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05/07/2023 | FRANCE | N°21/05770

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 05 juillet 2023, 21/05770


N° RG 21/05770 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NXVH









Décision du Juge des contentieux de la protection de montbrison au fond du 21 mai 2021



RG : 20/000297







S.C.I. SCI DES GRANGES



C/



[B]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



8ème chambre



ARRÊT DU 05 Juillet 2023





APPELANTE :



La société civile immobiliére ' SCI DES GRANGES » au capi

tal de 150 000 euros dont Ie siege social est sis à [Localité 5] (LOIRE) - - [Adresse 4] - Immatriculée au RCS de SAINT-ETIENNE sous le n° 429 071 921, et représentée par son gérant en exercice



Représentée par Me Mireille PUTIGNIER de la SCP ...

N° RG 21/05770 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NXVH

Décision du Juge des contentieux de la protection de montbrison au fond du 21 mai 2021

RG : 20/000297

S.C.I. SCI DES GRANGES

C/

[B]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 05 Juillet 2023

APPELANTE :

La société civile immobiliére ' SCI DES GRANGES » au capital de 150 000 euros dont Ie siege social est sis à [Localité 5] (LOIRE) - - [Adresse 4] - Immatriculée au RCS de SAINT-ETIENNE sous le n° 429 071 921, et représentée par son gérant en exercice

Représentée par Me Mireille PUTIGNIER de la SCP PUTIGNIER-MARFAING, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉ :

M. [F] [B]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 6] (42)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Philippe MARCHAL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : 89

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 22 Novembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Mai 2023

Date de mise à disposition : 05 Juillet 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Bénédicte BOISSELET, président

- Karen STELLA, conseiller

- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Exposé du litige

La SCI des granges est propriétaire d'un terrain sur lequel est construite une maison, au [Adresse 3] à [Localité 2] (Loire) qu'elle a acquis à la suite d'une vente par adjudication intervenue le 5 mai 2000.

Ce ensemble immobilier appartenait avant la vente à [F] [B] et son épouse et après la vente par adjudication, [F] [B] est resté dans les lieux et occupe depuis lors la maison.

Par exploit du 21 septembre 2020, la SCI des granges a assigné [F] [B] devant le Tribunal de proximité de Montbrison aux fins de voir au principal ordonner l'expulsion de [F] [B] et le voir condamner au versement d'une indemnité d'occupation.

En défense, [F] [B] a soutenu avoir acquis la propriété du bien litigieux par prescription et subsidiairement a sollicité le rejet des demandes présentées à son encontre.

Par jugement du 21 mai 2021, le Tribunal a :

In limine litis

Dit que [F] [B] n'a pas acquis la propriété sise [Adresse 3] par la prescription acquisitive et que celle ci demeure la propriété de la SCI des granges.

Sur le fond

Dit que [F] [B] bénéficie d'un bail verbal à titre gratuit ;

Dit que la SCI des granges ne rapporte pas la preuve de sa volonté de vendre le bien sis au [Adresse 3] et n'a pas appliqué la procédure prévue par l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ; qu'en conséquence sa demande d'expulsion de [F] [B] sera rejetée ;

Dit que conformément au bail verbal qui lie les parties, aucune indemnité d'occupation n'est due par [F] [B] ;

Dit qu'il ne ressort pas du dossier que la procédure soit abusive et rejette en conséquence la demande de dommages et intérêts présentée à ce titre par [F] [B] ;

Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Le Tribunal a retenu :

que la SCI des granges est bien propriétaire du bien litigieux puisqu'elle l'a acquis à l'audience d'adjudication de la chambre des criées du Tribunal de grande instance de Saint-Etienne le 5 mai 2000 ;

que depuis l'acquisition du bien par la SCI des granges, [F] [B] a occupé le logement sans contestation jusqu'en novembre 2019 sans qu'aucun loyer ne lui soit demandé et qu'il a en conséquence bénéficié d'un bail verbal à titre gratuit ;

que si la demande d'expulsion repose sur un projet de vente du bien par la SCI des granges, il n'en est justifiée que par une promesse d'achat non probante et au demeurant expirée ;

qu'en outre, il n'a pas été délivré au locataire un congé lui rappelant le délai de six mois pour quitter les lieux, conformément à l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ;

qu'enfin, aucune indemnité d'occupation n'est dûe puisque le bail a été consenti à titre gratuit.

Par acte régularisé par RPVA le 8 juillet 2021, la SCI des granges a interjeté appel de l'intégralité des chefs de décision figurant au dispositif du jugement du 21 mai 2021, à l'exception des chefs de décision rejetant la demande de [F] [B] concernant la prescription acquisitive et de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 18 mars 2022, la SCI des granges demande à la Cour de :

Réformer le jugement du 21 mai 2021 et faire droit à ses demandes,

En conséquence :

Dire et juger que [F] [B] est occupant à titre gratuit, qu'il a reconnu l'absence de bail et se maintient dans les lieux sans droit ni titre, que les dispositions légales et les mesures protectrices du locataire ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce, que le prêteur est en droit de reprendre son bien pour la vente ;

Ordonner purement et simplement l'expulsion de [F] [B], avec si besoin est l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;

Dire et juger que la SCI des granges veut vendre le bien immobilier et ne peut parvenir à la vente en raison de l'occupation abusive de [F] [B] ;

Condamner [F] [B] à payer à la SCI des granges une indemnité d'occupation de 2 000 € par mois à compter du jour de l'assignation du 21 septembre 2020 jusqu'à son départ effectif des lieux ;

Débouter [F] [B] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner [F] [B] à payer 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et à régler l'intégralité des dépens, comprenant les frais de sommation et commandement, distraits au profit de la SCP Putignier Marfaing.

La SCI des granges expose :

que [W] [B], fils de [F] [B], a créé la société TDLT dont il est le dirigeant et également la SCI des granges, qui a acheté le bien immobilier à la barre du tribunal ;

que la maison construite sur le terrain est occupée par [F] [B], père de [W] [B], depuis de nombreuses années, sa présence étant tolérée car celui-ci se trouvait dans une situation précaire ;

qu'elle est contrainte de vendre son bien mais ne peut le faire, [F] [B] refusant de quitter les lieux alors qu'il est occupant sans droit ni titre.

Elle soutient en premier lieu que c'est à tort que le premier juge a retenu l'existence d'un bail verbal à titre gratuit entre la SCI des granges et [F] [B], en ce que :

l'existence d'un bail verbal ne se présume pas, la seule occupation du logement ne suffisant pas à établir l'existence d'un bail verbal ;

en l'espèce, [F] [B] ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'un tel bail, étant observé qu'il ne peut y avoir de bail verbal à titre gratuit, puisqu'il n'existe pas de bail sans contrepartie ;

il y a en réalité occupation à titre gratuit, ce qu'a d'ailleurs reconnu [F] [B] lorsqu'il a été sommé par l'huissier de justice, ce qui constitue un aveu judiciaire, cette occupation à titre gratuit ne conférant aucun droit à l'occupant, la SCI étant seulement tenue si elle veut récupérer les lieux de respecter un délai raisonnable ;

une telle occupation a été accordée à [F] [B] et son épouse afin de les aider, compte tenu de leurs difficultés économiques ;

contrairement à ce que soutient [F] [B], il ne pouvait être titulaire d'un bail verbal lorsque la SCI des granges a acheté le bien litigieux, puisqu'il était alors propriétaire de la maison et ne pouvait se consentir un bail à lui même, étant observé qu'à partir de l'achat du bien par la SCI des granges, [F] [B] a cessé d'assumer les charges du logement.

L'appelante ajoute que contrairement à ce qu'affirme [F] [B], la maison ne constituait pas un logement de fonction qui lui était accordé en sa qualité de gérant de la société TDLT, alors que :

le seul gérant de la société TLDT a toujours été [W] [B], comme en atteste le K Bis de la société TLDT,

il n'existe aucun contrat écrit avec la SCI des granges, pas plus qu'une déclaration fiscale faisant état d'un logement de fonction.

L'appelante soutient en second lieu qu'elle est en droit de vendre le bien , dès lors que ce bien est sa propriété et que [F] [B] ne peut bénéficier d'aucun droit puisqu'il n'est titulaire d'aucun bail.

Elle relève à ce titre :

qu'en l'absence de bail, le premier juge ne pouvait lui opposer sa réelle volonté de vendre ;

qu'en tout état de cause, elle justifie de la mise en vente du bien, étant observé que ses démarches n'ont pu persévérer en raison du maintien abusif de [F] [B] dans les lieux, lequel s'opposait en outre aux visites du bien ;

que n'étant pas titulaire d'un bail, [F] [B] ne peut s'opposer à son expulsion et donc revendiquer le bénéfice de la loi Alur, et la qualité de locataire protégé, étant observé qu'il vit avec une nouvelle compagne, qui bénéficie elle même d'un logement et qu'en revanche il doit une indemnité d'occupation.

La SCI des granges soutient par ailleurs que la résistance de [F] [B] est abusive et justifie l'octroi des dommages et intérêts demandés,et que la demande présentée par celui-ci au même titre doit être rejetée dès lors qu'il n'existe de sa part aucune malveillance ou volonté de nuire mais la seule volonté de récupérer le bien qui lui appartient.

Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 5 septembre 2022, [F] [B] demande à la Cour de :

Vu l'article 2272 du Code civil,

Constater qu'il existe un bail verbal entre [F] [B] et la SCI des granges,

Constater que [F] [B] occupe le bien immobilier depuis 1980 avec droit et titre,

Dès lors, confirmer la décision rendue par le Tribunal de Proximité de Montbrison du 21 mai 2021,

Dire et juger que la SCI des granges ne rapporte pas la preuve d'un acte de vente futur concernant le bien immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 2] (Loire),

Dire et Juger que [F] [B] est un locataire âgé et démuni protégé des mesures d'expulsion par la loi,

Dire et Juger qu'il n'existe donc aucun motif légitime et sérieux de l'expulser,

Réformer la décision en ce qu'elle l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, et condamner la SCI des granges à lui payer la somme de 10 000 € de dommages et intérêts à ce titre.

En conséquence,

Débouter la SCI des granges de l'intégralité de ses demandes ;

Constater que la procédure est abusive et dès lors condamner la SCI à lui payer 10 000 € de dommages et intérêts ;

Condamner la SCI des granges à lui payer la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la SCI des granges aux entiers dépens.

[F] [B] expose :

que la maison qu'il occupe a été construite par lui même et son épouse le 7 mars 1980 et qu'il s'agit d'un logement de fonction ;

que lui et son épouse ont occupé le bien litigieux pendant des années sans qu'il n'y ait aucun problème ;

que la maison et son terrain ont été vendus par adjudication le 5 mai 2000 à la SCI des granges, dont [W] [B] son fils est le gérant pour lui permettre de rester dans les lieux et que c'est en raison d'un différend personnel entre père et fils que [W] [B] a décidé de l'expulser du logement.

[F] [B] soutient qu'il existe en réalité un bail verbal, qu'il a aidé son fils à reprendre sa société et qu'en contrepartie, celui-ci lui a laissé la jouissance du bien en échange du paiement des charges, que lorsque le bien a été vendu par adjudication, son fils savait que le bien avait un locataire, la location devant d'ailleurs figurer sur le cahier des charges de la vente par adjudication.

Il ajoute qu'il était gérant de la société TDLT, qu'à ce titre-là, il bénéficiait d'un logement de fonction et que par suite du transfert de la société à son fils, il a été convenu entre les parties qu'il occuperait le logement de fonction sans payer de loyer.

Il indique également qu'entre la date de l'adjudication et le 3 décembre 2019, date à laquelle la SCI des granges l'a une première fois assigné en référé, il s'est écoulé 19 ans et que si aucun bail oral n'avait existé, la SCI n'aurait pas attendu 19 années avant d'intenter une quelconque action pour le déloger.

Il rappelle que les contrats à titre gratuit, et donc sans contrepartie, existent et sont légalement reconnus et valables, conformément aux dispositions de l'article 1107 alinéa 2 du Code civil.

Il conteste par ailleurs toute volonté de la SCI des granges de procéder à la vente du bien immobilier, dès lors que la SCI ne verse aux débats aucun compromis de vente et se limite à produire une simple attestation d'un dénommé [D] [L], qui ne remplit aucunement les conditions de forme exigées par l'article 202 du Code de procédure civile, qu'aucune visite de la maison n'a été effectuée, que n'est versé aux débats aucun contrat conclu avec une quelconque agence immobilière.

Il ajoute qu'il y a impossibilité de l'expulser, alors qu'il dispose de ressources inférieures au plafond et est donc un locataire protégé au sens de l'article 15 de la loi Alur.

Il conteste enfin l'indemnité d'occupation sollicitée, rappelant que l'indemnité d'occupation doit reposer sur la valeur locative du bien immobilier, et qu'une telle évaluation n'a nullement été faite puisqu'aucun justificatif n'est produit.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour "constater" ou "dire et juger" ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

1) Sur la demande d'expulsion

La SCI des granges, faisant valoir que [F] [B] est occupant sans droit ni titre du bien litigieux, soutient être fondée à voir ordonner son expulsion, alors que de son côté, [F] [B] soutient être titulaire d'un bail verbal et être en droit de bénéficier de dispositions protectrices de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, ce que le premier juge a également retenu.

L'article 1709 du Code civil dispose : 'le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige à lui payer'.

Contrairement à ce que soutient [F] [B], si, au sens des dispositions de l'article 1107 du Code civil, un contrat peut être à titre onéreux mais également à titre gratuit, pour autant, il ne peut exister de contrat de bail sans contrepartie financière à la jouissance des lieux loués, par application des dispositions précitées.

Dans ce contexte, l'article 1714 du Code civil valide l'existence d'un bail verbal, si ce n'est que, par application de l'article 1715 du même code, il appartient à celui qui s'en prévaut d'en rapporter la preuve par tous moyens dès lors que le bail revendiqué a reçu exécution.

Or, comme le relève à raison la SCI des granges, cette preuve ne peut résulter de la seule occupation des lieux, [F] [B] devant établir à ce titre qu'il a versé à la SCI des granges une contrepartie financière.

La Cour observe à l'examen des pièces versées aux débats par [F] [B], que cette preuve n'est pas rapportée, alors que :

il se limite à justifier du paiement de la taxe d'habitation et de facture EDF et d'eau au cours de l'année 2019, qui correspond à l'année où la SCI des granges lui a demandé de quitter les lieux, (pièce 4 , 5 et 6 intimé) ;

il justifie antérieurement à 2019 de factures Engie (2015, 2016, 2018) qui sont établies à l'ordre de la société TDLT et dont il n'est aucunement établi qu'il les a réglées ; (Pièce 3 intimé) ;

il justifie également de factures à son nom mais qui ont été établies alors qu'il était encore propriétaire du bien litigieux, facture donc antérieures à l'acquisition par adjudication de la SCI des granges (Redevance télévisuelle de 1995, pièce 7 et attestation d'assurance UAP de 1981, pièce 8).

En tout état de cause, à supposé qu'il ait réglé les charges de consommation d'eau et d'électricité du bien litigieux et les impôts afférant à son occupation, de telles charges, qui constituent des charges personnelles, ne sauraient constituer une contrepartie financière versée au bailleur en échange de la jouissance du bien litigieux.

La Cour observe par ailleurs que [F] [B] ne peut soutenir être titulaire d'un bail depuis le 7 mars 1980, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'à cette date, il était propriétaire du bien litigieux, qualité qu'il n'a plus depuis le 5 mai 2000, date de l'adjudication ;

La Cour observe également que si [F] [B] soutient que le bien litigieux constituait un logement de fonction qui lui aurait été attribué lorsque la SCI des granges a acheté le bien par adjudication, les procès-verbaux du conseil d'administration de la société TDLT du 20 juillet 1999 et du 22 novembre 2000, qu'il verse aux débats pour l'établir, se limitent à faire état d'une promesse d'embauche le concernant en qualité de directeur technique de la société TDLT et d'un projet de bail entre la SCI des granges et la sociét TDLT concernant les locaux et le ténement acquis par la SCI des granges et ne font aucunement référence à un logement de fonction.

Il en résulte que la preuve n'est pas rapportée que [F] [B] a bénéficié à compter de la date à laquelle la SCI des granges est devenue propriétaire d'un logement de fonction portant sur le bien litigieux.

Enfin et surtout, il ressort de la sommation interpellative qui a été délivré à [F] [B] le 3 mai 2019 par la SCI des granges qu'il a été proposé à [F] [B] d'établir un contrat de location, moyennant le versement d'un loyer mensuel 700 € et que celui-ci n'a pas donné suite à cette proposition.

La Cour déduit de l'ensemble de ces éléments que la preuve de l'existence d'un bail oral n'est pas rapportée, qu'en réalité, [F] [B] a été autorisé à occuper les lieux à titre gratuit et s'est opposé à l'établissement d'un bail moyennant contrepartie financière et qu'en conséquence il ne peut se prévaloir des dispositions protectrices des droits du locataire énoncées à l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 et qu'il doit donc quitter les lieux dès lors que la SCI des granges souhaite récupérer son bien, étant observé qu'en l'absence de bail, celle-ci n'a aucunement à justifier des raisons pour lesquelles elle souhaite le récupérer et au plus fort de sa réelle volonté d'en poursuivre la vente.

La Cour en conséquence infirme la décision déférée en ce qu'elle a dit que [F] [B] bénéficiait d'un bail verbal à titre gratuit, et rejeté la demande d'expulsion de la SCI des granges et statuant à nouveau :

Ordonne l'expulsion de [F] [B], si besoin est avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, du bien sis [Adresse 3] à [Localité 2] (Loire).

2) Sur la fixation d'une indemnité d'occupation

La Cour rappelle que l'indemnité d'occupation, au visa de l'article 1240 du Code civil, a vocation à réparer le préjudice subi par le propriétaire dans le cadre d'une occupation indue d'un bien lui appartenant.

En l'espèce, il est confirmé par les pièces versées aux débats que depuis que la SCI des granges a acquis le bien litigieux, il a été occupé par [F] [B] sans aucune contrepartie financière, ce avec l'accord de la SCI des granges et que ce n'est que le 27 novembre 2019 que celle-ci lui a délivré une sommation de quitter les lieux dès lors qu'il occupait le bien litigieux en dehors de toute convention, dans un contexte où à l'occasion d'une précédente sommation délivrée le 3 mai 2019, il était proposé à [F] [B] de conclure un contrat de bail, moyennant un loyer mensuel 700 €, sans qu'aucune suite soit donnée de la part de ce dernier à cette proposition.

La Cour retient que, dans ce contexte, la SCI des granges subit un préjudice en raison d'une occupation indue du bien qui lui appartient, dont elle ne peut disposer librement du fait de cette occupation indue, et qu'il est en conséquence justifié de faire droit à sa demande d'indemnité d'occupation.

La Cour observe toutefois que si la SCI des granges sollicite une somme de 2 000 € mensuelle à ce titre, elle ne justifie d'aucun élément pour confirmer que ce montant correspond à une juste évaluation du préjudice qui lui cause l'occupation indue du bien qui lui appartient.

En revanche, dès lors qu'elle proposait dans le cadre de la sommation interpellative du 3 mai 2019 une contrepartie financière à hauteur de la somme de 700 €, qu'au regard des photographies du bien litigieux qu'elle verse aux débats, qui révèle que celui-ci est un bien particulièrement cossu, cette évaluation n'apparaît pas excessive, la Cour retient que l'indemnité d'occupation due par [F] [B] doit être fixée à hauteur de ce montant.

Cette indemnité sera dûe à compter de la signification du présent arrêt qui fixe la créance à ce titre, et ce jusqu'au départ effectif des lieux par [F] [B].

La Cour en conséquence infirme la décision déférée en ce qu'elle a débouté la SCI des granges de sa demande d'indemnité d'occupation et, statuant à nouveau, condamne [F] [B] à payer à la SCI des granges une indemnité d'occupation de 700 € par mois, à compter de la signification du présent arrêt et jusqu'au départ effectif des lieux.

3) Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive

[F] [B] succombant, sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit nécessairement être rejetée.

La Cour, mais pour ce motif, confirme la décision déférée de ce chef.

Enfin, alors que l'occupation querellée a persévéré durant près de 19 ans de façon sereine, que le litige est survenu en 2019 dans un contexte familial qui s'est brusquement dégradé pour des raisons que la Cour n'a pas été mise en mesure de connaître, il apparaît qu'il ne peut être retenu à l'encontre de [F] [B] une résistance abusive justifiant l'octroi de dommages et intérêts, comme le sollicite la SCI des granges, qui est donc déboutée de sa demande de ce chef..

4) Sur les demandes accessoires

[F] [B] succombant, la Cour infirme la décision déférée qui a laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens et, statuant à nouveau condamne [F] [B] aux dépens de la procédure de première instance.

Pour la même raison, la Cour condamne [F] [B] aux dépens à hauteur d'appel, étant observé que les dépens ne peuvent intégrer les frais de sommation et commandement, qui ont la nature de frais irrépétibles, dépens distraits au profit de la SCP Putignier Marfaing, Avocats.

La Cour condamne enfin [F] [B], partie perdante, à payer à la SCI des granges la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel, justifiée en équité.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme la décision déférée dans son intégralité, sauf en ce qu'elle a dit que [F] [B] n'avait pas acquis la propriété du [Adresse 3] par prescription acquisitive, et a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par [F] [B] pour procédure abusive, et,

Statuant à nouveau :

Ordonne l'expulsion de [F] [B], si besoin est avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, du bien sis [Adresse 3] à [Localité 2] (Loire) ;

Condamne [F] [B] à payer à la SCI des granges une indemnité d'occupation de 700 € par mois, à compter de la signification du présent arrêt et jusqu'au départ effectif des lieux ;

Condamne [F] [B] aux dépens de la procédure de première instance ;

Déboute la SCI des granges de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Condamne [F] [B] aux dépens à hauteur d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Putignier Marfaing, avocats ;

Condamne [F] [B] à payer à la SCI des granges la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/05770
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;21.05770 ?
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