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07/03/2024 | FRANCE | N°20/04945

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 07 mars 2024, 20/04945


N° RG 20/04945 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NEN3









Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 10 septembre 2020



RG : 2018j00928







S.A.R.L. AUPERA



C/



Société DUCA





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 07 Mars 2024







APPELANTE :



S.A.R.L. AUPERA au capital de 14.940 €uros, immatriculée au Registre du

commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro B 440 068 617

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1102, postulant et ayant pour avocat plaid...

N° RG 20/04945 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NEN3

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 10 septembre 2020

RG : 2018j00928

S.A.R.L. AUPERA

C/

Société DUCA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 07 Mars 2024

APPELANTE :

S.A.R.L. AUPERA au capital de 14.940 €uros, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro B 440 068 617

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1102, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Laurent DIXSAUT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Société DUCA société privée à responsabilité limitée de droit belge au capital de 18.600 €, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de TOURNAI (BELGIQUE) sous le numéro d'entreprise 0837.098.320, prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1] (BELGIQUE)

Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Guillaume HERBET, avocat au barreau de LILLE

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 13 Septembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Janvier 2024

Date de mise à disposition : 07 Mars 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière et en présence de Maylis MENEC, greffière stagiaire.

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La société de droit belge Duca a acquis, en sa qualité de marchand de biens, un immeuble dénommé « Hôpital général de [Localité 4] ». Cette opération visait à la création de 161 logements et d'un hôtel. Les associations syndicales libres Résidence [Localité 3] et Hôtel [Localité 3] ont été créées à cette occasion.

La SARL Aupera a conclu avec les ASL Résidence [Localité 3] et Hôtel [Localité 3] un contrat de contractant général visant à la réhabilitation de l'ancien hôpital. Dans le cadre de l'exécution de ce contrat, la société Aupera a conclu un marché de réhabilitation avec différentes entreprises sous-traitantes.

Parallèlement, au mois de décembre 2014, les sociétés Aupera et Duca ont conclu un contrat de prestations de services. Ce contrat avait pour objet le contrôle de la conformité des travaux de l'hôtel en concordance avec l'exploitation attendue de celui-ci. Le montant de la rémunération de la société Duca était fixé à 2.000.000 d'euros HT avec un échéancier de paiements sur l'année 2015.

La société Duca a émis plusieurs factures. Elle estime être redevable de la somme de 1.351.524,78 euros. Par courriers recommandés des 21 décembre 2015 et 9 mars 2016, la société Duca a mis en demeure la société Aupera de s'acquitter de ces factures impayées.

Ces mises en demeure étant demeurées sans effet, la société Duca a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon. Par ordonnance du 28 mars 2018, le juge des référés a rejeté cette demande et a invité les parties à se pourvoir au fond. Par acte du 11 juin 2018 la société Duca a assigné la société Aupera devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par acte du 30 juillet 2019, la société Aupera a assigné la société Duca devant le tribunal de commerce de Valenciennes aux fins notamment de voir prononcer la résolution judiciaire du contrat de prestation de service et d'obtenir la somme de 800.000 euros HT en remboursement des montants versés au titre de la facture du 5 janvier 2015 et 5.779.548,34 euros TTC en réparation de son préjudice résultant de la résiliation du contrat. Ces demandes étaient identiques aux demandes reconventionnelles formées devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement contradictoire du 10 septembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

- dit irrecevables les demandes reconventionnelles de la société Aupera au visa de l'article 70 du code de procédure civile,

- condamné la société Aupera à verser à la société Duca la somme de 1.351.524,78 euros outre intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2016,

- débouté la société Aupera de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société Aupera à payer la somme de 3.000 euros à la société Duca en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Aupera a interjeté appel par acte du 16 septembre 2020.

Par jugement du 15 juin 2021, le tribunal de commerce de Valenciennes s'est dessaisit au profit du tribunal de commerce de Lyon et, de façon subséquente, la cour d'appel de Lyon. La cour d'appel de Lyon a prononcé la jonction entre l'instance transmise sur renvoi du tribunal de commerce de Valenciennes et l'instance principale.

***

Par conclusions n° 6 notifiées par voie dématérialisée le 9 mai 2022, la société Aupera demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 10 septembre 2020 en toutes ses dispositions,

et, statuant de nouveau :

avant-dire droit :

- faire injonction à la société Duca d'avoir sous astreinte de 1.000 euros par jour de non-faire une facturation conforme aux dispositions de l'article L. 441-3 du code de commerce ensemble la directive 2001/115/CE article 2b, entrée en vigueur le 6 février 2002, et transposée en particulier en droit belge par la loi du 28 janvier 2004 modifiant le code de la taxe sur la valeur ajoutée, et figurant au demeurant dans l'arrêté royal n° 1 du 29 décembre 1992 relatif aux mesures tendant à assurer le payement de la taxe sur la valeur ajoutée,

- désigner, si la cour l'estime utile à la manifestation de la vérité, tel technicien qu'il plaira à la cour avec pour mission :

convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,

se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

se rendre sur les lieux et en faire la description,

rassembler tous éléments permettant à la cour de procéder à une évaluation de la rémunération éventuellement due la société Duca à raison de l'exécution du contrat de prestations de services conclu avec elle (pièce Aupera n° 245) compte tenu notamment des caractéristiques du projet envisagé, du travail effectué par la société Duca et des usages de la profession,

rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties telles que décrites dans le corps des écritures des parties ainsi que des retards, manquements et inachèvements qui y sont mentionnés, et plus généralement rassembler tous éléments de nature à éclairer la cour sur les responsabilités encourues et les préjudices subis,

mettre, en temps utile, au terme des opérations d'expertise, les parties en mesure de faire valoir leurs observations, qui seront annexées au rapport,

fixer à tel montant qu'il plaira à la cour, le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui sera versé par elle entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal de céans,

à titre principal,

- débouter la société Duca de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

subsidiairement, dans l'hypothèse et par impossible d'une condamnation à son égard au titre des demandes principales de la société Duca,

- condamner la société Duca à lui verser la somme de 2.151.524,78 euros HT, à titre de dommages-intérêts au titre de sa responsabilité dans le cadre de l'exécution du contrat de prestations de services conclu avec elle, et ce avec intérêt au taux légal à compter du 9 février 2015 et anatocisme,

- ordonner le cas échéant la compensation entre les sommes dues réciproquement par elle et société Duca l'une à l'autre,

à titre reconventionnel s'agissant de l'instance enregistrée sous le numéro 20/04945 et à titre principal s'agissant de l'instance initialement enregistrée sous le numéro 21/07898,

- prononcer la résolution judiciaire du contrat de prestations de services du mois de décembre 2014 aux torts et griefs exclusifs de la société Duca,

- condamner la société Duca à lui verser la somme de 5.779.548,34 euros TTC en réparation de son préjudice du fait de la résiliation du marché conclu avec l'ASL Hôtel du Hainault, avec intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir et anatocisme,

- condamner la société Duca à lui verser la somme de 2.151.524,78 euros HT, à titre de dommages-intérêts au titre de sa responsabilité dans le cadre de l'exécution du contrat de prestations de services conclu avec elle, et ce avec intérêt au taux légal à compter du 9 février 2015 et anatocisme,

- condamner subsidiairement la société Duca à lui verser la somme de 800.000 euros HT, en remboursement des montants versés au titre de la facture n° 2015/001 du 5 janvier 2015, notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception dont il a été accusé réception le 9 janvier 2015, et ce avec intérêt au taux légal à compter du 9 février 2015 et anatocisme,

subsidiairement,

- condamner la société Duca à lui verser la somme de 5.778.970,39 euros TTC en réparation de son préjudice du fait de la perte d'une chance de ne pas voir résilier son marché, avec intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir et anatocisme,

très subsidiairement,

- dire la société Duca n'avoir droit à rémunération au titre du contrat de prestations de services qu'à hauteur de l'euro symbolique,

en tout état de cause,

- condamner la société Duca à lui verser la somme de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les dépens de l'instance seront supportés par la société Duca avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société Aupera fait valoir que :

- la société Duca devait faire apparaître sur la facture les mentions requises par l'article L. 441-3 du code de commerce, applicable en l'espèce, mais également par la directive 2001/115/CE transposée en droit belge par la loi du 28 janvier 2004 ; or, les factures établies ne comportaient aucun détail des prestations prétendument effectuées, ni la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors TVA et la date de règlement, de sorte qu'elles ne pouvaient donner lieu à acquittement de leur montant ;

- la société Duca n'a pas exécuté les prestations prévues au contrat et a tenté de justifier a posteriori de prétendues prestations pour obtenir le paiement du solde prévu au contrat ;

- la société Duca a interrompu l'exécution du contrat à compter du deuxième semestre 2017 ; elle n'a agi qu'à son seul profit en qualité de propriétaire des lots et de futur locataire de l'hôtel, en conflit d'intérêts avec la société Aupera qu'elle était censée conseiller ; les pièces produites par la société Duca, notamment les comptes-rendus exploitants et comptes-rendus de chantier, ne démontrent pas la réalisation de ses prestations par elle-même ;

- les conditions prévues à l'article 5 du contrat justifiant le versement des trois échéances ne sont pas réunies ;

- si la cour l'estime nécessaire, elle ordonnera une mesure d'expertise.

Au titre de ses demandes reconventionnelles, elle soutient que :

- elle est bien fondée à solliciter le remboursement de la première échéance qu'elle a réglée au titre de la première facture, d'un montant de 800.000 euros HT, en raison de l'inexécution par la société Duca de ses obligations contractuelles ; cette demande est recevable comme se rattachant aux demandes principales par un lien suffisant ;

- elle est fondée à solliciter la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société Duca, sur le fondement de l'article 1184 du code civil, en ce que celle-ci a gravement manqué à son obligation d'exécuter le contrat de prestation de services ; sa demande est recevable, en ce qu'il importe peu qu'une autre instance ait été introduite devant le tribunal de commerce de Valencienne, en ce que la jonction des procédures ne la rend pas irrecevable, et en ce que la demande se rattache par un lien suffisant aux demandes principales ;

- les manquements graves de la société Duca consistent en la désorganisation du chantier, le refus d'adhérer à l'ASL Hôtel [Localité 3] et d'acquitter les cotisations et charges de copropriété ce qui a mis en péril le chantier, et les manoeuvres visant à évincer la société Aupera de son marché d'entreprise générale ;

- les manquements de la société Duca engagent sa responsabilité contractuelle ; elle est fondée à solliciter, tant au titre de la résolution qu'au titre de la responsabilité contractuelle de la société Duca, l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 5.779.548,34 eurod TTC à parfaire, correspondant au montant dont elle se trouve privée du fait de la résiliation du marché de base et des surcoûts ;

- à titre subsidiaire, pour ces mêmes motifs, la cour procédera à la réfaction du contrat à hauteur de la somme d'un euro, sauf à parfaire, et au besoin désignera un expert.

***

Par conclusions n° 3 notifiées par voie dématérialisée le 7 mars 2022 fondées sur les articles 1103 et suivants du code civil et les articles 70, 146, 564 et 873 alinéa 2 du code de procédure civile, la société Duca demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- débouter la société Aupera de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

par l'effet dévolutif de l'appel,

- condamner la société Aupera à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Aupera aux entiers frais et dépens de la présente instance avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article L. 441-3 du code de commerce ne sont pas applicables en ce qu'elles s'inscrivent dans une logique fiscale et ne peuvent aucunement justifier une exonération pour la société Aupera de se conformer à ses obligations contractuelles ;

- en dépit des conclusions foisonnantes et des très nombreuses pièces produites, la société Aupera ne démontre pas que les prestations litigieuses n'ont pas été réalisées ;

- s'agissant de sa demande en paiement, elle a émis des factures conformément à l'échéancier de paiement prévu au contrat et seule la première facture a été payée par la société Aupera ; celle-ci ne peut s'exonérer du règlement des factures, pour la somme de 1.200.000 euros, en invoquant les dispositions de l'article L. 441-3 du code de commerce ; elle a émis une facture de 151.524,78 euros au titre de la fourniture de matériel, laquelle a été acceptée par la société Aupera mais non réglée ;

- elle a intégralement rempli sa mission, comme en attestent les comptes-rendus exploitant, laquelle consistait à contrôler la conformité des travaux de l'hôtel avec l'exploitation attendue de celui-ci ; c'est précisément en sa qualité de futur exploitant de l'hôtel que la société Aupera lui a confié la mission de l'assister et conseiller quant à la conformité des travaux ;

- quant à la demande d'expertise, elle est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, en application de l'article 564 du code de procédure civile ; de plus, cette demande tend à suppléer la carence de la société Aupera dans l'administration de la preuve qui lui incombe ; enfin, l'expertise sollicitée tend à confier à un expert la mission d'examiner les pièces et à substituer l'appréciation du juge ; elle doit donc être rejetée.

Au titre des demandes reconventionnelles adverses, la société Duca ajoute que :

- la demande reconventionnelle, formée par la société Aupera, en paiement de dommages-intérêts du fait de la résiliation du contrat de travaux est irrecevable en application de l'article 70 du code de procédure civile, en ce qu'elle est dénuée de lien suffisant avec l'objet du présent litige ;

- la société Aupera soutient sans le démontrer que son marché a été résilié par délibération de l'assemblée générale de l'ASL Hôtel [Localité 3], alors que le retard accumulé sur le chantier et la résiliation qui s'en est suivie relève uniquement de la mauvaise gestion comptable et logistique du chantier de la part de la société Aupera.

***

La procédure a été clôturée par ordonnance du 13 septembre 2022, les débats étant fixés à l'audience du 10 janvier 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en paiement des factures et la demande reconventionnelle en résolution du contrat de prestations

Selon l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, 'les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.'

Et selon l'article 1184 du même code, également dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance précitée, 'la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.'

En l'espèce, les parties ont signé, en décembre 2014, un contrat de prestations de services précisant, en son préambule, que l'immeuble a été donné à bail nu au prestataire qui l'exploitera en hôtel '4 étoiles', que la société Aupera, contractant général chargé des travaux de réhabilitation de l'immeuble, 'ne souhaite pas que les travaux dont il aura la charge soient contestés à leur achèvement par le maître d'ouvrage au motif que l'exploitation du projet n'est pas conforme aux souhaits du Prestataire', que 'le Prestataire a dans les faits, et depuis l'origine, accompagné la société AUPERA pour l'ensemble des choix des matériaux, d'installation techniques et le choix de leur emplacement pour la réalisation de l'hôtel afin que celle-ci soit en conformité avec l'exploitation attendue', et qu'ainsi 'le présent contrat a pour but de formaliser une situation existante'.

L'objet du contrat est défini à l'article 1er, comme suit :

'AUPERA confie au Prestataire, qui l'accepte, la mission de contrôler la conformité des travaux de l'hôtel en concordance avec l'exploitation attendue de celui-ci : un hôtel 4 étoiles comprenant des chambres et suites, des espaces business un restaurant gastronomique, une brasserie et un espace bien-être 'SPA' de 1400 m² avec une piscine de 22mx10. L'accompagnement d'AUPERA par le Prestataire prendra la forme d'un avis émis par tout moyen à ce dernier.

Il est précisé qu'AUPERA sera libre de suivre ou non les recommandations exprimées par le Prestataire.

L'article 2 du contrat définit la mission d'accompagnement du prestataire, en ces termes :

'A tous les stades de l'opération de restauration de l'Hôpital [Localité 3], le Prestataire s'assurera que cette dernière est conforme et compatible avec la future exploitation de l'immeuble en un hôtel « 4 étoiles » (...).

Aussi, sur demande du Contractant général [la société Aupera], le Prestataire apportera notamment son concours dans le choix des matériaux, le choix des installations techniques et l'implantation de ces dernières.'

Enfin, l'article 3 prévoit les modalités de formalisation des avis, d'une part par des avis trimestriels, d'autre part par des avis ponctuels, comme suit :

- s'agissant des avis trimestriels : 'A la fin de chaque trimestre civil, le Prestataire remettra à AUPERA un avis motivé sur le contrôle de la conformité des travaux avec le projet de création et d'exploitation de l'ensemble immobilier en un hôtel « 4 étoiles » (...). Cet avis sera notifié par tous moyens.'

- s'agissant des avis ponctuels : 'A la demande d'AUPERA, et dans un délai de huit jours, le Prestataire émettra un avis sur les demandes précises portant sur le choix des matériaux, des installations techniques et leur emplacement qui auront été préalablement soumis par AUPERA.'

Le contrat prévoit une rémunération totale de 2.000.000 euros HT, soit 2.400.000 euros TTC, et des modalités de paiement en trois versements : le premier de 40 % au 30 janvier 2015, le deuxième de 30 % au 30 septembre 2015 et le dernier de 30 % au 10 décembre 2015.

L'article 5 du contrat, relatif aux modalités de paiement, précise que 'cet échéancier est valable sous réserve expresse d'encaissement préalable par AUPERA du versement de la part de l'ASL Hôtel [Localité 3] des sommes dues en application de la convention de contractant général'.

Il résulte des pièces produites aux débats qu'en application de ce contrat, la société Duca a adressé à la société Aupera une première facture le 5 janvier 2015, d'un montant de 800.000 euros HT outre TVA, soit un total de 960.000 euros, laquelle a été payée par la société Aupera le 29 janvier suivant.

Puis elle lui a adressé une facture de 800.000 euros en date du 29 juillet 2015, une facture d'un montant de 160.000 euros également du 29 juillet 2015, et une facture de 240.000 euros le 4 janvier 2016, lesquelles font l'objet de la présente demande en paiement.

La société Aupera fait valoir que ces factures ne mentionnent pas la date de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA des services rendus, ainsi que la date à laquelle le règlement doit intervenir, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article L. 441-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019.

Toutefois, l'article L. 441-3 ne prévoit aucune sanction civile en cas de violation de ses dispositions, telle notamment que le défaut d'exigibilité de la prestation insuffisamment caractérisée. Le moyen est donc inopérant et il n'y a, dès lors, pas lieu de faire injonction à la société Duca, sous astreinte, de produire une facturation conforme.

En outre, il sera observé que le contrat de prestations de services prévoyait un prix global et forfaitaire de 2.000.000 euros HT payable en trois échéances, pour une mission de contrôle de conformité des travaux de restauration à la destination du bien, de sorte qu'il ne peut être reproché à la société Duca de ne pas avoir fait apparaître les mentions relatives à 'la quantité, la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA des services rendus' qui ne sont pas adaptées, et que la seule mention'facturation selon contrat de prestations de services de décembre 2014' n'est pas de nature à priver ces factures d'une contrepartie réelle.

La société Duca produit des 'comptes-rendus exploitant' établis de mars 2013 à février 2017, démontrant qu'elle a procédé au suivi du chantier et à de nombreux avis, suggestions et réserves sur les travaux en cours.

S'il résulte d'une lettre de la société Duca adressée à la société Aupera le 22 mars 2016 (pièce n° 119 Aupera) que la première n'a adressée à la seconde les onze premiers de ces comptes-rendus exploitant qu'à cette date, et non trimestriellement comme convenu à l'article 3 du contrat de prestations de services, ce manquement ne pouvait tout au plus que retarder le paiement des factures mais ne saurait priver la société Duca de sa rémunération dès lors que la prestation définie au contrat a été réalisée, et alors même que la société Aupera ne justifie pas avoir réclamé le moindre avis trimestriel à la société Duca au cours de l'année 2015, ni avoir contesté les factures dès leur réception au motif que les prestations de contrôle de conformité des travaux n'auraient pas été réalisées par la société Duca. De plus, il ressort d'une lettre adressée par la société Duca à la société Aupera le 16 novembre 2015 (pièce n° 55 Aupera), qu'elle était présente à toutes les réunions de chantier et communiquait directement avec cette dernière, ce qui établit qu'elle a accompli sa mission auprès de la société Aupera, nonobstant l'absence de transmission trimestrielle des compte-rendus.

Le fait que, selon la société Aupera, ces 'comptes-rendus exploitant' reprennent les comptes-rendus de chantier n'est pas de nature à démontrer que la société Duca n'a pas rempli ses obligations issues du contrat de prestations de services. En effet, dès lors que la société Duca donnait son avis sur le contrôle des travaux du chantier, il est évident que ses comptes-rendus pouvaient présenter des similitudes avec les comptes-rendus de maîtrise d'oeuvre établis pour le même chantier.

En outre, les nombreux comptes-rendus de maîtrise d'oeuvre produits par la société Aupera sont détaillés lot par lot, pour chaque entreprise intervenant sur le chantier, avec des observations très précises et complètes, comme il se doit pour un tel chantier de réhabilitation du bâtiment. En revanche, les comptes-rendus réalisés par la société Duca, plus succincts, portent sur les aspects esthétiques et pratiques des travaux, dans la perspective de la destination du bâtiment à usage d'hôtel '4 étoiles', comme par exemple :

- dans le compte-rendu de janvier 2015 : 'les trappes de ventilation dans les couloirs doivent s'intégrer parfaitement au décor bois lambris' ;

- dans le compte-rendu de février 2015 : 'aménagement placard, prévoir une prise pour le bar et une prise pour la cafetière', ou encore 'validation de la poignée des portes de chambres d'hôtel' ;

- dans le compte-rendu de mars 2015 : 'prévoir dans certaines chambres la pose de tablettes médium sur les châssis pierre dégradés' ;

- dans le compte-rendu d'avril 2015 : 'ajouter un plafond suspendu dans les sanitaires de la piscine', ou encore 'vérifier l'acoustique entre la brasserie et le club de jazz' ;

- dans le compte-rendu de janvier 2016 : 'revoir le câblage de la sono du Spa'.

Or précisément, la mission de la société Duca consistait à donner son avis sur le contrôle de la conformité des travaux avec le projet de création et d'exploitation de l'ensemble immobilier en un hôtel '4 étoiles'. Ces comptes-rendus démontrent ainsi la bonne exécution, par la société Duca, de son obligation contractuelle.

Le fait qu'ils ne mentionnent pas la société Duca ni indiquent être adressés à la société Aupera est dénué d'effet, aucun formalisme n'étant prévu au contrat pour la rédaction de ces comptes-rendus.

La société Aupera soutient encore, que la société Duca l'aurait informée, le 7 février 2017, que les prestations du contrat seraient réalisées par la représentante de la société pressentie pour exploiter l'hôte. Cependant, ce n'est nullement ce qui ressort de l'e-mail invoqué à ce titre (sa pièce n° 215), aux termes duquel la société Duca se borne à informer la société Aupera de la présence sur le chantier, à compter du 27 février (2017), de la future directrice de l'hôtel. La société Duca n'apparaît aucunement se décharger de ses obligations contractuelles mais indique seulement qu'elle bénéficiera de l'avis de cette personne sur l'organisation du futur établissement.

Par ailleurs, la société Aupera ne peut se prévaloir d'un conflit d'intérêts avec la société Duca au regard, d'une part, de sa qualité de prestataire devant la conseiller sur les travaux de réhabilitation et, d'autre part, de sa qualité de futur exploitant de l'hôtel, alors même qu'elle avait connaissance de cette seconde qualité qui est expressément mentionnée dans le contrat de prestations de services, et qu'elle a néanmoins consenti à conclure ce contrat avec la société Duca, pour une rémunération globale de 2.000.000 euros HT. Au surplus, il n'est pas démontré que ce supposé conflit d'intérêts soit préjudiciable à la société Aupera qui bénéficiait, à travers cette convention, d'une sorte de 'garantie de satisfaction' du futur exploitant, comme cela résulte des termes du contrat qui indique, en préambule, que 'AUPERA souhaite s'associer les compétences du prestataire pour s'assurer que les travaux dont AUPERA aura la charge conviennent à l'exploitation particulière souhaitée par le Prestataire' et que 'le contractant général ne souhaite pas que les travaux dont il aura la charge soient contestés à leur achèvement par le maître d'ouvrage au motif que l'exploitation du projet n'est pas conforme aux souhaits du Prestataire'.

Ainsi, l'immixtion que reproche par ailleurs la société Aupera à la société Duca tend, au contraire, à établir que cette dernière a contrôlé la conformité des travaux avec le projet de création et d'exploitation de l'hôtel '4 étoiles', ce qui constituait précisément sa mission aux termes du contrat de prestations de services de décembre 2014.

Cette exécution des obligations du prestataire est encore confirmée par les attestations que produit la société Duca, établies en 2018 par l'architecte intervenu sur le chantier et par le dirigeant du bureau d'études en maîtrise d'oeuvre, desquelles il ressort que la société Duca a été présente sur le chantier, 'à titre de conseil sur la partie hôtel pour s'assurer que le projet correspond au standing de ce type d'établissement'.

Si la société Duca ne justifie d'aucun compte-rendu transmis à la société Aupera à compter du second semestre 2017, elle lui indiquait cependant, par lettre du 16 novembre 2017 : 'l'investissement très important que nous avons consenti sur cet hôtel en matière d'aménagement intérieur et de mobilier nous contraint à être présents au quotidien sur le site et nous tenons à vous confirmer que vous pouvez vous appuyer sur nos équipes pour vous aider à finaliser les travaux dans les meilleurs délais', ce qui établit qu'elle a néanmoins poursuivi l'exécution de ses obligations contractuelles résultant du contrat de prestations de services.

La société Aupera ne peut donc, sans une certaine contradiction, soutenir que la société Duca n'a pas exécuté ses obligations contractuelles, tout en lui reprochant son investissement sur le chantier, alors même que le contrat litigieux avait précisément pour objectif de permettre à la société Aupera de réaliser des travaux qui 'conviennent à l'exploitation particulière souhaitée par le Prestataire'.

A cet égard, la sommation interpellative délivrée le 30 mars 2017 à la société Duca à la demande de la société Aupera, faisant état d'une 'inexécution dans son intégralité du contrat de prestations de services' apparaît sans fondement, dès lors que cette dernière avait déjà reçu de la société Duca, le 22 mars 2016, les onze premiers comptes-rendus exploitant établis de mars 2013 à janvier 2016. L'absence de réponse à cette sommation, de la part de la société Duca, ne saurait donc démontrer que cette dernière n'a pas exécuté ses obligations contractuelles.

La société Aupera fait encore valoir que la société Duca n'a réalisé que 49,86 % de sa mission alors que le contrat de prestations de services prévoit, en son article 7 relatif à la durée, que 'le présent accord entre en vigueur à compter de ce jour pour se terminer le jour de la réception du Projet par le Prestataire, réserves levées'. Elle détermine ce pourcentage en considérant que, si la période du 1er janvier 2015 au 1er juillet 2017 a été exécutée par la société Duca, en revanche la période du 1er juillet 2017 au 6 janvier 2020, date de levée des réserves, n'a pas été exécutée.

Toutefois, par lettre recommandée avec avis de réception du 5 mars 2018, l'ASL Hôtel [Localité 3] a résilié la convention conclue le 28 février 2014 avec la société Aupera intervenant en qualité de contractant général, aux torts exclusifs de cette dernière, en raison de la situation de sous-effectif qui perdurait depuis plus de deux mois sur le chantier. Dans une lettre du 27 décembre 2017, l'ASL déplorait un 'quasi abandon du chantier', soulignant que 'depuis le mois de septembre 2017, (...) les effectifs nécessaires à l'avancement du chantier sont manifestement insuffisants'. La société Aupera ne peut donc, pour réduire la rémunération de la société Duca, procéder à un calcul du pourcentage de réalisation des prestations de cette dernière, pour un chantier qu'elle a elle-même retardé, voire délaissé.

En tout état de cause, un tel calcul de pourcentage au regard du temps écoulé n'est pas fondé, au vu des dispositions du contrat. En effet, seul un calcul de la rémunération au prorata de l'avancement des travaux, à la date du 5 mars 2018, serait contractuellement fondé, dès lors que la société Duca avait une mission de contrôle des travaux jusqu'à leur réception et la levée des réserves. Or, la société Aupera n'indique aucunement quel était l'état d'avancement des travaux de l'hôtel lorsque son contrat d'entreprise générale a été rompu par le maître d'ouvrage, le 5 mars 2018, étant observé qu'elle-même indiquait à l'ASL Hôtel [Localité 3], dans une lettre du 22 décembre 2017 (sa pièce n° 51), qu'au 30 novembre 2017 le chantier présentait un état d'avancement de 86,54 %. Compte tenu de cet élément, la société Aupera ne démontre pas que la rémunération de la société Duca devrait nécessairement être réduite, ni dans quelle proportion.

Enfin, la société Aupera fait valoir que les sommes réclamées par la société Duca ne sont pas exigibles au regard de l'échéancier prévu à l'article 5 du contrat.

Cet échéancier prévoyait un versement de 40 % au 30 janvier 2015, un versement de 30 % au 30 septembre 2015 et un dernier versement au 10 décembre 2015, 'sous réserve expresse d'encaissement préalable par AUPERA du versement de la part de l'ASL Hôtel [Localité 3] des sommes dues en application de la convention de contractant général'.

Or, la société Aupera ne démontre pas qu'à la date des factures litigieuses que lui a adressées la société Duca les 29 juillet 2015, 15 octobre 2015 et 4 janvier 2016, l'ASL Hôtel [Localité 3] ne lui aurait pas réglé les sommes dues en exécution de la convention de contractant général. En effet, les mises en demeure qu'elle invoque à ce titre datent des 20 juillet, 17 octobre et 22 décembre 2017 et se trouvent donc être largement postérieures aux factures de la société Duca. De plus, il résulte de l'assignation en paiement délivrée par la société Aupera à l'ASL Hôtel [Localité 3] le 26 janvier 2018 (sa pièce n° 230), qu'à cette date le marché de travaux était réalisé à 86,54 % ce qui représentait un coût de 37.497.417,69 euros TTC et que 'sur cette somme il n'a été versé à ce jour qu'une somme totale de 35.190.339,16 euros TTC'. Ceci tend à démontrer qu'aux jours où la société Duca a émis les facture litigieuses, la condition pour faire échec à l'application de l'échéancier n'était pas remplie.

Il résulte donc de l'ensemble de ces éléments, que la société Duca a exécuté ses obligations résultant du contrat de prestations de services de décembre 2014, de sorte qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résolution de ce contrat ni de condamner la société Duca à restituer la somme de 800.000 euros acquittée au titre de la première facture, comme sollicité par la société Aupera. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il la déboute de ces demandes. Il convient également de confirmer le jugement en ce qu'il condamne la société Aupera à payer à la société Duca le solde de la rémunération prévue au contrat.

En outre, il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise pour 'procéder à une évaluation de la rémunération éventuellement due par la société Duca à raison de l'exécution du contrat de prestations de services', dès lors qu'il appartient aux parties de rapporter la preuve de leurs prétentions et qu'une mesure d'expertise ne saurait être ordonnée pour suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, mais également en ce qu'une telle mesure n'apparaît aucunement nécessaire en l'espèce, la cour étant parfaitement en mesure de statuer au vu des éléments produits.

S'agissant de la demande en paiement de la somme de 151.524,78 euros formée par la société Duca au titre de la facture n° 2015/007 émise le 15 octobre 2015 pour des lustres, la société Aupera fait valoir que celle-ci ne fait référence à aucun bon de commande et ne correspond à aucun élément connu du marché de travaux. Toutefois, elle a dûment accepté cette facture en y apposant son tampon avec la mention manuscrite 'bon pour accord', une signature et la date du 12 juillet 2017, de sorte que ces moyens sont inopérants. De plus, la société Aupera soutient que la facture 'ne comporte aucun détail des matériels prétendument livrés', or, la seule lecture de ce document (sa pièce n° 231) démontre le contraire : y apparaissent la désignation de deux sortes de chandeliers, ainsi que d'abat-jour, de lampes et d'ampoules, avec leurs quantités respectives et leur prix, tant unitaire que total au regard de chaque quantité, mais encore la mention de la TVA ainsi que du coût de transport et livraison. La société Aupera fait valoir que la date de livraison n'apparaît pas, et ce en contradiction avec les dispositions de l'article L. 441-3 du code de commerce. Cependant, comme il l'a été rappelé supra, aucune sanction civile n'est encourue en cas de non-respect des dispositions invoquées et en outre, il résulte d'un courrier de la société Duca en date du 11 décembre 2017 adressé à la société Aupera (sa pièce n° 91), que les lustres ont bien été livrés et que cette dernière entendait déduire de la facture litigieuse le coût d'ampoules commandées par ailleurs pour équiper ces lustres. La contestation de la société Aupera est donc particulièrement mal fondée. Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il condamne la société Aupera à payer également la somme de 151.524,78 euros à la société Duca.

Sur les demandes reconventionnelles en responsabilité contractuelle formées par la société Aupera

- Sur la recevabilité des demandes reconventionnelles

Selon l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

La société Duca invoque une 'fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle' en application de l'article 70 précité.

Toutefois, l'article 122 du code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Or, une demande reconventionnelle qui ne se rattache pas aux prétentions originaires par un lien suffisant ne constitue pas une fin de non-recevoir, mais relève seulement de l'irrecevabilité procédurale énoncée à l'article 70 précité. En d'autres termes, une telle demande, irrecevable à titre reconventionnel, peut être formée à titre principal devant la juridiction compétente, ce qui n'est pas le cas d'une demande irrecevable en raison d'une fin de non-recevoir.

L'irrecevabilité dont se prévaut la société Duca n'est donc pas une fin de non-recevoir et nécessite seulement d'examiner si la demande reconventionnelle de la société Aupera en indemnisation de son préjudice se rattache ou non, par un lien suffisant, aux demandes originaires.

En l'espèce, la société Aupera fait valoir que la société Duca a commis des manquements graves qui ont mis en péril son propre marché d'entreprise générale. Elle agit en responsabilité contractuelle contre la société Duca, invoquant un manquement au devoir de loyauté de cette dernière envers son cocontractant et sollicitant la résolution judiciaire du contrat de prestations de services de décembre 2014.

Il s'avère, par conséquent, que les demandes reconventionnelles présentent un lien suffisant avec les demandes originaires de la société Duca, lesquelles tendent au paiement des sommes prévues à ce même contrat de décembre 2014.

De surcroît, le tribunal de commerce de Valenciennes, par jugement du 15 juin 2021, a accueilli l'exception de litispendance soulevée par la société Duca à la suite de son assignation par la société Aupera, pour les mêmes demandes que celles formées reconventionnellement devant le tribunal de commerce de Lyon, et transmis l'affaire à la présente cour.

Les demandes de la société Aupera sont donc recevables, tant à titre de demandes reconventionnelles qu'à titre de demandes principales dans la procédure transmise par le tribunal de commerce de Valenciennes en raison de la litispendance dont s'est prévalu la société Duca.

- Au fond

La société Aupera fait valoir que la société Duca a manqué à son obligation d'exécuter le contrat de prestations de services, en dépit d'une sommation interpellative délivrée le 30 mars 2017.

Or, le contrat de prestations de services a été conclu en décembre 2014 et la société Duca justifie avoir transmis des comptes-rendus exploitant jusqu'en janvier 2017. Comme il l'a été retenu précédemment, il résulte des attestations produites par la société Duca et de sa lettre adressée à la société Aupera le 16 novembre 2017, que, nonobstant l'absence de comptes-rendus établis postérieurement à celui de janvier 2017, elle a poursuivi l'exécution de ses obligations de contrôle des travaux et de communication avec la société Aupera.

L'inexécution contractuelle alléguée, déjà écartée par les motifs précédemment développés, n'est donc pas établie.

La société Aupera fait ensuite valoir que la société Duca a manqué à son obligation de loyauté et d'exécution de bonne foi en désorganisant le chantier, en refusant délibérément d'adhérer à l'ASL Hôtel [Localité 3], et en commettant des manoeuvres visant à l'évincer du chantier.

Si la société Aupera justifie avoir indiqué à la société Duca, à plusieurs reprises, de ne pas intervenir directement auprès des sous-traitants et de soumettre ses demandes de modification à la maîtrise d'oeuvre, et avoir signalé au maître d'ouvrage l'immixtion du futur exploitant, il n'est pas établi que les interventions de la société Duca aient désorganisé le chantier, ni conduit à la résiliation de la convention de contractant général conclue entre le maître d'ouvrage et la société Aupera.

Il peut ainsi être cité, notamment, la réponse de la société Duca à la société Aupera, lui indiquant qu'étant présente sur place à toutes les réunions, elle avait toujours communiqué avec celle-ci lorsque des modifications étaient nécessaires et qu'au cas où un dépassement de budget serait constaté, elle le prendrait à sa charge, ajoutant : 'vous ne pouvez contester avoir toujours été consultés et avertis des changements mineurs que nous avons demandés sur ce chantier. Nous formaliserons désormais cela par écrit pour éviter toute contestation' (cf notamment, l'échange de lettres des 14 et 16 novembre 2015, pièces n° 55 et 56 Aupera).

En outre, il convient de rappeler qu'aux termes du préambule du contrat de prestations de services, 'le Prestataire a dans les faits, et depuis l'origine, accompagné la société AUPERA pour l'ensemble des choix des matériaux, d'installation techniques et le choix de leur emplacement pour la réalisation de l'hôtel afin que celle-ci soit en conformité avec l'exploitation attendue', et que le contrat de prestations de services avait pour but de formaliser une situation existante, ce qui démontre l'implication nécessaire de la société Duca, souhaitée par les parties au contrat.

De plus, il résulte des conclusions établies par la société Aupera dans le litige l'opposant à la société Lanfry intervenue sur le chantier au titre du lot 'maçonnerie pierre de taille', produites par la société Duca (sa pièce n° 13), que dès le début du chantier, ce sous-traitant a accusé des retards considérables sur son lot, préjudiciables à tout le chantier.

Dès lors au vu de ces éléments, il s'avère que l'immixtion de la société Duca dans le chantier, dont il n'est pas établi qu'elle ait conduit à une désorganisation du chantier, ne constitue pas un manquement contractuel et ne saurait donc entraîner la résolution du contrat de prestations de services.

Quant à l'absence d'adhésion de la société Duca à l'ASL Hôtel [Localité 3] et à son absence de financement de sa part des charges de copropriété, ces obligations alléguées ne résultent nullement du contrat de prestations de services et ne sauraient donc entraîner une responsabilité contractuelle à ce titre. Aucun manquement au devoir de loyauté ne peut donc être retenu, étant souligné que la société Duca avait un intérêt certain à la réalisation de l'opération de réhabilitation et à l'achèvement des travaux de l'hôtel, dès lors qu'elle en était le futur exploitant. Les pièces que la société Aupera produit au soutien de ce moyen ne démontrent pas que la société Duca était propriétaire de lots concernés par les travaux visés dans la convention de contractant générale conclue entre l'ASL Hôtel [Localité 3] et la société Aupera, ni que la société Duca aurait dû adhérer à cette ASL. Si M. [F] [U] apparaît à la tête de plusieurs sociétés concernées par le projet immobilier en cause, il n'est pas établi que les difficultés du chantier soient 'entièrement imputables à la SPRL Duca', comme le conclut la société Aupera (p. 60-61 de ses écritures). Ce moyen ne saurait donc davantage prospérer.

Enfin, la société Aupera invoque des manoeuvres visant à l'évincer du chantier. Elle produit à ce titre, une convocation d'assemblée générale de l'ASL Hôtel [Localité 3] en date du 16 janvier 2018, aux termes de laquelle est envisagé le budget nécessaire pour financer les travaux restant à réaliser. Il est indiqué que le futur exploitant de l'hôtel va présenter ses propositions pour financer une partie de ce budget, 'sous réserve de la résiliation du marché de travaux de la société Aupera'.

Toutefois, il s'avère que par lettre recommandée du 27 décembre 2017, l'ASL Hôtel [Localité 3] avait déploré un 'quasi abandon du chantier' par la société Aupera et mis en demeure celle-ci de 'pallier la carence lourde consistant en un sous-effectif significatif sur le chantier', existant depuis le mois de septembre 2017. De plus, le litige opposant la société Aupera à la société Lanfry confirme également les importants retards pris sur le chantier dès son origine, du fait de ce sous-traitant.

Dès lors, compte tenu de cette situation, il ne saurait être considéré comme déloyal de la part du futur exploitant de l'hôtel, ni constitutif de manoeuvres répréhensibles pouvant engager sa responsabilité, le fait d'avoir sollicité la résiliation du contrat de marché de travaux dont était titulaire la société Aupera, en contrepartie de son financement d'une partie du budget des travaux restant à réaliser.

Aucun élément ne justifie de prononcer la résiliation du contrat de prestations de services, ni sa résolution, aux torts exclusifs de la société Duca, de sorte que la société Aupera sera déboutée de cette demande.

Il convient également de débouter la société Aupera de sa demande en paiement de la somme de 2.151.524,78 euros à titre de dommages-intérêts fondée sur la responsabilité contractuelle de la société Duca dans le cadre de l'exécution du contrat de prestations de services, dès lors que cette responsabilité contractuelle est écartée. De même, sa demande de restitution de la somme de 800.000 euros au titre de la première facture acquittée doit être rejetée, dès lors que la société Duca a exécuté ses obligations contractuelles.

Quant à la demande de dommages-intérêts d'un montant de 5.779.548,34 euros formée par la société Aupera au titre de son préjudice résultant de la résiliation du marché de travaux conclu avec l'ASL Hôtel [Localité 3], il ressort des éléments ci-dessus retenus que la résiliation du marché de travaux n'est pas imputable à la société Duca. Cette demande sera donc également rejetée.

Sur la demande subsidiaire de réfaction du contrat

La société Aupera, au soutien de sa demande de réfaction, invoque neuf moyens précédemment formés au titre de la demande de la société Duca en paiement du solde de la rémunération prévue au contrat de prestations de services de décembre 2014, et tirés de :

- l'absence d'exécution, par la société Duca, des prestations qui n'ont pu courir que sur 49,86 % de la durée contractuelle ;

- la justification a posteriori des prestations, en mars 2016, mai et juillet 2017 ;

- de comptes-rendus exploitant recopiant ou paraphrasant les comptes-rendus du maître d'oeuvre ;

- l'absence de mention de la société Duca dans ses comptes-rendus ;

- l'inutilité de comptes-rendus adressés avec plus d'un an de retard ;

- l'absence de conseil en direction de la société Aupera qui n'est pas mentionnée dans ces comptes-rendus ;

- le refus de la société Duca de produire tout justificatif à la suite de la sommation interpellative délivrée le 30 mars 2017 ;

- l'exécution du contrat par la future gestionnaire de l'hôtel ;

- l'absence de réunion des conditions de l'article 5 du contrat rendant indue la somme de 800.000 euros versée.

Il a été précédemment répondu à l'ensemble de ces moyens, lesquels ne prospèrent pas. Dès lors qu'il est retenu que la société Duca a exécuté ses obligations résultant du contrat de prestations de services de décembre 2014, il n'y a pas lieu de procéder à la réfaction du contrat. Cette demande est donc rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Aupera succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens des deux premières instances, l'une devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne (jugement du 10 septembre 2020) et l'autre devant le tribunal de commerce de Valenciennes (jugement du 15 juin 2021), ainsi qu'aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, sa demande formée à ce titre sera rejetée et elle sera condamnée à payer à la société Duca la somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 10 septembre 2020, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les demandes reconventionnelles de la société Aupera au visa de l'article 70 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes reconventionnelles formées par la société Aupera ;

Déboute la société Aupera de l'intégralité de ses demandes.

Condamne la société Aupera aux dépens des deux premières instances, l'une devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne (jugement du 10 septembre 2020) et l'autre devant le tribunal de commerce de Valenciennes (jugement du 15 juin 2021), ainsi qu'aux dépens d'appel ;

Condamne la société Aupera à payer à la société Duca la somme de deux mille euros (2.000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/04945
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;20.04945 ?
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