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28/06/2023 | FRANCE | N°22/06832

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 28 juin 2023, 22/06832


N° R.G. Cour : N° RG 22/06832 - N° Portalis DBVX-V-B7G-ORXY



indemnisation

détention

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DU 28 Juin 2023





























DEMANDEUR :



M. [K] [G]

[Adresse 5]

[Localité 3]



comaprant assisté de Me Hervé GUYENARD, avocat au barreau de LYON







DEFENDEUR :



ETAT FRANCAIS REPRESENTE PAR L'AGENT JUDI

CIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 6]

[Localité 4]



Représenté par Me Jean-Baptiste BERLOTTIER-MERLE substituant Me Sébastien BRACQ de la SELARL ASTERIO, avocat au barreau de LYON



PARTIE INTERVENANTE



Madame la Procureure Générale





Audience de plaidoirie...

N° R.G. Cour : N° RG 22/06832 - N° Portalis DBVX-V-B7G-ORXY

indemnisation

détention

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DU 28 Juin 2023

DEMANDEUR :

M. [K] [G]

[Adresse 5]

[Localité 3]

comaprant assisté de Me Hervé GUYENARD, avocat au barreau de LYON

DEFENDEUR :

ETAT FRANCAIS REPRESENTE PAR L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représenté par Me Jean-Baptiste BERLOTTIER-MERLE substituant Me Sébastien BRACQ de la SELARL ASTERIO, avocat au barreau de LYON

PARTIE INTERVENANTE

Madame la Procureure Générale

Audience de plaidoiries du 24 Mai 2023

DEBATS : audience publique du 24 Mai 2023 tenue par Olivier GOURSAUD, Président à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 2 janvier 2023, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée publiquement le 28 Juin 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Olivier GOURSAUD, Président et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Le 1er mars 2018, Mr [K] [G] a été mis en examen par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Lyon du chef de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime.

Il a été placé le même jour en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon.

Par ordonnance en date du 2 octobre 2019, le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Lyon a ordonné la mise en liberté de Mr [G] assortie de son placement sous contrôle judiciaire.

Mr [G] a été renvoyé devant la cour d'assises du Rhône laquelle par un arrêt en date du 24 juin 2022, l'a acquitté des fins de la poursuite.

Cet arrêt est définitif.

Par requête reçue au greffe le 11 octobre 2022, Mr [G] a sollicité la réparation du préjudice moral découlant de la détention provisoire.

Mr [G] demande l'allocation :

- d'une somme de 65.000 € au titre de l'indemnisation de son préjudice moral.

- d'une somme de 27.012 € en réparation de son préjudice matériel,

- d'une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mr [G] fait valoir à l'appui de sa demande d'indemnisation de son préjudice moral que les 19 mois d'incarcération provisoire ont été pour lui source d'une intense souffrance, et ce alors même qu'il menait à l'époque des faits une vie paisible ne l'exposant pas à un risque d'incarcération, que cette mesure a eu pour effet de compromettre ses relations familiales alors qu'il est père de 4 enfants issus de deux unions successives, âgés respectivement de douze ans, dix ans, trois ans et six mois, que s'il ne résidait pas habituellement avec eux, il contribuait à leur éducation en s'occupant d'eux durant la journée, qu'il s'est également trouvé dans l'incapacité d'apporter son aide quotidienne à ses parents vieillissants qui l'hébergeaient, qu'il a été tellement désorienté par son incarcération qu'il a adopté des postures de refus à l'accomplissement des actes d'instruction relatifs à sa personnalité tels que le refus de rencontrer l'expert psychiatre ou l'enquêteur de personnalité, qu'il a connu un pic de désespoir quant il a été informé du décès de son père le [Date décès 2] 2018 et que plus de trois ans après la fin de sa période de détention provisoire, il présente une symptomatologie dépressive sévère en lien avec les conséquences de son incarcération.

A l'appui de sa demande d'indemnisation d'un préjudice matériel, Mr [G] se prévaut :

- d'une perte de revenus à hauteur de 10.546,96 € en précisant qu'il était en recherche d'emploi avant son placement en détention, qu'il a présenté plusieurs promesses d'embauche lors de ses différentes demandes de mise en liberté et qu'à tout le moins, il est fondé à prétendre à la perception d'une indemnité égale au montant du RSA,

- d'une indemnité au titre d'une perte de chance de percevoir un revenu à hauteur de 27.012 €.

l'Agent Judiciaire de l'Etat conclut à la réduction à de plus justes proportion de la demande au titre préjudice moral et offre de régler la somme de 43.500 € en faisant valoir notamment que les éléments de personnalité de l'enquête contredisent le fait qu'il contribuait à l'entretien de ses enfants ou le fait qu'il apportait de l'aide à ses parents qui l'hébergeaient alors qu'ils habitaient en Tunisie une grande partie de l'année et que lui même vivait avec sa compagne, qu'il convient toutefois de lui donner acte de ce qu'il a perdu son père pendant son incarcération et qu'enfin, il ne justifie pas d'un quelconque suivi psychologique.

L'Agent Judiciaire de l'Etat conclut au rejet de la demande au titre du préjudice matériel et déclare que Mr [G] ne démontre pas qu'il était titulaire du RSA avant son incarcération ni qu'il ne l'a pas touché pendant sa détention provisoire et qu'il ne justifie pas d'une quelconque chance de trouver un emploi, les contrats de travail et promesses d'embauche étant toutes postérieures à son incarcération et les documents produits étant dépourvus de force probante et régularisés pour les besoins de la cause.

Il conclut au rejet ou subsidiairement à la réduction de la somme demandée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Procureure Générale conclut à l'allocation au requérant d'une indemnité de 43.500 € en réparation de son préjudice moral et de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au rejet de la demande formée au titre du préjudice matériel.

Vu les articles 149 et suivants du code de procédure pénale,

Après avoir entendu en audience publique l'avocat de Mr [K] [G] qui a eu la parole en dernier, l'avocat de l'Etat et le représentant du Ministère Public, nous avons statué comme suit :

Sur la recevabilité :

L'article 149-2 du code de procédure pénale édicte que la requête en indemnisation de la détention doit être déposée dans le délai de six mois à compter de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive.

En l'espèce, la requête a été déposée moins de 6 mois après la décision d'acquittement de la cour d'Assises dont il est justifié par la production d'un certificat de non appel qu'elle est devenue définitive.

La requête est donc recevable.

Sur le préjudice moral :

L'indemnisation du préjudice moral de la personne détenue est fonction, notamment, de sa personnalité, de son mode de vie, de son comportement au cours de l'instruction, de ses antécédents judiciaires et des périodes de détention effectuées en exécution de condamnations antérieures.

Ouvre droit à réparation dans le cadre de la présente procédure la période de détention effectuée par l'intéressé.

En l'espèce, Mr [G] a subi une détention de 580 jours avant d'être libéré.

Mr [G], né le [Date naissance 1] 1976, était âgé de 42 ans au moment de son placement en détention.

Il n'avait jamais été incarcéré ainsi qu'il ressort des mentions de son casier judiciaire ce dont il convient de tenir compte dans l'appréciation du choc causé par son incarcération.

Mr [G] est père de quatre enfants issus de deux unions différentes qui étaient âgés de 12, 10, 2 ou 3 ans et quelques mois avec lesquels il ne réside pas habituellement.

Il indique qu'il s'occupait d'eux dans la journée mais ne verse aux débats aucun élément à ce sujet, les déclarations recueillies lors de l'enquête de personnalité n'apportant pas d'éléments très précis sur ce point.

Selon un certificat médical du docteur [X], psychiatre, Mr [G] présente une symptomatologie dépressive sévère qui semble être en lien avec les conséquences de son incarcération mais outre le fait que ce praticien n'est pas complètement affirmatif, Mr [G] ne justifie d'aucun suivi particulier.

Il doit être tenu compte de ce que le père de Mr [G] est décédé le [Date décès 2] 2018 en Tunisie de sorte qu'il n'a pas été en mesure d'assister à ses funérailles.

Pour le surplus, Mr [G] n'apporte pas d'éléments attestant qu'il a personnellement subi des conditions de détention particulièrement éprouvantes ni ne justifie d'une situation exceptionnelle dépassant les conséquences inéluctables mais habituelles d'une incarcération qui sont l'isolement moral, l'éloignement de la famille et la confrontation avec un monde carcéral difficile.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le préjudice moral subi par Mr [G] pendant 580 jours d'incarcération est justement réparé par l'allocation d'une somme de 43.500 €.

Sur le préjudice matériel :

Mr [G] n'apporte aucune précision sur sa situation professionnelle antérieurement à son placement en détention si ce n'est qu'il était à la recherche d'un emploi.

L'enquête de personnalité qu'il verse aux débats révèle que celui-ci n'a apparemment travaillé que très occasionnellement, alternant les contrats et les périodes de chômage, et il n'est fait mention d'aucun emploi rémunéré dans les années ayant précédé son incarcération.

Il ne justifie pas de ce qu'il percevait le RSA avant son incarcération de sorte qu'aucune perte de revenus résultant de son placement en détention n'est démontrée.

Au titre d'un préjudice de perte de chance de trouver un emploi, Mr [G] produit des promesses d'embauche ou des contrats de travail.

La promesse d'embauche de la société [7] qui propose à Mr [G] un salaire mensuel de 2.235 € brut n'apparaît manifestement pas sérieuse au regard du chiffre d'affaires et du résultat net de cette entreprise tels que mentionnés par l'Agent Judiciaire de l'Etat.

Les autres documents produits faisaient état d'une promesse d'embauche à sa sortie de maison d'arrêt, particulièrement celle de la société [8] datée du 13 septembre 2019, soit quelques jours avant sa sortie de prison, et Mr [G] n'explique pas pour quel motifs il n'a pas donné suite à cette proposition.

Au regard du passé professionnel de Mr [G] avant son incarcération, il n'est pas démontré que sa détention provisoire a entrainé une perte de chance quelconque de percevoir un revenu salarial pendant la période de cette incarcération.

Il convient de débouter Mr [G] de sa demande d'indemnisation d'un préjudice matériel.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il convient d'allouer à Mr [G] au titre de la présente procédure et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2.000 €.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable la requête de Mr [K] [G] ;

Lui allouons, à la charge de l'Etat :

- la somme de 43.500 € en réparation de son préjudice moral ;

- la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons le surplus de ses demandes ;

Disons que les dépens seront supportés par l'Etat.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 22/06832
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;22.06832 ?
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