N°RG 24/01906 - N°Portalis DBVX-V-B7I-PQPQ
Nom du ressortissant :
[P] [Y]
[Y] C/
PREFETE DU RHÔNE
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 07 MARS 2024
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Marianne LA MESTA, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 4 janvier 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assistée de Charlotte COMBAL, greffière,
En l'absence du ministère public,
En audience publique du 07 Mars 2024 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
M. [P] [Y]
né le 08 Octobre 1993 à [Localité 3]
de nationalité Algérienne
Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [5]
comparant à l'audience assisté de Maître Morgan BESCOU, avocat au barreau de LYON, choisi et avec le concours de [Z] [O], interprète assermenté en langue arabe, experte près la cour d'appel de LYON
ET
INTIMEE :
MME LA PREFETE DU RHÔNE
[Adresse 1]
[Localité 2]
non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Eddy PERRIN, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON
Avons mis l'affaire en délibéré au 07 Mars 2024 à 19 heures 45 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Une décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et assortie d'une interdiction de retour pendant une durée de 18 mois a été prise et notifiée le 15 février 2023 à [P] [Y] par la préfète du Rhône.
Le 3 mars 2024, l'autorité administrative a ordonné le placement d'[P] [Y] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour l'exécution de la mesure d'éloignement précitée.
Suivant requête du 4 mars 2024, enregistrée à cette date à 14 heures 54 par le greffe, la préfète du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention d'[P] [Y] pour une durée de vingt-huit jours.
Par requête reçue au greffe le même jour à 16 heures 39, [P] [Y] a contesté la régularité de la décision de placement en rétention administrative.
Dans la perspective de l'audience, son conseil a également déposé des conclusions aux fins de remise en liberté, en soulevant des moyens tenant à l'irrégularité de la procédure pénale antérieure à la décision de placement en rétention.
Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 5 mars 2024 à 17 heures 17, a pris acte de l'abandon du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué et de celui tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté de placement en rétention administrative et a :
- ordonné la jonction des procédures,
- déclaré recevable la requête d'[P] [Y],
- déclaré régulière la décision prononcée à l'encontre d'[P] [Y],
- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,
- déclaré régulière la procédure diligentée à l'encontre d'[P] [Y],
- ordonné la prolongation de la rétention d'[P] [Y] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 4] pour une durée de vingt-huit jours.
Le conseil d'[P] [Y] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration reçue au greffe le 6 mars 2024 à 11 heures 07, en excipant de l'irrégularité de la procédure antérieure au placement en rétention en raison, d'une part de la nullité, ou à tout le moins du défaut de force probante, du procès-verbal de notification de garde à vue, du fait de l'absence de signature de l'officier de police judiciaire, d'autre part du caractère irrégulier de la consultation du FAED.
Le conseil d'[P] [Y] sollicite en conséquence l'infirmation de l'ordonnance déférée et la remise en liberté.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 7 mars 2024 à 10 heures 30.
[P] [Y] a comparu, assisté de son avocat et d'une interprète en langue arabe.
Le conseil d'[P] [Y] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel.
La préfète du Rhône, représentée par son conseil, a sollicité la confirmation de l'ordonnance déférée.
[P] [Y], qui a eu la parole en dernier, indique ne pas souhaiter rester au centre de rétention administrative et n'avoir rien à rajouter.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel d'[P] [Y], relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), doit être déclaré recevable.
Sur le moyen pris de l'irrégularité du procès-verbal de notification de garde à vue
Dans sa requête d'appel, le conseil d'[P] [Y] soutient, au visa de l'article 429 du code de procédure pénale, la nullité du procès-verbal de notification de garde à vue à raison de son absence de signature par un officier de police judiciaire, en relevant que ce procès-verbal n'a pas été établi en utilisant le procédé de la signature électronique et en application de l'article D. 598-3 du même code. Il prétend que ce procès-verbal est nul et de nul effet et à tout le moins se trouve dépourvu de toute force probante.
Il ajoute que cette irrégularité du procès-verbal de notification de la garde à vue fait grief, en ce qu'elle ne permet pas de s'assurer de la notification à l'intéressé des droits qui lui sont afférents dans une langue comprise par [P] [Y], ni même de s'assurer du moment où cette notification est intervenue comme de celui où l'information a été donnée au procureur de la République.
Il a été relevé à bon droit par le conseil de l'autorité administrative que le juge des libertés et de la détention était en l'espèce uniquement chargé de vérifier l'absence d'atteinte substantielle aux droits de la personne placée en rétention administrative telle que définie par l'article L. 743-12 du CESEDA et ne pouvait motiver l'absence de maintien de la rétention administrative d'[P] [Y] qu'en retenant la caractérisation d'une telle atteinte.
L'irrégularité de forme relevée par le conseil d'[P] [Y] n'a pas été contestée par le conseil de la préfecture.
Le juge des libertés et de la détention ne peut toutefois être approuvé, en ce qu'il a retenu l'application des articles 801-1 et D 589-3 du code de procédure pénale, car aucune des mentions du procès-verbal litigieux ne renvoie à l'utilisation et à la mise en oeuvre d'une signature électronique.
L'absence de signature manuscrite de l'officier de police judiciaire n'est cependant pas de nature à priver de toute existence le contenu du procès-verbal, étant rappelé que le juge des libertés et de la détention n'a pas à statuer sur sa nullité éventuelle, mais uniquement sur les atteintes aux droits de la personne placée en garde à vue.
Or, la lecture des autres pièces de la procédure, dont la régularité n'est pas critiquée par le conseil d'[P] [Y], et en particulier celle du procès-verbal d'interpellation ainsi que du procès-verbal de fin de garde à vue, permet d'établir que celui-ci a bien été présenté à un officier de police judiciaire immédiatement après son transport au commissariat après son interpellation à 17 heures 55, tandis que le procès-verbal de notification de fin de garde à vue signé tant par l'officier de police judiciaire que par [P] [Y] et par l'interprète en langue arabe qui l'a assisté tout au long de la procédure rappelle expressément l'heure à laquelle il a été placé en garde à vue, à savoir 18 heures 05 qui est bien la même que celle indiquée dans le procès-verbal litigieux. Ce dernier procès-verbal spécifie également qu'il a été informé de ses droits dès le début de la garde à vue et n'a pas souhaité les exercer.
Il ressort également des autres procès-verbaux que le procureur de la République a été tenu informé de la mesure de garde à vue et il n'est d'ailleurs pas argué d'un défaut d'information ou même d'une tardiveté de ladite information.
Il en résulte que l'analyse de l'ensemble des pièces présentes au dossier de la procédure permettaient au juge des libertés et de la détention d'exercer pleinement sa mission de contrôle et il n'est en outre pas établi que l'irrégularité soulevée ait conduit à une atteinte substantielle aux droits d'[P] [Y].
Ce moyen d'irrégularité devait donc être rejeté pour les motifs qui viennent d'être pris.
Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du fichier FAED
Le conseil d'[P] [Y] fait valoir que la demande de consultation du FAED a uniquement été formulée par un agent de police judiciaire et sans que ce dernier indique avoir agi à la demande d'un officier de police judiciaire, donc hors du cadre posé par l'article 8-1 du décret du 8 avril 1987 qui prévoit que seul un officier de police judiciaire peut demander la consultation du FAED et recevoir le rapport de consultation. Il estime que s'agissant d'une nullité d'ordre public, [P] [Y] n'a pas à justifier d'un grief.
L'article 8-1 du décret n°87-249 du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisée des empreintes digitales (FAED) prévoit que :
I.-Les officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale et les agents des douanes mentionnés à l'article précédent sont destinataires des résultats des opérations d'identification dont ils ont demandé la réalisation en vue des finalités définies à l'article 1er dans le cadre et pour les besoins exclusifs des procédures judiciaires dont ils sont saisis.
II.-Les officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale sont destinataires des résultats des opérations d'identification dont ils ont demandé la réalisation à raison de leurs attributions, dans le cadre et pour les besoins exclusifs :
1° Des recherches aux fins d'identification des personnes décédées effectuées en application des articles L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales et 87 du code civil et du décret n° 2012-125 du 30 janvier 2012 relatif à la procédure extrajudiciaire d'identification des personnes décédées ;
2° Des procédures d'identification prévues aux articles L. 611-1-1 , L. 611-3 et L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont ils sont saisis ;
3° Des mesures de vérification d'identité de l' article 78-3 du code de procédure pénale.
En l'espèce, l'examen des pièces de la procédure fait apparaître que la consultation du fichier FAED a été réalisée par un agent spécialement habilité, ainsi qu'il ressort des mentions figurant sur la première page du rapport d'identification (nom et numéro de signalisation), ce qui n'est d'ailleurs pas discuté par le conseil d'[P] [Y].
Il convient pour le surplus d'adopter les motifs pertinents du premier juge qui a considéré que les résultats de la consultation de ce fichier FAED ont été valablement adressés à un officier de police judiciaire conformément au texte précité, puisque tous les actes d'une procédure de garde à vue sont nécessairement contrôlés par un officier de police judiciaire, seul responsable de cette mesure en vertu des articles 63 et suivants du code de procédure pénale.
Ce moyen d'irrégularité sera donc lui-aussi écarté.
Le conseil d'[P] [Y] ayant renoncé aux autres moyens soulevés devant le juge des libertés et de la détention, l'ordonnance entreprise est confirmée dans son intégralité.
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable l'appel formé par [P] [Y],
Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.
La greffière, Le conseiller délégué,
Charlotte COMBAL Marianne LA MESTA