AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 21/01523 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NNZO
[Z]
C/
CPAM DE LA LOIRE
CPAM DE L'AIN
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de SAINT-ETIENNE
du 04 Février 2021
RG : 16/00954
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 04 JUILLET 2023
APPELANTE :
[M] [Z] épouse [B]
née le 20 Mars 1943
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Sylvain SENGEL de la SELARL SELARL AD JUSTITIAM, avocat au barreau de ROANNE
INTIMEES :
CPAM DE LA LOIRE
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 3]
représentée par madame [X] [S], audiencière, munie d'un pouvoir
CPAM DE L'AIN
Pôle des affaires juridiques
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par madame [X] [S], audiencière, munie d'un pouvoir
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Avril 2023
Présidée par Vincent CASTELLI, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
- Nathalie PALLE, présidente
- Thierry GAUTHIER, conseiller
- Vincent CASTELLI, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 04 Juillet 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 12 janvier 1987, [H] [B] a été victime d'un infarctus du myocarde pendant le temps et sur le lieu du travail.
Le 26 février 1987, la caisse primaire d'assurance maladie d'[Localité 6] a refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'accident survenu le 12 janvier 1987.
Contestant cette décision de refus, le 24 avril 1987, [H] [B] a saisi la commission du recours amiable, laquelle, par décision du 27 mai 1987, a dit que la caisse d'[Localité 6] prendra en charge au titre de la législation professionnelle l'accident survenu le 12 janvier 1987.
Le 25 avril 1990, l'état de santé de [H] [B] a été consolidé au 17 mars 1990 et la caisse a attribué à celui-ci un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 67% pour des «'séquelles d'infarctus du myocarde à type d'extrasystoles ventriculaires et d'angor invalidant'».
Le 1er novembre 1999, la caisse d'[Localité 6] a décidé de porter le taux d'IPP à 75%.
Le 11 octobre 2014, [H] [B] est décédé.
Mme [M] [Z] veuve [B] (la requérante) a saisi la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire (la caisse) d'une demande de réversion de la rente de son époux, [H] [B].
Le 10 juin 2016, la caisse a informé la requérante que, suivant l'avis émis par le docteur [P], médecin conseil de la caisse, il n'existe pas de relation de cause à effet entre l'accident du travail survenu le 12 janvier 1987 et le décès de [H] [B].
Par courrier du 12 décembre 2016, la requérante a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Etienne en contestation de la décision de la caisse du 10 juin 2016.
L'affaire a été enregistrée sous le n°20160954.
La caisse a saisi elle-même la commission de recours amiable qui, par décision du 19 avril 2017, a dit bien fondée la décision prise et a rejeté la demande de la requérante.
Par courrier du 1er juin 2017, la requérante a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Etienne en contestation de la décision de la commission de recours amiable du 19 avril 2017.
L'affaire a été enregistrée sous le n°20170309.
Par jugement avant-dire droit du 21 mai 2018, le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Etienne, devant lequel l'instance s'est poursuivie, a :
- ordonné la jonction du recours enregistré sous le n°20170309 au recours enregistré sous le n°20160954,
- ordonné une expertise médicale aux fins de dire si le décès de [H] [B] survenu le 11 octobre 2014 est imputable de façon directe et certaine à l'accident du travail du 12 janvier 1987.
Le 9 mars 2020, le docteur [J] [V] a déposé son rapport concluant que le décès de [H] [B] ne peut être considéré comme imputable de façon directe et certaine à l'accident du travail du 12 janvier 1987.
Par jugement du 4 février 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Etienne a :
- débouté la requérante de l'ensemble de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
Le 26 février 2021, la requérante a relevé appel de ce jugement.
L'affaire a été appelée à l'audience des débats du 4 avril 2023.
Dans ses conclusions déposées au greffe le 13 février 2023, oralement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un ample exposé de ses moyens, la requérante demande à la cour de :
- infirmer le jugement,
A titre principal,
- dire et juger que la requérante doit bénéficier d'une rente en vertu de l'article
L. 443-1 du code de la sécurité sociale,
- renvoyer à la caisse le soin de liquider ses droits à ce titre,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que la question posée aux experts ne permet pas de savoir si les conditions d'application de l'article L. 443-1 du code de la sécurité sociale sont remplies,
- ordonner en conséquence une nouvelle expertise médicale, aux frais de la caisse, afin de voir dire si le décès de [H] [B] est intervenu par suite des conséquences de l'accident du travail dont il a été victime le 12 janvier 1987 ou, à tout le moins,'si son décès est imputable aux rechutes de l'accident du travail dont il a été victime le 12 janvier 1987,
En toutes hypothèses,
- condamner la caisse à payer à la requérante la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la caisse aux dépens.
La requérante soutient que l'accident du travail dont a été victime [H] [B] a indiscutablement eu un rôle causal dans la survenance de son décès, de sorte qu'elle doit bénéficier d'une rente en vertu de l'article L. 443-1 du code de la sécurité sociale.
Elle met en évidence que la question posée aux experts ne permet pas de savoir si les conditions d'application de l'article L. 443-1 du code de la sécurité sociale sont remplies puisqu'elle n'a pas à rapporter la preuve de l'imputabilité directe et certaine du décès de [H] [B] à l'accident du travail, mais uniquement la preuve du lien entre le décès et l'accident. Elle souligne que le docteur [V] n'a pas tenu compte des rechutes prises en charge par la caisse et donc de la greffe cardiaque subie par [H] [B] et de ses conséquences.
Dans ses conclusions déposées au greffe le 25 janvier 2023, oralement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire demande à la cour de:
- confirmer le jugement,
- rejeter toute autre demande de la requérante.
La caisse soutient que l'expertise sur pièces pratiquée par le docteur [V] est conforme aux exigences des articles R. 141-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Elle souligne que l'avis clair et précis de l'expert s'impose à l'ensemble des parties. Elle ajoute que le lien de causalité direct et certain requis par les textes et la jurisprudence n'est pas rapporté, nonobstant les deux expertises sur pièces diligentées. Enfin, elle affirme que la requérante ne fournit aucun élément médical susceptible de remettre en cause l'avis clair et précis des deux experts et d'appuyer une nouvelle demande d'expertise, la seule question posée pouvant être celle du lien de causalité direct et certain requis entre le décès et l'accident du travail initial.
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain, bien que régulièrement convoquée par lettre recommandée avec avis de réception le 2 novembre 2021, retourné signé le 4 novembre 2021, n'a pas comparu, ne s'est pas fait représenter et n'a pas sollicité de dispense.
Par leurs observations orales présentées à l'audience des débats, les parties présentes ou représentées se sont accordées sur la mise hors de cause de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il y a lieu, comme le sollicitent les autres parties en cause, de mettre la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain hors de cause, la convocation de celle-ci à l'audience des débats procédant d'une erreur de la cour.
Sur le lien de causalité entre le décès et l'accident
Les parties s'accordent sur l'absence de présomption d'imputabilité du décès de [H] [B], survenu le 11 octobre 2014, à l'accident du travail subi par celui-ci le 12 janvier 1987, dont les séquelles ont été déclarées consolidées le 17 mars 1990.
Les parties s'accordent également sur la charge, pesant sur la requérante, de prouver un lien de causalité entre le décès de son époux et l'accident du travail précité. Elles divergent en revanche sur la définition de ce lien de causalité.
La requérante considère en effet qu'il suffit que l'accident ait joué un rôle causal dans le décès de l'intéressé, tandis que la caisse estime que la preuve d'un lien direct et certain doit être rapportée entre les deux événements.
Selon l'article L. 443-1, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, en cas de décès de la victime par suite des conséquences de l'accident, une nouvelle fixation des réparations allouées peut être demandée par les ayants droit de la victime, tels qu'ils sont désignés aux articles L. 437-7 et suivants.
Il résulte de ce texte que la nouvelle fixation des réparations suppose la preuve de du lien de causalité entre l'accident du travail et le décès de la victime (2e Civ'., 28 avril 2011, pourvoi n° 10-17.709).
La requérante fait grief à la caisse et au tribunal d'avoir formulé des questions aux experts qui ajoutent, selon elle, des conditions aux dispositions de l'article L. 443-1, alinéa 3, précité.
Au cas particulier, à la question': «'Dire si le décès survenu le 11 octobre 2014 est imputable de façon directe et certaine à l'accident du travail du 12-01-1987'», le docteur'[F], expert désigné dans le cadre de l'article L.141-1 du code de la sécurité sociale, a répondu'le 26 mai 2016': «'Le décès survenu le 11-10-2014 n'est pas imputable de façon DIRECTE et CERTAINE à l'accident du travail du 12-01-1987'».
A la même question, le docteur [V], médecin expert désigné par le tribunal, a répondu': «'Le décès de M. [B] ne peut pas être considéré imputable de façon DIRECTE ET CERTAINE à l'accident du travail du 12-01-87'».
Pour contester l'absence de lien de causalité retenu par le tribunal, la requérante se fonde notamment sur le corps du rapport du docteur [F], qui mentionne que «'M. [B] a pu développer un cancer ORL sans lien direct avec le traitement immuno suppresseur [rendu nécessaire par la greffe cardiaque consécutive à l'accident] même si celui-ci ensuite a favorisé probablement son développement rapide'».
La cour relève toutefois que l'expert utilise l'adverbe «'probablement'», exclusif de toute certitude, d'une part, et qu'il évoque l'accélération du développement de la maladie à l'origine du décès, mais non la cause de celle-ci, d'autre part.
De même, la requérante mentionne le corps du rapport du docteur [V], lequel indique': «'La vulnérabilité cardiaque de M. [B] joue en perte de chance face à ce carcinome et a accéléré le décès de celui-ci'».
La cour observe là encore que la notion de perte de chance est distincte de celle de causalité, et que l'accélération de la maladie ayant conduit au décès ne décrit pas l'apparition de la maladie elle-même.
Les autres avis médicaux cités par la requérante, notamment ceux du docteur [A], du
docteur [C], et du professeur [K], outre qu'ils ont déjà été pris en compte par les expertises précitées, procèdent également par hypothèses ou par analyse statistique des cas de survenance du cancer déclaré par [H] [B], en utilisant des expressions telles que «'['] peut être considéré comme complication du traitement immuno-dépresseur'» ou «'['] ont pu favoriser la survenue de ce type de cancer'» (soulignés par la cour). A ce titre, ils sont insuffisants à établir le caractère certain du lien de causalité entre l'accident et le décès de l'intéressé.
Il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise médicale, que la preuve d'un lien de causalité certain entre l'accident du travail subi par [H] [B] le 12 janvier 1987 et son décès survenu le 11 octobre 2014 n'est pas rapportée.
En conséquence, les demandes de la requérante, par voie de confirmation du jugement entrepris, sont rejetées.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La décision déférée est confirmée en sa disposition relative aux dépens.
La demande de la requérante au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.
La requérante est tenue aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DIT que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain est hors de cause';
REJETTE la demande de Mme [M] [Z] veuve [B] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
MET les dépens d'appel à la charge de Mme [M] [Z] veuve [B].
La greffière, La présidente,