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27/06/2023 | FRANCE | N°21/01976

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 27 juin 2023, 21/01976


AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE





RAPPORTEUR





R.G : N° RG 21/01976 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NO42





S.A.S. [8]



C/

CPAM DU RHONE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 12 Mars 2021

RG : 15/00285















































AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS



CO

UR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 27 JUIN 2023











APPELANTE :



S.A.S. [8]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 3]



Accident du travail de M. [N]



représentée par Mme [B] [F], juriste , munie d'un pouvoir







INTIMEE :



CPAM DU RHONE

[Localité 5]



représentée ...

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 21/01976 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NO42

S.A.S. [8]

C/

CPAM DU RHONE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 12 Mars 2021

RG : 15/00285

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 27 JUIN 2023

APPELANTE :

S.A.S. [8]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 3]

Accident du travail de M. [N]

représentée par Mme [B] [F], juriste , munie d'un pouvoir

INTIMEE :

CPAM DU RHONE

[Localité 5]

représentée par madame [Z] [K], audiencière, munie d'un pouvoir

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Mars 2023

Présidée par Nathalie PALLE, Présidente, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de eMalika CHINOUNE, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

- Nathalie PALLE, présidente

- Thierry GAUTHIER, conseiller

- Vincent CASTELLI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [N] (l'assuré), salarié de la société [8] (l'employeur), a été mis à disposition de la société [10], en qualité de préparateur de commandes.

Le 3 décembre 2010, l'employeur a établi une déclaration d'accident survenu le 30 novembre 2010 à 10h30, dans les circonstances suivantes : « [l'assuré] s'est baissé pour ramasser des cartons et en se relevant, il aurait ressenti une douleur au dos», accompagnée d'un certificat médical initial du 1er décembre 2010 faisant état d'un lumbago et d'une sciatalgie droite.

Le 20 décembre 2010, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle et a fixé la date de consolidation au 1er janvier 2012.

Le 25 novembre 2014, l'employeur a saisi la commission de recours amiable afin de contester l'imputabilité des arrêts de travail successifs prescrits l'assuré à l'accident du travail survenu le 30 novembre 2010.

Le 3 mars 2015, l'employeur a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon en contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par décision du 24 juin 2015, la commission de recours amiable a rejeté sa demande.

Par jugement du 12 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, devant lequel la procédure s'est poursuivie, a :

- débouté l'employeur de sa demande d'expertise médicale,

- confirmé l'opposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge, par la caisse, des arrêts de travail et soins prescrits à l'assuré au titre de l'accident du travail dont il a été victime le 30 novembre 2010 jusqu'au 1er janvier 2012, date de consolidation de ses lésions,

- dit que la procédure est sans frais pour les recours introduits avant le 1er janvier 2019.

Le 16 mars 2021, l'employeur a relevé appel de ce jugement.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 3 mai 2022, oralement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, l'employeur demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'expertise médicale judiciaire,

Statuant à nouveau

- déclarer inopposables à l'employeur les arrêts de travail prescrits à l'assuré et qui ne sont pas en relation directe et unique avec l'accident du travail du 30 novembre 2010,

Avant dire droit,

- ordonner une expertise médicale judiciaire sur pièces, avec notamment pour mission de dire si l'évolution des lésions de l'assuré est due à un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte, à un nouveau fait accidentel ou un état séquellaire, déterminer quels sont les arrêts de travail et lésions directement et uniquement imputables à l'accident du 30 novembre 2010 dont a été victime l'assuré et fixer la date de consolidation des lésions dont a souffert l'assuré suite à son accident de travail du 30 novembre 2010.

L'employeur soutient qu'il démontre l'existence d'un état pathologie antérieur précis et objectivé. Il met en évidence qu'il est établi que la hernie discale évoquée n'a pas été aggravée, mais préexistait à l'accident et n'a été que dolorisée par celui-ci. Il ajoute que la supposée aggravation retenue par le tribunal est réfutée par l'ensemble des éléments médicaux, qui ne trouvent aucun élément en faveur d'une complication.

L'employeur souligne que la demande d'expertise est recevable dès lors qu'il apporte la preuve d'un litige d'ordre médical, dont la résolution est essentielle à la solution du litige, et démontre que la discussion médicale caractérise un doute suffisamment sérieux pour nécessiter d'être tranché par une expertise médicale judiciaire.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 17 janvier 2023, oralement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, la caisse demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- si la cour devait avoir recours à l'expertise médicale judiciaire pour trancher ce litige, toute demande de fixation d'une nouvelle date de guérison/consolidation sera déclarée irrecevable par application du principe d'indépendance des parties.

La caisse soutient que la présomption d'imputabilité a vocation à s'appliquer à l'ensemble des prescriptions médicales, sauf pour l'employeur à rapporter la preuve de l'existence d'une cause étrangère au travail à l'origine exclusive des prescriptions de repos, ce qu'il ne fait pas en l'espèce. Elle observe que l'employeur produit le jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité ayant ramené le taux d'incapacité opposable à l'employeur de 10% à 7% et affirme que cette minoration ne saurait avoir de conséquence sur la durée des arrêts de travail. Elle met en évidence que l'existence d'un état pathologique préexistant ne permet pas d'écarter la présomption d'imputabilité au travail dès lors que cet état préexistant a été aggravé ou décompensé par l'accident du travail. Elle ajoute que l'employeur se contente de constater une apparente disproportion entre les blessures initiales et la durée des arrêts de travail sans apporter aucun élément probant de nature à combattre la présomption qui s'attache à cette prise en charge.

La caisse souligne qu'en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie de l'administration de la preuve.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée, ou travaillant à quelque titre que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Il découle de ce texte que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

Cette présomption demeure pour les lésions non détachables de l'accident initial et qui apparaissent comme des conséquences ou des complications de la lésion initiale.

Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

La présomption ne fait pas obstacle à ce que l'employeur conteste l'imputabilité à l'accident du travail initialement reconnu de tout ou partie des soins et arrêts de travail pris en charge ultérieurement par la caisse primaire d'assurance maladie, mais lui impose alors de rapporter, par tous moyens, la preuve de l'absence de lien de causalité, c'est-à-dire d'établir que les arrêts de travail et les soins prescrits en conséquence de l'accident résultent d'une cause totalement étrangère au travail.

Une mesure d'expertise n'a donc lieu d'être ordonnée que si l'employeur apporte des éléments de nature à laisser présumer l'existence d'une cause étrangère qui serait à l'origine exclusive des arrêts de travail contestés et, en tout état de cause, elle n'a pas vocation à pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.

Il doit être en outre rappelé que le lien de causalité qui résulte de la présomption subsiste quand bien même l'accident aurait seulement précipité l'évolution ou l'aggravation d'un état pathologique antérieur qui n'entraînait jusqu'alors aucune incapacité.

Enfin, la référence au caractère disproportionné entre la longueur des arrêts de travail et la lésion constatée n'est pas de nature à établir de manière suffisante l'existence d'un litige d'ordre médical, eu égard aux éléments qui précèdent.

En l'espèce, l'accident du travail étant survenu le 30 novembre 2010, il ressort de la déclaration d'accident du travail renseignée par l'employeur et du certificat médical initial, prescrivant un arrêt de travail, que s'étant baissé pour ramasser des cartons l'assuré a ressenti en se relevant une douleur au dos dont il est résulté un lumbago et une sciatalgie, médicalement constatés.

Les certificats médicaux de prolongation prescrivant des arrêts de travail de manière continue du 9 décembre 2010 au 22 février 2012 font état de lombalgie et sciatalgie, de discopathie L4L5 et L5S1.

Pour contester l'imputabilité au travail de l'intégralité des arrêts de travail et soins prescrits jusqu'à la date retenue pour la consolidation, l'employeur s'appuie sur l'avis médico-légal du 3 août 2016 du docteur [Y], médecin qu'il avait mandaté dans le cadre de la contestation du taux d'IPP devant le tribunal du contentieux de l'incapacité (pièce n°7 de l'employeur), qui estime, en substance, que l'assuré présentait une discopathie lombaire dégénérative en L5-S1 depuis une chute à l'âge de 11 ans pouvant être à l'origine de sciatalgies.

Dans le cadre du contentieux ayant opposé l'employeur à la caisse relativement à la contestation du taux d'incapacité permanente partielle, tranché par jugement du 21 octobre 2016 par le tribunal du contentieux de l'incapacité de la région Rhône-Alpes (pièce n°3 de l'employeur), le docteur [M] médecin consultant désigné par le tribunal, qui a eu connaissance du rapport d'évaluation des séquelles du médecin du service du contrôle médical, a conclu à l'existence d'un état antérieur constitué par une pathologie dégénérative en L5S1 associée à une coxarthrose bilatérale, ce dont il a été tenu compte par le tribunal pour motiver une révision en minoration de l'évaluation des séquelles résultant de l'accident du travail retenues.

Cet élément médical est suffisamment pertinent pour motiver, avant dire droit, la mise en oeuvre d'une expertise médicale judiciaire sur pièces qu'il convient d'ordonner, aux frais avancés de l'employeur, selon les modalités et conditions énoncées au dispositif, étant observé que l'employeur n'étant pas fondé à contester la date de fixation de la consolidation, il n'y a pas lieu de donner à l'expert la mission de fixer la date de consolidation des lésions comme le demande l'employeur.

Les dépens et la charge définitive du coût de l'expertise sont réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

Avant dire droit,

ORDONNE une expertise médicale sur pièces et commet pour y procéder :

M. [P] [L]

Centre hospitalier [6]

[Localité 4]

Tél : [XXXXXXXX01]

Fax : [XXXXXXXX02]

Mèl : [Courriel 7]

avec pour mission, après avoir pris connaissance des pièces du dossier, de :

- retracer l'évolution des lésions présentées par M. [O] [N] (l'assuré), salarié de la société [8], à la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 30 novembre 2010 ;

- dire si celui-ci présentait un état pathologique antérieur, le décrire et, dans l'affirmative, déterminer si l'accident du travail a dolorisé et aggravé cet état pathologique préexistant, et le cas échéant, dire si cet état antérieur a pu évoluer pour son propre compte et dans l'affirmative à partir de quelle date ;

- examiner chacun des arrêts de travail et, le cas échéant, dire si un ou plusieurs des arrêts de travail prescrits du 1er décembre 2010 au 1er janvier 2012 trouve son origine dans une cause totalement étrangère à l'accident du travail (absence de tout lien de causalité même partiel avec l'événement accidentel) et en préciser l'origine,

- formuler toutes observations utiles.

DIT que la société [8] devra consigner entre les mains du régisseur de la cour d'appel de Lyon la somme de 1 200 TTC à valoir sur la rémunération de l'expert, dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt, soit au plus tard pour le 28 juillet 2023, à peine de caducité de la mesure d'instruction ;

DIT qu'en application de l'article L. 142-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2018-358 du 16 mai 2018, applicable au litige, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône devra transmettre, dans un délai de dix jours à compter de la notification du présent arrêt, à l'expert ainsi désigné, l'intégralité du rapport médical ayant fondé la décision du praticien-conseil ;

DIT que la société [8] devra transmettre au médecin expert, dans le même délai de dix jours, l'avis médico-légal du 31 août 2016 du docteur [Y], son médecin conseil, et le rapport de consultation du docteur [M], annexé au jugement du 21 octobre 2016 du tribunal du contentieux de l'incapacité de la région Rhône-Alpes, dont elle a fait état en pièces n°3 et n°7 de son dossier d'appel,

DIT que, de façon générale, les parties devront transmettre dans le même délai, à l'expert ainsi désigné, toute pièce utile à l'exécution de sa mission ;

DÉSIGNE la présidente de la chambre sociale, section D (protection sociale), pour suivre la mesure d'instruction,

DIT que le médecin expert devra rendre compte à ce magistrat de toute difficulté dans l'avancement de ses travaux et devra l'informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l'exécution de sa mission,

DIT que l'expert remettra un pré-rapport aux parties, leur impartira un délai raisonnable pour faire connaître leurs observations et après y avoir répondu, déposera son rapport au greffe de la cour d'appel, chambre sociale, section D, dans les six mois de sa saisine, et au plus tard le 29 mars 2024, et en transmettra une copie à chacune des parties, sauf demande de prolongation du délai imparti, le tout dans les conditions prévues par l'article 276 du code de procédure civile ;

DIT qu'à réception du rapport d'expertise chacune des parties disposera d'un délai d'un mois pour conclure, outre un mois supplémentaire pour répliquer ;

RAPPELLE qu'en application de l'article 282 du code de procédure civile, le dépôt par l'expert de son rapport est accompagné de sa demande de rémunération, dont il adresse un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d'en établir la réception et que s'il y a lieu, celles-ci adressent à l'expert et à la juridiction ou, le cas échéant, au magistrat chargé de contrôler les mesures d'instruction, leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de sa réception ;

RENVOIE l'affaire à l'audience en rapporteur de la cour d'appel de Lyon, chambre sociale D (protection sociale) rapporteur du 12 NOVEMBRE 2024 à 13h30 Salle LAMOIGNON;

DIT que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties à l'audience ;

RÉSERVE les dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 21/01976
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;21.01976 ?
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