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04/07/2023 | FRANCE | N°21/01934

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 04 juillet 2023, 21/01934


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/01934 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOZP





[X]



C/

S.A.S. SABATIER







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de saint etienne

du 18 Février 2021

RG : 19/00197











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 04 JUILLET 2023







APPELANT :



[D] [X]

né le 29 Juillet 1989 à [

Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par Me Laëtitia VOCANSON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



SAS SABATIER

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]



représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIP...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/01934 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOZP

[X]

C/

S.A.S. SABATIER

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de saint etienne

du 18 Février 2021

RG : 19/00197

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 04 JUILLET 2023

APPELANT :

[D] [X]

né le 29 Juillet 1989 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Laëtitia VOCANSON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

SAS SABATIER

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et par Me Fabienne CHANUT-FORNASIER de la SELARL CHANUT-VERILHAC, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Février 2023

Présidée par Nathalie PALLE, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Nathalie PALLE, présidente

- Thierry GAUTHIER, conseiller

- Vincent CASTELLI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Juillet 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [X] (le salarié) a été initialement embauché par la société Sabatier (l'employeur) dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, le 18 septembre 2007, puis par un contrat à durée indéterminée à compter du 18 janvier 2008 avec reprise de son ancienneté, en qualité d'ouvrier d'exécution niveau I position 2 coefficient 170 en application de la convention collective des ouvriers du bâtiment.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié occupait les fonctions de plombier chauffagiste qualifié niveau III, coefficient 210.

Le salarié a été victime de plusieurs accidents du travail dont le dernier, le 28 juin 2018, pour lequel il était placé en arrêt de travail jusqu'au 6 novembre 2018.

Le salarié a été convoqué le 10 décembre 2018 a un entretien le 18 décembre 2018 à la suite duquel les parties ont tenté en vain de régulariser une rupture conventionnelle.

Par courrier du 4 janvier 2019, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé le 15 janvier 2019 en vue de son licenciement avec dispense d'activité rémunérée.

Le salarié a été licencié par lettre du 22 janvier 2019 pour insuffisance professionnelle dans les termes suivants ':

« [...]

Malgré les moyens mis à votre disposition, force est de constater que vous n'avez pas pris la pleine mesure de vos obligations contractuelles.

En effet, vous faites preuve d'une démotivation totale dans l'exécution de votre prestation de travail qui pèse lourdement sur l'ambiance avec les autres compagnons de l'équipe dont vous faites partie sur le chantier.

Tant les chefs d'équipes, que votre manager opérationnel M. [K] et les chargés d'affaires, MM [J], [R] et [M] de l'entreprise estiment que vous êtes devenu ingérable sur les chantiers.

Vous vous permettez de vous vanter régulièrement sur les chantiers, en ayant les mains dans vos poches ou votre téléphone portable à la main, de ne pas avoir le rendement demandé et d'être tout de même payé comme ceux qui assuraient normalement leur prestation de travail.

C'est ce qu'il s'est passé une fois de plus, cette semaine du 3 au 7 décembre 2018, sur le chantier pour notre client Crédit Agricole Immobilier. Malgré les demandes répétées de votre chef d'équipe, M. [V] vous n'avez, au cours de cette semaine préparé seulement 1 appartement alors que le rythme normal permet d'en préparer plus de 4.

Par ailleurs, à plusieurs reprises, vous avez été surpris avec votre téléphone portable, assis sur un seau, attendant que le temps passe alors que vos collègues étaient à leur poste de travail en essayant de rattraper le retard dont vous étiez la cause.

Cela a conduit bon nombre de salariés de l'entreprise à ne plus vouloir travailler en équipe avec vous.

En agissant de la sorte, outre la méconnaissance volontaire de vos obligations contractuelles en ne produisant pas le travail pour lequel vous êtes rémunéré, vous créez volontairement une ambiance délétère sur le chantier, ce qui porte préjudice au bon fonctionnement de l'entreprise.

Nous nous interrogeons quant aux objectifs que vous poursuiviez en adoptant un tel comportement, malgré nos multiples demandes orales de vous ressaisir, et ce d'autant plus que vous avez une activité de directeur général d'une salle de sport depuis le 9 décembre 2015, fonction que vous n'avez jamais portée à notre connaissance, méconnaissant votre obligation de loyauté.

'

Votre attitude désinvolte et insolente est d'autant plus inadmissible dans la mesure où vous avez déjà été destinataire de courriers vous notifiant des sanctions disciplinaires, notamment pour des faits similaires quant à l'utilisation abusive de votre téléphone portable pendant vos horaires de travail.

'

Compte tenu de ce qui précède, vous comprendrez que nous ne pouvons envisager sereinement la poursuite de nos relations contractuelles, votre comportement étant la source d'un préjudice certain pour l'entreprise (heures rémunérées improductives quand vous êtes au téléphone, absence de rendement, provocation des autres salariés de l'entreprise, y compris de l'encadrement de chantier).'»

Par requête du 17 mai 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne afin de voir juger que son licenciement est nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse, que la moyenne brute des 12 derniers mois de salaire s'élève à 2 501,66 euros et d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement, de rappel de salaire et des congés payés afférents, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse ainsi que pour exécution fautive, outre une demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il a sollicité également la condamnation de l'employeur à lui remettre divers documents sociaux rectifiés.

Par jugement du 18 février 2021, le conseil de prud'hommes a':

- dit que le licenciement du salarié pour insuffisance professionnelle repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouté le salarié de sa demande de requalification de son licenciement en licenciement nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse et a rejeté ses demandes indemnitaires à ce titre;

- débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire, et a rejeté sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive de son contrat de travail ;

- débouté le salarié et l'employeur de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté le salarié et l'employeur du surplus de leurs demandes ;

- laissé les dépens à la charge du salarié.

Le salarié a relevé appel du jugement, le 16 mars 2021.

Dans ses conclusions notifiées le 28 novembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, le salarié demande à la cour de':

- infirmer le jugement,

Statuant à nouveau,

- déclarer son licenciement nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

2 005 euros nets au titre du solde de l'indemnité de licenciement,

4 950,99 euros à titre de rappel de salaire,

495,10 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire,

les intérêts légaux à compter du jour de la demande sur ces premières condamnations,

25 000 euros nets au titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse,

10 000 euros nets au titre de dommages-intérêts pour exécution fautive,

15 010 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner à l'employeur la remise au salarié d'un certificat de travail, d'une attestation destinée à Pôle emploi et des bulletins de salaire de juillet 2016 à juin 2018 rectifiés en conséquence de l'arrêt,

- dire que la moyenne brute des douze derniers mois de salaire s'élève à 2 501,66 euros,

- condamner l'employeur aux dépens,

- débouter l'employeur de toutes demandes contraires.

Le salarié fait valoir que':

- son licenciement est de nature disciplinaire dans la mesure où la lettre de licenciement reproche des faits fautifs, en critiquant son comportement et évoquant des insuffisances professionnelles volontaires ;

- à ce titre, l'employeur n'a pas respecté la procédure disciplinaire puisqu'il a été convoqué une première fois le 10 décembre 2018 à un entretien préalable fixé au 18 décembre 2018, puis l'employeur reconnaît, dans ses écritures, avoir abandonné la procédure engagée par la convocation à l'entretien préalable par courrier du 20 décembre 2018'; qu'en renonçant à le sanctionner, l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire pour tous les faits dont il avait connaissance avant le 20 décembre 2018 ; qu'il ne pouvait pas reprendre une procédure de licenciement pour des faits identiques à ceux initialement envisagés et alors qu'il était dispensé d'activité depuis le 10 décembre 2018, aucun des manquements allégués ne peut être postérieur au 20 décembre 2018';

- la notification de son licenciement par courrier du 22 janvier 2019 est intervenue au-delà du délai d'un mois prévu, puisque son premier entretien en vue de son licenciement a eu lieu le 18 décembre';

- les griefs évoqués par la lettre de licenciement sont généraux et imprécis et ne peuvent constituer une faute disciplinaire, ni une insuffisance de résultat ; il conteste l'attitude désinvolte alléguée ainsi que l'avertissement qu'il a reçu le 28 mai 2018 dans la mesure où, ne disposant pas de téléphone professionnel, il était amené à utiliser son propre téléphone portable à des fins professionnelles; que l'employeur évoque dans la lettre de licenciement des comportements fautifs anciens qui ont déjà été sanctionnés'; que l'employeur était informé de son activité de directeur général d'une salle de sports et il n'a pas manqué à ses obligations contractuelles en exerçant cette activité,

- ses conditions de travail se sont dégradées à la suite de sa reprise après l'accident du travail dont il a été victime en avril 2016 et il a été convoqué quelques jours après sa reprise, alors que l'employeur avait toujours reconnu ses compétences professionnelles lui permettant d'évoluer au sein de l'entreprise,

- l'employeur a refusé de prendre en compte les alertes quant à ses manquements en matière de préservation de la santé et de la sécurité des salariés qu'il lui a adressées et était réticent à la mise en place d'un mi-temps thérapeutique';

- il a été contraint à des horaires de travail plus importants que ceux convenus contractuellement car les salariés travaillant sur un même chantier effectuaient le déplacement en commun avec la voiture de l'entreprise puisque, pour limiter les coûts, l'employeur ne remboursait pas les frais de chacun des chauffeurs ; qu'il avait l'obligation d'être présent au lieu de rendez-vous à [Localité 7] pour monter dans le véhicule de service et se trouvait alors à la disposition de l'employeur à compter de l'arrivée sur le lieu de rendez-vous et de son départ le soir de celui-ci'; que l'employeur avait conscience des heures qu'il effectuait réellement mais indiquait un nombre d'heures de travail inférieur à la réalité sur ses bulletins de paie,

- le montant de son indemnité de licenciement est erronée, la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire avant l'accident du travail est de 2 501,66 euros bruts et il comptait 11 ans et 7 mois d'ancienneté au moment de son licenciement,

- il a en réalité été licencié en raison des alertes qu'il a adressées à l'employeur et de son état de santé qui s'est dégradé à la suite des accidents du travail dont il a été victime,

- les circonstances de la rupture et les reproches de l'employeur l'ont affecté compte tenu de son ancienneté ; qu'il a bénéficié des allocations de retour à l'emploi puis est devenu gérant salarié à compter de juillet 2021 et a perçu, pendant six mois, un salaire net de 1400 euros porté à 800 euros à partir de janvier 2022.

Dans ses conclusions notifiées le 5 août 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, l'employeur demande à la cour de':

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel du salarié,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- condamner le salarié au paiement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'employeur fait valoir que':

- il ne s'agit pas d'un licenciement disciplinaire'; en décembre 2018, il a convoqué le salarié pour engager une procédure de licenciement mais il y a toutefois expressément renoncé pour permettre la mise en place, à la demande du salarié, d'une rupture conventionnelle, c'est pourquoi le courrier du 20 décembre 2018 lui a été adressé confirmant l'entretien du 27 décembre et prenant note du choix du salarié d'y être assisté'; qu'aucune rupture conventionnelle n'a abouti en raison des demandes importantes du salarié'; qu'en tout état de cause, l'employeur pouvait engager ou reprendre une procédure disciplinaire après avoir tenté de recourir à une rupture conventionnelle';

- que l'insuffisance professionnelle est attestée par ses supérieurs hiérarchiques qui confirment que le salarié manquait de motivation, ce qui portait préjudice à l'organisation et au fonctionnement des chantiers'; que le salarié a fait preuve de désinvolture utilisant à plusieurs reprises son téléphone portable'; qu'il s'était déjà vu reproché l'utilisation de son téléphone et a été sanctionné par un avertissement le 28 mai 2018 pour son utilisation abusive de son téléphone portable à des fins personnelles et pour avoir refusé de mettre fin à sa conversation personnelle'; qu'il s'est désintéressé de ses fonctions notamment depuis qu'il a entrepris son activité au sein d'une salle de sport';

- il a respecté son obligation de sécurité et ne s'est pas désintéressé de la demande du médecin du travail concernant le mi-temps thérapeutique du salarié puisqu'il a répondu au médecin, dès le 1er juillet 2016, et le médecin du travail a ensuite validé la reprise en temps plein avec des restrictions pour la réadaptation à l'effort le 7 juillet 2016,

- le salarié a été payé de toutes ses heures puisque les bulletins de paie étaient réalisés en fonction des plannings mensuels sur lesquels sont notées les heures supplémentaires et qui sont complétés par les feuilles d'heures hebdomadaires remplies par les salariés'; que conformément aux dispositions conventionnelles, le salarié bénéficiait d'une indemnité de trajet destinée à indemniser le temps de trajet entre son domicile et le chantier, et cette indemnité était supérieure au montant prévu par la convention collective'; qu'il n'existait pas obligation de passer par le siège pour se rendre sur les chantiers et le salarié ne démontre pas qu'il aurait volontairement mentionné sur son bulletin de paye un nombre d'heures de travail inférieur à la réalité,

- l'indemnité de licenciement a été calculée suivant la reconstitution de la moyenne des 12 derniers mois et la moyenne des 3 derniers mois avec une ancienneté de 11 ans et 6 mois et correspond à la somme qui lui a été justement versée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur l'exécution du contrat de travail

1-1 Sur le non respect de l'obligation de sécurité

Il résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail, que l'employeur est tenu, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, de prendre les mesures nécessaires qui comprennent les actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur doit veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Selon l'article R. 4321-4 du même code, l'employeur met à la disposition des travailleurs les équipements de travail nécessaires, appropriés au travail à réaliser ou convenablement adaptés à cet effet, en vue de préserver leur santé et leur sécurité.

Le salarié reproche à son employeur de n'avoir pas respecté son obligation légale de sécurité, en ce que, d'une part, il n'a pas pris en compte les alertes qu'il lui avait adressées à plusieurs reprises sur les mauvaises conditions d'hygiène au sein du dépôt, sur les cadences imposées et les risques liés à l'absence de matériel adapté pour réduire le port de charges, d'autres part, il a refusé la mise en place d'un temps partiel à la suite de son accident du travail.

Cependant, force est de constater, d'abord, qu'aucune des pièces produites par le salarié à hauteur d'appel ne vient au soutien de ses allégations d'alertes répétées adressées à son employeur afférentes aux mauvaises conditions de travail, le salarié se bornant à se prévaloir d'un courrier qu'il aurait adressé à son employeur en contestation de l'avertissement qui lui avait été notifié pour avoir utilisé son téléphone portable personnel et ce n'est que le 27 novembre 2018 que le médecin du travail informait l'employeur que les difficultés médicales présentées par le salarié (dos, douleurs) semblaient être en lien avec un mal être au travail, ensuite, que si l'employeur reconnaît avoir été interpellé par le médecin du travail sur la possibilité d'envisager un mi-temps thérapeutique dans les suites de l'accident du travail du 30 juin 2016, il justifie de ce que le médecin du travail avait accordé une reprise à temps complet avec une restriction pour la réadaptation à l'effort.

De ces éléments, il ne peut être conclu à l'existence d'un manquement par l'employeur à son obligation de sécurité, de sorte que la demande de dommages-intérêts du salarié, non fondée, doit être rejetée ainsi que l'ont retenu les premiers juges.

1-2 Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

A titre infirmatif, à l'appui de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, pour les années 2016 à 2018, le salarié fait valoir qu'il avait l'obligation de rejoindre ses collègues à [Localité 7] où il laissait son véhicule pour monter dans le véhicule de service afin de se rendre sur les chantiers et qu'il était fait de même au retour du chantier, temps pendant lequel il était à la disposition de son employeur, de sorte qu'il estime que le temps de déplacement entre La Grand Croix et les lieux de chantier est du temps de travail effectif.

L'employeur conclut à la confirmation du jugement en exposant qu'il n'était pas imposé aux chefs d'équipe d'acheminer les salariés sur les chantiers avec le véhicule d'entreprise et que le temps de déplacement qui n'est pas assimilable à du temps de travail effectif donnait lieu au versement d'une indemnité de trajet d'un montant supérieur à celle prévue par la convention collective du bâtiment.

Sur ce,

La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine soit 151,67 heures par mois.

Les heures effectuées au-delà sont des heures supplémentaires qui donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des 8 premières heures (de la 36ème à la 43ème incluse) et de 50% à partir de la 44ème heure.

La durée du travail hebdomadaire s'entend des heures de travail effectif et des temps assimilés.

Aux termes de l'article L. 3121-4 du code du travail, dans ses rédactions successivement applicable au litige, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

L'article 3.16 de la convention collective du bâtiment précise que la durée du travail se définit comme étant le temps de travail effectif, à l'exclusion des temps d'habillage et déshabillage, de casse-croûte et de trajet.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments.

Et il résulte de l'application combinée des articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Aux termes du contrat de travail liant les parties, le lieu de travail est défini comme étant les chantiers de la région lyonnaise et stéphanoise et le salarié est, à ce titre embauché par le siège social de l'entreprise [Adresse 1] à [Localité 6] (Loire), ce dont il résulte que le salarié n'avait pas lieu de travail fixe ou habituel.

Pour autant, en l'absence de passage préalable du salarié au siège de l'entreprise avant de se rendre sur les chantiers, siège auquel le point de rendez-vous à la Grand Croix ne peut être assimilé, le salarié n'est pas fondé à réclamer le paiement d'heures supplémentaires au titre des trajets n'entrant pas dans le temps de travail effectif et pour l'indemnisation desquels il ne conteste pas utilement percevoir une indemnité de trajet.

Le jugement est confirmé sur ce point.

1- 3 Sur le travail dissimulé

Le rejet de la demande en paiement des heures supplémentaires rend sans fondement la demande en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé ainsi que la demande en fixation à 2 501,66 euros de la moyenne brute des douze derniers mois de salaire et le jugement est confirmé sur ce point.

2- Sur le licenciement

Il résulte des articles L.1232-1, L.1232-6 et 1235-1 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d'une lettre de licenciement qui en énonce les motifs. Le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement, peu important le recours, éventuellement fautif, de l'employeur à une mise à pied conservatoire.

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective, non fautive et durable, d'un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé, c'est-à-dire conformément à ce qu'on est fondé à attendre d'un salarié moyen ou ordinaire, employé pour le même type d'emploi et dans la même situation.

Au cas présent, aux termes de la lettre de licenciement en litige, il est reproché au salarié sa «démotivation totale dans l'exécution de sa prestation de travail», son «attitude désinvolte et insolente» qui «confine à la provocation», de se «vanter régulièrement sur les chantiers, en ayant les mains dans les poches ou le téléphone portable à la main, de ne pas avoir le rendement demandé», de méconnaître «volontairement ses obligations contractuelles en ne produisant pas le travail demandé», de «créer volontairement une ambiance délétère sur le chantier», ce dont il résulte que sont reprochés au salarié des insuffisances professionnelles volontaires en l'occurrence des abstentions volontaires de prestation de travail voire des faits positifs fautifs, de sorte que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le motif du licenciement a un fondement disciplinaire.

Il convient dès lors de vérifier si les règles applicables au licenciement disciplinaire ont été respectées.

Aux termes de l'article L. 1332-2, alinéa 1 et 4, du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2010-387 du 22 mars 2012, lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien.

Aux termes de l'article L. 1237-11 du code du travail, l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.

Et en application de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuite disciplinaire au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

En l'occurrence, l'employeur a engagé une procédure de licenciement par la convocation du salarié, le 10 décembre 2018, à un entretien préalable le 18 décembre 2018 avec dispense d'activité rémunérée (pièce n°18), puis, par courrier du 20 décembre suivant, après lui avoir indiqué que «à la suite de notre entretien du 17 décembre 2018, nous avons décidé ensemble d'une rupture conventionnelle de votre contrat de travail [...]», l'employeur a convoqué le salarié à un entretien «préparatoire à la conclusion éventuelle de celle-ci, tel que prévu par les articles L. 12347-11 et suivants du code du travail », le 27 décembre 2018, puis, la régularisation d'une rupture conventionnelle n'ayant pas abouti, l'employeur a convoqué le salarié par courrier du 4 janvier 2019 à un entretien préalable fixé le 15 janvier 2019 en vue de son licenciement avec dispense d'activité rémunérée, avant de lui notifier son licenciement le 22 janvier 2019.

Il ressort des écritures de l'employeur que s'il a convoqué le salarié en décembre 2018 pour la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement, il y a «expressément renoncé pour permettre la mise en place, à la demande du salarié, d'une rupture conventionnelle» (p. 7 §1 des conclusions de l'employeur).

Il en résulte qu'il ne peut être considéré que l'employeur a, comme il le prétend, reporté la tenue de l'entretien préalable à la demande du salarié, entretien qui, au demeurant, a eu lieu le 18 décembre 2018, mais il doit être retenu que l'employeur a alors renoncé, comme il le dit lui-même, à la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement.

Ayant ainsi abandonné une première procédure de licenciement, la mise en oeuvre d'une nouvelle procédure de licenciement par une nouvelle convocation le 4 janvier 2019 à un entretien préalable ne peut sanctionner que des faits distincts de ceux initialement envisagés, soit des faits survenus depuis le 18 décembre 2018, date du premier entretien préalable.

Or, le salarié ayant été dispensé d'activité rémunérée, à partir du 10 décembre 2018 (pièce n°6 du salarié) et n'ayant pas repris ses fonctions jusqu'à sa convocation du 4 janvier 2019 à un entretien préalable, avec maintien de la dispense d'activité (pièce n°8 du salarié), force est de constater qu'aucun fait fautif nouveau procédant d'un comportement identique à celui visé dans la lettre de licenciement, dont les termes ont été rappelés plus avant, n'ont pu être réitérés par le salarié depuis le 18 décembre 2018 en raison même de son absence de l'entreprise, de sorte que, par infirmation du jugement, le licenciement ne repose sur aucun motif réel, ni sérieux.

3- Sur les conséquences financières du licenciement

Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dont les dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à sa publication, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux, soit pour un salarié ayant onze années complètes d'ancienneté, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal de 3 mois de salaire brut et un montant maximal de 10,5 mois de salaire brut.

Au regard du salaire brut mensuel de 1 328,22 euros, de l'ancienneté du salarié et des circonstances de la rupture mais également du fait qu'après une période sans emploi indemnisé par le versement de l'allocation de retour à l'emploi, il est devenu gérant salarié à compter de juillet 2021 moyennant un salaire net de 1 400 euros diminué à 800 euros, il convient de fixer à 8 000 euros l'indemnisation du préjudice causé par la perte de son emploi par le salarié.

La demande en paiement des heures supplémentaires étant rejetée, la demande en paiement d'un solde d'indemnité de licenciement intégrant le rappel de salaire n'est pas fondée.

4- Sur le remboursement des indemnités de chômage

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation.

5- Sur les frais et dépens

Compte tenu de l'issue du litige, le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné le salarié aux dépens.

L'employeur qui succombe dans ses prétentions est condamné aux dépens de première instance et d'appel et sa demande au titre des frais irrépétibles est rejetée.

Il est équitable de fixer à 2 500 euros l'indemnité que l'employeur doit payer au salarié par application de l'article 700, du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [X] en paiement de dommages-intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité, d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, du solde de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité pour travail dissimulé,

INFIRME le jugement en ses autres dispositions,

Et statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société Sabatier à payer à M. [D] [X] la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE à la société Sabatier de remettre à M. [D] [X] un certificat de travail, une attestation destinée à Pôle emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification,

ORDONNE d'office à la société Sabatier le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. [D] [X] dans la limite de trois mois d'indemnisation,

CONDAMNE la société Sabatier à payer à M. [D] [X] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700, du code de procédure civile,

REJETTE la demande de société Sabatier au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Sabatier aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle totale.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/01934
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;21.01934 ?
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