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06/07/2023 | FRANCE | N°23/05316

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 06 juillet 2023, 23/05316


COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 06 JUILLET 2023

statuant en matière de soins psychiatriques





N° RG 23/05316 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PCDT



Appel contre une décision rendue le 19 juin 2023 par le Juge des libertés et de la détention de BOURG-EN-BRESSE.



APPELANT :



M. LE PREFET DE L'AIN

[Adresse 2]

[Localité 1]



Non comparant, régulièrement avisé, non représenté



INTIMES :



[V] [F]

n

é le 17 Décembre 1968 à [Localité 4]

Ayant été hospitalisé au Centre psychothérapique de [6] de [Localité 1]



Comparant assisté de Maître Pauline ARMAND, avocat au barreau de LYON, commis d'offic...

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 06 JUILLET 2023

statuant en matière de soins psychiatriques

N° RG 23/05316 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PCDT

Appel contre une décision rendue le 19 juin 2023 par le Juge des libertés et de la détention de BOURG-EN-BRESSE.

APPELANT :

M. LE PREFET DE L'AIN

[Adresse 2]

[Localité 1]

Non comparant, régulièrement avisé, non représenté

INTIMES :

[V] [F]

né le 17 Décembre 1968 à [Localité 4]

Ayant été hospitalisé au Centre psychothérapique de [6] de [Localité 1]

Comparant assisté de Maître Pauline ARMAND, avocat au barreau de LYON, commis d'office

CENTRE PSYCHOTHERAPIQUE DE [6]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Non comparant, régulièrement avisé, non représenté

Le dossier a été préalablement communiqué au Ministère Public qui a fait valoir ses observations écrites.

*********

Nous, Véronique MASSON-BESSOU, Conseillère à la cour d'appel de Lyon, désignée par ordonnance de madame la première présidente de la cour d'appel de Lyon du 2 janvier 2023 pour statuer à l'occasion des procédures ouvertes en application des articles L.3211-12 et suivants du code de la santé publique, statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Assistée de Charlotte COMBAL, Greffière, pendant les débats tenus en audience publique,

Ordonnance prononcée le 06 Juillet 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signée par Véronique MASSON-BESSOU, Conseillère, et par Charlotte COMBAL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*********************

Par arrêté du 8 juin 2023, le Maire de la commune de [Localité 5] (département de l'Ain) a ordonné à titre provisoire, au visa d'un certificat du Docteur [N] en date du 8 juin 2023,le placement de Monsieur [V] [F] en soins psychiatriques au Centre psychothérapique de [6] de [Localité 1] en application des dispositions de l'article L 3213-2 du Code de la santé publique.

Un certificat des 24 heures a été établi le 9 juin 2023 par le Docteur [I], Psychiatre au Centre Psychothérapique de [6].

Par arrêté du 9 juin 2023, le Préfet de l'Ain a ordonné l'admission de Monsieur [V] [F] en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, sur le fondement de l'article L 3123-1 du code de la santé publique, à compter du 8 juin et jusqu'au 8 juillet 2023 inclus.

Un certificat des 72 heures a été établi par le Docteur [L], Psychiatre au Centre Psychothérapique de [6], le 11 juin 2023.

Par arrêté du 11 juin 2023, le Préfet de l'Ain a ordonné la poursuite de la mesure.

Le 12 juin 2023, le Préfet de l'Ain a saisi le juge des libertés et de la détentions du Tribunal Judiciaire de Bourg en Bresse aux fins de statuer sur la poursuite de l'hospitalisation complète du patient.

Par ordonnance du 19 juin 2023, le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Bourg en Bresse a ordonné la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète de Monsieur [V] [F] avec effet différé de 24 heures afin de permettre, le cas échéant, la mise en place d'un programme de soins.

Par courrier daté du 29 juin 2023, enregistré le même jour au Greffe de la Cour d'appel de Lyon, le Préfet de l'Ain a fait appel de cette décision, dont il a sollicité l'infirmation, faisant valoir différents moyens à l'appui de son appel.

L'appel a été examiné à l'audience de la Cour du 6 juillet 2023 à 13 heures 30.

Le préfet de l'Ain, régulièrement convoqué, n'a pas comparu.

Monsieur [V] [F] et son conseil ont présenté leurs observations, sollicitant en substance la confirmation de la décision déférée et soulignant notamment qu'aucun danger imminent pour la sûreté des personnes n'était caractérisé.

Par conclusions du 6 juillet 2023, le ministère public a requis la confirmation de la décision du juge des libertés et de la détention, relevant que si la décision d'admission du Préfet de l'Ain, qui fait référence au certificat circonstancié du Docteur [N], était suffisamment motivée, il ne ressortait pas du dernier avis médical (Docteur [E]) d'éléments de nature à considérer que la mesure de soins sans consentement était toujours nécessaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

En application de l'article R 3211-18 du code de la santé publique l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le Premier Président de la Cour d'appel ou son délégué, dans un délai de dix jours à compter de sa notification.

En l'espèce, le Préfet de l'Ain a interjeté appel dans les délais énoncés aux dispositions précitées et son appel est en conséquence recevable.

Sur la régularité de la procédure

Le premier juge a ordonné la mainlevée de la mesure prononcée à l'encontre de Monsieur [V] [F], aux motifs:

-qu'en vertu de l'article L3213-1 du Code de la santé publique, l'hospitalisation en soins psychiatriques contraints est prononcée par le représentant de l'état si les troubles mentaux présentés par la personne compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public ;

-que le certificat d'admission ne relève que des idées de persécution avec état d'agitation nécessitant une sédation, ce qui ne permettait pas l'hospitalisation contrainte sur décision du représentant de l'état ;

-que Monsieur [V] [F] n'a pas eu connaissance des précisions apportées par le Procureur de la République avant l'audience (placement en garde à vue pour rebellion et outrage, jugée incompatible avec l'état psychatrique de l'intéressé) ni même au moment de la notification de la décision d'admission et qu'en tout état de cause, ces éléments ne permettent pas de remplir les conditions prévues à l'article L 3213-1 du Code de la santé publique.

Il doit être observé au préalable, à l'analyse des motifs de la décision, qu'en réalité le premier juge se prévalait, à l'appui de sa décision, de l'irrégularité de la procédure dès lors qu'il relevait que l'arrêté d'admission du Préfet de l'Ain ne répondait pas aux conditions exigées par l'article L 3213-1 du Code de la santé publique et l'insuffisance du certificat médical initial à ce titre.

Aux termes de l'article L 3216-1 du Code de la santé publique, la régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire.

Le Juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des article L 3211-12 et L 3211-12-1 du Code de la santé publique.

En ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.

A l'appui de son appel, le Préfet de l'Ain fait valoir que la décision déférée doit être infirmée, aux motifs :

-que le certificat d'admission du Docteur [N] était circonstancié eu égard à l'état de santé mentale de l'intéressé et au contexte de sa prise en charge et caractérisait la nécessité médicale de soins sans consentement ;

-que les certificats ultérieurs ont confirmé la nécessité de poursuivre les soins sous contrainte, et notamment le certificat des 24 heures du Docteur [I] , qui faisait mention d'un risque de passage à l'acte auto voire hétéro-agressif ;

-que par ailleurs, contrairement à ce qui a été retenu dans la décision déférée, les droits de la défense ont bien été respectés.

Or, il ressort en substance de l'analyse de la motivation de la décision déférée que le premier juge a principalement considéré que la procédure était irrégulière dès lors que le certificat médical initial, sur lequel s'est fondé l'arrêté du Maire ne caractérisait aucunement que les troubles mentaux présentés par Monsieur [V] [F] étaient de nature à compromettre la sûreté des personnes ou à porter atteinte de façon grave à l'ordre public, conditions requises par l'article L 3213-1 du Code de la santé publique pour que le préfet puisse ordonner de son côté une hospitalisation en soins psychiatriques sous contrainte.

L'article L 3213-2 du Code de la santé publique dispose :

'En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, le maire et, à [Localité 7], les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'admission en soins psychiatriques dans les formes prévues à l'article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l'Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures.'

Il ressort de ces dispositions que le Maire d'une commune ne peut prendre une mesure provisoire à l'encontre d'une personne présentant des troubles mentaux manifestes , (en l'espèce une mesure d'hospitalisation en soins psychiatriques sous contrainte), qu'en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, lequel doit être attestée par un avis médical ;

Force est de constater que le certificat médical du Docteur [N], sur lequel s'est fondé le Maire de la commune de [Localité 5], ne caractérisait aucunement un tel danger dès lors qu'il se limitait à indiquer que Monsieur [V] [F] présentait des idées de persécution,avec état d'agitation nécessitant une sédation.

En outre, si, dans son arrêté, le Maire de la commune de [Localité 5] a fait mention

'd'une altercation dans les locaux de l'agence postale communale lors d'une conciliation de justice' d'une part, il ne résultait pas de cette seule mention que l'altercation à laquelle il faisait référence était de nature à engendrer un danger imminent pour la sûreté des personnes, d'autre part, il n'était en tout état de cause aucunement fait référence à cette altercation dans le certificat médical du Docteur [N], étant rappelé là encore que le Maire n'est habilité à décider d'une mesure provisoire qu'à la condition que ce danger soit attesté par un avis médical (Conseil constitutionnel, décision N° 2011-174 QPC du 6 octobre 2011) .

Enfin, en vertu des dispositions pré-citées, dès lors qu'il a pris une mesure provisoire, le Maire doit en référer dans les 24 heures au Préfet lequel ne peut prendre un arrêté d'admission en soins psychiatriques contraints que dans les formes prescrites à l'article L 3213-1 du Code de la santé publique, dispositions en vertu desquels les Préfet ne peut prononcer une admission que si d'une part le malade présente des troubles mentaux nécessitant de soins, et que si, d'autre part, les troubles mentaux sont de nature à compromettre la sûreté des personnes ou porter atteinte de façon grave à l'ordre public, étant rappelé qu'il appartient au Préfet dans sa décision de caractériser l'un de ces deux derniers critères.

Or, force est de constater que l'arrêté du Préfet de l'Ain du 9 juin 2023, s'il fait référence 'pour information' au certificat des 24 heures établi par le Docteur [I], ne fonde sa décision d'admission que sur le certificat initial du Docteur [N] dont il a été retenu qu'il ne caractérisait aucun danger imminent pour la sûreté des personnes, et pas plus, d'ailleurs, un risque grave d'atteinte à l'ordre public.

Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir le Préfet de l'Ain, la seule caractérisation de l'état de santé mentale de Monsieur [V] [F] ne pouvait justifier à elle seule tant la mesure provisoire prise par le Maire, que l'arrêté d'admission du Préfet, étant observé que les conditions requises doivent être appréciées 'ab initio' et non au regard de certificats ultérieurs.

Force est de constater également que le Préfet de l'Ain ne pouvait se considérer comme valablement saisi dès lors que le Maire de la commune de [Localité 5] avait pris un arrêt municipal en contravention avec les dispositions de l'article L 3213-2 du Code de la santé publique.

Enfin, si le premier juge n'a caractérisé qu'incomplètement l'atteinte aux droits de Monsieur [V] [F] engendrée par l'irrégularité, se limitant à relever que l'hospitalisation sur décision du représentant de l'état était la plus restrictive des libertés de toutes les hospitalisations sans consentement, il n'est pas contestable que la mesure provisoire du Maire, qui ne pouvait intervenir qu'à la seule condition que soit caractérisé par un avis médical un danger imminent pour la sûreté des personnes, mesure par la suite validée par le Préfet lors qu'il a pris sa décision admission, ce en contravention avec les dispositions des articles L 3213-2 et L 3213-1 du Code de la santé publique, a porté atteinte au droit fondamental selon lequel nul ne peut être privé arbitrairement de liberté, ce qui justifiait la mainlevée de la mesure.

Il convient en conséquence de déclarer l'appel interjeté par le Préfet de l'Ain recevable mais non fondé et de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Déclarons l'appel interjeté par le Préfet de l'Ain à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Bourg en Bresse recevable mais non fondé ;

Confirmons l'ordonnance déférée dans l'ensemble de ses dispositions;

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Le greffier, Le conseiller délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 23/05316
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;23.05316 ?
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