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03/07/2023 | FRANCE | N°23/00073

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 03 juillet 2023, 23/00073


N° R.G. Cour : N° RG 23/00073 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O5XY

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DE REFERE

DU 03 Juillet 2023





























DEMANDEUR :



M. [P] [V] Dirigeant de société,

[Adresse 1]

[Localité 3]



avocat postulant : la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON (toque 1547)



avocat plaidant : Me ROBERT Muriel substituant Me Olivier GARDETTE, avo

cat au barreau de LYON (toque 299)







DEFENDERESSE :



S.A.R.L. PRODEFI DEVELOPPEMENT

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Florence CALLIES substituant Me Joseph PALAZZOLO de la SCP YVES HARTEMANN JOSEPH...

N° R.G. Cour : N° RG 23/00073 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O5XY

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DE REFERE

DU 03 Juillet 2023

DEMANDEUR :

M. [P] [V] Dirigeant de société,

[Adresse 1]

[Localité 3]

avocat postulant : la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON (toque 1547)

avocat plaidant : Me ROBERT Muriel substituant Me Olivier GARDETTE, avocat au barreau de LYON (toque 299)

DEFENDERESSE :

S.A.R.L. PRODEFI DEVELOPPEMENT

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Florence CALLIES substituant Me Joseph PALAZZOLO de la SCP YVES HARTEMANN JOSEPH PALAZZOLO, avocat au barreau de LYON (toque 480)

Audience de plaidoiries du 19 Juin 2023

DEBATS : audience publique du 19 Juin 2023 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 2 janvier 2023 , assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée publiquement le 03 Juillet 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

EXPOSE DU LITIGE

M. [P] [V] et M. [F] [W] ont créé la société Artheos. La S.A.R.L. Prodefi développement (Prodefi) a abondé les comptes de la société Artheos détenant un compte courant à hauteur de 730 000 € garanti par M. [W] et M. [V]. Par convention en date du 30 septembre 2014, la société Prodefi a cédé à M. [W] et à M. [V] la créance qu'elle détenait à hauteur de 590 000 € répartis pour 60 % à M. [V] et 40% à M. [W], le paiement étant défini librement entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2017. Au 1er janvier 2018, ni M. [W], ni M. [V] n'ont respecté leurs engagements. La société Artheos a été liquidée le 3 avril 2019.

Par acte du 12 février 2018, la société Prodefi a assigné M. [W] et M. [V] devant le tribunal de commerce de Lyon, lequel par jugement contradictoire du 23 septembre 2021 a notamment :

- jugé que l'acte de cession en date du 30 septembre 2014 a été conclu sans vice de consentement,

- condamné M. [W] à payer à la société Prodefi la somme de 248 060,68 €, outre intérêts au taux contractuel de 2,5% à compter du 23 janvier 2018, date du commandement de payer,

- condamné M. [V] à payer à la société Prodefi la somme de 381 248,66 €, outre intérêts au taux contractuel de 2,5% à compter du 11 janvier 2018, date du commandement de payer

- condamné M. [W] et M. [V] à verser chacun à la société Prodefi une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M. [W] et M. [V] aux entiers dépens de l'instance.

M. [V] a interjeté appel de cette décision le 6 octobre 2021.

Par assignation en référé délivrée le 11 avril 2023 à la société Prodefi, il a saisi le délégué du premier président afin d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire et la condamnation de la défenderesse à la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

A l'audience du 19 juin 2023 devant le délégué du premier président, les parties, régulièrement représentées, s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

Dans son assignation, M. [V] invoque les dispositions de l'article 524 du Code de procédure civile et soutient qu'il ne dispose pas de revenus suffisants pour exécuter la décision de première instance.

Il indique percevoir l'aide au retour à l'emploi et fait état d'un revenu fiscal de référence en 2022 de 10 916 €.

Il affirme que la société Prodefi connaît ses difficultés financières et multiplie pourtant les actes d'exécution.

Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 17 mai 2023, la société Prodefi demande au délégué du premier président de :

- déclarer irrecevable la demande de M. [V] en arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 23 septembre 2021,

- à titre subsidiaire, le débouter de sa demande,

- dans tous les cas, condamner M. [V] à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens.

Elle soutient que M. [V] est irrecevable à solliciter l'arrêt d'une exécution provisoire qu'il avait sollicitée, à raison d'un défaut d'intérêt à agir, et pour se heurter au principe de l'estoppel selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que les arguments de M. [V] portant sur les chances estimées sérieuses d'obtenir une réformation du jugement du tribunal de commerce sont hors débat. Elle estime que le demandeur ne rapporte pas la preuve de conséquences manifestement excessives et relève que M. [V] disposait de la possibilité de payer sa dette au lendemain du jugement dont appel et que par ses manoeuvres il a empêché l'exécution forcée des condamnations prononcées.

Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 9 juin 2023, M. [V] maintient les demandes contenues dans son assignation et soutient la recevabilité de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Il précise avoir sollicité l'exécution provisoire des condamnations dont il demandait le prononcé à son profit et à l'encontre de la société Prodefi. Il conteste la fin de non recevoir basée sur le principe de l'estoppel car il n'a jamais cherché à induire en erreur son adversaire.

Il maintient ne pas disposer des revenus suffisants pour faire face aux condamnations assorties de l'exécution provisoire et conteste avoir été à même de les couvrir notamment dans le cadre des voies d'exécution lancées par la société Prodefi.

Il indique que son patrimoine est composé d'un immeuble constituant sa résidence principale qu'il ne peut mettre en vente et précise qu'il ne dispose pas de véhicules de valeur ou de parts sociales susceptibles de lui permettre de payer les condamnations prononcées par le tribunal de commerce.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Attendu que la société Prodefi soutient au visa de l'article 122 que M. [V] est dépourvu d'intérêt à agir en sollicitant l'arrêt de l'exécution provisoire qu'il avait sollicitée du tribunal de commerce ;

Qu'il est bien difficile d'envisager de priver une partie condamnée avec l'exécution provisoire de la faculté de solliciter un arrêt de l'exécution provisoire des condamnations qu'elle subit et qui sont assorties de l'exécution provisoire, au seul visa d'une demande présentée en ce sens au titre des demandes reconventionnelles qu'elle a présentée ;

Que surtout l'intérêt à agir est à apprécier non pas au regard d'un comportement procédural antérieur mais en fonction de l'objectif poursuivi par le demandeur, l'intérêt personnel et actuel de M. [V] à solliciter un arrêt de l'exécution provisoire étant difficilement contestable ;

Attendu que la société Prodefi invoque de manière inopérante le principe dit de l'estoppel en ce qu'il ne peut être opposé que dans le cadre d'une même instance et en ce qu'elle suppose que M. [V] se soit contredit à son détriment concernant sa reconnaissance ou sa contestation de la créance entérinée par le tribunal de commerce ; que les instances devant ce tribunal et devant nous sont distinctes et il n'est en outre pas allégué que M. [V] ait tenté de tromper son adversaire sur ses intentions concernant l'exécution des condamnations alors présentées en première instance par la société Prodefi ;

Attendu que la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par M. [V] est déclarée recevable ;

Attendu que l'exécution provisoire ordonnée dans le jugement rendu le 23 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Lyon ne peut être arrêtée, conformément aux dispositions de l'article 524 alinéa 1 du Code de procédure civile, dans sa version antérieure au 1er janvier 2020, que si elle est interdite par la loi ou si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ;

Attendu que l'article 55 du décret du 11 décembre 2019 prévoit que les dispositions nouvelles régissant l'exécution provisoire n'entrent en vigueur que pour les instances introduites à compter du 1er janvier 2020, l'acte introductif d'instance ayant en l'espèce été délivré devant le tribunal de commerce de Lyon le 12 février 2018 ;

Attendu que M. [V] ne soutient pas que l'exécution provisoire serait interdite par la loi, mais invoque dans son assignation le risque de conséquences manifestement excessives ;

Attendu que le premier président n'a pas le pouvoir d'apprécier l'opportunité, la régularité ou le bien fondé de la décision rendue par le premier juge pour en suspendre les effets ; que les observations du demandeur sur les chances qu'il estime avoir d'obtenir la réformation du jugement dont appel sont inopérantes et n'ont pas à être examinées ;

Attendu que s'agissant de l'existence de conséquences manifestement excessives, il y a lieu de rappeler qu'il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue en fonction des facultés de remboursement de l'intimé si la décision était infirmée, mais également de la situation personnelle et financière du débiteur ;

Qu'en outre, le caractère manifestement excessif des conséquences de la décision rendue ne saurait exclusivement résulter de celles inhérentes à la mise à exécution d'une condamnation au paiement d'une somme d'argent ou d'une décision autorisant l'expulsion, mais ces conséquences doivent présenter un caractère disproportionné ou irréversible ;

Attendu qu'il appartient à M. [V] de rapporter la preuve de ces risques occasionnés par l'exécution provisoire et il doit être rappelé que l'impossibilité de payer les condamnations assorties de l'exécution provisoire est insusceptible de les caractériser à elle-seule ;

Attendu que M. [V] soutient qu'en cas de poursuite des voies d'exécution à son encontre, sa famille se retrouverait dépourvu de ressources ;

Attendu qu'il ressort des pièces du débat et en particulier des conclusions dernièrement déposées devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon que M. [V] a fait l'objet des mesures d'exécution forcée suivantes :

- saisie attribution auprès de la Caisse d'épargne dénoncée le 13 mars 2023,

- saisie attribution auprès de la S.A.R.L. EGV dénoncée à la même date,

- saisie des droits d'associés ou de valeurs mobilières auprès de la même société dénoncée à cette même date,

- procès-verbal d'indisponibilité de certificats d'immatriculation de plusieurs véhicules dénoncé le 16 mars 2023 et saisie d'un véhicule du 30 mars 2023 ;

Que la société Prodefi produit les actes correspondant à ces voies d'exécution qui permettent de vérifier que :

- la saisie attribution auprès de la Caisse d'épargne a permis de rendre indisponible une somme de 2 499,21 € de laquelle devra être déduit le solde bancaire insaisissable,

- le procès-verbal d'indisponibilité de véhicules fait état de cinq véhicules sans précision de leur valorisation,

- la saisie des valeurs mobilières et droits d'associé auprès de la société EGV ne contient pas plus de valorisation de l'importance des fonds concernés paraissant être constitués de dividendes à percevoir par M. [V] ;

Que les valorisations mises en avant tant concernant celle des parts sociales de cette société d'un nominal de 669,56 € au cours de l'année 2021, comme concernant la vente d'un immeuble pour un montant de 1 050 000 € alors que M. [V] en est le seul détenteur de part, objectivent que les différentes voies d'exécution engagées sont de nature à couvrir le montant des condamnations assorties de l'exécution provisoire ;

Attendu que M. [V] défaille à caractériser les conséquences manifestement excessives et personnelles susceptibles de résulter en cas de succès de ces voies d'exécution, après que leur régularité ait été examinée par le juge de l'exécution ;

Qu'il ne tente d'ailleurs pas de rapporter cette preuve concernant celles visant la société EGV et il ne peut considérer que l'engagement de telles mesures d'exécution aux risques et périls du créancier sont de nature à être disproportionnées par leur existence même ;

Attendu que sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire doit dès lors être rejetée en l'état de cette carence probatoire ;

Attendu que M. [V] succombe et doit supporter les dépens de ce référé comme indemniser son adversaire des frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,

Vu la déclaration d'appel du 6 octobre 2021,

Déclarons recevable mais rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par M. [P] [V],

Condamnons M. [P] [V] aux dépens de ce référé et à verser à la S.A.R.L. Prodefi développement une indemnité de 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 23/00073
Date de la décision : 03/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-03;23.00073 ?
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