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07/03/2024 | FRANCE | N°21/06073

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 07 mars 2024, 21/06073


N° RG 21/06073 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NYPE









Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE du 26 mai 2021



RG : 2020j00208







S.A.R.L. LE MOULIN



C/



S.A.R.L. SOCIETE D'EXPLOITATION [J] RIFFAT





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 07 Mars 2024







APPELANTE :



S.A.R.L. LE MOULIN au capital de 30.000 â

‚¬, RCS SAINT-ETIENNE n° 797 557 881, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Pierre BERGER de la SELARL LEXFACE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, su...

N° RG 21/06073 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NYPE

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE du 26 mai 2021

RG : 2020j00208

S.A.R.L. LE MOULIN

C/

S.A.R.L. SOCIETE D'EXPLOITATION [J] RIFFAT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 07 Mars 2024

APPELANTE :

S.A.R.L. LE MOULIN au capital de 30.000 €, RCS SAINT-ETIENNE n° 797 557 881, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Pierre BERGER de la SELARL LEXFACE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, substitué par Me PALLEY, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMEE :

S.A.R.L. SOCIETE D'EXPLOITATION [J] RIFFAT au capital de 8.000 €, inscrite au RCS de SAINT ETIENNE sous le n° 348 639 881, prise en la personne de son liquidateur amiable Madame [T] [J] demeurant [Adresse 1], suite à publication de la dissolution au BODACC le 5 septembre 2017

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Etienne AVRIL de la SELARL BOST-AVRIL, avocat au barreau de LYON, toque : 33

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 27 Septembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Janvier 2024

Date de mise à disposition : 07 Mars 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffièreet en présence de Maylis MENEC, greffière stagiaire

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [K] [E], gérant de la société La Pinatelle (qui deviendra la SARL Le Moulin), a été informé de la mise en vente du fonds de commerce de restauration de la SARL société d'Exploitation [J] Riffat (ci-après la société [J] Riffat) ainsi que de l'ensemble immobilier abritant ledit restaurant. Ce restaurant est situé à proximité du pont du [Localité 5] qui permet de relier la ville d'[Localité 6] avec les villages de [Localité 2] et [Localité 3].

Le 26 janvier 2017, un compromis de vente portant sur l'acquisition de plusieurs bâtiments à usage d'habitation, de dépôt et de restauration a été signé entre d'une part, la SCI du Nouveau Pont et les consorts [J], et d'autre part, M. [E] moyennant le règlement d'une somme de 550.000 euros. Le même jour, un compromis de vente portant sur le fonds de commerce a été signé entre la société Pinatelle et la société [J] Riffat moyennant le règlement d'une somme de 200.000 euros. La réitération des actes est intervenue le 6 avril 2017 et l'entrée en jouissance a été fixée rétroactivement au 31 mars 2017.

Entre le 17 juillet 2017 et le 3 juillet 2019, le pont du [Localité 5] a fait l'objet de travaux importants emportant notamment des restrictions de circulation. La société Le Moulin estime avoir subi une baisse d'activité liée directement à ces travaux.

Par courrier recommandé du 20 novembre 2019, la société Le Moulin a mis en demeure Mme [J] épouse [C], en sa qualité de liquidateur amiable de la société d'Exploitation [J] Riffat, de l'indemniser à hauteur de 159.931 euros au titre de la réduction du prix de vente du fonds de commerce.

Par courrier officiel du 17 janvier 2020, la société [J] Riffat s'est opposée à cette demande et a sollicité le règlement au prorata de la cotisation foncière des entreprises (CFE) d'un montant de 1.641 euros.

Par acte du 25 mai 2020, la société Le Moulin a assigné la société d'Exploitation [J] Riffat devant le tribunal de commerce de Saint-Étienne afin notamment de voir juger que la société d'Exploitation [J] Riffat a commis une réticence dolosive en s'abstenant de porter à sa connaissance les travaux du pont du [Localité 5] et d'obtenir la somme de 159.931 euros HT à titre de dommages-intérêts.

Par jugement contradictoire du 26 mai 2021, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a :

dit que la société d'Exploitation [J] Riffat n'a pas commis une réticence dolosive à l'égard de la société Le Moulin lors de la cession du fonds de commerce le 6 avril 2021,

débouté la société Le Moulin de sa demande de dommages-intérêts,

condamné la société Le Moulin à payer à la société d'Exploitation [J] Riffat la somme de 1.641 euros au titre de la cotisation foncière des entreprises,

condamné la société d'Exploitation [J] Riffat prise en la personne de son liquidateur amiable, Mme [J], à payer à la société Le Moulin la somme de 1.900 euros au titre de la valeur des immobilisations restées en sa possession,

condamné la société Le Moulin à payer à la société d'Exploitation [J] Riffat la somme de 1.900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens seront supportés à parts égales par la société Le Moulin et la société d'Exploitation [J] Riffat,

dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de ce jugement,

débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société Le Moulin a interjeté appel par acte du 21 juillet 2021.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 9 mai 2022 fondées sur les articles 1137 et suivants, 1112-1 et 1240 du code civil, la société Le Moulin a demandé à la cour de :

infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

juger que la société d'Exploitation [J] Riffat a commis une réticence dolosive à son égard lors de la cession du fonds de commerce le 6 avril 2017 en s'abstenant volontairement de porter à sa connaissance un élément déterminant de son consentement, en l'espèce, les travaux du Pont du [Localité 5] sur une durée très longue et impactant très fortement les conditions de circulation sur ledit pont,

en conséquence,

condamner la société d'Exploitation [J] Riffat prise en la personne de son liquidateur, Mme [J] à lui payer une somme de 159.931 euros HT à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi,

condamner la société d'Exploitation [J] Riffat prise en la personne de son liquidateur, Mme [J], à lui payer une somme de 17.768,48 euros au titre de la valeur des immobilisations restées en sa possession,

en tout état de cause,

débouter la société d'Exploitation [J] Riffat de l'ensemble de ses demandes car non fondées,

la condamner à lui verser une somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamner aux entiers dépens de l'instance, comprenant ceux de première instance, avec droit de recouvrement.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 27 juin 2022 fondées sur les articles 1103, 1137 et 1240 du code civil et les articles L.141-1 et suivants du code de commerce, la société [J] Riffat, prise en la personne de son liquidateur amiable Mme [J], a demandé à la cour de :

confirmer le jugement en toutes ses dispositions, à l'exception de celle l'ayant condamné à verser 1.900 euros au titre de la valeur d'immobilisation restée en sa possession,

infirmer le jugement rendu sur ce seul point de valorisation des matériels à sa charge,

statuant à nouveau,

sur le dol et le manquement au devoir d'information,

juger qu'elle n'est responsable d'aucun dol par réticence quant à la dissimulation intentionnelle de travaux affectant le pont du [Localité 5], à proximité, la société Le Moulin, appelante, ne démontrant pas cette intentionnalité ni le caractère déterminant de cette information, ainsi que l'étendue exacte de cette information, notamment le début des travaux, leur durée, et leur ampleur,

juger que la société Le Moulin avait une obligation de renseignement sur l'environnement du fonds qu'elle envisageait d'acquérir,

juger que le préjudice allégué n'est pas justifié dans son principe et dans son quantum, n'ayant pas de lien direct avec la réticence dolosive invoquée et, au demeurant, avec une modification d'exploitation du fonds de commerce effectuée par le repreneur, d'autant que les chiffres d'affaires sont cohérents avec ceux pratiqués par le cédant, sans perte conséquente,

juger que le préjudice économique d'un tel dol, à le supposer avéré, ne peut être calculé que sur des gains raisonnables et non sur un prévisionnel, sans étude approfondie de marché, et de clientèle, en raison des modifications apportées à la structure du fonds et à son exploitation, sans analyse comptable ou expertale étayée,

la nécessité s'agissant d'une perte de chance, d'appliquer un coefficient à une éventuelle indemnisation,

en conséquence,

débouter la société Le Moulin de l'intégralité de ses fins, moyens, et prétentions,

sur les matériels dont il est demandé la contrepartie financière,

juger que ces matériels n'ont pas fait l'objet de reprise en l'absence de réclamation pendant près de trois ans et ces derniers n'ont plus aucune valeur comptable, leur valeur d'amortissement ayant largement été dépassée, avec une obsolescence manifeste,

infirmer le jugement comme indiqué précédemment sur ce seul point.

débouter la société Le Moulin de cette demande à son égard,

sur la CFE,

confirmer le jugement rendu sur ce point,

condamner la société Le Moulin à lui verser la somme de 1.641 euros, au titre du prorata de la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE), incontestée et réclamée depuis mars 2018,

en tout état de cause,

débouter la société Le Moulin de ses autres de frais demandes au titre des frais irrépétibles et dépens,

condamner enfin la société Le Moulin à lui verser la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles engagés, en sus de l'indemnité allouée en première instance, ainsi que des entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement pour ces derniers.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 septembre 2022, les débats étant fixés au 10 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'indemnisation pour perte d'exploitation formée par la société Le Moulin

Sur la qualification d'un dol ou d'une réticence dolosive

La société Le Moulin fait valoir que :

le cédant n'a pas respecté l'obligation mise à sa charge, de jurisprudence constante, d'informer le cessionnaire de tous les événements susceptibles d'affecter le bien dans un avenir proche,

tous les habitants impactés par la réhabilitation à venir du pont et des travaux à ce titre avaient connaissance de la situation, et le gérant de la société [J] Riffat avait connaissance de cela de même que les établissements ayant financé l'opération,

le cessionnaire n'avait pas pour obligation de se renseigner davantage sur la situation du pont alors qu'aucun indice ne laissait supposer la mise en 'uvre de travaux à délai bref,

le vendeur est redevable d'une obligation de bonne foi et d'information qui devait le mener à informer le cessionnaire, que l'information concernant la réhabilitation du pont soit publique ou non,

il n'existait aucun indice concernant l'existence des travaux à venir,

l'information concernant le début des travaux trois mois après la date de la vente ne pouvait qu'avoir un caractère déterminant quant au consentement donné, et ne pouvait qu'être connue par la gérante de l'intimée qui était concernée,

l'intimée disposait d'informations sur les travaux en raison de sa proximité géographique avec le pont, de ses liens avec la mairie et des informations transmises par cette dernière à ses administrés mais aussi à la presse,

le vendeur, dans l'article 13 de l'acte de cession, n'a pas signalé de situation particulière susceptible de diminuer ultérieurement et directement la valeur du fonds, de même qu'au titre de l'article 5 concernant la situation générale du fonds,

la mention des travaux aurait pu être inscrit dans l'acte de cession par une clause de déclaration du vendeur, et une acceptation de la situation par l'acquéreur,

l'action n'est pas prescrite et le délai entre la signature de l'acte de cession et l'assignation ne permet pas de démontre l'absence d'un dol.

La société [J] Riffat fait valoir que :

la lésion est inapplicable aux cessions de fonds de commerce,

l'appelante ne rapporte pas la preuve d'une dissimulation volontaire propre à constituer un dol,

l'appelante exploitait un autre fonds de commerce dans le même département et à proximité de celui acquis, et a reçu les mêmes informations par la presse locale que la clientèle et la gérante de l'intimée, concernant la mise en 'uvre de travaux sur le pont ;

lors de la signature du compromis et de sa réitération, la concluante ignorait les modalités d'aménagement de la voirie envisagée par le département de la Loire dans le cadre des travaux et leur date de début, cette date ayant été reportée à plusieurs reprises,

le devoir d'information du cédant est limité en raison de la qualité de professionnel du cessionnaire qui avait l'obligation de se renseigner quant au fonds qu'il entendait acquérir, et aurait pu interroger les autorités,

les travaux n'ont eu qu'un impact limité sur le fonctionnement du fonds de commerce, avec une fermeture partielle et temporaire du pont hors des horaires de dîner et de déjeuner, étant indiqué que les véhicules de commerce pouvaient circuler, ce qui constitue l'essentiel de la clientèle du fonds acquis,

le seul but de l'appelante est d'obtenir une indemnisation, qu'elle n' a pas obtenue du département, et ne demande pas la nullité du contrat de cession,

les articles 5 et 13 de l'acte de cession ne concernaient que le plan d'alignement et les sujétions d'exploitation du fonds à l'égard de la commune et n'ont pas été dénaturées sans compter qu'un certificat d'urbanisme transmis par la mairie n'a pas donné d'informations relatives aux travaux sur le pont par le département,

la société Le Moulin ne démontre pas le caractère déterminant de cette information quant à l'octroi de son consentement et ne démontre pas non plus le caractère insuffisant des informations reçues, ayant attendu plus de deux ans pour agir en justice,

le cessionnaire dispose d'un délai d'un an pour agir concernant les omissions relatives aux énonciations déterminantes citées par la Loi en cas de cession de fonds de commerce, et excluent les questions relatives à l'urbanisme,

l'absence de réaction immédiate de la prétendue victime d'un dol implique qu'aucun vice du consentement n'est intervenu, le contrat ayant été exécuté normalement,

le cédant n'est pas responsable des travaux d'aménagement envisagés par la SCI propriétaire des murs ni du bail commercial établi entre la société Le Moulin et la SCI, ces deux sociétés ayant le même dirigeant à savoir le gérant de l'appelante,

les travaux sont réputés aléatoires puisque l'appelante reconnaît qu'ils auraient dû débuter plus tardivement auquel cas elle n'aurait pas intenté d'action.

Sur ce,

L'article 1112-1 du code civil dispose : « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »

L'article 1137 du code civil dispose : « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »

La société Le Moulin entend faire reconnaître l'existence d'un dol ou d'une réticence dolosive de la part de la société [J] Riffat, dans le cadre de la cession du fonds de commerce sis à [Localité 2], [Adresse 4], à destination de restaurant.

Au préalable, il convient de rappeler que la cession du fonds de commerce est intervenue suivant acte du 6 avril 2017.

S'agissant des mentions propres à l'acte, notamment du contenu des articles 5 et 13 de l'acte.

L'article 5 indique avant tout l'état du fonds de commerce, et s'il fait l'objet de procédures particulières, notamment de procédures collectives ou si des procédures sont en cours concernant le fonds au plan prud'homal notamment.

Aucun élément relatif au lieu du fonds ou à des éléments extérieurs n' vocation à se trouver dans ce paragraphe, et la société appelante ne rapporte pas la preuve que dans cet article de l'acte devaient se trouver des éléments relatifs aux conditions de circulation pour accéder au fonds de commerce.

L'article 13 est relatif à l'urbanisme. Son contenu reprend les questions relatives à l'alignement avec la voirie.

Sur ce point, l'appelante ne rapporte pas la preuve que l'acte devait comprendre une information concernant des travaux relatifs aux routes ou voies d'accès au fonds de commerce objet de l'acte.

Dès lors, les moyens concernant le contenu de l'acte de commerce, tels que développés ne sont pas pertinents.

La société Le Moulin fait valoir que la société [J] Riffat aurait dû l'informer, à titre général de ce que des travaux devaient avoir lieu prochainement sur un pont situé à proximité, avec un risque d'impact sur son chiffre d'affaires et donc sur les revenus espérés suite à l'acquisition du fonds de commerce.

Il est à noter que les pièces versées par les parties, notamment l'intimée s'agissant du bulletin de la communauté de communes, avant juin 2017, ne donnent que des informations vagues concernant les travaux, leurs débuts, leurs modalités ou encore leur durée.

Ainsi, le bulletin de la communauté de communes indique la nécessité de travaux sur le pont à proximité du fonds de commerce dès septembre 2015 sans pour autant indiquer leur date, et il en va de même s'agissant du bulletin de septembre 2016.

Seul le bulletin de juin 2017 indique le calendrier des travaux, et les pièces suivantes, à savoir le bulletin de septembre 2017, mais aussi les coupures de presse indiquent que les travaux vont durer 18 mois.

Ainsi, à la date de cession du fonds de commerce, la société [J] Riffat n'était pas en possession d'informations claires quant à la date de mise en 'uvre des travaux et à leurs modalités. Cette information n'a été disponible de manière précise qu'en juin 2017, soit après l'acquisition du fonds.

Par ailleurs, la société Le Moulin ne démontre pas que l'existence de travaux sur la voirie menant au fonds de commerce était un élément déterminant de son consentement, aucun élément ne le faisant apparaître.

S'agissant de l'obligation d'information globale que l'appelante entend mettre à la charge de l'intimée, la société Le Moulin ne justifie pas de demandes particulières de sa part quant à cette question précise de l'accès au fonds de commerce et ne démontre pas en avoir fait un point particulier dans les discussions entre les parties.

Les différents bulletins de la communauté de communes montrent par ailleurs que l'accès au pont et la circulation sur celui-ci restaient possibles dans la journée, ce qui ne pouvait nuire à la société appelante.

S'agissant des périodes de fermetures, les documents versés aux débats par l'appelante démontrent que ces périodes n'étaient pas encore décidées lors de la période à laquelle la cession du fonds a eu lieu, et qu'en outre, elles se sont tenues sur des temps limités, voire de nuit et au mois d'août pour certaines, ce qui ne peut influer sur le consentement donné lors de la procédure de vente.

De fait, la société Le Moulin échoue à rapporter la preuve de l'existence d'un dol ou d'une réticence dolosive de la part de la société [J] Riffat dans le cadre de la cession du fonds de commerce.

Il n'y a donc pas lieu d'examiner la demande d'indemnisation présentée.

Dès lors, la décision déférée sera confirmée sur ce point.

Sur la demande d'indemnisation au titre des immobilisations restées en la possession de la société [J] Riffat

La société [J] Riffat fait valoir que :

l'appelante n'a jamais réclamé les matériels litigieux ni leur paiement depuis la cession jusqu'à l'assignation,

la société Le Moulin a connaissance du caractère obsolète des matériels concernés, qui sont amortis ou détruits et n'avaient pas à entrer dans le cadre de la cession de ce fait,

l'état des matériels n'a pas à être justifié, l'inventaire des immobilisations étant suffisant puisqu'il présente un enregistrement comptable pour le coût d'achat hors taxe et non la valeur à la date de cession, les valeurs des actifs maintenues étant erronées

l'appelante ne justifie d'aucun élément justificatif ou comparatif par rapport au prix du marché,

la société Le Moulin lui a demandé de débarrasser certains matériels lors de la réhabilitation des locaux.

La société Le Moulin fait valoir que :

l'intimée a conservé des matériels qui auraient dû être transmis puisque visés dans l'acte de cession de fonds de commerce au titre des immobilisations,

le matériel demeure fonctionnel et doit être remis même s'il est totalement amorti,

les demandes relatives au matériel ne sont pas prescrites,

la valorisation des matériels doit être fixée à la somme de 17.768,48 euros,

il est impossible de verser au débat un constat d'huissier concernant des matériels absents de ses locaux.

Sur ce,

Il n'est pas contesté que les matériels suivants :

Citroën Jumper

Chasse neige

Ronzy Fax

Copieur Rex Torary

Ronzy Info Maj,

faisaient partie des actifs immobilisés devant être transmis dans le cadre de la cession.

Ils doivent donc être remis à la société Le Moulin sans qu'aucune discussion ne soit possible puisque ces biens ont été acquis avec le fonds de commerce.

L'appelante sollicite toutefois une indemnisation pour la valeur initiale des actifs immobilisés. Or, il ressort des pièces versés aux débats que les actifs immobilisés ont été totalement amortis, et que s'ils demeurent au bilan pour leur valeur initiale, leur valeur vénale au terme de la période d'immobilisation est égale à zéro.

Dès lors, les premiers juges ne pouvaient pas décider d'une indemnisation au prorata, et il ne peut être fait droit non plus à une indemnisation pour la valeur initiale des biens.

En conséquence, il convient d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné Mme [J], en qualité de liquidateur amiable de la société [J] Riffat à payer à la société Le Moulin la somme de 1.900 euros.

La demande d'indemnisation de la société Le Moulin sera rejetée puisqu'elle ne peut prétendre qu'à une restitution du matériel et non à une indemnisation pour un prix que les biens en question n'ont plus.

Sur la demande au titre de la contribution foncière des entreprises

La société Le Moulin conteste être redevable de la somme réclamée, et a contestée la mise en demeure qui lui a été adressée pour un montant de 1.641 euros.

La société [J] Riffat fait valoir que :

l'article 6 de l'acte de cession a prévu que le cessionnaire devait acquitter la CFE au prorata du temps couru à compter de l'entrée en jouissance,

la demande en paiement a été adressée dès mars 2018, la somme restant due,

la demande n'a jamais été contestée ni dans son principe ni dans son quantum.

Sur ce,

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article 6-1 paragraphe 3 relatif aux conditions de la cession stipule que l'acquéreur s'engage à « acquitter à compter de son entrée en jouissance et pour la période postérieure au prorata du temps couru, la contribution foncière des entreprises (CFE) à laquelle le fonds peut et devra être assujetti, quand bien même cette contribution serait émise au nom du vendeur ».

Eu égard à ce qui précède, la société Le Moulin était bien redevable de la CFE dès son entrée dans les lieux et au prorata. Elle est liée par son engagement contractuel à ce titre.

C'est à bon droit que les premiers juges ont indiqué que la société Le Moulin devait supporter cette taxe pour un montant de 1.641 euros.

Il convient de confirmer la décision déférée sur ce point.

Sur les demandes accessoires

La société Le Moulin succombant en ses prétentions, elle sera condamnée à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.

L'équité commande d'accorder à la société [J] Riffat une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Le Moulin sera condamnée à lui verser à ce titre la somme de 4.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel

Confirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a condamné la SARL Société d'exploitation [J] Riffat prise en la personne de son liquidateur amiable, Mme [T] [J], à payer à la SARL Le Moulin, la somme de 1.900 euros, au titre des actifs immobilisés non remis,

Statuant à nouveau

Déboute la SARL Le Moulin de sa demande d'indemnisation au titre des actifs immobilisés non remis lors de la cession du fonds de commerce,

Y ajoutant

Condamne la SARL Le Moulin à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel,

Condamne la SARL Le Moulin à payer à la SARL Société d'exploitation [J] Riffat prise en la personne de son liquidateur amiable, Mme [T] [J] la somme de 4.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 21/06073
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;21.06073 ?
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