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04/07/2023 | FRANCE | N°20/02712

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 04 juillet 2023, 20/02712


AFFAIRE DU CONTENTIEUX DU FIVA



RAPPORTEUR





R.G : N° RG 20/02712 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M62H





[B]



C/

FOND D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de BAGNOLET

du 03 Mars 2020

RG : 121371/PTF















































AU NOM

DU PEUPLE FRAN'AIS



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 04 JUILLET 2023











APPELANT :



[H] [B]

né le 12 Décembre 1953

[Adresse 1]

[Localité 2]



comparant en personne, assisté de Me Denis FERRE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau ...

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DU FIVA

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 20/02712 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M62H

[B]

C/

FOND D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de BAGNOLET

du 03 Mars 2020

RG : 121371/PTF

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 04 JUILLET 2023

APPELANT :

[H] [B]

né le 12 Décembre 1953

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Denis FERRE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Mathilde DELACHAUX de la SELARL MD AVOCAT, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

FOND D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Samuel FITOUSSI de la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Mai 2023

Présidée par Nathalie PALLE, Présidente, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

- Nathalie PALLE, présidente

- Vincent CASTELLI, conseiller

- Françoise CARRIER, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Juillet 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par arrêt du 23 novembre 2021, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour a ordonné avant dire droit une expertise médicale de M. [B] afin de voir déterminer la nature de la pathologie présentée, dire si elle est imputable à une exposition à l'amiante et dans cette hypothèse, donner son avis sur le taux d'incapacité fonctionnelle en relation avec le barème médical indicatif du FIVA et fournir tous éléments médicaux permettant d'évaluer les préjudices subis par le requérant en lien avec cette pathologie.

Le 25 avril 2022, l'expert a déposé à la cour son rapport définitif.

L'affaire a été appelée à l'audience du 2 mai 2023.

Dans ses conclusions déposées le 20 avril 2023, oralement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, M. [B] demande à la cour de :

- juger recevables et bien-fondées ses demandes,

Avant toute défense au fond et à titre principal,

- juger que le principe du contradictoire n'a pas été respecté lors des opérations expertales et dans le cadre du rapport d'expertise,

- prononcer la nullité du rapport d'expertise rendu par le docteur [I],

- ordonner une nouvelle expertise,

- désigner avant-dire droit tel expert qu'il plaira avec mission habituelle de déterminer l'étendue de son exposition à l'amiante dans le cadre de son activité professionnelle, et d'évaluer les préjudices qu'il a subis,

Sur le fond et à titre subsidiaire,

- juger qu'il existe un lien de causalité direct entre l'exposition à l'amiante dans le cadre de son activité professionnelle et sa maladie,

- juger que la décision de refus d'indemnisation notifiée par le FIVA est dépourvue de tout bien-fondé,

- juger qu'il est fondé à solliciter et obtenir la réparation intégralité de ses préjudices de la part du FIVA,

En conséquence,

- condamner le FIVA à lui verser la somme de 66248 euros à titre de dommages- intérêts pour assistance par tierce personne,

- condamner le FIVA à lui verser la somme de 30000 euros à titre de dommages- intérêts pour incapacité fonctionnelle,

- condamner le FIVA à lui verser la somme de 15000 euros à titre de dommages- intérêts pour préjudice moral (d'anxiété),

- condamner le FIVA à lui verser la somme de 1300 euros à titre de dommages- intérêts pour préjudice d'agrément,

- condamner le FIVA à lui verser la somme de 2000 euros à titre de dommages- intérêts pour préjudice sexuel,

- condamner le FIVA à lui verser la somme de 1000 euros à titre de dommages- intérêts pour préjudice esthétique,

- condamner le FIVA au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [B] sollicite, à titre principal, que le rapport d'expertise du docteur [I] lui soit déclaré inopposable, au motif que ce dernier a manqué à ses obligations de conscience et d'objectivité. Il ajoute que le rapport d'expertise se fonde sur des documents qui n'ont pas été soumis au contradictoire. Il met en évidence que le FIVA a entendu verser des documents médicaux supplémentaires, dont le certificat du professeur [W] de septembre 2021, sans l'en informer.

A l'audience des débats le conseil de M. [B] a oralement indiqué que «le certificat médical du professeur [W] était au dossier [du requérant et qu']il s'agissait du certificat médical le plus récent».

A titre subsidiaire, M. [B] fait valoir que le juge n'est pas lié par les conclusions de l'expertise et qu'il existe un lien de causalité direct entre son exposition à l'amiante dans le cadre de son activité professionnelle et sa maladie ; de sorte qu'il convient de statuer sur ses préjudices.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 8 mars 2023, oralement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, le FIVA demande à la cour de :

- homologuer le rapport d'expertise établi par le docteur [I] du 24 avril 2022,

- confirmer que la reconnaissance d'une maladie au titre du tableau n°30 des maladies professionnelles n'établit que par présomption simple le lien de causalité entre l'exposition à l'amiante et ladite pathologie,

- confirmer que les lésions radiologiques visualisées dans le dossier médical de l'assuré ne sont pas des plaques pleurales,

En tout état de cause,

- confirmer la décision de rejet du 3 mars 2020,

- rejeter les demandes.

Le FIVA met en évidence que les conclusions de l'expert confirment en tout point celles du médecin conseil du FIVA, celles du docteur [C] et du professeur [K]. Il ajoute que le certificat médical du professeur [W] a été communiqué par M. [B] lui-même lors de l'expertise du 18 mars 2022, de sorte que celui-ci ne saurait prétendre ne jamais avoir été en possession de cet élément et encore moins soulever la violation du respect du contradictoire par le FIVA. Il rappelle que le principe du contradictoire est respecté lorsque l'expert a adressé un pré-rapport aux parties et leur a octroyé un délai pour faire leurs observations.

Le FIVA rappelle que la reconnaissance du caractère professionnel d'une pathologie au titre du tableau n°30 de la part d'un organisme de sécurité sociale n'établit que par présomption simple le lien de causalité entre l'exposition à l'amiante et ladite pathologie. Il souligne qu'il ne peut être tenu par une décision de la caisse.

Le FIVA affirme que le requérant ne présente pas de pathologie caractéristique d'une exposition à l'amiante et encore moins des plaques pleurales en lien avec une exposition à l'amiante.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur le respect du principe du contradictoire

Il résulte de l'article 175 du code de procédure civile que la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.

Selon l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

En l'espèce, le FIVA verse aux débats :

- le pré-rapport d'expertise du docteur [I] du 23 février 2022 (pièce n°20),

- le rapport d'expertise définitif du docteur [I] du 25 avril 2022 (pièce n°21),

- un échange de courriels entre les représentants du FIVA et le docteur [I] des 27 février et 6 mars 2023 au terme duquel il ressort que la pièce litigieuse a été «montrée lors de l'expertise contradictoire par M. [B] il y a maintenant plus d'un an» et que l'expert a «parlé de cette pièce dans [son] pré-rapport sans aucune remarque»(pièce n°23).

De ces éléments et des débats, il ressort que la pièce litigieuse, en l'occurrence le certificat médical du professeur [W], a été produite par M. [B] lui-même, lequel, en vertu du principe selon lequel nul ne plaide par procureur, ne peut se prévaloir du non-respect du principe du contradictoire au préjudice du FIVA, non plus qu'il ne peut se prévaloir du non-respect de contradictoire à son égard s'agissant d'une pièce qu'il a lui-même produite.

Par conséquent, la cour rejette la demande de nullité du rapport d'expertise et la demande de nouvelle expertise.

2 - Sur la pathologie

Il résulte des articles 53 III, alinéa 4, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, 7, 15 et 17 du décret n°2001-963 du 23 octobre 2001, que la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante par un organisme de sécurité sociale établit une présomption simple de lien de causalité entre l'exposition à l'amiante et la maladie, susceptible de la preuve contraire par tous moyens légalement admissibles.

M. [B] a souscrit une déclaration de reconnaissance de maladie professionnelle au titre d'une - asbestose avec fibre pulmonaire - qui a été prise en charge par la caisse au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles pour la maladie plaques pleurales, comme en attestent les termes de la décision de la caisse du 25 septembre 2019 produite aux débats.

Le tableau 30 B relatif aux affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante désigne les lésions pleurales bénignes avec ou sans modifications des explorations fonctionnelles respiratoires :

- plaques calcifiées ou non péricardiques ou pleurales, unilatérales ou bilatérales, lorsqu'elles sont confirmées par un examen tomodensitométrique,

- pleurésie exsudative,

- épaississement de la plèvre viscérale, soit diffus soit localisé lorsqu'il est associé à des bandes parenchymateuses ou à une atélectasie par enroulement. Ces anomalies devront être confirmées par un examen tomodensitométrique.

L'exposition de M. [B] aux poussières d'amiante au cours de sa carrière professionnelle ne fait pas discussion entre les parties, le refus d'indemnisation opposée par le FIVA se fondant exclusivement sur l'absence de pathologie liée à l'amiante.

M. [B] produit aux débats :

- un compte-rendu de scanner thoracique, réalisé le 16 juillet 2014, révélant «un aspect inchangé de taille des différents nodules intéressant principalement le lobe supérieur droit, avec un nodule plus volumineux en arrière du hile droit de 6,1 mm de diamètre, anomalie pariétale en rapport avec l'exposition à l'amiante»,

- une expertise sur pièces réalisée par le professeur [D], pneumologue, le 4 juillet 2019, lors l'instruction du dossier par la caisse, basée sur l'analyse du scanner du 16 juillet 2014 et d'un second examen thoracique du 12 février 2019, constatant «une progression des nodules et surtout apparition de plaques pleurales avec calcification axillaire droite et discrets épaississements pleuraux', ce qui a permis à l'expert de conclure que 'M. [B] présente des conséquences pleuro pulmonaires de son exposition à l'amiante et qu'il présente la maladie professionnelle n°30, syndrôme B de ce tableau, avec un taux d'IPP de 25% »,

- un certificat médical établi par un médecin pneumologue, le 18 mars 2019, indiquant que l'intéressé «présente un syndrome respiratoire restrictif associé à des plaques pleurales calcifiées ou non secondaires à une exposition professionnelle à l'amiante».

Toutefois, pour contredire ces analyses, le FIVA a fait examiner le dossier médical du requérant par deux médecins pneumologues. Leur argumentaire médical, rendu le 23 juillet 2020, conclut en ces termes : «Nous n'avons pas retrouvé sur ces coupes de lésions réellement pathognomoniques d'une affection. Il y existe certes un nodule de segment postéro-externe lobaire moyen ( 242/512), mais indépendant de la plèvre et strictement intra-parenchymateux. Il ne s'agit pas d'une plaque pleurale mais d'un nodule calcifié, voire d'une image ganglionnaire. On la retrouve plus franchement intra-parenchymenteuse sur le scanner du 16 juillet 2014. Il n'existe pas par ailleurs d'autres images évocatrices de plaques pleurales. [...]».

Dans son rapport du 25 avril 2022 le médecin expert pneumologue désigné par la cour précise qu'il n'est pas remis en question l'exposition à l'amiante dans le cadre de l'activité professionnelle.

Il conclut qu'il est possible que M. [B], qui présente des nodules pulmonaires dont certains sont calcifiés et d'allure séquellaire, ait pu avoir une autre pathologie pulmonaire, par exemple virale qui puisse donner des micronodules pulmonaires, qui pourraient expliquer ce discret trouble restrictif.

Il retient qu'il est d'accord avec le professeur [W] pour considérer que le trouble restrictif fonctionnel ne peut être expliqué par une pathologie pleurale et ajoute, après avoir visionné plusieurs scanners thoraciques, approuver les conclusions du docteur [C] et du professeur [K] quant à l'absence de pathologie pleurale significative qui puisse être en lien avec exposition à l'amiante.

Il conclut qu'il ne peut dire que la dyspnée présentée par le requérant est imputable avec une exposition à l'amiante.

Les conclusions de l'expert désigné étant claires et précises quant à l'absence de pathologie pleurale significative qui puisse être en lien avec exposition à l'amiante et n'étant pas utilement contredites par l'avis du pneumologue de M. [B], la preuve est apportée d'une absence de lien de causalité entre l'exposition à l'amiante de M. [B] et la maladie dont il souffre, de sorte que, sans qu'il y ait lieu à nouvelle expertise, les conditions d'indemnisation par le FIVA ne sont pas remplies et les demandes de M. [B] doivent être rejetées.

3 - Sur les frais irrépétibles et les dépens

Conformément à l'article 31 du décret n°2001-963 du 23 octobre 2001, les dépens qui comprendront les frais de l'expertise ordonnée resteront à la charge du FIVA.

Succombant dans son recours, la demande de M. [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

REJETTE comme étant non fondé le recours de M. [H] [B] contre la décision de rejet d'indemnisation par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante du 3 mars 2020,

LAISSE les dépens de la procédure en ce compris les frais de l'expertise judiciaire ordonnée à la charge du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

REJETTE la demande de M. [H] [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 20/02712
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;20.02712 ?
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