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05/07/2023 | FRANCE | N°20/01959

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 05 juillet 2023, 20/01959


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 20/01959 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M5LK



SOCIÉTÉ D'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL DU RHONE (SEP R)

C/

[H]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Lyon

du 20 Février 2020

RG : F18/01290







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 05 JUILLET 2023







APPELANTE :



SOCIÉTÉ D'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL DU RHONE (SEPR)
>[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Laurence JUNOD-FANGET, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



[E] [H]

née le 19 Juin 1963 à [Localité 6] (ALGERIE)

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Sylv...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/01959 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M5LK

SOCIÉTÉ D'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL DU RHONE (SEP R)

C/

[H]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Lyon

du 20 Février 2020

RG : F18/01290

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 05 JUILLET 2023

APPELANTE :

SOCIÉTÉ D'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL DU RHONE (SEPR)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Laurence JUNOD-FANGET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[E] [H]

née le 19 Juin 1963 à [Localité 6] (ALGERIE)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Sylvie VUILLAUME-COLAS de la SCP VUILLAUME-COLAS & MECHERI, avocat au barreau de LYON substituée par Me Sonia MECHERI, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Mai 2023

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Juillet 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, Mme [E] [H] a été embauchée à compter du 1er septembre 2003 en qualité de Professeur-Formateur par l'Association Société d'Enseignement Professionnel du Rhône (ci-après « SEPR »), association reconnue d'utilité publique exerçant une activité d'enseignement technique et professionnel.

Mme [H] percevait une rémunération moyenne brute de 2 304,91 euros.

Aucune convention collective n'était applicable à la relation de travail et l'Association SEPR emploie plus de 10 salariés.

Le 9 février 2017, une déclaration d'accident du travail a été rédigée par l'employeur, mentionnant que Mme [H] avait eu une « crise de larmes, stress, pic de tension » pendant un cours de travaux pratiques.

A compter du 10 février 2017, Mme [H] a été placée en arrêt maladie.

Par décision du 2 mai 2017, la Caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a refusé de prendre en charge l'accident de Mme [H] au titre de la législation sur les risques professionnels.

Lors de la visite de pré-reprise en date du 30 août 2017, le médecin du travail a envisagé une inaptitude.

Lors de la deuxième visite du 11 septembre 2017, le médecin du travail a déclaré Mme [H] inapte à son poste et a précisé que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement au sein de l'Association SEPR.

Par courrier recommandé en date du 4 décembre 2017, Mme [H] a été convoquée par son employeur à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé le 18 décembre 2017 et au cours duquel Mme [H] n'était pas présente.

Par lettre recommandée en date du 2 janvier 2018, Mme [H] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement en ces termes :

« Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 4 décembre 2017, nous vous avons convoqué à un entretien préalable le 18 décembre 2017 sur une éventuelle mesure de licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle constaté par le médecin du travail.

Par courrier en date du 9 décembre 2017, vous nous avez signifié ne pas pouvoir vous présenter à cet entretien en raison de votre état de santé.

En application de l'article R 4624-31 du Code du travail, le médecin du travail vous a déclaré inapte le 11 septembre 2017 après une visite de pré-reprise en date du 30 août 2017.

Le premier avis était ainsi libellé : « une inaptitude est envisagée à la reprise effective. A revoir le 11.09.2017 après étude du poste des conditions de travail ».

Le deuxième avis était ainsi libellé : « Inapte au poste d'enseignante formatrice en coiffure dans l'entreprise SEPR de la Ville de [Localité 5]. Etude de poste et des conditions de travail faites le 11.09.2017 pour proposition d'aménagement, adaptation ou de mutation de poste ou changement de poste. Echange avec l'employeur effectué le 30.08.2017 et le 11.09.2017. Date d'actualisation de la fiche d'entreprise : 22.08.2017.

A partir du 11.09.2017 : l'état de santé du salarié fait obstacle a tout reclassement dans un emploi ».

Conformément aux dispositions légales en la matière, nous avons recherché toutes les solutions de reclassement envisageables au sein de la SEPR. Après consultation du médecin du travail et des délégués du personnel nous avons proposé par courrier en date du 24 novembre 2017 deux postes en reclassement que vous avez refusé par courrier en date du 28 novembre 2017.

Compte tenu de l'ensemble des éléments de votre dossier, nous sommes, par conséquent, dans l'obligation de vous notifier par la présente votre licenciement pour inaptitude physique pour origine non professionnelle et impossibilité de reclassement. Cette décision prendra effet dès la première présentation de cette lettre.

Votre état de santé ne vous permet pas de travailler pendant une période couvrant celle du préavis qui, en conséquence, ne sera ni exécuté ni payé.

Vous voudrez bien nous faire parvenir dans les meilleurs délais le matériel mis à votre disposition par votre employeur à savoir les clés n° 8 et 21 de la SEPR, le badge et l'ordinateur portable professionnel (') »

Par requête en date du 27 avril 2018, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner son employeur à lui verser diverses sommes à titre d'indemnités de préavis et de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et perte d'emploi.

Par procès-verbal en date du 26 avril 2019, le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix.

Par jugement en date du 20 février 2020, le conseil de prud'hommes de Lyon, en sa formation de départage, a :

- dit que l'Association SEPR a commis un manquement à l'obligation de sécurité dans le cadre de l'exécution du contrat de travail conclu avec Mme [H],

- dit que le licenciement pour inaptitude de M. [H] par l'Association SEPR est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné en conséquence l'Association SEPR à verser à Mme. [H] les sommes suivantes :

*celle de 4 609,98 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*celle de 460,99 euros au titre des congés y afférents,

Sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2018, date de réception de la convocation par l'employeur devant le bureau de conciliation valant mise en demeure

*celle de 25 400 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*celle de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement a l'obligation de sécurité,

Sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du prononce du présent jugement

- ordonné le remboursement par l'Association SEPR aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Mme [H] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 1 mois dans les conditions prévues à l'article L.1235-4 du code du travail,

- dit que le secrétariat greffe en application de l'article R.1235-2 du code du travail adressera à la Direction générale de Pôle Emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci a fait ou non l'objet d'un appel,

- dit que l'Association SEPR délivrera à Mme [H] l'ensemble des documents de rupture rectifiés conformes à la présente décision, dans un délai de deux mois suivant la notification de la présente,

- condamné l'Association SEPR à verser à Mme [H] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire étant rappelé qu'en application de l'article R.1454-28 du code du travail, sont de droit exécutoire à titre provisoire les jugements qui ordonnent le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R.1454-14 dans la limite maximum de 9 mois de salaire calculé sur la moyenne des 3 derniers mois,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 304,91 euros,

- débouté les parties de plus amples demandes contraires au présent dispositif,

- condamné l'Association SEPR aux dépens de la présente instance,

- rappelé qu'en application de l'article R 1461-1 du code du travail, la présente décision est susceptible d'appel dans un délai d'un mois à compter de sa notification.

L'Association SEPR a interjeté appel de ce jugement, le 12 mars 2020. Mme [H] a formé appel incident.

Par conclusions notifiées le 23 juin 2021, l'Association SEPR demande à la cour de réformer le jugement entrepris et de :

- juger qu'elle a mis en 'uvre toutes les mesures nécessaires dans la gestion du conflit entre Mmes [H] et [Z] ainsi que dans le cadre du changement du statut collectif,

- juger que Mme [H] ne démontre pas une faute de l'employeur dans la mise en 'uvre de son obligation de sécurité,

- juger que le caractère professionnel de l'accident de Mme [H] n'a pas été reconnu par la CPAM,

- juger que l'Association SEPR n'a pas manqué à son obligation de sécurité.

Concernant la rupture du contrat de travail :

- à titre principal :

débouter Mme [H] de sa demande tendant à la remise en cause du bien-fondé de son licenciement et de l'ensemble des demandes afférentes,

- condamner Mme [H] à rembourser les sommes versées par l'Association dans le cadre de l'exécution provisoire, à savoir la somme de 3 305,34 euros outre intérêts au taux légal à compter du versement de ladite somme,

- à titre subsidiaire,

constater que Mme [H] ne justifie pas d'un préjudice supérieur à 6 mois de salaire au titre de la perte d'emploi et de cantonner toute condamnation à ce barème.

En outre, constater que Mme [H] a été licenciée pour inaptitude d'origine non professionnelle.

Dès lors, débouter Mme [H] de sa demande au titre du versement de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.

Concernant l'exécution du contrat de travail :

- à titre principal, débouter Mme [H] de sa demande indemnitaire en ce qu'elle ne démontre pas un manquement à son obligation de loyauté susceptible d'engager sa responsabilité,

- à titre subsidiaire, juger que Mme [H] ne démontre pas un préjudice distinct que celui qui serait d'ores et déjà indemnisé au titre de la perte de l'emploi et en conséquence débouter Mme [H] de sa demande indemnitaire,

- à titre infiniment subsidiaire, cantonner toute condamnation à de plus justes proportions.

En tout état de cause :

- débouter Mme [H] de son appel incident,

- débouter Mme [H] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Mme [H] aux entiers dépens,

- débouter Mme [H] de toutes demandes, fins et conclusions contraires.

Par conclusions notifiées le 23 avril 2021, Mme [H] demande à la cour de :

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

*dit que la SEPR avait manqué à ses obligations de sécurité et de loyauté dans l'exécution du contrat de travail,

*dit que son licenciement pour inaptitude s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*condamné la SEPR à lui verser 4 609,98 euros au titre de l'indemnité de préavis outre 460,99 euros au titre des congés payés afférents,

Sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2018,

*condamné la SEPR à lui verser 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Statuant à nouveau pour le surplus,

- condamner la SEPR à lui verser :

*à titre de dommages intérêts en raison du préjudice subi du fait des manquements de l'employeur à son obligation de loyauté : 12 000 euros,

*à titre de dommages intérêts en raison du préjudice subi du fait de la perte d'emploi : 30 000 euros

- condamner la même à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2023.

SUR CE :

- Sur l'obligation de sécurité :

L'Association SEPR fait valoir que :

- elle a pris toutes les mesures nécessaires et appropriées dès qu'elle a eu connaissance des difficultés relationnelles existantes entre Mmes [H] et [Z] (entretien individuel, établissement d'un arbre des causes de déclarations d'accident du travail, prise de contact avec la médecine du travail et intervention d'une psychologue),

- les mails envoyés par Mme [H] afin d'alerter sur sa situation invoquent des griefs qui ne concernent que les conséquences ponctuelles sur l'organisation de son travail en raison de la demande de remplacement impromptue de M. [S],

- Mme [H] ne peut a posteriori tenter d'ajouter des prétendus manquements, de surcroit d'ordre collectif, à des fins purement procédurales, et ce, d'autant plus que la délibération du CHSCT en vue de la désignation d'un expert est postérieure à son accident du travail,

- les attestations produites par la salariée ne démontrent pas un manquement à l'obligation de sécurité et l'expertise conduite par le cabinet Cadeco, à la demande du CHSCT ne peut être invoquée par Mme [H] d'une part, du fait de son caractère collectif, et d'autre part, en raison de son manque d'impartialité et du non-respect du principe de contradictoire,

- à la suite de la dénonciation de l'accord collectif et du changement d'organisation qui en a résulté, elle a mis en 'uvre un plan de prévention des risques psycho-sociaux qui a été présenté au CHSCT en septembre 2017,

- ce changement d'organisation a été mis en place dans le respect du Code du travail et des dispositions relatives à la dénonciation d'accord collectif ; elle a fait preuve d'une grande pédagogie dans la négociation et la mise en 'uvre du changement ; elle a été à l'écoute et a mis en 'uvre des démarches afin d'accompagner au mieux les salariés dans le changement,

- sur les dommages et intérêts pour déloyauté, la salariée ne démontre pas un manquement à son obligation de loyauté et subsidiairement, ne démontre pas un préjudice distinct de celui qui serait d'ores et déjà indemnisé au titre de la perte d'emploi,

Mme [H] fait valoir que :

- elle a alerté à de nombreuses reprises l'Association SEPR sur ses conditions de travail et sur les répercussions de cette situation sur son état de santé (notamment, surcharge de travail, nombre d'heures de face à face pédagogique excessif ou encore, non prise en compte de ses temps de recherches, préparation et correction),

- les difficultés qu'elle a dénoncées ont été confirmées par le CHSCT, l'Expert de Cadeco et de nombreux collègues de travail,

- elle a dû solliciter à plusieurs reprises l'Association SEPR afin qu'elle réagisse à son alerte de fin 2017 relative aux critiques et les ragots dont elle était l'objet de la part de sa collègue, Mme [Z] et que son employeur a attendu le 13 avril 2017 pour prendre attache avec le Médecin du travail ; dès lors, son employeur n'a pas tenu compte, en temps utile, de ses alertes répétées et n'a pas mis en 'uvre les mesures nécessaires pour la protéger,

- à la date de la déclaration de son accident du travail, la SEPR avait déjà été alertée à maintes reprises tant par les Représentants du personnel que par le Médecin du travail, l'assistante sociale et l'Inspection du travail sur les risques psychosociaux graves auxquels la nouvelle organisation exposait les salariés,

- le rapport Cadeco, qui a également dénoncé les risques psycho-sociaux graves auxquels étaient exposés les professeurs formateurs en raison de la nouvelle organisation, la concerne puisqu'il décrit des situations identiques à celles qu'elle avait dénoncées dans son mail du 4 octobre 2016,

- il existe un lien de causalité entre ses conditions de travail et la dégradation de son état de santé et son inaptitude est la conséquence des faits fautifs de son employeur qui n'a pas mis en place des mesures préventives et effectives afin de la prévenir,

- le plan de prévention des risques psycho-sociaux présenté au CHSCT en septembre 2017 a été établi plusieurs mois après son arrêt de travail ; dès lors, le risque s'étant réalisé à son égard, il n'est pas de nature à exonérer l'employeur de sa responsabilité,

- elle justifie d'un grave préjudice subi durant l'exécution de son contrat de travail, parfaitement distinct du préjudice résultant de sa perte d'emploi ; son employeur n'a pris aucune mesure pour améliorer sa situation.

****

L'article L. 4121-1 du code du travail énonce que : » L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels y compris ceux mentionnés à l'article L.4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. »

L'article L. 4121-2 du même code énonce que : « L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui peuvent être évités ;

3° Combattre les risques à la source (') »

Il résulte des pièces versées aux débats que Mme [H] a alerté sa hiérarchie une première fois, par courriel du 4 octobre 2016 « pour exprimer son mécontentement sur le dysfonctionnement de la SEPR » à l'occasion de la demande qui lui était faite de remplacer un collègue, M. [S]. L'association SEPR soutient que les alertes de Mme [H] sont étrangères à la situation générale au sein de l'association et qu'à l'exception d'une problématique de remplacement au pied levé de son collègue, Mme [H] aurait avant tout souhaité s'entretenir avec Mme [L] de son conflit avec Mme [Z].

Mais cette présentation de la situation par l'employeur ne correspond pas à la réalité dès lors que le courriel de Mme [H], argumenté en plusieurs points, soulevait des questions plus générales relatives à l'organisation et interrogeait sur la nécessité de résoudre des situations récurrentes, se référant par ailleurs à un précédent e mail du

29 septembre 2016.

Par ailleurs, il est constant que Mme [H] a également alerté à la fin du mois de janvier 2017 et par courriel du 6 février 2017 sur le fait qu'elle se trouvait extrêmement affectée par les agissements répétés de Mme [Z] laquelle n'aurait de cesse de colporter des ragots à son sujet.

Sur cette difficulté, la chronologie est la suivante :

Le 9 février 2017, Mme [H] a un rendez-vous avec Mme [L], à sa demande, en vue d'une médiation avec Mme [Z]. A l'issue, elle rencontre le docteur [P], médecin du travail qui constate que les doléances de Mme [H] portent à la fois sur un conflit avec une collègue et sur la réorganisation de la SEPR avec une augmentation du temps de travail, la perte de vacances scolaires, l'existence de tensions et qu'elle pleure tout au long de l'entretien. Avant et après son cours qui a eu lieu de 10h à midi, Mme [H] est en larmes. Elle sera en arrêt maladie le lendemain.

Le 21 mars 2017, Mme [C], responsable sécurité/environnement établit un arbre des causes du conflit pour chacune des deux salariées.

Par courriel du 13 avril 2017, Mme [C] informe les deux salariées que le service de médecine du travail, contacté afin qu'il apporte un conseil sur leurs dossiers respectifs, a préconisé l'intervention d'une psychologue du travail. Celle-ci, Mme [G] [N], a indiqué par courriel du 27 juillet 2017, qu'après avoir rencontré Mmes [H] et [Z], elle avait estimé que les conditions nécessaires à la réalisation d'une médiation dans le respect et l'intégrité de chacun des protagonistes n'étaient pas réunies, de sorte qu'elle ne donnait pas suite à la démarche.

S'il est constant que Mme [H] a remercié Mme [C] pour sa bienveillance et son écoute, par courriel du 15 mars 2017, il résulte cependant de la chronologie sus-visée, que le conflit personnel entre Mme [H] et Mme [Z] n'a été pris en compte que postérieurement à l'arrêt maladie de Mme [H] et que la proposition de médiation avec un psychologue, suggérée par la médecine du travail, est intervenue trop tardivement pour être pertinente ainsi qu'il a été constaté par Mme [N].

S'agissant du contexte général, l'association SEPR expose que le 16 décembre 2014, elle a dénoncé un accord d'entreprise du 20 décembre 1990 particulièrement favorable en termes de congés.

La dénonciation de cet accord a pris effet le 23 mars 2015 et un accord de prorogation est intervenu jusqu'au 31 juillet 2016. A compter de cette date et faute d'accord, l'association a informé ses salariés qu'elle leur accordait désormais chaque année 35 jours ouvrés de congés payés finalement portés à 36 au lieu des 62 jours ouvrables par an dont bénéficiaient les professeurs-formateurs sous l'empire de l'accord du

20 décembre 1990.

L'association évoque un « véritable schisme » en son sein en raison de la perte d'un certain nombre d'avantages et d'une organisation du travail plus souple.

C'est dans ce contexte que le CHSCT a décidé, le 10 février 2017, de mandater le cabinet Cadeco pour réaliser une expertise sur les conditions de travail des salariés de la SEPR.

Si l'association conteste ce rapport dans sa méthodologie, soulignant l'existence d'un parti pris défavorable à la direction, le non-respect du principe du contradictoire et l'absence de toute préconisation ou recommandation, il apparaît cependant que ce rapport identifie un certain nombre de risques psycho-sociaux lesquels ont été précisément dénoncés par Mme [H], tels que :

- le risque « intensité » lié notamment à l'augmentation du nombre d'heures de face-à-face pédagogique et de façon corrélative, la diminution du temps pour réaliser les activités induites ;

- le risque « conflit de valeur » résultant du sentiment de ne plus pouvoir dispenser un enseignement de qualité ;

-le risque « autonomie » résultant de l'obligation pour les enseignants-formateurs de réaliser toutes leurs activités à l'intérieur de l'établissement, ce qui a réduit leur capacité d'organisation et les a exposés à une possibilité accrue de modifications imprévues du planning ;

- le risque « rapports sociaux au travail » qui est en l'espèce illustré par le conflit entre Mme [H] et Mme [Z].

La cour observe que l'association critique la pertinence de ce rapport en s'appuyant sur les courriels de deux salariés : Mme [W] [T], coordinatrice Actions Handicap et M. [Y] [U], directeur alternance et formation qui évoquent leur entretien avec le cabinet Cadeco, comme déstabilisant ou surprenant, mais qu'à l'exception du sentiment de partialité ressenti par ces salariés, elle n'apporte dans le débat aucun élément contraire aux constats objectifs, notamment sur la question des arrêts de travail comme stratégie de protection, ou encore sur la question du turn over constaté au sein de l'association résultant de la rupture en 2016 de 80 contrats d'enseignants-formateurs sur un effectif de 129 ETP.

Ainsi, Mme [H] a subi plusieurs des risques psycho-sociaux dûment caractérisés par le cabinet Cadeco. Il en est résulté pour cette salariée une souffrance au travail liée tant à l'existence d'un conflit de personnes non résolu, qu'à la mise en 'uvre d'une nouvelle organisation modifiant de façon majeure les rythmes de travail des enseignants-formateurs et leurs contraintes d'organisation, sans anticipation et sans prévention des risques en découlant.

Les conséquences sur l'état de santé de Mme [H] sont objectivés par plusieurs documents médicaux :

- la lettre d'adressage du médecin du travail, datée du 31 juillet 2017, mentionnant un état dépressif majeur, l'incapacité de la patiente à faire quoi que ce soit et s'interrogeant sur l'opportunité d'une hospitalisation compte tenu notamment d'idées suicidaires ;

- les avis d'inaptitude des 30 août et 11 septembre 2017 ;

- l'attestation du docteur [V], psychiatre, datée du 28 juillet 2017 confirmant un tableau anxio-dépressif sévère.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a jugé que l'association SEPR a manqué à son obligation de sécurité dans le cadre du contrat de travail de Mme [H]. Et l'inaptitude de Mme [H] résultant directement des manquements de l'employeur dans la mise en oeuvre de son obligation de sécurité, le jugement est également confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement pour inaptitude de Mme [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- Sur l'indemnisation des préjudices :

1°) sur la demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail :

Compte tenu des développements ci-avant et du manquement à l'obligation de sécurité retenu par la cour, Mme [H] est fondée à solliciter la réparation du préjudice résultant d'une mauvaise exécution par l'employeur des obligations découlant du contrat de travail. La cour confirme l'évaluation du préjudice par le premier juge à 3 000 euros et déboute Mme [H] de sa demande pour le surplus.

2°) sur la demande au titre du préavis :

L'association SEPR s'oppose à cette demande en invoquant l'impossibilité de la salariée d'effectuer un préavis, mais l'inaptitude résultant de la faute de l'employeur, ce dernier est tenu de payer à Mme [H] une indemnité compensatrice justement évaluée à la somme de 4 609, 98 euros, outre les congés payés afférents. Le jugement est confirmé sur ce point.

3°) sur la demande de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Conformément aux dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, Mme [H] qui bénéficiait d'une ancienneté de 14 années complètes au sein de l'association, peut prétendre à une indemnité comprise entre trois mois et douze mois de salaire brut.

La cour estime que le préjudice résultant pour Mme [H] de la rupture a été justement apprécié par le premier juge. En conséquence, le jugement qui lui a alloué la somme de 25 400 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au caractère injustifié du licenciement doit être confirmé et Mme [H] déboutée de sa demande pour le surplus.

- Sur le remboursement des indemnités de chômage :

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de un mois d'indemnisation; le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

- Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de l'association SEPR les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à Mme [H] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association SEPR, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

CONDAMNE l'association Société d'Enseignement Professionnel du Rhône à payer à Mme [H] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

CONDAMNE l'association Société d'Enseignement Professionnel du Rhône aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 20/01959
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;20.01959 ?
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