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06/07/2023 | FRANCE | N°21/03036

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 06 juillet 2023, 21/03036


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/03036 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NROP





[M]



C/



S.A.S.U. BIC







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-etienen

du 30 Mars 2021

RG : F 19/00341



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 06 JUILLET 2023







APPELANTE :



[V] [M] épouse [E]

née le 06 Septembre 1961 à PORTUGAL
r>[Adresse 4]

[Localité 2]



représentée par Me Saba BENZEGHIBA, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substitué par Me Sandra VALLET de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



S.A.S.U. BIC

[Adresse 3]

[Lo...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/03036 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NROP

[M]

C/

S.A.S.U. BIC

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-etienen

du 30 Mars 2021

RG : F 19/00341

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

APPELANTE :

[V] [M] épouse [E]

née le 06 Septembre 1961 à PORTUGAL

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Saba BENZEGHIBA, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substitué par Me Sandra VALLET de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

S.A.S.U. BIC

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Pascal GARCIA substituée par Me Sandra VALLET, de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Avril 2023

Présidée par Etienne RIGAL, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Vincent CASTELLI, conseiller

- Françoise CARRIER, magistrat honoraire

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Juillet 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [V] [E] ép.[E] a été embauchée par la société Blanchisserie Industrielle du Centre ( ci-après la société ) à compter du 11 février 1980, en qualité « de Personnel au découpage d'essuyage ».

La société a pour objet principal une activité de ' Blanchisserie Industrielle de Chiffons

d'essuyage, achat et vente de déchets, achat et vente de déchets textiles et papiers'.

Cette salariée occupait un poste d'Ouvrière Polyvalente Niveau 1, Echelon B de la Convention Collective Nationale de la Récupération. Concrètement, elle effectuait un tri des chiffons usagés.

Elle était placée en arrêt médical de travail depuis le 12 août 2017.

Le 27 février 2018, le médecin du travail après examen rendait un avis rédigé en ces termes :

« Ne pourra pas reprendre son poste de travail trop sollicitant pour les épaules dos' on se dirige vers une inaptitude avec licenciement probable."

Le 4 avril 2018, l'assurance-maladie de la Loire reconnaissait que sa maladie devait être prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels et reconnaissait qu'elle était affectée d'une maladie professionnelle.

Examinée dans le cadre d'une visite de reprise par le médecin du travail, Madame [E] était déclarée par celui-ci inapte à son poste de travail en ces termes :

« Inapte au poste. CLASSAGE

Inapte définitivement à son poste de travail. Contre-indication aux gestes répétitifs, au

travail les bras en hauteur et aux manutentions répétées ; Inapte au travail manuel

dans l'atelier.

Etude de poste et des conditions de travail du 2 décembre 2016.

Visite de pré-reprise et fiche de recommandation du 5 juin 2018 ».

La Société écrivait à cette salariée , par lettre en date du 6 juillet 2018, que, compte tenu de l'avis d'inaptitude du médecin du travail :

« Nous sommes conduits à envisager toutes les mesures qui pourraient être prises afin

de vous reclasser. '

Le 13 février 2019, un second avis d'inaptitude était rendu par un nouveau médecin du Travail indiquant :

« Inapte au poste ;

Inaptitude confirmée au poste de classage ; Inapte à tout poste avec :

Gestes répétitifs ;

Travail bras en hauteur ;

Manutentions répétées ;

Inapte au travail manuel dans l'atelier ;

Le poste de suivi classage-coupe pourrait convenir sous réserve de la possibilité d'avoir un siège ergonomique adapté + table adaptée et sous réserve de la fréquence et de la durée de la saisie informatique. »

Par lettre datée du 6 mai 2019, l'employeur lui proposait les postes de reclassement suivants :

- Un Poste d'ouvrière affectée à la saisie informatique :

'Tâches : Saisie simple sur informatique des poids de cartons de linge, vérification visuelle

Sujétions physiques et autres : Travail assis sur bureau ou si besoin- alternance assis/debout, en équipant le poste d'une table réglable en hauteur, souris ergonomique,

Aucune manutention, Pas de geste répétitif des bras ;

Mise à disposition du matériel ergonomique tel que proposé par l'ergonome : Bureau électrique réglable ;

Siège adapté ;

Acheminement d'une goulotte électrique'.

- Un poste de standardiste employée administrative :

'Tâches : essentiellement accueil physique et téléphonique-classage : archivage des dossiers et éventuellement selon vos souhaits et capacités, travaux ponctuels de secrétariat de base (rédaction de courriers) ;

Sujétions physiques et autres :

Travail assis sur bureau avec possibilité alternance assis/debout d'une table réglable

en hauteur, Aucune manutention, Pas de geste répétitif des bras,

Mise à disposition du matériel ergonomique tel que proposé par l'ergonome :

Bureau électrique réglable ;

Siège adapté ;

Souris ergonomique ;

Oreillette.'

Par lettre recommandée du 9 mai 2019 Madame [E] répondait à son employeur être dans l'obligation de refuser ces postes. Au sein de ce courrier, elle faisait valoir que les modifications de son contrat de travail proposées n'étaient pas envisageables « au niveau de (son) état de santé actuel ».

Elle ajoutait avoir obtenu une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour la période du 1er mars 2018 au 28 février 2023 et que ses difficultés de santé ne lui permettaient pas d'envisager un reclassement professionnel.

Par lettre recommandée en date du 12 juillet 2019, cette salariée été licenciée pour inaptitude.

Par courrier du 18 janvier 2019, l'union locale CGT demandait à la société le versement de l'indemnité de préavis et le doublement des indemnités de licenciement dus à cette salariée.

Par requête reçue au greffe le 9 septembre 2019, elle faisait convoquer son ancien employeur devant le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne.

Au terme des débats devant cette juridiction, elle demandait condamnation de la société à lui payer les sommes suivantes :

' 26'064,15 €, au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

' 4121,48 euros, au titre de l'indemnité de préavis, outre 412,15 €, au titre des congés payés afférents,

- 5000 €, à titre de dommages-intérêts,

' 1100 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En réponse, la société concluait au rejet des demandes adverses et à la condamnation de Madame [E] à lui verser la somme de 3000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 30 mars 2021, ledit conseil rendait un jugement dont le dispositif était rédigé comme il suit :

« Dit et juge que le refus des postes de reclassement par Madame [E] est abusif et ne repose pas sur un motif légitime ;

En conséquence :

Déboute Madame [E] de l'ensemble de sa demande indemnitaire ;

Déboute Madame [E] de sa demande de dommages-intérêts ;

Déboute les parties de leurs demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Madame [E] au paiement des entiers dépens de l'instance.'

Le 28 avril 2021 Madame [E] a interjeté appel de ce jugement.

Au terme de ses dernières conclusions, notifiées le 7 avril 2022, Madame [E] demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires et de sa demande en dommages-intérêts;

De constater que :

les propositions de reclassement de la Société Blanchisserie Industrielle du Centre n'étaient ni loyales ni sérieuses et entraînaient une modification du contrat de travail qu'elle était en droit de refuser ;

de façon surabondante, son état de santé de la salariée ne lui permettait plus de travailler

son refus d'accepter les propositions de reclassement n'était pas abusif.

Elle sollicite condamnation de la société à lui payer :

- La somme de 26.064, 15 €, à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement,

' la somme de 4.121,48 € au titre du préavis et celle de 412, 48 € au titre de congés payés sur préavis,

- la somme de 5000 €, à titre de dommages et intérêts,

' la somme de 2.500,00 €uros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La société comparante, au terme de ses conclusions notifiées le 13 octobre 2021 demande à la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et, statuant de nouveau, de condamner l'appelante à lui verser la somme de 3000 € en application de cette disposition légale.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 1023.

MOTIFS

Sur la recherche de reclassement

La première contestation opposée par l'appelante tient au fait qu'elle entend voir juger que les recherches de reclassement diligentées par l'employeur de l'ont pas été sincèrement et loyalement.

Arguments des parties

Madame [E], en effet, soutient que:

L'employeur a réalisé que les indemnités de licenciement auxquelles ouvraient droit la rupture du contrat étaient conséquentes, et que c'est dans ces circonstances qu'il a envisagé de lui proposer un reclassement.

Les deux propositions de poste faites par l'employeur ne sont ni loyales, ni sérieuses et n'ont pour seul objectif que d'éviter le règlement de l'indemnité spéciale de licenciement et compensatrice de prévis.

Il sera observé que les postes proposés « d'ouvrière en saisie informatique » et de 'standardiste' sont très éloignés de celui de « classeuse »qu'elle occupait.

Les postes proposés sont des postes administratifs, tandis qu'elle était affectée en production.

Ces deux postes nécessitaient au demeurant une certaine connaissance de l'outil informatique.

Elle a été ouvrière toute sa vie, et a travaillé pendant près de 40 ans dans cette entreprise, au tri des vêtements; elle n'avait pas la possibilité d'accepter les postes de travail proposés demandant une telle connaissance.

La société répond que:

En étroite collaboration avec le médecin du Travail, elle a tout mis en oeuvre pour tenter de parvenir au reclassement de Madame [E].

Ainsi, dès la constatation de l'inaptitude, le 3 juillet 2018, elle lui a adressé à un courrier pour l'interroger sur ses diplômes et compétences et ce, afin d'optimiser les recherches.

Celle-ci n'y a pas répondu.

Après avoir diligenté des recherches de reclassement avec le sérieux qui s'impose et en étroite collaboration avec le médecin du Travail, elle a adressé un mail a ce dernier afin de lui faire part de l'issue de ses recherches et de l'informer qu'elle avait pu identifier deux postes de reclassement.

Par mail en réponse du 18 avril 2019, le médecin du Travail a validé les postes proposés.

Sur ce

Il ressort des pièces produites aux débats que l'employeur a bien interrogé la salariée quant à ses compétences et a identifié deux postes de reclassement validés par le médecin du travail.

Il en résulte que, ce faisant, cet employeur a bien effectivement rempli son obligation de recherche d'une solution de réaffectation de sa salariée sur un poste adapté à ses difficultés de santé.

Le fait que celle-ci ait pu ne pas accepter d'occuper ces postes ou ait pu considérer que ceux-ci ne lui correspondaient pas, même à supposer ces refus justifiés, cette question étant abordée ci-après, ne saurait conduire à considérer que l'employeur qui a effectivement identifié des postes de reclassement correspondant aux préconisations médicales aurait agi avec déloyauté.

Il sera également observé que l'appelante ne soutient pas que d'autres postes, de son point de vue plus adaptés, auraient pu lui être proposés.

Enfin, elle ne justifie pas d'un préjudice qui aurait pu naître en suite de propositions de reclassement.

Dès lors, sa demande en dommages-intérêts pour déloyauté sera rejetée, d'une part faute de preuves d'une telle faute et, d'autre part, faute qu'un dommage ait pu naître de simples propositions qu'elle était en droit de refuser.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en dommages-intérêts de ce chef.

Sur la légitimité des refus d'accepter les postes offerts

Arguments des parties

L'appelante expose que :

Elle était dans l'impossibilité d'accepter les postes de travail proposés, car ces postes étaient très éloignés du poste occupé pendant près de 40 ans.

Elle n'a jamais occupé de poste administratif et a toujours travaillé dans l'atelier.

En outre, ces reclassements impliquaient une modification du contrat de travail lui-même et, en ce sens, ses refus ne sauraient être considérés comme abusifs.

La cour ne manquera pas de constater que le refus de reclassement n'est pas abusif, et qu'il est justifié par la mauvaise foi de l'employeur d'une part et par l'état de santé de la salariée d'autre part.

Un salarié ne peut jamais être privé des indemnités visées à l'article L. 1226-14 du code du travail, lorsqu'il s'est contenté de refuser une ou plusieurs propositions de reclassement impliquant une modification du contrat de travail. Autrement dit, seul le refus d'un poste de reclassement emportant un simple changement des conditions de travail peut être abusif.

L'abus va apparaître si le salarié refuse sans motif légitime un poste approprié à ses capacités, comparable à l'emploi précédemment occupé et n'entraînant pas de modification du contrat de travail.

La société répond que :

Elle a donc proposé à Madame [E] deux postes conformes à l'avis du médecin du Travail, compatibles avec ses compétences professionnelles et comparables avec son précédent emploi puisque la rémunération, la durée de travail, la classification et le lieu de travail restaient inchangés.

Elle a donc refusé ces propositions sans raison apparente.

Elle ne disposait d'aucun motif légitime pour refuser ces postes compatibles avec son état de santé et validés par le médecin du Travail.

Il apparaît plutôt qu'elle ne souhaitait pas occuper lesdits postes.

Sur ce

L'article L.12266-10 du code du travail énonce que :

'Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.'

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L'article L.12266-14 du même code ajoute que :

'La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.'

À ce stade, il sera précisé que le refus d'acceptation d'un poste de reclassement proposé par l'employeur ne saurait être considéré comme fautif lorsque la proposition de reclassement emportant modification du contrat de travail du salarié inapte à son poste de travail (en ce sens Soc 12/10/2011, 10-21.333).

Il convient donc de rechercher si les postes proposés à l'appelante au titre de son reclassement emportaient une modification de son contrat de travail.

Il doit être rappelé qu'il n'est pas soutenu que les emplois proposés emportaient une autre modification que celle relative à la fonction occupée et aux tâches à remplir si par la salariée.

Le lieu de travail, les horaires d'activité, le niveau de rémunération ou la classification restaient identiques.

Cependant, il est manifeste que la nature de l'emploi occupé par Madame [E] depuis 1980, c'est-à-dire un emploi d'ouvrière chargée du tri de textiles et papiers était très éloigné des emplois proposés, relevant de tâches de saisie informatique pour le premier poste offert au reclassement et de tâches relevant du secteur administratif pour le second.

La fonction occupée est un élément essentiel du contrat de travail. Un salarié est engagé pour occuper un poste relevant d'une catégorie d'emploi déterminée, de fonctions qu'il accepte.

En l'espèce, force est de constater qu'il était proposé à cette salariée occupant une fonction d'ouvrière depuis 1980, c'est-à-dire depuis près de 40 années, d'occuper un poste de saisie informatique ou de standardiste, d'une nature fondamentalement différente de l'emploi qui était le sien depuis son embauche très ancienne dans la société.

Dans ces conditions, il sera jugé que l'offre de reclassements emportait bien une modification de son contrat de travail, en ce que la nature même des tâches dont elle serait chargée était modifiée.

Il sera ajouté que les offres de reclassement ne mentionnaient pas que celle-ci bénéficierait d'une formation, décrite en sa durée et en son déroulement lui permettant de s'adapter à de telles nouvelles tâches et ne décrivait pas un parcours d'adaptation proposé après tant d'années de présence dans l'entreprise en qualité d'ouvrière en production, de nature à rassurer cette salariée ancienne quant à sa capacité à répondre aux nouvelles fonctions proposées.

Dans ces conditions, la cour, infirmant le jugement de ce chef, jugera que le refus de Madame [E] d'accepter les deux offres de reclassement faites par son employeur, au terme de sa lettre du 6 mai 2019, ne peut être considéré comme ayant été abusif ou fautif.

En conséquence, celle-ci ne saurait être privée des sommes visées à l'article L. 1226- 14 alinéa 1 du code du travail.

Elle recevra l'indemnité spéciale de licenciement demandée, dont le montant n'est pas contesté, même à titre subsidiaire.

Elle recevra également l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis sollicitée, dont le montant n'est pas plus contesté, même à titre subsidiaire.

En revanche il sera précisé que cette dernière indemnité n'étant pas une indemnité de préavis n'ouvre pas droit à congés payés et la demande en paiement de ce chef sera rejetée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société, succombant, supportera les dépens de première instance d'appel et ne sera pas reçue en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Elle versera, en équité, à son ancienne salariée la somme de 1 800 €, en application de ce même article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne, en date 30 mars 2021 en ce qu'il a débouté Madame [V] [E] ép.[E] de sa demande en dommages-intérêts,

Infirme ledit jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Blanchisserie Industrielle du Centre à payer à Madame [V] [E] ép.[E] la somme de 26 064,15 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 1226 '14 du code du travail en son premier alinéa, et la somme de 4 121,48 euros à titre de l'indemnité compensatrice prévue par cette disposition légale,

Déboute Madame [V] [E] ép.[E] de sa demande en paiement de congés payés afférents à cette dernière indemnité,

Condamne la société Blanchisserie Industrielle du Centre à payer à Madame [V] [E] ép.[E] la somme de 1 800 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Blanchisserie Industrielle du Centre aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/03036
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.03036 ?
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