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22/06/2023 | FRANCE | N°21/00144

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 22 juin 2023, 21/00144


N° RG 21/00144 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NKT3









Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 14 octobre 2020



RG : 2019j163





S.A. LYONNAISE DE BANQUE



C/



[U]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 22 Juin 2023







APPELANTE :



S.A. LYONNAISE DE BANQUE prise en la personne de son représentant légal en exercice, do

micilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentée par Me Antoine ROUSSEAU de la SELARL B2R & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 781





INTIME :



M. [Z] [U]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité ...

N° RG 21/00144 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NKT3

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 14 octobre 2020

RG : 2019j163

S.A. LYONNAISE DE BANQUE

C/

[U]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 22 Juin 2023

APPELANTE :

S.A. LYONNAISE DE BANQUE prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Antoine ROUSSEAU de la SELARL B2R & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 781

INTIME :

M. [Z] [U]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Anne-Flore CASSASSOLLES, avocat au barreau de LYON, toque : 2994

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/2207 du 18/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 07 Janvier 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Avril 2023

Date de mise à disposition : 22 Juin 2023

Audience tenue par Patricia GONZALEZ, présidente, et Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 9 juin 2015, la société DBS, exerçant une activité de boulangerie-pâtisserie, a souscrit auprès de la société Lyonnaise de Banque un emprunt pour un montant de 105.000 euros. Dans le même acte, M. [Z] [U], gérant de la société DBS, s'est porté caution de ce prêt dans la limite de 22.000 euros.

Le 14 octobre 2015, la société DBS a souscrit un second emprunt auprès de la société Lyonnaise de Banque pour un montant de 15.000 euros. Dans le même acte, M. [U] s'est porté caution dans la limite de 3.000 euros.

Par jugement du 14 novembre 2018, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société DBS. La société Lyonnaise de Banque a déclaré sa créance au passif de la procédure.

Par courrier du 27 novembre 2018, la société Lyonnaise de Banque a mis en demeure M. [U] de lui régler la somme totale de 25.000 euros au titre de ses engagements de caution (22.000 euros au titre du premier contrat de cautionnement et 3.000 euros au titre du second).

Cette mise en demeure étant restée sans effet, la société Lyonnaise de Banque a assigné M. [U] devant le tribunal de commerce de Lyon par acte d'huissier du 22 janvier 2019.

Par jugement contradictoire du 14 octobre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

- condamné M. [U] à payer à la société Lyonnaise de Banque la somme de 3.000 euros, outre intérêts au taux de 5,47% à compter du 27 novembre 2018,

- débouté la société Lyonnaise de Banque de sa demande de condamnation de M. [U] à lui payer la somme de 22.000 euros, outre intérêts au taux de 5,47% à compter du 27 novembre 2018,

- dit qu'il y a lieu d'autoriser M. [U] à s'acquitter de sa dette, y compris les sommes dues au titre de l'article 700 du code de procédure civile, par 24 versements mensuels selon l'échéancier suivant : 23 premières mensualités de 110 euros, le solde à la 24ème échéance, la première échéance intervenant 15 jours après la signification du jugement et que faute pour lui de payer à bonne date une seule des mensualités prévues, la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit immédiatement exigible,

- rejeté les autres demandes de M. [U],

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné M. [U] à payer à la société Lyonnaise de Banque la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] aux entiers dépens de l'instance.

La société Lyonnaise de Banque a interjeté appel par acte du 7 janvier 2021 en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de M. [U] à lui payer la somme de 22.000 euros, outre intérêts au taux de 5,47% à compter du 27 novembre 2018.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie dématérialisée le 6 avril 2021, la société Lyonnaise de Banque demande à la cour au visa de l'article 2288 du code civil de :

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de la caution de 22.000 euros du 22 juin 2015 liée au prêt de 105.000 euros,

-condamner M. [U] à lui payer la somme de 22.000 euros, outre intérêts au taux de 5,47% à compter du 27 novembre 2018, au titre de cet engagement de caution,

-confirmer le jugement pour le surplus,

-condamner M. [U] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie dématérialisée le 1er juillet 2022, M. [U] demande à la cour au visa des articles L.332-1 et L.341-1 du code de la consommation, de l'article L.313-22 du code monétaire et financier et de l'article 1345-3 du code civil, de :

à titre principal,

- constater que son engagement de caution est disproportionné,

en conséquence,

- confirmer la décision déférée,

à titre subsidiaire,

- lui accorder les plus larges délais pour s'acquitter des sommes éventuellement mises à sa charge en 24 mensualités,

- condamner la société Lyonnaise de Banque à lui régler la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 5 octobre 2021, les débats étant fixés au 27 avril 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il y a lieu de relever que l'acte de cautionnement souscrit par M. [U] le 9 juin 2015 est antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 15 septembre 2021 réformant le cautionnement et reste donc soumis aux règles légales et jurisprudentielles antérieures.

Sur la disproportion de l'engagement de caution de M. [U] d'un montant de 22.000 eurs en garantie du prêt souscrit le 9 juin 2015

M.[U] précise que la banque ne lui a pas fait remplir de fiche d'information permettant de connaître l'état de ses ressources et charges. Il soutient qu'en 2014 il déclarait un revenu de 12.315 euros annuel et qu'au moment de la souscription du cautionnement en 2015, il percevait moins de 800 euros de revenus par mois. Il estime que s'il détenait des parts sociales de la société à hauteur de 45.000 euros, le cautionnement souscrit à hauteur de 22.000 euros qui représente 50 % de cette somme est disproportionné étant rappelé qu'il a contracté un emprunt auprès de son père puisqu'il ne disposait pas des fonds nécessaires pour procéder à ce rachat de parts sociales.

Il fait également valoir qu'au moment ou la banque l'a appelé en paiement, il percevait une prime d'activité de 251,53 euros par mois, que par ailleurs, il ne peut bénéficier d'une allocation d'aide au retour à l'emploi et que les parts sociales ne peuvent être valorisées, la société étant liquidée, de sorte que ses revenus ne lui permettaient pas de faire face à l'engagement de caution de 20.000 euros.

La société Lyonnaise de banque estime pour sa part que :

-lors de la souscription du cautionnement, M. [U] était titulaire de 4.500 parts sociales de la société DBS d'une valeur de 10 euros chacune soit 45.000 euros comme cela résulte des statuts de la société mis à jour le 10 février 2010,

-l'existence d'un passif tenant à un prêt consenti par son père pour procéder à l'achat des parts sociales n'est pas démontré alors que la preuve de la remise des fonds ne suffit pas à établir l'existence de l'obligation de restitution de la somme reçue, dont on peut penser, eu égard à l'âge du père, qu'il s'agit d'une donation, que le contrat de prêt n'est pas produit alors qu'un écrit est nécessaire s'agissant d'une somme supérieure à 1.500 euros, que la déclaration de contrât de prêt obligatoire s'agissant de prêts familiaux n'est pas produite et qu'en tout état de cause la créance de remboursement de ce prêt était prescrite depuis le 20 février 2015 s'agissant d'un emprunt souscrit le 20 février 2010, soit antérieurement à la souscription du cautionnement par M. [U].

Sur ce :

L'article L.332-1 ancien du code de la consommation, applicable en l'espèce, dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et à ses revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où elle a été appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui prétend que son engagement était disproportionné au jour de la souscription de le prouver. La disproportion s'apprécie au jour de la conclusion de l'engagement au regard du montant de l'engagement, des biens et revenus et de l'endettement global, comprenant l'ensemble des charges, dettes et éventuels engagements de cautionnements contractés par la caution au jour de l'engagement.

Dès lors que, ainsi circonscrit, le patrimoine de la caution couvre le montant de ses engagements, ceux-ci sont jugés non disproportionnés. Il y a en effet disproportion manifeste dès lors que l'exécution de l'engagement de la caution, quelle que soit son importance, ne lui laisse pas le minimum vital nécessaire pour subvenir à ses besoins et à ceux des personnes qui sont à sa charge.

Si le créancier a fait établir par la caution une fiche patrimoniale et si elle y a apposé sa signature, la disproportion s'apprécie au vu des déclarations de la caution dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude.

Il est de principe que lorsque la fiche de renseignements patrimoniale ne révèle en soi aucune incohérence, de sorte que le créancier est en droit de se fier aux éléments ainsi recueillis sans effectuer des investigations complémentaires, la caution n'est pas fondée à soutenir a posteriori que les informations fournies sont inexactes ou incomplètes afin d'établir que le cautionnement appelé était en réalité manifestement disproportionné.

En l'absence de fiche mentionnant les déclarations de la caution sur ces éléments, celle-ci est autorisée à prouver librement la disproportion.

Enfin, les parts sociales font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement. La valeur des parts détenues par la caution dans la société débitrice prise en compte pour apprécier la proportionnalité de son engagement est la valeur réelle et non la valeur nominale, laquelle se détermine en tenant compte tant de l'actif que du passif de la société.

En l'espèce, il est constant que la société Lyonnaise de banque n'a fait remplir aucune fiche de renseignement à M. [U] s'agissant de sa situation patrimoniale, de sorte que ce dernier est autorisé à prouver librement la disproportion de son engagement de caution.

A ce titre, la cour relève que M. [U], qui produit aux débats un avis d'impôt 2015 portant sur ses revenus au titre de l'année 2014, une attestation de la Caisse d'Allocations Familiales de versement de la somme de 251,53 euros au mois de février 2019 au titre de la prime d'activité et une attestation de refus d'allocation d'Aide au Retour à l'Emploi du 14 janvier 2019 de Pôle Emploi, ne justifie pas du montant de ses revenus à la date de la souscription de son engagement de caution le 9 juin 2015. De même, les trois relevés d'un compte bancaire des mois de février, avril et juillet 2015, mentionnant un crédit de 800 euros le 7 janvier 2015 et de 700 euros le 22 avril 2015 en provenance de la société DBS ne suffisent pas à établir l'existence d'un revenu mensuel de 800 euros dont l'appelant se prévaut, alors qu'aucune indication relative à ces deux virements ne permettent d'attester qu'ils correspondent à une rémunération.

M. [U] ne justifie pas davantage de ses charges, alors que le seul témoignage de son père attestant lui avoir prêté la somme de 22.500 euros pour lui permettre le rachat le 10 février 2010 des parts sociales de la société DBS détenues par son associé, M. [P], et indiquant que cette somme n'est pas totalement remboursée, outre qu'il est d'une impartialité très limitée compte tenu du lien de filiation existant avec l'appelant, ne précise en tout état de cause pas le montant des sommes dont son fils resterait débiteur à son égard.

Il s'ensuit que M. [U] qui ne justifie pas à hauteur d'appel de sa situation financière au moment de la souscription du contrat de cautionnement le 9 juin 2015, n'est pas fondé à se prévaloir du caractère disproportionné de son engagement, étant au demeurant relevé qu'il ne conteste pas que la valeur des 5.000 parts sociales qu'il détenait dans la société DBS et issue de la cession consentie par M. [P], dont il ressort des statuts mis à jour de la société le 29 mars 2010, qu'elle est intervenue le 10 février 2010, était de 22.500 euros et étant également précisé qu'il détenait, à la date du cautionnement litigieux, 4.500 parts parts de cette société.

Il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de condamner M. [U] à payer à la société Lyonnaise de Banque la somme de 22.000 euros, outre intérêts au taux de 5,47% à compter du 27 novembre 2018, au titre de cet engagement de caution.

Sur les délais de paiement

M. [U] expose qu'il est sans emploi, qu'il est hébergé par ses parents, qu'il perçoit une prime d'activité de 251,53 euros par mois et se trouve, du fait de la liquidation judiciaire de sa société, dans une situation financière l'empêchant de régler l'intégralité du montant de la dette.

La société Lyonnaise de banque ne conclut pas sur ce point.

Sur ce :

L'article 1244-1 ancien du code civil, applicable aux présent litige, dispose que compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

En l'espèce, M. [U] justifie du bénéfice, au 22 février 2019, de la prime d'activité versée par la Caisse d'Allocation Familiales d'un montant de 251,53 euros et d'un refus d'allocation d'Aide au Retour à l'Emploi notifié le 14 janvier 2019 par Pôle Emploi. Nonobstant le caractère ancien de ces éléments financiers, la banque ne conteste pas la persistance de cette situation financière obérée, de sorte qu'il convient d'accorder à l'intimé des délais de paiement dans les termes sollicités, à savoir 23 échéances de 915 euros et le solde à la 24ème.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de condamner M. [U], partie succombante aux dépens d'appel.

L'équité commande en revanche de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'appel non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [U] à payer à la société Lyonnaise de Banque la somme de 22.000 euros, outre intérêts au taux de 5,47% à compter du 27 novembre 2018,

Autorise M. [U] à s'acquitter de cette somme par 24 versements mensuels selon l'échéancier suivant : 23 premières mensualités de 915 euros, le solde à la 24ème échéance, la première échéance intervenant 15 jours après la signification de l'arrêt et que faute pour lui de payer à bonne date une seule des mensualités prévues, la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit immédiatement exigible,

Déboute M. [U] et la société Lyonnaise de Banque de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne M. [U] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 21/00144
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;21.00144 ?
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