AFFAIRE PRUD'HOMALE
DOUBLE RAPPORTEUR
N° RG 19/07943 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWNG
SOCIÉTÉ SIGUE GLOBAL SERVICES
C/
[N] [B] épouse [M]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 01 Septembre 2014
RG : F 12/4690
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRET DU 05 Juillet 2023
APPELANTE :
Société SIGUE GLOBAL SERVICES
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Jacques PEROTTO de la SELARL ALERION SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Quentin KERAVAL, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
[B] [N] épouse [M]
née le 22 Décembre 1987 à [Localité 5] (MAROC)
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Emilie BERTHOLET, avocat au barreau de LYON
DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Mai 2023
Présidée par Nathalie ROCCI, conseiller et Anne BRUNNER, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Anne BRUNNER, conseiller
ARRET : CONTRADICTOIRE
rendu publiquement le 05 Juillet 2023 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Joëlle DOAT présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Sigue Global Services, anciennement dénommée Coinstar Money Transfer SAS a pour activité le transfert d'argent liquide de personnes par l'envoi de mandants en France ainsi qu'à l'étranger.
Suivant contrat à durée indéterminée, la société Coinstar Money Transfer SAS a engagé Mme [M] en qualité de conseiller commercial à compter du 15 juillet 2008, au statut de personnel qualifié IIA, coefficient 195 de la classification de la convention collective nationale des société financières .
Par avenant du 11 février 2010, Mme [M] a été promue à compter du 1er février 2010 au poste de conseillère commerciale senior, technicien coefficient 225.
Le 5 juillet 2012 à 8h05, Mme [M] procédait à l'ouverture de l'agence Coinstar Money Transfer à [Localité 6].
Ce jour là, elle attendait la venue d'un plombier commandé par M. [I], son responsable, afin de procéder à une réparation dans les toilettes.
Un plombier se présentait auquel elle donnait accès à la zone sécurisée.
Alors que la sonnerie indiquant la fin de la temporisation retentissait et permettait à Mme [M] de se saisir du coffre de l'agence, le prétendu plombier surgissait derrière elle, arme au poing, s'emparait du contenu du coffre, soit la somme de 138 900 euros, baillonnait et attachait Mme [M] à la cuvette des wc de l'agence.
Le 5 juillet 2012, la société Coinstar Money Transfer déposait une plainte contre x auprès du Service de police judiciaire de [Localité 6] pour vol avec arme et arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire.
Mme [M] a immédiatement été placée en arrêt de travail et une déclaration d'accident du travail a été effectuée le 9 juillet 2012.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 août 2012, la société Coinstar Money Transfer a convoqué Mme [M] le 30 août 2012 à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, lequel entretien a été reporté à la demande de la salariée au 10 septembre 2012.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 septembre 2012, la société Coinstar Money Transfer a notifié à Mme [M] son licenciement pour faute grave en lui reprochant des manquements à la procédure relative au contrôle et à la surveillance des visiteurs.
Le 7 décembre 2012, Mme [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner en conséquence la société Coinstar Money Transfer à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ( 22 319,76 euros), une indemnité compensatrice de préavis ( 3 719,96 euros) et les congés payés afférents, une indemnité de licenciement (1 611,98 euros), une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 1er septembre 2014, le conseil de prud'hommes :
- a dit et jugé que le licenciement de Mme [B] [M] est nul
en conséquence
- a condamné la société Sigue Global Services anciennement dénommée SAS Coinstar Money Transfer à verser à Mme [M] les sommes suivantes :
* 3 719,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 372 euros au titre des congés payés afférents,
* 1 611,98 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 11 160 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
* 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- débouté la société Sigue Global Services de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné la société Sigue Global Services, la remise à mme [M] d'un certificat de travail, bulletin de salaire et attestation pôle emploi conformes aux condamnations prononcées, sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de la décision ;
- Condamné la société Sigue Global Services aux entiers dépens de l'instance.
Par acte du 22 septembre 2014, la société Coinstar Money Transfer a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 20 octobre 2015, la cour d'appel de Lyon a ordonné, avant dire droit, un sursis à statuer jusqu'à la décision à intervenir à la suite de l'instruction pénale en cours.
A la suite de plusieurs renvois, l'affaire a fait l'objet d'une ordonnance de radiation du rôle le 20 septembre 2017.
Le 1er août 2019, la société Coinstar Money Transfer a sollicité la réinscription de l'affaire au rôle de la chambre sociale de la cour d'appel et a communiqué ses conclusions et ses pièces dont le jugement correctionnel rendu le 12 février 2019 par le tribunal correctionnel de Lyon lequel a déclaré Mme [B] [M] coupable des faits de complicité de vol par ruse dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt commis le 5 juillet 2012 à Lyon et l'a condamnée à une peine de six mois d'emprisonnement assortis du sursis.
Par conclusions soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société Sigue Global Services demande à la cour de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er septembre 2014 par le Conseil de prud'hommes de Lyon ;
- Dire que le licenciement de Mme [M] repose sur une faute grave,
En conséquence,
- Débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes,
- Ordonner le remboursement des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire,
A titre reconventionnel, et en toutes hypothèses, il est demandé à la Cour de :
- Condamner Mme [M] à payer à la société la somme de 10 000 euros pour procédure abusive ;
- Condamner Mme [M] à payer une amende civile de 5 000 euros ;
- Condamner Mme [M] à payer à la société la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Mme [M] aux entiers frais et dépens.
Par conclusions soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, Mme [M] demande à la cour de :
- Débouter la société SIGUE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Confirmer le jugement du 1er septembre 2014 rendu par le Conseil de Prud'hommes de Lyon en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la société SIGUE à lui verser la somme de 11 160 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
- Porter la condamnation de la société SIGUE au versement de dommages et intérêts pour licenciement nul à la somme de 22 320 euros (12 mois) nets de CSG CRDS,
- Débouter la Société SIGUE de sa demande de condamnation à la somme de 10 000 euros pour procédure abusive et 5 000 euros au titre de l'amende civile,
- Condamner la société SIGUE à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société SIGUE aux entiers dépens.
MOTIFS
- Sur le licenciement :
Il résulte des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ; aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.
En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement que la société Sigue Global Services a licencié Mme [M] pour faute grave en invoquant des manquements à la procédure de sécurité, caractérisés par les faits suivants :
- avoir laissé une personne se présentant comme le plombier accéder à la zone de sécurité sans avoir au préalable relevé son identité,
- l'avoir laissé seul au sein de l'espace sécurisé,
- avoir ouvert le coffre en sa présence, toutes circonstances qui avaient facilité le vol.
La société Sigue Global Services expose qu'il existe un lien incontestable entre la matérialité des faits reprochés à Mme [M] et le vol avec arme ; que la caractérisation des griefs évoqués à l'appui du licenciement est nécessairement liée au braquage de l'agence et de fait, à la reconnaissance de la participation de l'intéressée à ce braquage.
Mme [M] soutient que la lettre de licenciement fixant le cadre du litige, le débat prud'homal demeure donc circonscrit à la réalité des manquements et, si tant est qu'ils existent, à la question de savoir s'ils ont permis la commission du braquage, dés lors qu'à la date du licenciement l'employeur ne s'est pas prononcé sur le caractère volontaire des manquements.
Mme [M] fait valoir que :
- son licenciement étant intervenu pendant la période de suspension du contrat de travail au titre de l'accident du travail, il n'est justifié que si la faute grave est avérée ;
- les dispositions du manuel de sécurité lui sont inopposables dés lors qu'il s'agit d'une adjonction au règlement et que cette adjonction n'a pas été soumise à la consultation préalable des représentants du personnel ;
- les règles de sécurité supposées violées, telles que l'obligation de faire remplir par tout visiteur le registre spécifique, ne sont pas de nature à empêcher accomplissement du vol à main armée ;
- le manuel de sécurité ne définit nullement la zone sécurisée ;
- l'employeur ne rapporte pas la preuve que le coffre fort était ouvert,
- concernant les règles du chapitre relatif à l'effectif unique, l'employeur invoque la règle selon laquelle 'Une agence ne peut pas être ouverte et fermée en effectif unique sans autorisation préalable d'un responsable opérationnel », sans justifier cependant de cette autorisation préalable ;
- elle a été exposée à un risque majeur par son employeur qui savait qu'elle était seule le 5 juillet 2012 mais qui a malgré tout fait le choix de lui adresser un visiteur, en l'espèce un plombier ;
- elle a effectivement vérifié l'identité de son visiteur qui lui a présenté une carte d'identité et un passeport ;
- en revanche, aucune règle de sécurité ne lui faisait obligation de vérifier auprès de l'employeur l'ordre de mission du professionnel mandaté pour intervenir dans l'agence.
****
L'article L. 1321-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, énonce que le règlement intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du comité d'entreprise ou à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d'un mois à l'accomplissement des formalités de dépôt et de publicité (...)
L'article L. 1321-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige, énonce :
' Les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières mentionnées aux articles L. 1321-1 et L. 1321-2 sont, lorsqu'il existe un règlement intérieur, considérées comme des adjonctions à celui-ci. Ils sont, en toute hypothèse, soumis aux dispositions du présent titre.
Toutefois, lorsque l'urgence le justifie, les obligations relatives à la santé et à la sécurité peuvent recevoir application immédiate. Dans ce cas, ces prescriptions sont immédiatement et simultanément communiquées aux secrétaires du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et du comité d'entreprise ainsi qu'à l'inspection du travail. '
Mme [M] soutient que le manuel de sécurité dont la violation des dispositions est invoquée par l'employeur doit être considéré comme une adjonction au règlement intérieur, laquelle aurait du donner lieu à la consultation préalable des représentants du personnel, de sorte que faute de justifier l'accomplissement de cette formalité substantielle, la société Sigue Global Services ne peut lui opposer les dispositions contenues dans le dit manuel de sécurité.
La société Sigue Global Services soutient d'une part que même en l'absence d'interdiction expressément énoncée dans le règlement intérieur, l'employeur conserve son pouvoir disciplinaire dés lors que le salarié viole une obligation découlant de son contrat de travail, d'autre part, que lorsqu'une note de service a pour simple but de préciser les modalités d'application d'une mesure du règlement intérieur, elle n'est pas soumise aux formalités prévues par l'article L. 1321-4 du code du travail, à savoir la consultation des représentants du personnel et sa communication à l'inspection du travail.
En l'espèce, le règlement intérieur de la société Coinstar Money Transfer devenue Sigue Global Services, comporte un article 5 relatif à l'accès à l'entreprise/entrées et sorties, libellé comme suit :
' L'entrée et la sortie du personnel s'effectueront par l'entrée principale donnant accès à l'établissement.
Sous réserve des droits liés à l'exercice d'un mandat syndical ou de représentant du personnel reconnus par la loi, il est, sauf autorisation spéciale d'un supérieur hiérarchique, interdit au personnel :
- de pénétrer dans les lieux de travail ou d'en sortir, sans autorisation, en dehors des horaires de travail fixés par la Direction ;
- d'introduire ou de laisser introduire dans l'entreprise, sauf raison de service ou cas grave et urgent, des personnes qui y sont étrangères, conformément aux dispositions du Manuel de Sécurité en vigueur dans la Société.(...)'.
Et il résulte de son article 19 que le présent règlement a été préalablement soumis pour avis au Comité d'Entreprise et au CHSCT le 1er août 2008 et transmis à l'inspecteur du Travail accompagné de l'avis des délégués du personnel le 10 octobre 2008, puis déposé au secrétariat du greffe du Conseil de Prud'hommes de Paris et affiché conformément aux dispositions des articles R 1321-1 et R 1321-2 du Code du travail, sur les lieux de travail et d'embauche, de sorte que les formalités légales de dépôt et de publicité ont été remplies.
La société Sigue Global Services se réfère par ailleurs à l'accord cadre du 27 novembre 2002 qui définit les principes généraux de la sécurité minimum à appliquer dans les agences bancaires en France et dont l'objectif a été de fonder la sécurité des agences sur trois pôles: la dissuasion, la protection et la collaboration des pouvoirs publics et de définir, en fonction du type d'agences, un minimum de dispositifs et d'équipements obligatoires.
Il résulte de ces éléments, que le règlement intérieur comporte un article qui interdit expressément au personnel d'introduire ou de laisser introduire dans l'agence des personnes étrangères au service, sauf raison de service ou cas grave et urgent.
Dés lors, il apparaît qu'en visant, sur la question de l'accès des personnes étrangères au service, les dispositions du manuel de sécurité en vigueur dans la société, l'employeur n'a, en aucun cas créé de nouvelles obligations générales et permanentes s'imposant aux salariés, mais a précisé les modalités de mise en oeuvre d'une interdiction figurant dans le règlement intérieur.
La cour souligne que le règlement intérieur a été approuvé par les membres du CE et du CHSCT dans sa version se référant aux dispositions du manuel de sécurité, de sorte que les dites dispositions font partie intégrante du règlement intérieur.
Par ailleurs, l'employeur verse aux débats un document de notification du manuel de sécurité daté du 5 février 2010 et signé par Mme [M], aux termes duquel la salariée confirme avoir reçu, lu et compris le manuel de sécurité et s'engage à le respecter.
Dans ces conditions, Mme [M] n'est pas fondée à soulever l'inopposabilité à son égard du manuel de sécurité au visa des articles L. 1321-1 et 1321-5 du code du travail.
La société Sigue Global Services est donc fondée à invoquer les dispositions du manuel de sécurité relatives à l'accès des visiteurs selon lesquelles :
' Tous les visiteurs doivent avoir une raison valable de vouloir pénétrer dans une agence, ils doivent présenter une pièce d'identité qui doit être contrôlée avant de leur donner accès aux équipements et à l'intérieur des locaux. S'ils n'ont pas de pièce d'identité, les faire patienter à l'extérieur de l'agence et vérifier l'identité auprès de la personne l'ayant commandité afin d'obtenir une autorisation de laisser entrer (si possible par fax/e-mail).
Un visiteur doit toujours être accompagné d'un membre du personnel. A aucun moment, il ne doit rester seul dans l'agence, ni avoir accès aux valeurs ( coffres et tiroirs de caisse doivent être fermés) (...)'
Sur les circonstances de l'agression, Mme [M] a déclaré, le 22 juillet 2012 :
' (...) Vers 08h20, une cliente entre à l'agence suivie d'un homme vêtu d'une combinaison blanche se présentant comme le plombier. Celui-ci me remet son passeport. Je vérifie son identité, lui ouvre les portes du SAS de sécurité puis le conduis aux toilettes.
Alors que je rejoins le guichet, la cliente semblait pressée. Je lui demande si elle a l'appoint pour pouvoir la servir car le coffre est, à ce moment-là toujours fermé. Sa réponse est affirmative, le décide donc de la servir puis elle repart.
Deux minutes s'écoulent. Le plombier m'appelle et me demande depuis combien de temps les toilettes sont dans cet état. Je lui réponds et retourne m'asseoir au guichet.
Trois minutes après, j'entends le tempo du coffre. Lorsque je me suis approchée du coffre, le plombier me dit sur un ton autoritaire et menaçant de m'asseoir (...).
Muni d'un sac de sport, il vide le coffre de ces liasse de billets (...)'
Il résulte de ce témoignage, confirmé par Mme [M] au cours de l'information judiciaire, qu'elle n'a aucunement procédé à la vérification d'identité de la personne se présentant comme un plombier, dés lors que les investigations ont démontré que l'agence de plomberie [W] mandatée avait reporté son intervention au lundi suivant et n'était donc pas censée intervenir le 5 juillet 2012; que le passeport supposé présenté à Mme [M] ne pouvait en aucun cas être celui du plombier avec lequel le rendez-vous était pris, dés lors que ce dernier, [C] [D], était toujours en possession de son passeport.
Ainsi, si Mme [M] avait réellement procédé à une simple vérification d'identité, elle aurait immédiatement constaté que la personne se présentant comme un plombier n'était pas la personne attendue.
Mme [M] ajoute qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir vérifié auprès de la société [W] l'identité du visiteur ou demandé à l'intervenant son ordre de mission dés lors qu'une telle obligation qui ne figure pas dans le manuel de sécurité, n'a jamais été portée à sa connaissance. Mais, compte tenu du statut de personnel qualifié de Mme [M] qui avait accédé en 2010 au poste de conseillère commerciale senior et bénéficiait d'une expérience de plusieurs années d'ancienneté dans le poste, la société Sigue Global Service pouvait légitimement attendre de sa salariée, qu'elle procède à des vérifications élémentaires auprès de la société de plomberie, destinées à s'assurer que la personne étrangère au service était bien celle mandatée par la société. Une telle vérification relève d'une règle générale de bon sens et de protection s'imposant à toute personne amenée à permettre l'accès d'une personne inconnue à un espace privé.
Il en résulte que la vérification d'identité dont se prévaut Mme [M] est inexistante et que la salariée a commis une négligence grossière.
Mme [M] indique par ailleurs de façon univoque qu'elle a bien ouvert les portes du sas de sécurité à l'intrus, de sorte que ses explications relatives à l'absence de définition de la zone sécurisée dans le manuel de sécurité ou encore son affirmation selon laquelle 'le visiteur ' n'était pas présent dans la zone sécurisée puisqu'elle l'avait accompagné dans les toilettes, sont inopérantes. Et de fait, après avoir eu accès au sas de sécurité, 'le visiteur' s'est effectivement retrouvé cinq minutes plus tard devant le coffre, dont personne ne contestera qu'il se trouve bien dans l'espace sécurisé.
Enfin, Mme [M] soutient que l'employeur ne rapporte pas la preuve que le coffre était ouvert, mais cette circonstance résulte de son propre témoignage dés lorsqu'elle déclare que le tempo du coffre a retenti dans un temps très court après l'introduction de l'intrus dans l'agence et qu'elle ajoute que la procédure d'ouverture du coffre avait quant à elle été initiée dans la mesure où elle devait se charger de répondre à une demande d'un client.
Il est par conséquent constant que Mme [M] a bien ouvert le coffre en la présence simultanée du faux plombier et de la cliente, qu'elle justifie cette ouverture par la demande de la cliente tout en indiquant de façon parfaitement contradictoire que lorsqu'elle avait rejoint le guichet, la cliente semblait pressée, qu'elle disposait de l'appoint, de sorte qu'elle avait pu la servir alors que le coffre était à ce moment là toujours fermé.
Mme [M] qui n'a jamais déclaré qu'elle avait ouvert le coffre sous la menace du voleur, qui fournit des explications contradictoires sur les circonstances de l'ouverture du coffre , a commis pour le moins, une légèreté blâmable.
Dans ces conditions, le moyen selon lequel le manquement à l'obligation de faire remplir par tout visiteur le registre spécifique, n'était pas de nature à empêcher un vol à main armée, est sans objet.
Enfin, Mme [M] qui n'a pas respecté l'interdiction visant l'intrusion de personnes étrangère au service et qui a manqué aux règles de prudence les plus élémentaires à cette occasion, apparaît particulièrement mal venue de reprocher à son employeur de l'avoir exposé sciemment à un risque en la plaçant très fréquemment en situation d'effectif unique et de ne pas justifier de l'autorisation préalable d'un responsable opérationnel nécessaire pour permettre l'ouverture et la fermeture d'une agence en effectif unique, ce dont elle ne tire aucune conséquence dans ses demandes.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les faits reprochés à Mme [M] dans la lettre de licenciement sont établis et caractérisent une faute qui lui est imputable et qui rend impossible le maintien de cette salariée dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis; la faute grave est donc établie.
Il s'ensuit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [M] était nul et en ce qu'il a condamné la société Sigue Global Services à lui payer des indemnités de rupture et des dommages-intérêts au titre de la rupture abusive.
Le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit pour la société à restitution des sommes dont elle s'est acquittée au titre de l'exécution provisoire du jugement.
La demande de remboursement est sans objet.
- Sur les demandes au titre de la procédure abusive et de l'amende civile :
La société Sigue Global Service demande la condamnation de Mme [M] à lui payer la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts au titre de la procédure abusive au visa de l'article 1240 du code civil, ainsi que la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.
L'article 32-1 du code de procédure civile énonce :
' Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.'
Mme [M] ayant obtenu gain de cause en première instance, le caractère abusif de la présente action n'est pas établi et les demandes en paiement de dommages et intérêts et d'une amende civile doivent être rejetées.
- Sur les demandes accessoires :
Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par Mme [M], partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile.
Le jugement est infirmé en ce sens, et en ce qu'il a condamné la société Sigue Global Services à payer à Mme [M] la somme de 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que le licenciement notifié le19 septembre 2012 à Mme [M] par la société Coinstar Money Transfer repose sur une faute grave
DÉBOUTE Mme [M] de toutes ses demandes au titre du licenciement
DÉBOUTE la société Sigue Global Services de ses demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et au titre de l'amende civile
CONDAMNE Mme [M] à payer à la société Sigue Global Services la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel,
CONDAMNE Mme [M] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE