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06/07/2023 | FRANCE | N°21/03524

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 06 juillet 2023, 21/03524


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/03524 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NSPO





SAS SPECIAL BRIDES SERVICE (SBS)



C/



[P]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON

du 12 Avril 2021

RG : F 19/00110



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 06 JUILLET 2023







APPELANTE :



SAS SPECIAL BRIDES SERVICE (SBS)

[Adresse 5]



[Localité 1]



représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant du barreau de LYON, et Me Anne sophie LARDON-BOYER, avocat plaidant au barreau de SAINT-ETIENNE





INTIMÉE :



[S] [P]

née...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/03524 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NSPO

SAS SPECIAL BRIDES SERVICE (SBS)

C/

[P]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON

du 12 Avril 2021

RG : F 19/00110

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

APPELANTE :

SAS SPECIAL BRIDES SERVICE (SBS)

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant du barreau de LYON, et Me Anne sophie LARDON-BOYER, avocat plaidant au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

[S] [P]

née le 18 Septembre 1967 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Frédéric HORDOT de la SCP BONIFACE-HORDOT-FUMAT-MALLON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Avril 2023

Présidée par Etienne RIGAL, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Vincent CASTELLI, conseiller

- Françoise CARRIER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Juillet 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société SPECIAL BRIDES SERVICE (ci-après la société) est une société spécialisée dans la fabrication de composants forgés finis ou semi-finis, brides de raccords. Elle relève de la convention collective de la METALLURGIE.

Madame [S] [P] a été embauchée par celle-ci, selon un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de Technicien animateur de la qualité à compter du 30 août 2004. En dernier lieu, elle y occupait les fonctions de " Responsable qualité".

Depuis le 3 septembre 2015, Madame [P] était secrétaire du CHSCT de cette entreprise.

Un projet de suppression de 8 postes de travail pour motif économique était présenté à son comité d'entreprise au mois de septembre 2018.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 23 novembre 2018, la société a sollicité l'autorisation de l'Inspection du travail pour pouvoir licencier Madame [P].

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 30 octobre 2018, la société convoquait Madame [P] à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement pour motif économique.

Par courrier remis en main propre contre décharge du 9 novembre 2018, Madame [P] s'est vue proposer le bénéfice d'un contrat de sécurisation professionnelle, qu'elle a accepté le 14 janvier 2019.

Par décision du 9 janvier 2019, l'Inspecteur du travail a autorisé le dit licenciement.

En application de cette décision, Madame [P] s'est donc vu notifier son licenciement par courrier recommandé en date du 15 janvier 2019.

Par décision du 23 août 2019, la Ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision d'autorisation de l'Inspecteur du travail.

Par décision du 17 juillet 2020, le Tribunal Administratif de LYON a rejeté la requête de Madame [P] en annulation de l'autorisation administrative de licenciement.

Par requête reçue au greffe le 27 décembre 2019, Madame [P] a fait convoquer son ancien employeur à comparaître devant le conseil de prud'hommes de Montbrison.

Au terme des débats devant cette juridiction, elle demandait condamnation de la société à lui payer la somme de 36'472 €à titre de dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre de licenciement, outre la somme de 2500 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société comparante concluait au rejet des demandes adverses et à la condamnation de la demanderesse à lui payer la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 12 avril 2021, le conseil de prud'hommes rendait un jugement dont le dispositif était rédigé comme il suit :

"Dit que la société SPECIAL BRIDES SERVICE n'a pas respecté les critères d'ordre au licenciement de Madame [S] [P].

Condamne la société SPECIAL BRIDES SERVICE à payer à Madame [S] [P] les somme suivante :

- 36'472 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre,

- 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute la société SPECIAL BRIDES SERVICE de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société SPECIAL BRIDES SERVICE aux entiers dépens de l'instance."

Le 29 avril 2021, la société a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 13 décembre 2021, la société demande à la présente cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau de :

Dire et juger que les critères d'ordre n'avaient pas à être appliqués,

En conséquence, débouter Madame [P] de l'intégralité de ses demandes y afférent.

Condamner Madame [P] à lui verser la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La partie intimée, au terme de ses conclusions notifiées le 7 octobre 2021 demande à la cour de confirmer le jugement et ainsi de :

Confirmer le jugement déféré,

Dire et juger les critères d'ordre au licenciement de Mme [P] n'ont pas été respectés,

Condamner la Société SBS à lui payer la somme de 36 472 € à tire de dommages et

intérêts,

Condamner la société SBS à lui payer la somme de 2 500 € à titre de participation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Arguments des parties

Madame [P] expose que :

Il ressort de l'article L 1233-5 du Code du Travail que :

« Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique (...).".

Suivant une jurisprudence constante, « les critères doivent être appréciés dans la catégorie professionnelle à laquelle appartient le salarié ».

La notion de catégorie professionnelle au sein de laquelle s'applique l'ordre des licenciements ne se réduit pas à un emploi déterminé, mais vise l'ensemble des salariés exerçant dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.

La Cour de Cassation a précisé la définition de la formation professionnelle commune qui peut être atteinte en suivant une formation dans le cadre de la formation d'adaptation.

Ainsi, appartiennent à la même catégorie professionnelle des ouvriers travaillant « sur des machines de générations différentes, sans que l'employeur ne démontre que le pilotage de l'une ou l'autre de ces machines ait nécessité une formation de base spécifique ou une formation complémentaire excédant l'obligation d'adaptation».

Le 20 août 2018, la Société a embauché M. [K] [T] en qualité de technicien du service Qualité de l'entreprise.

Il relevait de la même catégorie que la sienne.

Ils avaient tous deux reçus une formation initiale identique et comme elle ce dernier avait été embauché par l'entreprise en qualité de Technicien animateur de la Qualité ..

Ces salariés étaient tous deux ETAM relevant du niveau V de la CCN de la métallurgie de la Loire

Ils occupaient ainsi «des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune et relevaient par conséquent de la même catégorie.

Ils percevaient un salaire équivalent.

De sorte que les critères d'ordre au licenciement économique prévu à l'article L 1233-3 du Code du Travail auraient dû être mis en 'uvre entre eux, ce qui n'a pas été fait .

La société appelante répond que :

Il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir appliqué des critères d'ordre puisque la catégorie professionnelle de « responsable qualité » ne comprenait qu'une seule et unique salariée (Madame [P]) et puisque celle-ci n'appartenait pas à la même catégorie professionnelle que Monsieur [T].

Tout d'abord, contrairement à ce que prétend Madame [P], les fonctions de responsable qualité et de technicien qualité ne sont pas de même nature : l'une comporte des missions de management et constitue un emploi d'encadrement, alors que l'autre est un emploi de « simple exécutant ».

En effet, Monsieur [T] a été embauché en tant que technicien de qualité et non pas en tant que Responsable Qualité.

Bien que Madame [P] n'ait jamais été cadre, elle avait un statut assimilé cadre et exerçait bien des fonctions de management du système QSE impliquant tant la gestion et l'organisation du système sur le plan administratif, que la gestion de la relation client et environnementale.

Madame [P] prétend qu'à la suite de l'embauche d'un directeur QSE, ses fonctions de responsable avaient été transférées au directeur, et que dans les faits, elle n'était plus que son «assistante ».

S'il ne fait aucun doute que Madame [P] a pu avoir un ressenti négatif quant à la création d'un échelon hiérarchique supplémentaire et supérieur à celui qu'elle détenait au sein du service QSE, il n'en demeure pas moins qu'elle continuait à exercer ses fonctions de "responsable".

En effet, ces deux emplois sont bien différents l'un de l'autre, le directeur QSE définissant la politique QSE globale, et le responsable QSE définissant les actions concrètes pour la mettre en 'uvre.

En conséquence, Madame [P] et Monsieur [T] n'exerçaient pas des fonctions de même nature.

Madame [P] et Monsieur [T] n'avaient absolument pas une formation professionnelle commune, et pour cause : celle-ci ne saurait être réduite aux seules études suivies et sanctionnées par des diplômes et doit intégrer la formation acquise grâce à l'expérience.

Or, du fait de leurs expériences professionnelles ; plus de 21 ans pour Madame [P] et 9 ans pour Monsieur [T] ; ils n'ont pas acquis la même formation.

La société SPECIAL BRIDES SERVICE était donc parfaitement fondée à identifier deux catégories professionnelles distinctes pour les fonctions de responsable qualité et de technicien qualité, étant donné qu'un technicien qualité ; qui n'a jamais administré un système qualité, doit, pour pouvoir être en mesure de devenir responsable qualité, suivre une formation d'adaptation qualifiante pour s'approprier l'ensemble des process et des outils de l'administration du système qualité.

Inversement, un responsable qualité doit suivre une formation d'adaptation qualifiante, notamment sur les procédures de production et sur les caractéristiques des produits ; afin de pouvoir exercer les fonctions d'un technicien qualité.

Sur ce

l'article L 1233-5 du Code du Travail dispose que :

« Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique (...).".

La notion de catégories professionnelles, qui sert de base à l'établissement de l'ordre des licenciements, concerne l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune (Soc 13 février 1997, 95-16.648).

Dès lors, des salariés relèvent d'une seule catégorie lorsqu'ils peuvent remplir les fonctions qui leur sont respectivement dévolues sans besoin de formation autre qu'une simple adaptation aux tâches qui leur étaient jusqu'à présent confiées.

Il est manifeste que Madame [P] aurait été en capacité sans besoin de formation d'occuper les fonctions confiées Monsieur [T], soit celles de technicien qualité, fonctions qu'elle avait déjà exercées.

Cependant, la question se pose de savoir si à l'inverse Monsieur [T] était en capacité d'occuper le poste de responsable QSE.

Madame [P] et Monsieur [T] occupaient tout deux un poste au sein du service "qualité" de l'entreprise. Leurs niveaux de formation originelle (BAC plus +3 qualité) étaient équivalents.

Cependant, la question se pose de savoir si à l'inverse Monsieur [T] était en capacité d'occuper le poste de responsable QSE.

Madame [P] soutient qu'après son licenciement, Monsieur [T] a occupé les tâches qui lui étaient jusqu'alors dévolues.

Cependant, aucune des pièces qu'elle produit aux débats ne justifie de cette affirmation, étant observé qu'au terme d'un courriel que la société a adressé le 20 mai 2019 au service de l'inspection du travail, il est indiqué que les tâches de l'intimée avaient été réparties sur le directeur "qualité" et sur le responsable "réception préparation expédition".

Par ailleurs, la société produit les fiches de poste établies le 24 mai 2016 ayant trait aux emplois de directeur technique responsable QSE, en premier lieu, de responsable QSE (poste de madame [P]), en second lieu.

Il apparaît bien sûr la fiche de poste de l'intimée l'existence de missions de pilotage du système de management de la sécurité, d'agrément et de certification des clients ou organismes, de formation et de conseil des équipes et de réalisations d'audits ISO, notamment..

En réponse à un des arguments de l'intimée, il sera observé que cette fiche de poste a été faite le même jour que celle concernant le poste de directeur technique responsable QSE et a donc nécessairement été établie en conséquence de la création d'un tel poste de directeur.

Il est également produit aux débats le contrat de travail de Monsieur [T] , portant indication des fonctions de technicien qualité qui lui était confiées. Or celles-ci relèvent de tâches d'exécution de moindre responsabilité que celles mentionnées dans la fiche de poste de responsable QSE, dont la teneur a été pour l'essentiel, rappelée plus avant.

L'appelante, dans ces conditions, est fondée à considérer que Monsieur [T], au regard de son expérience moindre, n'était pas en capacité d'occuper le poste de responsable QSE, sauf à compléter sa formation au-delà d'une simple adaptation et à avoir retenu que les fonctions de ces deux salariés, de natures différentes, ne relevaient pas d'une catégorie unique.

Le jugement dès lors sera infirmé en ce qu'il a considéré qu'il était démontré un défaut de respect des critères d'ordre et en ce qu'il a condamné la société au paiement de dommages-intérêts en réparation d'une telle faute.

Cette seule demande principale étant rejetée, le jugement sera sera également infirmé en ce qu'il a condamné l'appelante aux dépens et au versement de sommes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour, statuant de nouveau, condamnera la partie intimée aux dépens et la déboutera, ce faisant, de sa demande fondée sur cette disposition légale.

En équité, au regard notamment de la situation de l'intimée ayant subi un licenciement, il ne sera pas fait droit à la demande reconventionnelle formée par la société sur ce dernier fondement légal.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montbrison le 12 avril 2021,

Statuant à nouveau,

Déboute Madame [S] [D] ép [P] de toutes ses demandes,

Déboute la société SPECIAL BRIDES SERVIVE de sa demande reconventionnelle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame Madame [S] [D] ép [P] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/03524
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.03524 ?
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