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06/07/2023 | FRANCE | N°21/04161

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 06 juillet 2023, 21/04161


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/04161 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NTZ4





[Y]



C/



S.A.S.U. LES PRODUITS DU VAL SOANNAN







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de villefranche sur saone

du 29 Mars 2021

RG : 20/00091



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 06 JUILLET 2023







APPELANTE :



[V] [Y]

née le 11 Novembre 1986

à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Raouda HATHROUBI, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



S.A.S.U. LES PRODUITS DU VAL SOANNAN La société LES PRODUITS DU VAL SOANNAN, SASU immatriculée au RCS de VILLEFRANCH...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/04161 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NTZ4

[Y]

C/

S.A.S.U. LES PRODUITS DU VAL SOANNAN

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de villefranche sur saone

du 29 Mars 2021

RG : 20/00091

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

APPELANTE :

[V] [Y]

née le 11 Novembre 1986 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Raouda HATHROUBI, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

S.A.S.U. LES PRODUITS DU VAL SOANNAN La société LES PRODUITS DU VAL SOANNAN, SASU immatriculée au RCS de VILLEFRANCHE TARARE sous le numéro 329 822 654, dont le siège social est [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Maïté ROCHE, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Avril 2023

Présidée par Etienne RIGAL, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Vincent CASTELLI, conseiller

- Françoise CARRIER, magistrat honoraire

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Juillet 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société LES PRODUITS DU VAL SOANNAN (ci après, la société) a pour activité principale la fabrication et le négoce de produits de boulangerie, pâtisserie, viennoiserie, produits traiteurs ainsi que tous produits alimentaires similaires frais et surgelés, ainsi que toutes opérations pouvant se rattacher au commerce et à la fabrication de ces denrée.

Elle emploie 30 salariés.

La Convention collective applicable à la société est la Convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie industrielle (JO 3102).

Le 24 avril 2012, Madame [V] [Y] était embauchée par la société, par contrat de travail écrit, à durée indéterminée et cela en qualité de « Responsable qualité ».

Madame [Y] accédait, à compter du 1er avril 2016, au statut d'agent de maîtrise ' Degré 4 de la convention collective.

Cet avenant signé le 4 avril 2016 prévoyait que la salariée poursuivrait son activité au poste de « Responsable qualité » sous les directives de sa hiérarchie.

Une fiche de poste de « Responsable qualité » était annexée à cet avenant.

Un avenant au contrat de travail était formé au terme duquel la salariée intégrait le service « Production /Fabrication », au poste de conducteur de lignes.

Le 15 janvier 2018, Madame [Y] adressait à son employeur un courrier dans lequel elle formulait à son endroit plusieurs griefs.

Elle était placée en arrêt de travail médical à compter du 1er février 2018 et cela jusqu'au 9 septembre suivant.

Le 10 septembre 2018, le médecin du travail la déclarait inapte à son poste de travail en précisant que : « l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Par courriel en date du 19 septembre suivant, ledit médecin informait la société que : « l'état de santé de Madame [Y] fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise ou toute autre société qu'il lui serait rattachée, cela quelles que soient les possibilités de formation.»

Par courrier du 24 septembre 2018 la société indiquait à sa salariée qu'aucun reclassement n'était possible.

Après entretien préalable, celle-ci était licenciée par lettre du 18 octobre 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 9 octobre 2019, Madame [Y] saisissait le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône d'une instance au fond introduite à l'endroit de son ancien employeur.

Une ordonnance de radiation était rendue le 13 janvier 2020.

Le 3 août 2020 Madame [Y] sollicitait réintroduction de l'instance.

Au terme des débats devant le conseil de prud'hommes elle demandait à celui-ci de juger que son ancien employeur avait exécuté déloyalement le contrat de travail.

Elle sollicitait que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur et sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :

- 15'000 € de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et violation de l'obligation de sécurité,

- 20'000 €, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

À titre subsidiaire, dans l'hypothèse la résiliation du contrat ne serait pas prononcée elle demandait qu'il soit jugé que son licenciement résultait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et au surplus celui-ci avait manqué à son obligation de recherche de reclassement.

Elle sollicitait que son licenciement soit jugé dénuer de cause réelle et sérieuse et la condamnation de celui-ci à lui payer les sommes suivantes :

- 4 929,40 euros, au titre de l'indemnité de licenciement doublée, outre 429,94 euros, au titre des congés payés afférents,

- 3 799,75 euros ,à titre de reliquat d' indemnité de licenciement,

- 15000 euros, à titre de dommages-intérêts, pour exécution déloyale du contrat et violation de l'obligation de sécurité

- 20000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Enfin elle demandait condamnation de son ancien employeur à lui payer la somme de 2000 € , en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société, comparante, concluait au rejet des demandes adverses et à la condamnation de Madame [Y] à lui payer la somme de 2500 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 29 mars 2021 le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône rendait un jugement dont le dispositif était rédigé comme il suit :

'constate que la demande de résiliation judiciaire a été formulée postérieurement au licenciement de Madame [V] [Y] .

Juge que le contrat de travail de Madame [V] [Y] a été exécuté loyalement par la société.

Déboute Madame [V] [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

Déboute la société LES PRODUITS DU VAL SOANNAN de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Met les dépens à la charge de Madame [V] [Y].'

Madame [V] [Y] a interjeté appel de ce jugement le 4 mai 2021.

Au terme de ses dernières conclusions, notifiées le 4 août 2021, elle demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

prononcer que la société a exécuté déloyalement le contrat de travail et a manqué à son obligation de sécurité,

À titre principal, prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence et en toute hypothèse,

condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

' 5448,50 € , au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 544,85 €, au titre des congés payés afférents,

' 15'000 € à titre de dommages-intérêts, pour exécution déloyale du contrat et violation de l'obligation de sécurité,

' 20'000 €, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 2500 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société, au terme de ses dernières écritures notifiées le 4 novembre 2021, demande à la cour de confirmer le jugement querellé et, à titre reconventionnel, de condamner Madame [Y] à lui payer la somme de 2500 € , en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur

Arguments des parties

Madame [Y] expose que :

Elle a été embauchée au poste de responsable qualité, mais a été amenée à changer plusieurs fois de qualification en se pliant aux besoins de son employeur.

Pire, en octobre 2017, elle a été rétrogradée au poste d'opératrice, sans aucun avenant au contrat de travail et a vu ses horaires modifiés en dépit de ses contraintes familiales.

Or, l'instauration d'une nouvelle répartition des horaires sur la journée nécessite l'accord du salarié s'il porte une atteinte excessive à ses droits au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos.

En l'espèce, elle travaillait initialement de 7H30 à midi puis de 13 heures à 15h30.

A compter du 22 novembre 2013 les horaires étaient les suivants 8 heures à midi et de 13 heures à 16 heures.

Ces horaires avaient été déterminés à sa demande, compte tenu de ses impératifs familiaux.

Or, l'employeur lui a imposée des nouveaux horaires continus, cette fois et variant d'une semaine sur l'autre.

Il lui était imposé de travailler de 6 heures à 13h30 et de 13h30 à 21 heures, cela à partir du 25 septembre 2017.

Ces horaires étaient incompatibles avec ses impératifs familiaux.

Elle élève seule 2 enfants et ne pouvait pas trouver de solution de garde pérenne avec de tels horaires.

Elle a fait part de ces difficultés à la société les PRODUITS DU VAL SOANNAN à deux reprises, en vain.

Elle a été placée en arrêt maladie du 1er février 2018 au 9 septembre 2018 et a été déclarée inapte à son poste de travail au terme de la visite de reprise.

La société répond que :

Du fait de la volonté de la salariée d'évoluer en son sein, de se tourner vers des tâches relevant davantage du service production du service qualité et de sa formation initiale d'ingénieur en agroalimentaire, il a été convenu avec elle que cette dernière participent à plusieurs jours d'observation à une nouvelle mission consistant au développement de l'atelier de fabrication de produits cuits.

Elle s'est donc vu confier les tâches relevant du service production plusieurs jours en juin juillet et septembre 2017.

Il s'est avéré qu'elle était finalement plus autonome lorsqu'elle exerçait des tâches relevant du service production plutôt que relevant du service qualité.

Un avenant a donc été établi afin qu'elle intègre désormais le service production en occupant le poste de conducteur de ligne à compter du 4 janvier 2018.

La classification agent maîtrise degré quatre et sa rémunération sont demeurés inchangés.

Elle a donc accepté librement et en parfaite connaissance de cause cet avenant.

Comme tous les autres salariés de la société elle été prévenue à l'avance des horaires de travail qui lui était applicables.

Il se pouvait que ses horaires varient en fonction des besoins de l'entreprise.

Elle a donc été conduite à effectuer des heures supplémentaires qui lui ont été payées.

Elle n'a exercé la fonction de conducteur de ligne que quelques jours, dès lors qu'elle a été placée en arrêt de travail à compter du 1er février 2018.

Sur ce

Il sera rappelé que Madame [Y] a été engagée au terme d'un contrat de travail l'affectant sur un emploi de responsable qualité et qu'elle a par la suite était promue au statut d'agent de maîtrise.

Elle indique avoir exercé ces fonctions avant l'arrivée d'une directrice qualité qu'elle a formée.

Elle fait valoir également qu'à compter de mai 2017, elle s'est vue confier une nouvelle mission consistant au développement d'un nouvel atelier de fabrication de produits cuits.

Elle est devenue ainsi 'responsable production'.

Au terme de ses écritures, elle ne semble pas contester cette nouvelle affectation et n'en fait pas grief à son employeur.

Cependant, elle indique qu'après avoir mis en place ce nouvel atelier, un nouvel ingénieur production a intégré l'équipe et qu'après qu'elle l'ait formé, elle s'est retrouvée incluse dans l'équipe de productions, pour pallier au manque d'intérim ,avant de figurer sur les plannings en qualité de simple opératrice et non plus de responsable.

Cette rétrogradation de fait marque, de son point de vue, la déloyauté de l'employeur.

Au soutien de ces dires, elle produit aux débats une attestation établie par Madame [C] [G], ancienne salariée de l'entreprise, laquelle énonce essentiellement au sein de son témoignage qu'elle a commencé à travailler avec Madame [Y] dans le nouvel atelier de la gamme de fonds cuits le 4 septembre 2017. Cette dernière était sa responsable d'atelier et l'a formée pour travailler dans l'atelier des cuits (...). En septembre 2017, un nouvel ingénieur de production est arrivé. Elle a senti qu'il prenait leur place et leur enlevait des choses qu'elles avaient mises en place. Elle ne se sentait plus crédible en tant que chef vis-à-vis des salariés. Ultérieurement elle a vu Madame [Y] occuper différents postes, comme 'ramasser les mini, faire l'emballage', ce qui correspondait à un poste d'opérateur. Elle n'a pas compris la rétrogradation de Madame [Y] et pourquoi elle était remise au poste le plus bas de l'usine, alors qu'elle était responsable d'atelier. A partir de janvier ils l'ont mise à l'atelier des pétrins à faire 'le travail d'un homme'.

Il suit de ce témoignage que l'appelante, initialement engagée en qualité de responsable qualité et par la suite affectée sur un poste de développement d'un nouvel atelier a été progressivement rétrogradé sur un poste de simple opérateur, étant rappelé que celle-ci était classifiée sur un emploi d'agent de maîtrise.

Aucune pièce ne justifie de ce que cette évolution défavorable serait intervenue avec son accord .

Le fait que, suivant avenant du 4 janvier 2018, les parties au contrat de travail aient convenu d'une mutation de la salariée au poste de conducteur de lignes, agent de maîtrise ne saurait justifier que celle-ci, ait été en réalité affectée à des fonctions de simple opérateur, comme en atteste Madame [G].

Enfin il sera mentionné que la société ne dépose aucune pièce venant contredire ce témoignage, elle n'apporte aux débats aucun élément de preuve ayant trait aux fonctions réellement exercées par l'appelante, dans les temps précédant son arrêt maladie.

Il sera retenu au regard de ces éléments que cette dernière a bien été rétrogradée au poste de simple opérateur, en contradiction avec le contrat de travail et son statut d'agent de maîtrise.

La société a bien commis une faute de ce chef et manqué à son devoir d'exécuter loyalement le contrat de travail.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

S'agissant des horaires de travail, il sera relevé que ceux-ci n'ont pas été définis par le contrat de travail et que s'ils ont été par la suite définis par l'employeur, cette définition n'a pas été contractualisée.

Cependant, si, à défaut de contractualisation des horaires de travail, l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la journée ou la semaine relève du pouvoir de direction de l'employeur, il n'en est ainsi qu'en l'absence d'une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale.

En l'espèce, il n'est pas dénié par l'employeur qu'il a modifié les horaires de travail de l'appelante à compter du mois de septembre 2017, lui demandant de travailler selon les semaines de 6 heures à 13h30 ou de 13h30 à 21 heures. Ce fait est par ailleurs attesté par Madame [G].

Cependant, si Madame [Y] justifie , par production de son jugement de divorce, élever seule deux enfants mineurs d'âge, elle ne démontre pas avoir interpellé son employeur quant aux difficultés induites par cette modification, dès que ses horaires ont été imposés. Sa première contestation de ce chef est intervenue au terme d'un courrier adressé à son employeur le 15 janvier 2018, soit, plus de trois mois après la modification horaire et 15 jours à peine avant son placement en arrêt maladie, au terme duquel elle n'est plus revenue dans l'entreprise .

Dans ces conditions, il ne sera pas considéré que l'employeur a commis une déloyauté de ce chef, à l'origine d'un dommage subi.

En conclusion, il sera retenu que la société a bien exécuté le contrat de travail avec déloyauté, mais uniquement en ce qu'elle a modifié les fonctions confiées à Madame [Y] en la rétrogradant de fait.

En réparation du dommage né de cette faute, au regard des pièces produites aux débats, elle recevra la somme de 10'000 €.

Le jugement sera bien infirmé de ce chef.

Sur la demande en résiliation du contrat de travail

Le jugement querellé retient que le licenciement pour inaptitude de Madame [Y] est intervenu le 18 octobre 2018.

Ainsi, il a considéré que ce contrat de travail avait déjà pris fin au moment de la saisine initiale du conseil intervenue le 9 octobre 2019, ce qui rendait la demande de résiliation judiciaire sans objet.

Au terme de ses écritures, Madame [Y] fait valoir qu'elle avait saisi ledit conseil dès le 14 mai 2018 au fond et cela afin de voir constater l'exécution déloyale du contrat de travail et de voir prononcer la résiliation de ce contrat.

Cependant, alors même que le jugement dont il est fait appel avait rejeté cette demande de résiliation au motif d'une requête introductive d'instance déposée le 18 octobre 2018, l'appelante ne justifie pas d'une saisine du conseil le 14 mai 2018 et encore moins de ce qu'elle avait alors saisi celui-ci d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat.

Le dossier de procédure issu du conseil de prud'hommes ne contient aucune requête déposée avant le 18 octobre 2018.

Dans ces conditions, faute pour l'appelante de justifier d'une saisine du conseil antérieure à son licenciement et portant une demande de résiliation judiciaire de son contrat, le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré que cette demande introduite après le licenciement était sans objet.

Sur la contestation du bien fondé du licenciement

Arguments des parties

Madame [Y] expose que :

Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 15 janvier 2018, cela pour un trouble anxio-dépressif réactionnel à l'exécution déloyale du contrat de travail par son employeur.

L'inaptitude qui a été constatée à l'issue de cet arrêt maladie est liée à ce comportement fautif de l'employeur.

Or, lorsque l'employeur est à l'origine d'une inaptitude d'un salarié, en raison de son comportement fautif, le licenciement consécutif à cette inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, la société est rattachée à un groupe de pâtisseries gastronomiques.

Le médecin du travail, qui ne connaît que l'entreprise employeur, ne peut se prononcer sur l'impossibilité de reclassement au sein de ce groupe.

La société se devait bien de rechercher son reclassement au sein dudit groupe, ce qu'elle n'a pas fait.

Enfin, elle n'a pas consulté les délégués du personnel, avant de procéder à son licenciement.

La partie intimée répond que:

L'arrêt de travail initial de Madame [Y] et sa prolongation ne démontrent pas le lien de causalité qui pourrait exister entre l'état de santé de celle-ci et ses conditions de travail.

Le rôle prépondérant du médecin du travail dans la recherche de reclassement que doit entreprendre l'employeur a été rappelé par la Cour de cassation.

L'employeur qui sollicite, postérieurement au constat d'inaptitude, de nouveau l'avis du Médecin du travail, lequel confirme l'absence de solution de reclassement, est réputé avoir accompli son obligation.

En effet, l'employeur n'a pas à rechercher un poste qui serait ipso-facto contraire aux préconisations émises.

L'avis pour inaptitude de Madame [Y] avec dispense de reclassement a été rendu conformément à la procédure applicable.

Cet avis n'a jamais été contesté par Madame [Y] alors qu'elle disposait d'une telle voie de recours, si elle estimait que l'avis était contestable.

Elle ne peut aujourd'hui remettre en cause les conclusions du médecin du travail comme elle tente de le faire.

Sur ce

L'appelante ne produit aux débats aucune pièce permettant de rattacher les difficultés de santé qu'elle a rencontrées à l'exercice de son emploi, alors même que le jugement avait déjà relevé cette carence pour la débouter de sa contestation.

Dans ces conditions, la cour ne peut considérer qu'elle démontre que son inaptitude est consécutive au fait fautif de son ancien employeur.

S'agissant de la recherche de reclassement, il sera rappelé que le médecin du travail aux termes de son avis d'inaptitude a indiqué :« L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » au visa de l'article L. 1226-12 du Code du travail.

Cet avis médical n'a pas été l'objet d'une procédure en contestation.

La société justifie avoir, par lettre du 24 septembre 2018, réinterroger le médecin du travail quant à cette appréciation et elle produit aux débats la réponse de ce dernier indiquant que l'état de santé de Madame faisait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise ou toute autre société qui lui serait rattachée.

L'article L. 1226-12 du code du travail dispose que :

'Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail(...)'

Au regard de la mention expresse de la part du médecin du travail de ce que l'état de santé de Madame [Y] faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, il sera jugé que la société était dispensée de toute recherche de reclassement, ainsi notamment de son obligation de consultation des délégués du personnel.

Dans ces conditions l'appelante verra sa contestation du bien fondé de son licenciement rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société, succombant même partiellement, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Le jugement sera également infirmé en ce qu'il a débouté Madame [Y] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et la cour, statuant à nouveau de ce chef, condamnera la société à lui payer la somme de 2000 € en remboursement de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône le 29 mars 2021 en ce qu'il a jugé que le contrat de travail de Madame [V] [Y] a été exécuté loyalement par la société LES PRODUITS DU VAL SOANNAN et a rejeté sa demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau,

Condamne la société LES PRODUITS DU VAL SOANNAN à payer à Madame [V] [Y] la somme de 10'000 €, en réparation du dommage né de l'exécution déloyale par celle-ci dudit contrat de travail,

Confirme le jugement en ce qu'il a constaté que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail a été formulée postérieurement au licenciement de Madame [V] [Y],

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Madame [V] [Y] de sa contestation du bien fondé de son licenciement et, en tant que de besoin, l'a déboutée de ses demandes en paiement d'une indemnité de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté Madame [V] [Y] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Condamne la société LES PRODUITS DU VAL SOANNAN à payer à Madame [V] [Y] la somme de 2000 € en remboursement de ses frais irrépétibles engagés en première instance et en appel,

Infirme le jugement en ce qu'il a mis les dépens à la charge de Madame [V] [Y],

Statuant à nouveau,

Condamne la société LES PRODUITS DU VAL SOANNAN aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/04161
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.04161 ?
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