AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 20/03371 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NAPQ
Société SOGAS PREVENTION
C/
[M]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 19 Juin 2020
RG : F18/03568
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 07 JUILLET 2023
APPELANTE :
Société SOGAS PREVENTION
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Jeanne CIUFFA, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[O] [M]
né le 17 Janvier 1973 à [Localité 10] (MAROC)
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Erika COUDOUR, avocat au barreau de LYON
PARTIE INTERVENANTEES :
S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE
[Adresse 1]
[Localité 5]
non représentée
Association AGS
[Adresse 4]
[Localité 8]
non représentée
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Mai 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Béatrice REGNIER, Présidente
Catherine CHANEZ, Conseillère
Régis DEVAUX, Conseiller
Assistés pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.
ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 07 Juillet 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Présidente, et par Mihaela BOGHIU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
M. [O] [M] a été engagé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 50 heures par mois le 11 mars 2015, avec reprise d'ancienneté au 12 septembre 2012, en qualité d'agent de sécurité.
Le contrat était soumis à la convention collective nationale des entreprises de sécurité et de prévention.
Il a été licencié pour faute grave le 27 août 2018 selon le salarié et le 28 août 2018 selon la SARL Sogas Prévention.
Contestant le bien-fondé de cette mesure, il a saisi le 23 novembre 2018 le conseil de prud'hommes de Lyon qui, par jugement du 19 juin 2020, a :
- requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet;
- dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
- condamné la SARL Sogas Prévention à payer au salarié les sommes de :
- 23 350 euros brut, outre 2 335 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire sur requalification en contrat à temps plein,
- 4 503 euros brut, outre 450 euros brut de congés payés, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 2 313 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement,
ces montants produisant intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation,
- 1 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect du coefficient hiérarchique,
- 1 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales obligatoires,
- 1 000 euros net pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 12 010 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ces montants produisant intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts ;
- ordonné le remboursement par la SARL Sogas Prévention des indemnités chômage éventuellement versées par Pôle Emploi à M. [M] postérieurement à son licenciement, dans la limite de six mois ;
- ordonné sous astreinte à la SARL Sogas Prévention la rectification des bulletins de salaire et attestation Pôle emploi conformément à la décision ;
- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations les sommes retenues par l'huissier devront être supportées par la SARL Sogas Prévention ;
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions.
Par déclaration du 30 juin 2020, la SARL Sogas Prévention a interjeté appel du jugement en visant expressément les dispositions attaquées, à savoir celles prononçant des condamnations à son préjudice.
Par conclusions transmises par voie électronique le 7 août 2020, la SARL Sogas Prévention demande à la cour d'infirmer les dispositions du jugement attaquées, de débouter M. [M] de l'intégralité de ses réclamations et de le condamner à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
- M. [M] n'était pas à sa disposition permanente dès lors que ses plannings de travail lui étaient remis en fonction des disponibilités que lui-même communiquait, parfois tardivement, et dont elle en tenait compte ; que le salarié avait plusieurs employeurs et souhaitait effectuer des heures complémentaires ; qu'il n'y a donc pas lieu de requalifier le contrat à temps partiel en contrat à temps plein ;
- le licenciement pour faute grave est fondé en ce que :
- l'abandon de poste reproché est constitué, M. [M] n'ayant pas déposé de demande de congés pour le mois d'août 2018 ;
- le licenciement a bien été notifié à M. [M] par courrier recommandé du 28 août 2018 envoyé à la seule adresse connue de l'entreprise ;
- M. [M] ne peut prétendre au coefficient 140 dès lors qu'il n'était pas chef de poste ;
- elle n'a pas failli à ses obligations en matière de visites médicales dans la mesure où elle a bien déclaré M. [M] aux services de la médecine du travail lors de la déclaration préalable à l'embauche et réglé ses factures au service concerné et dans la mesure où M. [M] travaillait pour d'autres employeurs sur le même type d'emploi ; qu'elle n'a jamais été informée de ce que le salarié était travailleur handicapé ;
- l'ensemble des griefs formulés par M. [M] dansle cadre de sa demande indemnitaire pour exécution déloyale du contrat de travail est inexact.
La SARL Sogas Prévention a été placée en liquidation judiciaire le 3 novembre 2021.
M. [M] a assigné en intervention forcée, avec mention de l'obligation de constituer avocat, la SELARL MJ Synergie en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Sogas Prévention et l'Unedic délégation AGS CGEA de Chalon sur Saône selon actes du 10 octobre 2022.
Par conclusions transmises par voie électronique le 7 mars 2023, M. [M], qui a formé appel incident, demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à temps partiel et en contrat de travail à temps complet et condamné la SARL Sogas Prévention à lui payer les sommes de 23 350 euros brut, outre 2 335 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire, outre intérêts et capitalisation des intérêts ;
- subsidiairement, fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Sogas Prévention aux sommes de :
- 39,02 euros brut, outre 3,90 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire pour non-respect de la durée du travail convenue contractuellement,
- 352,40 euros brut, outre 35,24 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire pour majoration des heures complémentaires,
ces montants produisant intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision et les intérêts étant capitalisés,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
- condamné la SARL Sogas Prévention à lui payer les sommes de :
- 4 503 euros brut, outre 450 euros brut de congés payés, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 2 313 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement,
ces montants produisant intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation,
- 1 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect du coefficient hiérarchique,
- 1 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales obligatoires,
- 1 500 euros net sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ces montants produisant intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts ;
- ordonné le remboursement par la SARL Sogas Prévention des indemnités chômage éventuellement versées par Pôle Emploi à M. [M] postérieurement à son licenciement, dans la limite de six mois ;
- ordonné sous astreinte à la SARL Sogas Prévention la rectification des bulletins de salaire et attestation Pôle emploi conformément à la décision ;
- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations les sommes retenues par l'huissier devront être supportées par la SARL Sogas Prévention ;
- infirmer le jugement pour le surplus et fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Sogas Prévention aux sommes de :
- 20 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 9 006 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
ces montants produisant intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision et les intérêts étant capitalisés ;
- condamner le liquidateur judiciaire à lui payer 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel.
Il fait valoir que :
- le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que :
- une lettre de licenciement du 27 août 2018 lui a été adressée, qu'il n'a toutefois jamais réceptionnée et qui n'est pas produite ; qu'il a donc fait l'objet d'un licenciement non conforme aux dispositions du code du travail à cette date ;
- la lettre du 28 août 2018 a été envoyée à une adresse qui n'était plus la sienne, ce dont la SARL Sogas Prévention avait été informée ;
- les faits reprochés sont inexacts ; qu'en effet il n'était pas en état d'absence injustifiée puisqu'il était en congés à la période considérée ; que le licenciement a en fait une nature économique ;
- les dispositions du jugement requalifiant son contrat à temps partiel en contrat à temps plein sont définitives dès lors qu'elles ne figurent pas à la déclaration d'appel ; qu'en tout état de cause la requalification est fondée dès lors que le contrat, qui ne mentionne pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois, est présumé à temps complet et que la SARL Sogas Prévention ne rapporte pas la preuve contraire ; qu'il était contraint de se tenir à la disposition permanente de son employeur puisque celui-ci ne respectait pas le délai légal de prévenance de communication des plannings de 7 jours, qu'il modifiait sans cesse ces plannings et que la durée mensuelle de travail variait continuellement ; qu'il a donc droit à un rappel de salaire sur la base d'un travail à temps plein;
- subsidiairement, la SARL Sogas Prévention ne planifiait ni ne rémunérait le temps de travail convenu dans le contrat de travail ; que par ailleurs les heures complémentaires qu'il accomplissait n'étaient pas majorées ; qu'il a donc droit à un rappel de salaire à ces titres;
- la SARL Sogas Prévention ne justifie pas déclarer l'intégralité de ses salaires à l'URSSAF; qu'il peut donc prétendre à l'indemnité pour travail dissimulé ;
- il occupait un emploi relevant du coefficent 140, et non 130, de la convention collective en ce qu'il travaillait de manière autonome et établisssait une main courante ;
- il n'a pas bénéficié de la visite médicale d'embauche ainsi que des visites périodiques prévues par le code du travail tous les six mois en cas de travail de nuit, alors même qu'il était travailleur handicapé - ce qui lui a occasionné un préjudice ;
- la SARL Sogas Prévention a commis des fautes dans l'exécution du contrat de travail ; que c'est ainsi que :
- les frais de transport en commun pour se rendre à son travail n'étaient pas remboursés ;
- il était amené à travailler quasiment tous les dimanches, en violation de l'article 7.01 de la convention collective ;
- il ne bénéficiait pas des repos compensateurs sur heures de nuit prévues conventionnellement ;
- il ne prenait pas en charge l'achat et l'entretien des tenues imposées ni ne versait de contrepartie financière à ce titre ;
- le délai de prévenance de la planification n'était pas respecté et les plannings étaient sans cesse modifiés, ce qui l'empêchait d'organiser sa vie privée ;
- alors que l'entreprise compte une centaine de salariés, il n'y a pas de représentants du personnel ;
- l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail doit être écartée, ce texte étant contraire à l'article 24 de la charte sociale européenne et à l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT; que son préjudice n'est pas réparé de manière adéquate par le barème ainsi fixé.
La SELARL MJ Synergie ès qualités et l'Unedic délégation AGS CGEA de Chalon sur Saône n'ont pas constitué avocat. Les significations ayant été faites à personne, le présent arrêt est réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 alinéa 1er du code de procédure civile.
SUR CE :
Attendu que la cour observe en premier lieu que, quand bien même le liquidateur n'a pas comparu à l'instance, la cour d'appel est tenue de statuer sur les demandes du débiteur, et ce, d'une part, en application de l'article 472 du code de procédure civile et, d'autre part, en raison d'un droit propre lui permettant de soutenir des conclusions d'appel malgré le défaut de compuration du mandataire ; que les conclusions de la SARL Sogas Prévention sont donc prises en compte et l'appel est considéré comme étant soutenu, les pièces n'ayant toutefois été remis à la cour ;
Attendu que la cour constate par ailleurs qu'aucune des parties n'a interjeté appel des dispositions du jugement rejetant la demande de dommages et intérêts pour procédure de licenciement irrégulière et que ces dispositions sont dès lors définitives ;
Attendu que la cour observe enfin que la circonstance que la SARL Sogas Prévention n'a pas inscrit sur sa déclaration d'appel, au titre des chefs du jugement critiqués, la mention du dispositif du jugement relative à la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein est sans incidence dans la mesure où il s'agit là d'un simple motif de la décision répondant à un simple moyen, et non une réponse à une demande ; qu'en tout état de cause la SARL Sogas Prévention a bien visé dans la déclaration d'appel la condamnation au titre du rappel de salaire, fondée sur une requalification du contrat en contrat à temps complet, et dont au demeurant M. [M] ne conteste pas la recevabilité ;
- Sur le rappel de salaire sur la base d'un contrat à temps complet :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa rédaction applicable : 'Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. / Il mentionne : / 1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; / 2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ; / 3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié.(...); / 4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat. (...)' ; que la non-conformité du contrat à temps partiel entraîne une présomption simple de l'existence d'un contrat de travail à temps complet; qu'il incombe alors à l'employeur, pour combattre cette présomption, de rapporter la preuve, d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ;
Attendu qu'en l'espèce le contrat detravail de M. [M] indique, au titre de la durée du travail : 'La durée du travail de monsieur [M] [O] est fixée à 50h par mois qui seront réparties à hauteur de 11H55 par semaine en moyenne. / Monsieur [M] [O], travaillant par ailleurs, pour d'autres employeurs, pourra solliciter un aménagement de ses heures mensuelles par la production de ses plannings (')' ; qu'il ne mentionne donc pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois puisqu'il y est simplement précisé que 50 heures correspond à une moyenne de 11h55 ; que la relation contractuelle est donc présumée à temps complet ;
Attendu que la SARL Sogas Prévention, qui a certes conclu mais n'a pas fourni à la cour son dossier dès lors que le liquidateur judiciaire qui désormais la représente n'a pas constitué avocat, n'établit que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; que pour sa part M. [M] verse aux débats ses plannings prévisionnels et bulletins de paie d'où il ressort que la durée mensuelle de travail variait d'un mois sur l'autre et qu'il n'était prévenu que tardivement - deux ou trois jours avant le fin du mois précédent, voire moins, de ses horaires de travail ou de leurs modifications - le délai de prévenance de 7 jours prévu contractuellement en cas de modification n'étant donc pas respecté ;
Attendu que, par suite, et par confirmation, la cour requalifie le contrat à temps partiel en contrat à temps plein et alloue sur ce fondement à M. [M] un rappel de salaire de 23 350 euros brut, outre 2 335 euros brut de congés payés ; que, ce montant produira intérêts à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation, soit le 27 novembre 2018, et jusqu'au 3 novembre 2021, date d'ouverture de la procédure collective ; que les intérêts dus pour une année entière seront par ailleurs capitalisés ;
- Sur l'indemnité pour travail dissimulé :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail : ' Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ; / 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli (...)' et qu'aux termes de l'article L. 8223-1 du même code : ' En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.' ;
Attendu que ni la réalité d'une déclaration partielle à l'URSSAF des salaires versés à M. [M], ni l'intention délibérée de l'entreprise de se soustraire à ses obligations auprès des services de l'organisme de recouvrement ne sont établies ; que les documents produits par l'intéressé en pièces 17 et 18 concernent d'autres salariés ; que la demande d'indemnité pour travail dissimulé est donc par voie de confirmation rejetée ;
- Sur les dommages et intérêts pour non-respect du coefficient hiérarchique :
Attendu que la classification d'un salarié en fonction des normes fixées par la convention collective applicable dépend des fonctions exercées de façon effective par le salarié, sauf meilleur accord des parties et sous réserve de dispositions de cette convention collective exigeant la possession de diplômes ;
Qu'il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique ;
Attendu qu'en l'espèce M. [M], classé au coefficient 130 en qualité d'agent de sécurité confirmé depuis le 1er janvier 2016, revendique le coefficient 140 au visa de l'annexe II de la convention collective applicable selon laquelle le 1er échelon (coefficient 130) correspond à un travail caractérisé par l'exécution des tâches selon un processus standardisé ou selon un processus inhabituel mais avec l'assistance nécessaire tandis que le 2ème échelon (coefficient 140) correspond à un travail caractérisé à la fois par l'exécution de manière autonome d'une suite de tâches selon un processus déterminé et l'établissement sous la forme requise des documents qui en résultent ;
Attendu toutefois que la seule circonstance qu'il était placé principalement à la surveillance de l'accès au métro TCL d'une station et établissait une main courante est insuffisante à carctériser, de sa part, l'exécution de manière autonome d'une suite de tâches selon un processus déterminé et l'établissement sous la forme requise des documents qui en résultent, alors même que la SARL Sogas Prévention explique sans être contredite que sur chaque site du métro il existe un responsable salarié de la société Keolis qui encadre l'agent de sécurité Sogas Prévention et que la main courante ne fait que consigner les heures de prise et de fin de service ainsi qu'un éventuel incident rencontré ; que la SARL Sogas Prévention observe également avec justesse que, compte tenu de l'absence d'autonomie des agents de sécurité, l'accord de branche du 26 septembre 2016 a au demeurant réservé le coefficient 140 aux chefs de poste ;
Attendu que, par suite, M. [M] n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait dû être classé au coefficient 140 et à solliciter une indemnisation à ce titre ; que sa demande est donc, par voie d'infirmation, rejetée ;
- Sur les dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales :
Attendu qu'il est constant que M. [M] n'a bénéficié ni de la visite médicale d'embauche prévue à l'article R. 4624-10 du code du travail dans sa rédaction applicable, ni jusqu'en 2016 de la visite périodique pour les travailleurs de nuit prévue à l'article L. 3122-42 du même code dans sa rédaction en vigueur, ni à partir de 2017 du suivi médical régulier pour les travailleurs de nuit prévue à l'article R. 4624-17 du même code ; que la SARL Sogas Prévention ne peut valablement prétendre avoir rempli à ce titre ses obligations au seul motif qu'elle a déclaré son salarié aux services de la médecine du travail ; qu'elle ne peut davantage arguer de ce que M. [M] avait occupé antérieurement un emploi identique ou encore travaillait pour le compte d'autres employeurs dans la mesure où elle ne justifie pas que les conditions posées par les articles L. R. 4624-12 et R. 4624-14 du code du travail dans leur rédaction en vigueur pour la dispense d'examen médical d'embauche étaient remplies ; que, par confirmation, la cour retient dès lors que les dispositions légales et réglementaires susvisées ont été méconnues et alloue, par confirmation, au salarié la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2020, date du jugement, et jusqu'au 3 novembre 2021 ;
- Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :
Attendu, d'une part, que, ainsi qu'il a été dit plus haut, la remise tardive des plannings de travail et leurs fréquentes modifications empêchaient M. [M] de s'organiser ; qu'il a été ainsi porté une atteinte excessive à sa vie privée ;
Attendu, d'autre part, que M. [M] soutient sans être contredit qu'il était amené à travailler quasiment tous les dimanches ; que les plannings qu'il produit le confirment ; que le salarié est donc bien fondé à soutenir que les dispositions de l'article 7.01 de la convention collective selon lesquelles 'Les repos hebdomadaires des salariés à temps plein sont organisés de façon à laisser 2 dimanches de repos par mois en moyenne sur une période de 3 mois, les dimanches étant accolés soit à un samedi, soit à un lundi de repos' ont été méconnues ; '''
Attendu, également, que, alors que la SARL Sogas Prévention imposait à ses salariés le port d'une tenue professionnelle, elle ne justifie ni avoir fourni au salarié des tenues, ni les avoir entretenues ou encore versé de contrepartie financière à leur entretien, contrevenant ainsi à ses obligations en sa qualité d'employeur, la seule production de quelques factures d'achat de tenues étant à cet égard insuffisante ;
Attendu, en outre, que M. [M] soutient sans être contredit que, bien que travaillant de nuit, il n'a pas bénéficié du repos compensateur d'une durée égale à 1% par heure de travail comprise entre 21 heures et 6 heures tel que prévu à l'article 1.2 de l'avenant du 25 septembre 2002 relatif au travail de nuit attaché à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité ;
Attendu, au surplus, que M. [M] soutient sans être contredit que la SARL Sogas Prévention n'a pas mis en place d'institutions représentatives du personnel avant mars 2019 alors même que son effectif largement était supérieur à 11 salariés ;
Attendu, enfin, que la SARL Sogas Prévention ne justifie pas avoir pris en charge la motié des frais d'abonnement de transport en commun de M. [M] pour se rendre à son travail, alors même que cette obligation n'est pas contestée dans son principe ;
Attendu que l'ensemble de ces carences révèlent une exécution déloyale du contrat de travail, la SARL Sogas Prévention ne pouvant ignorer ses obligations en sa qualité d'employeur ; que le préjudice subi de ce chef par le salarié est évalué à la somme de 2 000 euros - et ce avec intérêts au taux légal du 19 juin 2020 au 3 novembre 2021 sur la somme de 1 000 euros ;
- Sur le licenciement :
Attendu qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1232-6 du code du travail : 'Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.' ;
Attendu qu'en l'espèce M. [M] a été licencié par courrier recommandé du 28 août 2018;
Attendu toutefois que ce courrier, non retiré par le salarié, a été envoyée à une adresse erronée ; qu'en effet la lettre a été adressée au [Adresse 9], alors même que, au 28 août 2018, M. [M] ne résidait plus à cette adresse mais était domicilié au [Adresse 2] - ce dont la SARL Sogas Prévention avait été informée dès lors que cette dernière adresse figure sur le certificat de travail et sur le reçu pour solde de tout compte établis par la société le 28 août 2018, date du courrier de rupture;
Attendu que, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. [M], le licenciement est déclaré comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu que M. [M] a droit à une indemnité compensatrice de préavis de 4 503 euros brut, outre 450 euros brut de congés payés, correspondant, compte tenu de sa qualité de travailleur handicapé, à trois mois de salaire ainsi qu'à une indemnité de licenciement de 2 313 euros net - montants sur lesquels la SARL Sogas Prévention ne formule aucune observation ; que ces sommes produiront intérêts au taux légal du 4 mai 2018 au 3 novembre 2021 et que les intérêts seront capitalisés ;
Attendu que le salarié soutient que l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail fixant l'indemnité due en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être écartée, ce texte étant contraire à l'article 24 de la charte sociale européenne et à l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT ;
Attendu cependant que les dispositions des articles L.1235-3 et L.1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans certaines hypothèses, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi ;
Que le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré dans la plupart des situations par l'application d'office, par le juge, des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail ;
Que ces dispositions sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou d'une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n°158 de l'OIT ;
Qu'il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles ces stipulations de cette convention ;
Attendu par ailleurs que les dispositions de la Charte sociale européenne n'étant pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l'invocation de son article 24 ne peut davantage conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail ;
Attendu que, compte tenu de son ancienneté (5 ans), M. [M] peut prétendre, en application du texte susvisé, à une indemnité comprise entre trois et six mois de salaire ; que son préjudice est évalué à la somme de 9 006 euros correspondant à six mois de salaire ; que ce montant produira intérêts au taux légal à compter du prononcé du 19 juin 2020 au 3 novembre 2021 ;
Attendu qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail il y lieu de fixer la créance de Pôle emploi au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Sogas Prévention aux indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de deux mois ;
- Sur la remise des documents sociaux :
Attendu que, compte tenu de la solution donnée au litige, il est fait droit à cette réclamation, sans qu'il soit besoin d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;
- Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu'il convient pour des raisons tenant à l'équité d'allouer à M. [M] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel, les dispositions du jugement étant quant à elles confirmées;
- Sur l'application de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de prévoir en l'état de la procédure une condamnation au titre des frais éventuellement engagés en application de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 portant tarif des huissiers de justice et modifié par le décret du 10 mars 2001 dans la mesure où le droit proportionnel institué par ce texte n'est exigible qu'après recouvrement forcé des créances liquidées ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Constate que les dispositions du jugement rejetant la demande de dommages et intérêts pour procédure de licenciement irrégulière sont définitives,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,
- dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- alloué à M. [O] [M] les sommes suivantes, sauf à dire qu'elles sont fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Sogas Prévention :
- 23 350 euros brut, outre 2 335 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire sur requalification en contrat à temps plein,
- 4 503 euros brut, outre 450 euros brut de congés payés, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 2 313 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement,
ces montants produisant intérêts au taux légal à compter de la date du de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation, sauf à ajouter que les intérêts ne sont plus dus à compter du 3 novembre 2021,
- 1 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales obligatoires,
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ces montants produisant intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, sauf à ajouter que les intérêts ne sont plus dus à compter du 3 novembre 2021,
- ordonné la capitalisation des intérêts pour ceux dus pour une année entière,
- ordonné la rectification des bulletins de salaire et attestation Pôle emploi conformément à la décision, sauf à dire que cette obligation est mise à la charge de la SELARL MJ Synergie ès qualités et qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte,
- débouté M. [O] [M] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et la SARL Sogas Prévention de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL Sogas Prévention aux dépens, sauf à dire qu'ils sont mis à la charge de la SELARL MJ Synergie ès qualités,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,
Fixe la créance de M. [O] [M] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Sogas Prévention aux sommes de :
- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, et ce avec intérêts au taux légal du 19 juin 2020 au 3 novembre 2021 sur la somme de 1 000 euros,
- 9 006 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce avec intérêts au taux légal du 19 juin 2020 au 3 novembre 2021,
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
Déboute M. [O] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect du coefficient hiérarchique,
Fixe la créance de Pôle emploi au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Sogas Prévention aux indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de deux mois,
Déclare le présent arrêt opposable à l'UNEDIC délégation AGS CGEA de Chalon sur Saône, dans les limites de sa garantie légale telle que fixée par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D. 3253-5 du même code,
Condamne la SELARL MJ Synergie ès qualités aux dépens d'appel,
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE