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12/03/2024 | FRANCE | N°21/06160

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 12 mars 2024, 21/06160


AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE





RAPPORTEUR





R.G : N° RG 21/06160 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NYWK





CPAM DU RHONE



C/

[O]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 25 Juin 2021

RG : 18/02267















































AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS



COUR D'AP

PEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 12 MARS 2024











APPELANTE :



CPAM DU RHONE

Service contentieux général

[Localité 3]



représenté par Mme [L] [W] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général





INTIME :



[X] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représen...

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 21/06160 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NYWK

CPAM DU RHONE

C/

[O]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 25 Juin 2021

RG : 18/02267

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 12 MARS 2024

APPELANTE :

CPAM DU RHONE

Service contentieux général

[Localité 3]

représenté par Mme [L] [W] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général

INTIME :

[X] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Clémence RICHARD, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Février 2024

Présidée par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Anais MAYOUD, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente

- Anne BRUNNER, conseillère

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Magistrate, et par Anais MAYOUD, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Le 10 juillet 2017, la société [4] (la société) a établi une déclaration d'accident du travail survenu le 6 juillet 2017 à 00h00, au préjudice de son salarié, M. [O], dans les circonstances suivantes : « inconnue », déclaration assortie de réserves de l'employeur et accompagnée d'un certificat médical initial établi le 6 juillet 2017 par le docteur [Y], faisant état d'un « burnout, syndrome anxio-dépressif, céphalées ».

Après enquête administrative, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône (la caisse, la CPAM) a refusé, le 25 septembre 2017, de prendre en charge ledit accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

M. [O] a saisi, sur contestation, la commission de recours amiable qui, par décision du 4 juillet 2018, a rejeté sa demande.

Le 15 octobre 2018, M. [O] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire, en contestation de la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par jugement du 25 juin 2021, le tribunal :

- déclare recevable le recours de M. [O] en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 6 juillet 2017,

- dit que M. [O] a été victime d'un accident du travail le 6 juillet 2017 et que les lésions psychologiques constatées par certificat médical initial du 6 juillet 2017 doivent être prises en charge au titre de la législation professionnelle,

- renvoie M. [O] devant la caisse pour la liquidation de ses droits,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamne la caisse à payer à M. [O] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance exposés à compter du 1er janvier 2019.

Par déclaration enregistrée le 26 juillet 2021, la CPAM a relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions reçues au greffe le 4 janvier 2023 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- dire et juger qu'il n'existe pas de preuve de la matérialité d'un accident du travail survenu le 6 juillet 2017 aux temps et lieu du travail déclaré comme à l'origine des lésions constatées le même jour,

- rejeter toute autre demande comme non fondée.

Par ses dernières écritures reçues au greffe le 12 janvier 2024 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, M. [O] demande à la cour de :

- confirmer le jugement dans l'intégralité de ses dispositions,

En conséquence,

- juger le caractère régulier et bien fondé son recours,

- juger que l'accident dont il a été victime le 6 juillet 2017 remplit les conditions permettant une prise en charge dans le cadre de la législation relative aux risques professionnels,

- reconnaître, en conséquence, le caractère professionnel de l'accident dont il a été victime le 6 juillet 2017,

- juger le caractère infondé de la décision de refus rendue par la caisse en date du 25 septembre 2017,

- juger le caractère infondé de la décision de rejet de la commission de recours amiable de la caisse en date du 9 juillet 2018,

Par conséquent,

- annuler la décision de refus rendue par la caisse en date du 25 septembre 2017,

- annuler la décision de rejet de la commission de recours amiable de la caisse en date du 9 juillet 2018,

- dire et juger que son accident du 6 juillet 2017 présente un caractère professionnel,

- ordonner la prise en charge dans le cadre de législation relative aux risques professionnels de l'accident dont il a été victime et de déterminer si son accident du 6 juillet 2017 a eu lieu par le fait ou à l'occasion du travail,

A titre subsidiaire,

- désigner tel expert qu'il plaira à la cour, qui pourra se faire assister par tout sapiteur spécialisé, ayant pour mission de l'examiner et de déterminer si son accident du 6 juillet 2017 a eu lieu par le fait ou à l'occasion du travail,

En tout état de cause,

- condamner la caisse au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LE CARACTERE PROFESSIONNEL DE L'ACCIDENT DECLARE

Au soutien de son recours, la CPAM se prévaut de l'absence de fait accidentel soudain « ou anormal ». Elle expose qu'il n'existe pas de circonstances liées à l'envoi et à la prise de connaissance par M. [O] de la lettre de convocation qui permettraient de retenir une qualification d'accident du travail ; que l'attestation de Mme [B], épouse de M. [O], n'a aucune valeur probatoire du fait de leur lien affectif avéré ; qu'en outre, le médecin consulté le jour des faits a décrit les lésions sans élément clinique visant à caractériser la survenue d'un malaise ou d'une syncope ; qu'enfin, les lésions de « burn-out » et de « syndrome anxio-dépressif » s'apparentent à des lésions qui évoluent de façon lente et progressive et ne constituent pas des lésions d'apparition soudaine et brutale aux temps et lieu du travail. Elle souligne que M. [O] avait déjà dénoncé par le passé des conditions de travail délétères (surcharge importante de travail, exigences grandissantes des clients et de la hiérarchie, objectifs irréalisables, ').

En réponse, M. [O] fait valoir que le fait générateur de son accident consiste en la prise de connaissance de la lettre de convocation à entretien disciplinaire qui a déclenché un malaise dont a été témoin son épouse. Il ajoute avoir consulté un médecin immédiatement après les faits et en avoir informé son employeur le matin même. Il estime devoir ainsi bénéficier de la présomption d'imputabilité au travail de son accident.

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle.

En application de ce texte, l'accident qui s'est produit au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail.

Celui qui déclare avoir été victime d'un accident du travail doit établir autrement que par ses simples affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel. Il lui appartient dès lors de rapporter la preuve de la réalité de la lésion ainsi que sa survenance au lieu et au temps du travail, c'est-à-dire celui au cours duquel le salarié se trouve soumis au contrôle et à l'autorité du chef d'entreprise. Toutefois, cette absence de témoins ne peut faire obstacle à la reconnaissance d'un accident du travail dès lors qu'un ensemble de présomptions graves et concordantes permet de corroborer, par des éléments objectifs, les déclarations de la victime ou si les circonstances peuvent expliquer cette absence de témoins et que des éléments de preuve sont apportés.

Il revient ensuite à l'employeur ou la caisse qui entend contester la présomption légale d'imputabilité de prouver l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ou que l'assuré n'était pas, au moment de l'accident, sous l'autorité de l'employeur.

Ici, M. [O] a déclaré avoir été victime d'un malaise suite à la réception, le 6 juillet 2017, d'une lettre de convocation à entretien disciplinaire.

L'employeur a exprimé les réserves suivantes :

« M. [O] est salarié de notre entreprise depuis le 24 mars 2014. Il exerce les fonctions de responsable régional des ventes, et est à ce titre salarié itinérant, au forfait-jours, et autonome dans l'organisation de son travail.

Le 4 juillet 2017, il a été convoqué à un entretien préalable par courrier recommandé, pour un entretien qui est planifié le 12 juillet prochain. Le 6 juillet 2017, son épouse nous a envoyé un mail dans lequel elle écrit que M. [O] était « arrêté pour des raisons de santé jusqu'au 14 juillet » (voir copie du mail ci-joint). Le 10 juillet 2017, nous avons reçu un certificat d'arrêt de travail pour accident du travail.

Or, il s'avère que M. [O] ne nous a transmis aucune information concernant un accident de travail dont il aurait été victime, ni à son responsable hiérarchique, ni au service RH, ni à notre ingénieur prévention du site dont il dépend, et ni à un élu du CHSCT.

Nous portons donc de très vives réserves sur la matérialité de l'accident du travail déclaré par M. [O], puisque nous n'avons aucune information sur ce qui se serait passé ».

Il est acquis aux débats que M. [O] a reçu, le 6 juillet 2017, une lettre de convocation à entretien préalable et qu'il a consulté le jour-même un médecin ayant constaté des lésions de nature psychologique. Dans une attestation sur l'honneur, Mme [B] déclare que M. [O], à la lecture du courrier qu'elle venait de lui remettre, s'est « violemment écroulé au sol, manifestement victime d'une violente syncope » (pièce n°6 de la caisse) et qu'elle lui a porté les premiers secours avant d'appeler le médecin et de l'y emmener immédiatement. L'absence d'autre témoin ne peut ici faire obstacle à la reconnaissance d'un accident du travail dès lors que la lettre reçue au domicile du salarié était relative au travail de ce dernier, que cet événement précis et daté est corroboré par un élément objectif, à savoir la réception d'une lettre de convocation à entretien préalable, par le certificat médical établi le même jour et par la nature des séquelles médicalement constatées.

Ainsi, la réception dudit courrier informant le salarié d'une éventuelle sanction disciplinaire constitue un fait précis et soudain survenu par le fait du travail. Il constitue par ailleurs le fait générateur de l'état émotionnel dont a été victime M. [O], constaté médicalement le jour-même déclarés (tremblements, palpitations, céphalées, douleurs abdominales évoquant une crise d'angoisse). Il n'est pas nécessaire de prouver l'existence de conditions anormales de la remise de cette information pour caractériser un accident du travail, étant au surplus constant que l'aggravation d'un état pathologique antérieur n'occasionnant auparavant aucune incapacité doit être indemnisée en sa totalité au titre de l'accident du travail.

La présomption d'imputabilité trouve donc à s'appliquer. Or, la caisse ne justifie d'aucune cause totalement étrangère au travail.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que M. [O] avait été victime d'un accident du travail le 6 juillet 2017 et que les lésions psychologiques constatées par certificat médical initial du 6 juillet 2017 devaient être prises en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

M. [O] sera en revanche débouté de ses demandes visant à voir annuler la décision de refus rendue par la caisse du 25 septembre 2017 et celle de rejet de la commission de recours amiable de la caisse du 9 juillet 2018, le juge du contentieux de la sécurité sociale étant juge du litige qui lui est déféré et non pas de la décision administrative concernée.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile mais infirmée en celles relatives aux dépens.

L'abrogation, au 1er janvier 2019, de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale a mis fin à la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale. Pour autant, pour les procédures introduites avant le 1er janvier 2019, le principe de gratuité demeure. En l'espèce, la procédure ayant été introduite le 15 octobre 2018, il n'y avait pas lieu de statuer sur les dépens.

Succombant, la caisse supportera les dépens d'appel et une indemnité au visa de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement, sauf en ses dispositions relatives aux dépens,

Statuant à nouveau de ce seul chef et y ajoutant,

Rejette les demandes en nullité de M. [O],

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône à verser complémentairement en cause d'appel à M. [O] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens de première instance,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 21/06160
Date de la décision : 12/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-12;21.06160 ?
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