir des délais aux parties et au technicien pour la communication de leurs pièces et le dépôt de ses rapports (pré-rapport et rapport définitif),

* demander à l'expert :

- de prendre connaissance des pièces qui lui auront été communiquées par les parties,

- de tirer toutes les conséquences d'un défaut de transmission du rapport médical par l'organisme de sécurité sociale et/ou le service médical lui étant rattaché,

- de rechercher l'existence d'une cause étrangère au travail, d'un état pathologique préexistant ou d'une pathologie intercurrente à l'origine des faits ayant fait l'objet de la déclaration d'accident du travail,

- d'éclairer la cour sur la durée de l'arrêt de travail imputable à la maladie professionnelle de Mme [N],

* rappeler qu'en vertu du principe du contradictoire, l'expert devra associer les parties aux opérations d'expertise en leur permettant de lui adresser des observations après leur avoir notifié un pré-rapport,

* ordonner au technicien commis de notifier son rapport écrit à l'employeur en application des dispositions de l'article R. 142-16-4 du code de la sécurité sociale,

- statuer sur le fond du litige à l'issue de la mesure d'instruction,

- réserver les dépens de l'instance.

Par ses dernières écritures reçues au greffe le 13 mars 2023 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, la CPAM demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- débouter la société des fins de son recours.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR L'IMPUTABILITE DES SOINS ET ARRETS DE TRAVAIL A LA MALADIE PROFESSIONNELLE DECLAREE

La société soutient que toutes les lésions, soins et arrêts de travail de Mme [N] ne sont pas imputables à sa maladie professionnelle et résultent d'une cause totalement étrangère au travail.

En réponse, la caisse se prévaut de la présomption d'imputabilité et prétend que la société ne la renverse pas en prouvant l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ou l'existence d'une pathologie préexistante évoluant pour son propre compte.

En application des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée, ou travaillant à quelque titre que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Il découle de ce texte que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

La présomption ne fait pas obstacle à ce que l'employeur conteste l'imputabilité à l'accident du travail ou la maladie professionnelle initialement reconnu de tout ou partie des soins et arrêts de travail pris en charge ultérieurement par la caisse primaire d'assurance maladie, mais lui impose alors de rapporter, par tous moyens, la preuve de l'absence de lien de causalité, c'est-à-dire d'établir que les arrêts de travail et les soins prescrits en conséquence de l'accident résultent d'une cause totalement étrangère au travail.

Une mesure d'expertise n'a donc lieu d'être ordonnée que si l'employeur apporte des éléments de nature à laisser présumer l'existence d'une cause étrangère qui serait à l'origine exclusive des arrêts de travail contestés et, en tout état de cause, elle n'a pas vocation à pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.

Il doit être en outre rappelé que le lien de causalité qui résulte de la présomption subsiste quand bien même l'accident ou la maladie aurait seulement précipité l'évolution ou l'aggravation d'un état pathologique antérieur qui n'entraînait jusqu'alors aucune incapacité.

Enfin, la référence au caractère disproportionné entre la longueur des arrêts de travail et la lésion constatée n'est pas de nature à établir de manière suffisante l'existence d'un litige d'ordre médical, eu égard aux éléments qui précèdent.

En l'espèce, la déclaration de maladie professionnelle souscrite le 10 mars 2014 mentionne que Mme [N] est atteinte d'une tendinite épicondylienne du coude droit.

La caisse produit le certificat médical initial, daté du 4 février 2014, faisant état d'une « tendinite épicondylienne droite du coude avec calcification » et prescrivant un arrêt jusqu'au 16 février 2014, ainsi que les certificats de prolongations jusqu'au 14 novembre 2016 mentionnant le même siège de lésion.

La présomption d'imputabilité des soins et arrêts de travail à la maladie professionnelle déclarée a donc vocation à s'appliquer.

Il appartient, dès lors, à la société d'établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail ou, pour fonder sa demande d'expertise, de justifier d'éléments suffisamment sérieux le laissant présumer.

A cet effet, la société [5] indique que la durée des soins et arrêts dont a bénéficié Mme [N] est disproportionnée et produit les avis médicaux en ce sens de son médecin-conseil, le docteur [O] dont elle considère qu'ils constituent un commencement de preuve de ses allégations. Elle ajoute que l'état interférent (calcification) présenté par Mme [N] et son état de santé chronicisé à 2 mois sont autant d'éléments en faveur d'un état antérieur à l'origine, au moins partiellement, des soins et arrêts de travail prescrits.

Or, ces éléments ne permettent pas de laisser présumer l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte ni d'une cause totalement étrangère au travail. Le fait que le docteur [O] évoque un état pathologique chronique est sans emport puisque que l'existence d'un état pathologique préexistant ne permet pas, en tant que telle, d'écarter la présomption d'imputabilité au travail dès lors que cet état a été aggravé ou décompensé par la maladie professionnelle.

La cour rappelle également que la référence au caractère disproportionné entre la longueur des arrêts de travail et la lésion constatée n'est pas de nature à établir de manière suffisante l'existence d'un litige d'ordre médical.

En conséquence, en l'absence d'argument médical suffisamment sérieux en faveur d'une cause totalement étrangère au travail ou de l'existence d'une pathologie préexistante évoluant pour son propre compte, il n'y a pas lieu de recourir à une mesure d'expertise.

La société ne renversant pas la présomption d'imputabilité, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il rejette la demande d'expertise médicale et toutes autres demandes subséquentes de la société, et en ce qu'il lui déclare opposable la décision de prise en charge, par la caisse, des arrêts de travail et soins prescrits à Mme [N] du 4 février 2014 au 14 novembre 2016 consécutivement à la maladie professionnelle déclarée le 20 mars 2014.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La décision attaquée sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens.

L'abrogation, au 1er janvier 2019, de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale a mis fin à la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale. Pour autant, pour les procédures introduites avant le 1er janvier 2019, le principe de gratuité demeure. En l'espèce, la procédure ayant été introduite le 29 juillet 2015, il n'y avait pas lieu de statuer sur les dépens.

Succombant, la société sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en celles relatives aux dépens,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens de première instance,

Condamne la société [5] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 21/06356
Date de la décision : 12/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-12;21.06356 ?
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