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06/07/2023 | FRANCE | N°20/06878

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 06 juillet 2023, 20/06878


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 20/06878 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NIZ7





[S]



C/



Fondation OVE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 25 Novembre 2020

RG : 20/00086



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 06 JUILLET 2023







APPELANT :



[V] [S]

né le 04 Juillet 1968 à [Localité 5]

[Adresse 2]


[Localité 3]



représenté par Me Rémi RUIZ FERNANDEZ substitué par Me Cécile RITOUET, de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocats au barreau de LYON





INTIMÉE :



Fondation OVE

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Laurence JUNOD-FANGET de...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/06878 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NIZ7

[S]

C/

Fondation OVE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 25 Novembre 2020

RG : 20/00086

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

APPELANT :

[V] [S]

né le 04 Juillet 1968 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Rémi RUIZ FERNANDEZ substitué par Me Cécile RITOUET, de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocats au barreau de LYON

INTIMÉE :

Fondation OVE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Laurence JUNOD-FANGET de la SELARL ALYSTREE AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Mai 2023

Présidée par Etienne RIGAL, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Vincent CASTELLI, conseiller

- Françoise CARRIER, conseiller honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Juillet 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La Fondation OVE (ci-après la fondation) assure l'accueil, l'encadrement éducatif et pédagogique, ainsi que l'accompagnement thérapeutique d'enfants et de jeunes adultes.

Monsieur [V] [S] a été embauché en date du 10 septembre 2014 par cette fondation, en qualité de moniteur éducateur, il était affecté au sein de l'ITEP de [Localité 6].

Lors d'une visite de reprise à l'issue d'un arrêt maladie consécutif à un accident du travail, le médecin du travail a, en date du 25 novembre 2019, déclaré ce salarié inapte à son poste de travail et a précisé :

« L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Par requête, reçue au greffe le 6 décembre 2019, Monsieur a saisi le conseil de prud'hommes de LYON, selon la procédure accélérée au fond, d'une contestation de cet avis du médecin du travail.

Par courrier en date du 19 décembre 2019, la fondation a notifié à Monsieur son licenciement pour inaptitude.

Au terme des débats devant le conseil de prud'hommes, il demandait que cette juridiction :

A titre principal :

Juge qu'il n'existait aucun cas de dispense de l'obligation de reclassement et que son état de santé ne faisait pas obstacle à son reclassement dans un emploi.

À titre subsidiaire :

Sollicite l'avis du médecin inspecteur du travail territorialement compétent,

Condamne la fondation à lui verser la somme de 1500 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la fondation aux dépens.

La fondation, comparante, demandait au conseil de :

A titre principal :

constate que Monsieur s'était désisté de la procédure de référé à son égard et en conséquence la mettre hors de cause,

À titre subsidiaire :

Constate que les demandes de Monsieur [S] excèdent les pouvoirs de la formation desc référés et, à tout le moins, se heurtent à une contestation sérieuse'

Constate que Monsieur [S] ne justifie pas de la recevabilité et de la régularité de la procédure à son égard,

Le déboute de ses demandes.

L'AST GRAND LYON, appelée en la cause, demandait au conseil de :

Dire que l'enquête de Monsieur était nul et se déclarer incompétent pour connaître des demandes dirigées à son endroit.

Elle demandait également au conseil de condamner Monsieur à lui payer la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes de Lyon a rendu le 25 novembre 2020 une ordonnance de référé dont le dispositif était rédigé comme il suit :

Met hors de cause la fondation.,

juge que la demande de Monsieur [S] est irrecevable devant la formation de référé du conseil de prud'hommes de Lyon, en raison du non-respect du délai de 15 jours pour contester l'avis d'inaptitude du médecin du travail, en date du 25 novembre 2019.

Déboute Monsieur [S] de l'ensemble de ses demandes.

Déboute L'AST GRAND LYON de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 4 décembre 2020, Monsieur [S] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt en date du 14 avril 2022, la présente cour d'appel a rendu un arrêt au terme duquel elle a, pour l'essentiel :

- Infirmé l'ordonnance du 25 novembre 2020,

- Déclaré le recours de Monsieur recevable et a désigné, avant dire droit, la Docteur [M] avec pour mission notamment de :

-Prendre connaissance de la plénitude du poste de moniteur éducateur et des solutions de reclassement envisageables au sein de l'entreprise ou du groupe,

-Dire si Monsieur [S] était apte totalement ou partiellement à la tenue du poste qu'il occupait,

-Dans la négative dire si Monsieur [S] était apte à tous postes dans l'entreprise ou si son état de santé permettait d'envisager un reclassement sur d'autres postes et en ce cas préciserles types de postes sur lesquels monsieur [S] pouvait être reclassé.

Madame la Docteur [M] a déposé son rapport d'expertise le 5 janvier 2023.

Au terme de ses dernières conclusions, notifiées le 27 janvier 2023, Monsieur demande à la cour de :

Infirmer l'Ordonnance rendue le 25 Novembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes de Lyon en toutes ses dispositions.

Statuant a nouveau,

Dlre et juger qu'il n'existe aucun cas de dispense de l'obligation de reclassement, et notamment que l'etat de sante de Monsieur [S] ne fait pas obstacle à son reclassement dans un emploi.

Y ajoutant,

Condamner la Fondation OVE a lui verse la somme de 1.500,00 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du Code de Procedure Civile.

Au terme de ses dernières écritures, notifiées le 2 mars 2023, la fondation demande à la présente cour de :

A titre principal,

Débouter Monsieur [S] de sa demande concernant l'absence d'une dispense de l'obligation de reclassement et de ce que son état de santé ne fait pas obstacle à son reclassement dans un emploi,

Juger qu'il n'y a pas lieu de substituer l'avis du médecin expert à l'avis d'inaptitude du médecin du travail du 25 novembre 2019 retenant que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi,

A titre subsidiaire,

Débouter Monsieur [S] de sa demande de reclassement dans un emploi en ce qu'il ne remplit pas les compétences professionnelles requises et nécessaires pour chacun des 8 postes disponibles,

Condamner Monsieur [S] aux dépens, y compris les frais d'expertise.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un exposé des moyens et arguments des parties,.

MOTIFS

Il doit être rappelé, à titre liminaire, que l'action engagée par Monsieur [S] l'est au visa unique de l'article L.4624-7 du code du travail.

Cette disposition légale énonce que :

'I-Le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes selon la procédure accélérée au fond d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. Le médecin du travail, informé de la contestation par l'employeur, n'est pas partie au litige.

II.-Le conseil de prud'hommes peut confier toute mesure d'instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l'éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s'adjoindre le concours de tiers. A la demande de l'employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, à l'exception des données recueillies dans le dossier médical partagé en application du IV de l'article L. 1111-17 du code de la santé publique, peuvent être notifiés au médecin que l'employeur mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification.

III.-La décision du conseil de prud'hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés.

IV.-Le conseil de prud'hommes peut décider, par décision motivée, de ne pas mettre tout ou partie des honoraires et frais d'expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l'action en justice n'est pas dilatoire ou abusive. Ces honoraires et frais sont réglés d'après le tarif fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et du budget.

V.-Les conditions et les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat.'

Dès lors, la présente juridiction doit exclusivement statuer sur le bien fondé de L'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail le 25 novembre 2019.

Il ne lui appartiendra pas, de rechercher, en présence d'une attitude résiduelle à travailler quels aurait été la capacité du salarié à occuper des postes disponibles au sein de la fondation, au regard de ses compétences.

La cour ne peut s'intéresser qu'à la seule question de l'aptitude médicale de l'appelant à reprendre une activité professionnelle adaptée outre, le cas échéant, à la détermination des réserves médicales limitant celle-ci et à la définition des aménagements indispensables à la reprise éventuelle d'une telle activité..

Le médecin expert désigné, indique, au terme de son rapport précité que :

Monsieur [S] a subi un accident de bûcheronnage le 9 décembre 2017 ayant entraîné une paraplégie.

Il précise qu'il se déplace en fauteuil roulant depuis cet accident ne pouvant plus 'avoir la station debout ou se déplacer autrement qu'avec l'aide de ce fauteuil'.

L'expert retient qu'il paraît effectivement 'adapté que la décision prise par le médecin du travail en date du 25 novembre 2019 soit une décision d'inaptitude définitive au poste de moniteur éducateur.'

En effet 'l'ensemble des fonctions d'accompagnement et de gestion humaine dans le cadre de ces fonctions semble difficilement compatible avec l'état de santé actuel de Monsieur.'

Il indique donc confirmer que 'la décision d'inaptitude définitive au poste de moniteur éducateur était justifiée.'

Cependant, il ajoute que 'Monsieur [S] présente des capacités médicales restantes car il pourra occuper un poste administratif de secrétariat ou d'accueil physique, dans la mesure où ce poste de travail ne requiert pas de grands déplacements, mais un poste avec une activité de bureau pourrait sembler envisageable. En effet l'examen clinique ne faisant pas obstacle à un travail de bureau et d'utilisation de l'outil informatique. Monsieur [S], dans ses activités quotidiennes de loisirs a une entière mobilité des membres supérieurs (...).'

En conclusion il écrit que :

'Je confirme donc que la décision d'inaptitude définitive au poste de moniteur éducateur était justifiée.

Cependant Monsieur [S] présente des capacités médicales restantes car il pourra occuper un poste administratif de secrétariat ou d'accueil physique, dans la mesure où ce poste de travail ne requiert pas de grands déplacements. Mais, une activité de bureau pourrait sembler envisageable. En effet l'examen clinique ne faisant pas obstacle un travail de bureau et d'utilisation d'outils informatiques' (...) Les posts administratifs proposés sont dans les capacités physiques de Monsieur[S] puisqu'il présente une capacité de ses membres supérieurs. Cependant le poste de secrétaire nécessite des interventions sur plusieurs sites il faudrait savoir si cela est compatible et l'accessibilité aux personnes qui se déplacent en fauteuil roulant ici les déplacements entre les sites sont possibles et de quelle façon.'

À ce stade, il sera précisé que l'appelant ne conteste en rien l'avis du médecin du travail en ce qu'il a déclaré définitivement inapte au poste de moniteur éducateur qu'il occupait avant son accident.

La cour ne pourra que constater, en présence d'une absence de contestation de ce chef et du rapport d'expertise, que cet avis du médecin du travail, en cela, doit être confirmé.

Le débat porte dûment sur la question de savoir si l'appelant pouvait reprendre une autre activité salariée adaptée, l'avis du médecin du travail ayant déclaré qu'il ne pouvait être classé dans un autre emploi.

Monsieur [S] produit aux débats un certificat médical établi par le Docteur [E] [R], son médecin traitant, en date du 13 juillet 2020 lequel indique :

« je certifie être le médecin traitant de Monsieur.

Il ne présente pas de contre-indication clinique cliniquement décelable ce jour à l'exercice d'une profession administrative de type conseiller d'insertion.'

Par courrier du 21 novembre 2017, ce médecin traitant indiquait s'agissant de ce patient que 'la reprise d'une activité professionnelle valorisante pourra l'aider moralement'.

Monsieur produit également un certificat médical de la Docteur [B] [U], praticien hospitalier, rédigé comme il suit :

'Je certifie que d'un point de vue infectiologie, l'état de santé de Monsieur n'entraîne aucune contre-indication à la reprise d'une activité professionnelle.'

Ces éléments de preuve soutiennent l'existence d'une capacité résiduelle à occuper un emploi.

La fondation, qui conclut à la confirmation de l'avis médical retenant une incapacité d'occuper un quelconque, soutient qu'il convient d'examiner la situation médicale de l'appelant au jour de son examen par le médecin du travail c'est-à-dire en novembre 2019.

Cependant, il doit être relevé que le courrier du médecin traitant préconisant une reprise d'activité est daté d'avant même cet examen du médecin du travail.

Par ailleurs, l'expert, mentionne bien qu'il s'est s'est bien intéressé à la situation de ce salarié au jour de l'examen par le dit médecin du travail, confirmant d'ailleurs son inaptitude acquise en 2019.

Au-delà, cet expert ne fait pas mention d'une amélioration de la situation médicale de l'appelant entre 2019 et le jour de rédaction de son rapport, laquelle pourrait conduire à penser que l'aptitude résiduelle qu'il reconnaît aurait pu ne pas exister en novembre 2019.

La fondation, par ailleurs, ne produit aucune pièce pouvant conduire à une remise en cause des conclusions de l'expert.

Dans ces conditions la présente juridiction ne pourra que substituer à l'avis du médecin du travail contesté, les conclusions de l'expertise médicale ordonnée.

Comme indiqué précédemment, il n'appartient pas à la présente juridiction de statuer sur la capacité, en termes de compétences, de l'appelant à occuper un poste disponible au sein de la fondation.

Une telle appréciation ne pourra que relever d'une décision d'une juridiction prud'homale, éventuellement saisie au fond, d'une contestation bien fondée le licenciement.

Sur les dépens et frais irrépétibles

la fondation, partie succombante, supportera les dépens de première instance et d'appel, comprenant notamment les frais d'expertise telle que taxés par la présente juridiction.

En équité et par application de l'article 700 du code de procédure civile, Monsieur recevra la somme de 1500 €.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, au fond, selon la procédure accélérée, contradictoirement et par arrêt prononcé par sa mise à disposition au greffe,

Vu l'article L.4624-7 du code du travail,

Accueille Monsieur [V] [S] en sa contestation de l'avis rendu par le médecin du travail le concernant le 25 novembre 2019,

Statuant sur l'aptitude médicale de ce dernier à occuper son emploo à cette date et en substitution de cet avis médical :

Confirme l'inaptitude définitive de Monsieur [V] [S] à occuper son poste de travail de moniteur éducateur,

Déclare Monsieur [V] [S] apte à occuper un emploi de type administratif ou d'accueil physique, dans la mesure où ce poste de travail ne requiert pas de grands déplacements en des lieux inaccessibles à une personne utilisant un fauteuil roulant et ne pouvant être adapté pour ce faire,

Rejette les autres ou plus amples demandes,

Condamne la fondation OVE à payer à Monsieur [V] [S] la somme de 1500 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la fondation aux dépens de première instance et d'appel, comprenant coût des opérations d'expertise judiciaire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 20/06878
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;20.06878 ?
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