AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/07523 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NKJ5
S.A.S. GOLF DES ETANGS
C/
[F]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON
du 03 Décembre 2020
RG : 19/00043
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 04 JUILLET 2023
APPELANTE :
SOCIETE PROG 4.2 , anciennement denommée société GOLF DES ETANGS
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Géraldine PERRET de la SELARL SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE
INTIMÉ :
[O] [F]
né le 19 Décembre 1968 à [Localité 5] (83)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
et Me Murielle MAHUSSIER de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Alexis PERRIN, avocat au barreau de LYON,
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Février 2023
Présidée par Nathalie PALLE, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Nathalie PALLE, présidente
- Thierry GAUTHIER, conseiller
- Vincent CASTELLI, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 04 Juillet 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
A compter du 1er mai 2004, M. [F] (le salarié) était embauché par la société d'exploitation Gaia concept [Localité 6] sous contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de directeur du golf de Savigneux, site exploité par cette société dans le cadre d'une délégation de service public.
Par un avenant à effet au 1er janvier 2014, l'intitulé du poste du salarié était modifié au profit de celui de directeur / enseignant du golf et il bénéficiait du statut de cadre dirigeant en application de la convention collective nationale du golf.
L'avenant prévoyait la mise à disposition à titre gratuit d'un appartement de fonction sur le site de [Localité 6], à titre gratuit y compris les charges d'habitation, au titre d'un avantage en nature.
Le 28 novembre 2018, la commune de [Localité 6] signait un nouveau contrat de délégation de service public pour la gestion du golf des Étangs de Savigneux avec la société Prog 4.2 (l'employeur), pour un début d'exécution le 1er janvier 2019.
Le contrat de travail du salarié était dès lors transféré à la société Prog 4.2, nouvel exploitant (l'employeur).
Le 2 janvier 2019, par un courrier remis en mains propres contre décharge, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un licenciement économique, fixé au 9 janvier suivant et auquel le salarié a assisté. Sa convocation était accompagnée d'une dispense d'activité avec maintien de salaire.
Par courrier du 30 janvier 2019, le salarié a refusé le contrat de sécurisation professionnelle.
Le licenciement pour motif économique lui a été notifié le 31 janvier 2019.
Par requête du 13 mai 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montbrison afin de voir juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages-intérêts pour rupture vexatoire, outre une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par un jugement du 3 décembre 2020, le conseil a':
- condamné l'employeur à régler au salarié les sommes suivantes :
62 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement à caractère vexatoire,
2 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir pas lieu de prononcer l'exécution provisoire,
- débouté l'employeur de toutes ses demandes,
- condamné l'employeur aux dépens.
La société Prog 4.2 , devenue la S.A.S. Golf des Étangs, dont le fonctionnement était entravé par la démission de son président et l'impossibilité pour les associés de se réunir afin de désigner un nouveau représentant légal, a obtenu par ordonnance du 18 décembre 2020 du président du tribunal de commerce la désignation de la S.E.L.A.R.L. AJ UP prise en la personne de Me [M] [D] [N], en qualité d'administrateur ad'hoc.
Elle a relevé appel du jugement, le 31 décembre 2020.
La mission de l'administrateur ad hoc est arrivée à son terme en raison de l'élection de M. [T] à la présidence de la société.
La société Golf des Étangs a ensuite repris sa dénomination originelle société Prog 4.2.
Dans ses conclusions notifiées le 21 juin 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, l'employeur demande à la cour de':
- dire recevable et bien fondé l'appel,
- réformer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société à lui régler:
62 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement à caractère vexatoire,
2 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
les dépens de l'instance,
À titre principal,
- dire que le licenciement du salarié pour motif économique est fondé,
- débouter le salarié de l'intégralité de ses prétentions et de son appel incident,
- condamner le salarié à payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
À titre subsidiaire,
- limiter les demandes du salarié à la somme de 11 550 euros à titre de dommages-intérêts, soit 3 mois de salaires,
En tout état de cause,
- débouter le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et de son appel incident,
- débouter le salarié de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le salarié à lui régler la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées le 8 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, le salarié demande à la cour de':
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
jugé le licenciement du salarié dénué de cause réelle et sérieuse,
jugé que le licenciement du salarié est intervenu dans des conditions vexatoires,
condamné l'employeur à verser au salarié les sommes suivantes:
10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,
2 600 euros au titre de article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur le quantum des dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, et réformant le jugement entrepris sur ce point,
- condamner l'employeur à lui verser la somme nette de 85 000 euros,
À titre subsidiaire,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
À titre infiniment subsidiaire, si la cour juge le licenciement fondé,
-condamner l'employeur à lui verser la somme nette de 85 000 euros pour violation des critères d'ordre,
En tout état de cause,
- condamner l'employeur à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur le caractère réel et sérieux du licenciement économique
Selon l'article L. 1233-3, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable à la date de la notification du licenciement en litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1°/ A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
[...]
3°/ A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.
La cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise, ou si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient.
Elle s'apprécie à la date de sa notification au salarié par l'employeur et, lorsque l'employeur n'appartient pas à un groupe, au niveau de l'entreprise et non dans le cadre de l'un de ses secteurs d'activités.
Une réorganisation peut constituer une cause économique de licenciement si elle est indispensable à la sauvegarde la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.
Il revient à l'employeur de justifier, lorsqu'elle est contestée, l'existence de la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise ou le secteur d'activité du groupe rendant nécessaire la prise de mesures d'anticipation des risques de difficultés économiques à venir et de leurs conséquences sur l'emploi.
Au cas présent, après avoir rappelé que, dans le cadre de la délégation de service public du golf des Etangs intervenue avec la commune de [Localité 6] à compter du 1er janvier 2019, le projet porté par la société Prog 4.2 avait été retenu avec pour objectif de transformer le golf des Etangs en un outil d'attractivité du territoire, à travers d'importants investissements réalisés en début d'exploitation sur les bâtiments, le parcours et le parc machine, et que l'ambition poursuivie était de retrouver dès 2020 un nombre d'adhérents conforme à l'équilibre financier d'un golf de 18 trous, ce qui supposait une politique tarifaire incitative nécessitant une maîtrise des coûts et charges salariales, la lettre de licenciement formalise que la décision a été prise, d'une part, d'externaliser la restauration, d'autre part, de recourir aux neuf associés pour gérer le golf des Etangs emportant la non reconduction dans l'organigramme de l'entreprise du poste de directeur salarié de M. [F], ainsi que, dans le même souci de maîtrise financière, l'exclusion de tout accroissement de l'effectif en 2019 et 2020, autre que le remplacement du poste d'employé polyvalent, du poste de comptable polyvalent et l'ouverture au 1er avril d'un poste de jardinier-mécanicien, ces trois postes étant proposés au salarié à titre de reclassement.
Ainsi, partant du constat que l'attractivité du golf des Etangs était en chute de par la diminution du nombre de ses adhérents, la lettre de licenciement fait état de ce que pour faire revenir les golfeurs le choix devait être fait, d'une part, d'investir sur la rénovation et la remise en état des installations, d'autre part, de maîtriser les coûts et charges salariales, en l'occurrence en supprimant le poste de directeur salarié, de manière à proposer des tarifs incitatifs.
Pour justifier de la suppression pour motif économique du poste de directeur du salarié, l'employeur invoque, dans la lettre de licenciement, le nécessaire retour à l'équilibre financier et à l'attractivité du site, ce qui renvoie à l'existence de difficultés économiques et à la nécessité d'une réorganisation de l'entreprise afin de réduire les charges pour garantir l'attractivité et donc maintenir la compétitivité de l'entreprise.
Ayant succédé à la société Gaia concept [Localité 6] en qualité de délégataire du service public de gestion du golf des Etangs, dont elle a repris, à compter du 1er janvier 2019, la gestion du site et de la structure ainsi que les salariés, la société Prog 4.2 peut se prévaloir de la situation économique qui était celle du précédent délégataire, peu important à cet égard qu'elle ait ou non connu l'état de comptabilité de la précédente entreprise délégataire au moment de candidater auprès de la commune.
Or, s'il est constant que le résultat net d'exploitation de l'exercice 2017 de la société Gaia concept [Localité 6], précédente délégataire, était négatif de 79 570 euros, pour la première fois sur le référentiel produit de 31 décembre 2015 au 31 décembre 2018 (chiffres info-greffe en pièce n°25 de l'appelante), avec un chiffre d'affaires en baisse de 25,12% par rapport à l'exercice 2016 (pièce n°3, page 9 du dossier de l'employeur), en revanche, force est de constater que le chiffre d'affaires de l'exercice 2018 était en augmentation de 12,94 % par rapport à l'exercice 2017 et le résultat d'exploitation était positif de 6 447 euros ( pièce n°24 de l'employeur) et il ne peut être conclut, comme le soutient l'employeur, que ce résultat n'était positif que par le seul effet d'une recette exceptionnelle de 69 600 euros enregistrée en capital, ce alors même qu'il apparaît également, dans le même exercice, des charges exceptionnelles de 57 067 euros.
Par ailleurs, ainsi que l'ont constaté les premiers juges, en comparaison avec l'exercice 2017, la société Gaia Concept [Localité 6] voyait ses produits d'exploitation en augmentation et réalisait corrélativement des économies sur les salaires et charges, comme sur les charges externes.
Il en résulte qu'à la date d'effet de la délégation de service public à son profit, soit le 1er janvier 2019, la situation financière de la précédente entreprise délégataire était à l'équilibre, l'existence d'un crédit bancaire en cours de 100 000 euros ne pouvant caractériser des difficultés de trésorerie, de sorte que les difficultés économiques au jour de la notification du licenciement n'étaient pas avérées, le résultat déficitaire d'un seul exercice ne pouvant suffire à cet égard.
Et si l'employeur justifie que l'activité du site, dont la gestion lui était désormais confiée, connaissait depuis 2014 une baisse continue et progressive des licenciés (pièce n°26), avec une baisse de 29% entre 2016 et 2017 et de 21% entre 2017 et 2018, force est de constater que, dans ses écritures (p.16), l'employeur impute lui-même cette baisse des adhérents «à un désintérêt des golfeurs pour le golf de [Localité 6], lequel souffre d'installations mal entretenues», installations qu'il se proposait précisément de rénover par des investissements de plus d'un million d'euros en début d'exploitation sur les bâtiments, le parcours et le parc machine du golf afin de relancer l'attractivité.
Encore, alors que l'employeur évoque que la «fuite des golfeurs» a majoritairement profité au golf de [Localité 4], situé à une quinzaine de kilomètres, et que la lettre de licenciement évoque la nécessité de maîtriser les coûts et charges salariales de manière à proposer des «tarifs incitatifs», force est de constater que l'employeur ne produit aux débats aucun élément de nature à justifier de la perte de compétitivité ou de la menace de perte de compétitivité par rapport à son environnement concurrentiel, lequel n'est pas documenté, aucune information sur les tarifs pratiqués par le golf de [Localité 6] par rapport à ceux des structures concurrentes n'étant fournie à cet égard.
Enfin, il doit être observé que dans la présentation qu'elle faisait de sa candidature auprès de la commune (pièce n°1 de l'appelante), au titre du budget prévisionnel d'exploitation qu'elle établissait à l'équilibre, la société Prog. 4.2 intégrait le poste de direction au nombre de ses charges en personnel qu'elle chiffrait à 276 000 euros, correspondant aux postes de 3,5 agents techniques, 2,5 administratifs et un poste de direction.
Aussi, alors qu'à la date du licenciement il n'existait pas de difficultés économiques avérées et que les investissements annoncés par la société Prog 4.2 portaient précisément, en son début d'exploitation, sur la rénovation des installations du golf afin de lui redonner de l'attractivité et regagner en licenciés, l'employeur ne démontre pas que, dans ce contexte, la baisse constatée du nombre des licenciés du golf dont il avait désormais la gestion, qui ne pouvait être décorrélée de l'état des installations, caractérisait, dès le début d'exploitation, une menace pesant sur la compétitivité rendant indispensable la réorganisation de l'entreprise par la suppression du poste de directeur salarié, de sorte qu'au jour du licenciement du salarié le motif économique n'est réel, ni sérieux, ainsi que l'ont retenu les premiers juges.
Par ailleurs, alors qu'aux termes de l'avenant au contrat de travail signé le 2 janvier 2014, à effet au 1er janvier 2014 (pièce n°3 de l'intimé), par lequel était également prévue l'attribution au salarié d'un logement de fonction, le poste du salarié était celui de directeur / enseignant du golf de [Localité 6], force est de constater qu'aux termes de la lettre de licenciement le poste d'enseignant de golf n'était pas supprimé.
La seule circonstance que l'intitulé d'enseignant ne figurait pas dans les bulletins de salaire ne peut permettre d'exclure que le salarié était également embauché en qualité d'enseignant contractuellement prévue, étant observé, d'une part qu'au 1er janvier 2019, le registre du personnel ne fait mention d'aucun autre emploi d'enseignant de golf et, à admettre comme l'allègue l'employeur, que la société Gaia Concept [Localité 6] employait un prestataire à cet effet depuis 2018, cette circonstance ne permettait pas d'invalider que le salarié avait dispensé effectivement des cours de golf ainsi qu'il en rapporte la preuve en produisant aux débats les attestations manuscrites datées et signées, accompagnées de la copie de leur carte nationale d'identité, de deux personnes qui déclarent avoir pris des cours de golf avec pour professeur M. [F], pour l'un, de janvier à septembre 2018, et pour l'autre, au cours de premier trimestre 2018 (pièces n°19 et 20 de l'intimé).
Le jugement est par conséquent confirmé ne ce qu'il a conclu à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
2- Sur les conséquences financières du licenciement
Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance
n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dont les dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à sa publication, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.
Selon l'article 24, partie II, de la Charte sociale européenne révisée, relative au droit à la protection en cas de licenciement, en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement les Parties s'engagent à reconnaître notamment b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.
Eu égard à l'importance de la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par les termes précités de la Charte sociale européenne révisée, rapprochés de ceux des parties I et III du même texte, les dispositions de l'article 24 de ladite Charte ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
Par ailleurs, selon l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT)concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur, d'application directe en droit interne, si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente Convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.
En droit français, si le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise. Lorsque la réintégration est refusée par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux.
Aux termes de l'article L.1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 de ce code est écarté lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Par ailleurs, selon l'article L. 1235-4 du code du travail, dans le cas prévu à l'article L. 1235-3 du même code, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
ll en résulte, d'une part, que les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations énumérées, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.
Il en résulte, d'autre part, que le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions précitées de l'article L. 1235-4 du code du travail.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT, de sorte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée, ainsi que le juge la Cour de cassation par un arrêt du 11 mai 2022, publié au Bulletin (Soc.,pourvoi n° 21-14.490).
En conséquence, les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail qui prévoient notamment pour un salarié ayant quatorze années d'ancienneté, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal de trois mois de salaire brut et un montant maximal de douze mois de salaire brut, sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.
Au vu des circonstances de la rupture, de la rémunération mensuelle moyenne brute de 4 757 euros, de l'ancienneté de quatorze ans et huit mois du salarié qui justifie avoir retrouvé un emploi avec un salaire de 3 050 euros bruts après 19 mois de chômage indemnisé d'une période de 19 mois de chômage , le préjudice résultant pour cet dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 57 084 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts taux légal à compter du prononcé du jugement par application de l'article 1231-7 du code civil.
Le jugement est en conséquence réformé de ce chef.
3- Sur le caractère vexatoire du licenciement
La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise les éléments de nature à établir, d'une part, la réalité du manquement, d'autre part, l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.
Le salarié peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation du préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi, s'il justifie d'une faute de l'employeur dans les circonstances entourant le licenciement de nature brutale ou vexatoire.
Le caractère vexatoire du licenciement ne peut résulter des seules conséquences attachées au licenciement sans préavis.
En l'occurrence, la dispense d'activité avec maintien du salaire a été notifiée au salarié dès avant l'entretien préalable au licenciement, soit à compter de sa convocation à cet entretien le 2 janvier 2019, et surtout celui-ci étant invité à ne plus être présent au club-house et au practise et plus particulièrement pour l'accueil des membres et visiteurs, ce qui était pour le moins prématuré voire même incompatible avec les propositions de reclassement du salarié qui supposaient que celui-ci ne perde pas tout lien avec l'entreprise ou à tout le moins avec sa clientèle, de sorte qu'il en ressort un caractère brutal de la rupture des relations contractuelles, imputable à l'employeur, dont les répercussions sont illustrées dans un courriel que le salarié adressait au gérant de la société depuis sa messagerie personnel dans lequel il demandait que son courrier personnel reçu sur sa messagerie professionnelle lui soit réexpédié et c'est par une juste appréciation du préjudice en résultant pour le salarié, dont celui d'une dégradation de son image auprès de ses collègues alors qu'aucune faute ne lui était reprochée, que les premiers juges en ont chiffré la réparation à 10 000 euros.
4- Sur les demandes accessoires
Compte tenu de l'issue de la procédure, le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur aux dépens, a mis à sa charge une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a débouté de sa demande d'indemnité sur ce même fondement.
L'employeur, succombant en grande partie en son appel principal, est tenu aux dépens et sa demande au titre des frais irrépétibles est rejetée.
Il est équitable de fixer à 2 000 euros l'indemnité que l'employeur doit payer au salarié au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a pu exposer dans la présente procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
INFIRME le jugement en ce qu'il condamne la société Prog 4.2 à verser à M. [O] [F] la somme de 62 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
LE CONFIRME en ses autres dispositions,
Et statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,
CONDAMNE la société Prog 4.2 à payer à M. [O] [F] la somme de 57 084 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2020,
Y ajoutant,
REJETTE la demande de la société Prog 4.2 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Prog 4.2 à payer à M. [O] [F] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Prog 4.2 aux dépens d'appel.
La greffière, La présidente,