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22/06/2023 | FRANCE | N°20/07246

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 22 juin 2023, 20/07246


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 20/07246 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJVV





[K]



C/



S.A.S. ELECTRO DEPOT FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE

du 02 Décembre 2020

RG : F19/00100



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 22 JUIN 2023













APPELANT :



[T] [K]

[Adresse 2]

[

Localité 3]



représenté par Me Julien TRENTE de la SELARL LEXFACE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



Société ELECTRO DEPOT FRANCE



[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Emeric LEMOINE, avocat au barreau de PARIS









DÉBATS...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 20/07246 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJVV

[K]

C/

S.A.S. ELECTRO DEPOT FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE

du 02 Décembre 2020

RG : F19/00100

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

APPELANT :

[T] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Julien TRENTE de la SELARL LEXFACE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

Société ELECTRO DEPOT FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Emeric LEMOINE, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Etienne RIGAL, Président

Vincent CASTELLI, Conseiller

Françoise CARRIER, Magistrat honoraire

Assistés pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 Juin 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président, et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [T] [K] (le salarié) a été embauché par la société ELECTRO DEPOT (la société, l'employeur), selon un contrat de professionnalisation en date du 2 novembre 2009. Un contrat à durée indéterminée a été conclu ensuite pour les fonctions d'équipier magasin.

Par avenants successifs des 1er décembre 2010 et du 1er décembre 2011, le salarié a été promu directeur-adjoint commerce, respectivement avec le statut d'agent de maîtrise puis avec le statut de cadre, avec convention de forfait de 215 jours par année complète civile d'activité. Il exerçait ses fonctions au magasin de [Localité 5].

Par courrier recommandé du 12 février 2019, le salarié a informé l'employeur de sa démission en raison de manquements contractuels de l'employeur.

Le 8 mars 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne aux fins principalement de voir :

- Dire nulle la convention de forfait-jours régularisée le 1er décembre 2011,

- Condamner la société à lui payer diverses sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés, du travail dissimulé, de dommages-intérêts en réparation de la privation de son droit à repos compensateur, de dommages-intérêts en réparation de 8 semaines d'astreinte, de dommages-intérêts en réparation du manquement à l'obligation de sécurité,

- Dire que sa démission s'analyse en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de la société produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la société à des dommages-intérêts pour licenciement abusif correspondant à 24 mois de salaire.

Par jugement du 8 mars 2019, le conseil de prud'hommes a :

- Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié le 12 février 2019 doit s'analyser en une démission et l'a débouté en conséquence de toute demande indemnitaire au titre de la rupture du contrat ;

- Débouté le salarié de l'ensemble de ses autres demandes ;

- Débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné le salarié aux entiers dépens de l'instance.

Le salarié a relevé appel de ce jugement le 21 décembre 2020.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, le salarié demande à la cour de réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, principalement de :

- Dire que la convention de forfait annuel en jours régularisée par Monsieur [K], le 1 Décembre 2011, est privée d'effet,

En conséquence,

- condamner la Société ELECTRO DEPOT à lui payer :

" La somme de 4.687 € à titre de rappel d'heures supplémentaires outre celle de 468 € au titre des congés payés correspondants pour la période allant du 17 Octobre au 31 Décembre 2015,

" La somme de 6.250 € outre 625 € au titre des congés payés correspondants pour la période allant du 1er Janvier au 30 Avril 2016,

" La somme de 10.770,09 € outre 1.077 € au titre des congés payés correspondants pour la période allant du 2 Mai au 31 Décembre 2016,

" La somme de 5.983,38 € outre 598,33 € au titre des congés payés correspondants pour la période allant du 1er Janvier au 30 Avril 2017,

" La somme de 11.538,24 € outre 1.153,82 € au titre des congés payés correspondants pour la période allant du 2 Mai et le 31 Décembre 2017, Monsieur [K] a travaillé 28 semaines,

" La somme de 4.944,96 € outre 494,49 € au titre des congés payés correspondants pour la période allant du 1er Janvier au 30 Avril 2018,

" La somme de 10.508 € outre 1.050,80 € au titre des congés payés correspondants pour la période allant du 2 Mai au 31 Décembre 2018,

- Condamner la Société ELECTRO DEPOT à payer à Monsieur [T] [K] une somme de 20.456,41 € (3.409,40 X 6) à titre d'indemnité forfaitaire sanctionnant le recours au travail dissimulé,

- Condamner la Société ELECTRO DEPOT à payer à Monsieur [T] [K], à titre de légitimes dommages et intérêts réparant la privation de son droit à repos compensateurs la somme globale de 10.267,47 €,

- Condamner la Société ELECTRO DEPOT à payer à Monsieur [T] [K] une somme de 6.818,80 € (2 mois de salaire) à titre de légitimes dommages et intérêts au titre des huit semaines d'astreinte en 2018,

- Condamner la Société ELECTRO DEPOT à payer à Monsieur [T] [K] une somme de 3.409,40 € (1 mois de salaire) à titre de légitimes dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité,

- Dire et juger que la démission motivée de Monsieur [T] [K] s'analyse en une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de la Société ELECTRO DEPOT devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner, en conséquence, la Société ELECTRO DEPOT à payer à Monsieur [K] la somme de 81.825,60 € (3.409,40 € X 24 mois) à titre de légitimes dommages et intérêts pour licenciement abusif.

- Condamner, à titre subsidiaire, la Société ELECTRO DEPOT à payer à Monsieur [T] [K] la somme de 30.684,46 € (3.409,40 € X 9 mois) à titre de légitimes dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- Fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire de Monsieur [K] à la somme de 3.052,06 €,

- Condamner la Société ELECTRO DEPOT à payer à Monsieur [K] la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Condamner la Société ELECTRO DEPOT aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me Julien TRENTE de la SELARL LEXFACE, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 mai 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la société demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris,

- Dire et juger le salarié non fondé en l'intégralité de ses demandes,

- En conséquence, l'en débouter,

- Condamner le salarié à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Le condamner aux entiers frais et dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de Me Romain Laffly - Lexavoué Lyon sur son affirmation de droit.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la convention de forfait en jours

Le salarié reconnaît la validité formelle de la convention de forfait en jours mais conteste que l'accord collectif du 15 mars 2016 présente les garanties suffisantes en matière de contrôle du temps de travail, de même qu'il estime que l'employeur ne prouve pas avoir réalisé les entretiens annuels individuels obligatoires. Il conteste par ailleurs avoir disposé d'une autonomie dans l'organisation de son emploi du temps. Il en déduit que la convention litigieuse lui est inopposable.

L'employeur fait valoir que le salarié n'avait jamais contesté la validité de la convention de forfait en jours durant la relation de travail ; que la dernière version, en date du 15 mars 2016, de l'accord collectif relatif à l'organisation du temps de travail prévoit bien cette possibilité ; que la charge de la preuve repose sur le salarié qui prétend que la convention ne lui est pas opposable ; que ce dernier a bénéficié d'entretiens annuels individuels au cours desquels étaient évoquées sa charge de travail et l'articulation entre activité professionnelle et vie personnelle et familiale.

Sur ce :

Il résulte des articles 17, paragraphe 1, et 4 de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, ainsi que des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Il appartient au juge de le vérifier, même d'office.

Selon l'article L. 3121-63 du code du travail, les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Selon l'article L. 3121-58 du code du travail, peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l'année, dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3º du I de l'article L. 3121-64 :

1º Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;

2º Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

Selon l'article L.3121-46 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, applicable à la date de la convention de forfait en jours litigieuse, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Au cas particulier, les parties s'accordent à reconnaître l'application d'un accord intitulé " négociation annuelle " du 10 avril 2006, mis à jour par un nouvel accord du 15 mars 2016, autorisant la mise en place de conventions de forfait en jours de travail pour les salariés bénéficiant du statut de cadre, sur la base de 215 jours travaillés par année de référence.

L'accord du 15 mars 2016 - seul texte discuté par les parties - prévoit expressément un récapitulatif des jours travaillés, un nombre de jours consécutif maximal fixé à 6 jours, le respect du repos quotidien et hebdomadaire minimum ainsi qu'un entretien individuel annuel sur ce mode d'organisation du travail.

Ces stipulations sont suffisantes à garantir le respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Le salarié ne conteste pas la tenue d'entretiens annuels individuels mais estime que ces entretiens ne s'identifient pas aux entretiens spécifiques exigés par l'article L.3121-46 du code du travail précité, dont l'employeur n'aurait pas justifié.

Toutefois, il résulte des comptes-rendus d'entretiens annuels versés aux débats, de même que des propres écritures du salarié, que les entretiens annuels comprenaient une partie intitulée " Equilibre vie privée / vie professionnelle : Le collaborateur fait ses commentaires sur son organisation de travail ".

Les items ainsi visés (auxquels le salarié a répondu " RAS " toutes les années) satisfont aux exigences de l'entretien annuel individuel obligatoire prévu par l'article L.3121-46 précité dans le cadre d'une convention de forfait en jours.

S'agissant de l'absence alléguée d'autonomie dans l'organisation de son emploi du temps, le salarié produit essentiellement :

- une attestation d'un autre directeur adjoint du magasin de [Localité 5] en poste de 2014 à 2019, lequel indique que " les amplitudes de travail n'ont jamais été respectées compte-tenu d'un effectif en permanence réduit sachant que les horaires étaient imposés aux cadres par la direction " ;

- deux attestations d'anciens salariés du magasin ayant travaillé sous les ordres de M. [T] [K], témoignant du manque de personnel et du temps de présence très important des cadres, dont l'intéressé ;

- les plannings " encadrement " des années 2015 à 2018 ;

- une fiche de consignes de la société relative aux horaires et aux tâches des cadres pour l'ouverture et la fermeture du magasin.

Toutefois, en premier lieu, la notion de charge de travail, sur laquelle le salarié fonde l'essentiel de son argumentation, ne constitue pas un critère d'appréciation de l'autonomie telle que requise par les dispositions de l'article L. 3121-58 précité. De même, une amplitude horaire importante ne caractérise pas davantage une absence d'autonomie dans l'organisation de l'emploi du temps d'un cadre soumis à une convention de forfait en jours.

Or les attestations produites se rapportent essentiellement à la charge de travail des cadres, laquelle induit des amplitudes horaires importantes, et non à la détermination précise des horaires et jours de travail par l'employeur. Elles sont donc inopérantes à établir l'absence d'autonomie du salarié.

En second lieu, la cour rappelle que les dispositions légales précitées n'excluent pas la possibilité, pour l'employeur, de soumettre le salarié à des astreintes (Soc. 12 juil. 2018, n°17-13.029), ni de lui imposer certains temps de présence indispensables au fonctionnement de l'entreprise, dans le cadre de son pouvoir de direction.

A cet égard, s'il ressort effectivement des plannings produits par le salarié que la présence de l'un des cadres était requise à tour de rôle, suivant les jours, pour l'ouverture ou la fermeture du magasin, la cour relève que ces plannings ne concernent que ces plages horaires spécifiques et qu'il n'est pas établi, à l'inverse, que l'organisation du temps de travail du salarié en dehors de ces plages horaires fusse déterminée par l'employeur. Le salarié ne produit pas de pièce utile en ce sens et n'allègue pas que de telles consignes lui fussent transmises oralement par l'employeur.

La fiche de consignes produite, qui concerne exclusivement les plages horaires d'ouverture et de fermeture du magasin, prévoit en outre expressément que l'organisation " n'est pas figée dans le temps ", " peut être remise en cause si les aspects économiques, humains [ou] qualitatifs ne peuvent pas être tenus " ou " en l'absence d'un cadre (CP, RTT, etc.) ".

Enfin, ainsi que le souligne la société et que l'a déjà relevé la cour, M. [T] [K] avait lui-même déclaré de manière constante au cours des entretiens annuels n'avoir rien à signaler concernant l'organisation de son travail, alors même qu'il avait pu, au cours de ces mêmes entretiens, émettre des plaintes pour d'autres motifs (climat social tendu, instabilité de l'équipe, lassitude de son poste, nouvelle organisation liée aux nouvelles règles de sécurité rendant le métier moins intéressant, perte d'intérêt pour son travail, etc.)

La cour considère au vu de l'ensemble de ces éléments que la preuve de l'absence d'autonomie du salarié dans l'organisation de son emploi du temps n'est pas rapportée.

Il suit que la convention de forfait en jours est applicable au salarié.

Dans ces conditions, les demandes de ce dernier relatives au paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents doivent être rejetées, ainsi que les demandes au titre du travail dissimulé et des repos compensateurs, lesquelles découlent des demandes précédentes.

Le jugement est confirmé de ces chefs.

Sur les astreintes

Le salarié allègue avoir été soumis à 8 semaines d'astreintes téléphoniques de sécurité au cours de l'année 2018, justifiant selon lui l'octroi de dommages-intérêts à hauteur de 2 mois de salaire.

L'employeur réplique que le salarié n'allègue aucun préjudice et ne justifie pas avoir effectué le moindre travail au cours de ces astreintes.

Sur ce,

Selon l'article L.3121-9 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, applicable à l'année 2018 en litige, une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.

Au cas particulier, le salarié produit le planning des astreintes entre les mois d'avril 2018 et novembre 2018, dont il ressort qu'il a exécuté 7 semaines d'astreintes, hors périodes de congés payés ou d'arrêt maladie.

Dès lors qu'une contrepartie légale est prévue aux périodes d'astreintes, l'employeur est mal fondé à exiger la preuve du préjudice qui en résulterait.

De même, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il importe peu que le salarié soit ou non intervenu au cours de ces astreintes, de telles interventions s'analysant le cas échéant en un temps de travail effectif, distinct de la période d'astreinte elle-même.

En conséquence, l'employeur est condamné à verser au salarié une contrepartie financière fixée à la somme de 3 000 euros.

Le jugement est réformé en ce sens.

Sur l'obligation de sécurité

Le salarié reproche à l'employeur de n'avoir organisé sa visite médicale de reprise que le 25 octobre 2018, soit plus de 8 jours après son retour d'arrêt maladie du 21 août au 29 septembre 2018, ce qui lui cause indubitablement un préjudice moral, alors même que la médecine du travail proposait d'organiser cette visite le 19 octobre 2018.

L'employeur réplique que la preuve d'un préjudice n'est pas rapportée.

Sur ce,

Aux termes de l'article R.4624-31 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016 applicable à la date de l'arrêt maladie litigieux, le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.

Toutefois, il est de principe bien établi que l'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond (Soc. 13 avril 2016, pourvoi n° 14.28-293, publié).

En l'espèce, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le salarié ne justifie d'aucun préjudice, fût-il moral.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande du salarié de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

Le salarié soutient que sa démission s'analyse en une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société, devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors qu'elle est dû à de graves manquements contractuels de celle-ci, à savoir l'avoir soumis à une convention de forfait en jours illicite, ne pas l'avoir rémunéré de ses heures supplémentaires, avoir manqué à son obligation de sécurité en ne respectant pas, très régulièrement, la durée minimale de repos quotidien, n'avoir pas respecté son obligation d'entretien annuel spécifique prévu par l'article L.3121-46 du code du travail, l'avoir exposé aux difficultés liées à la pénurie d'effectifs de son équipe et n'avoir pas pris les mesures qui s'imposaient à la suite de sa reprise du travail le 19 octobre 2018.

L'employeur réplique qu'il n'a commis aucun manquement contractuel ; que pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il appartient au salarié de démontrer que les griefs qu'il invoque sont établis et font obstacle à la poursuite du contrat de travail, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Sur ce,

Lorsque le salarié motive sa démission par des manquements de l'employeur, la rupture s'analyse en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les griefs sont fondés, ou d'une démission dans le cas contraire.

En l'espèce, le salarié a adressé le 12 février 2019 un courrier à la société par lequel il l'informait de sa démission en raison de la dégradation de ses conditions de travail et de graves manquements contractuels de la société. Ce courrier s'analyse donc en une prise d'acte par le salarié de la rupture du contrat de travail.

Il convient d'examiner les griefs invoqués par le salarié à l'appui de celle-ci.

La cour a précédemment jugé que la convention de forfait en jours était applicable, de sorte que les griefs tirés de ce chef, de la rémunération des heures supplémentaires et de l'obligation d'entretien annuel spécifique ne sont pas fondés.

De même, la cour a déjà examiné les pièces versées par le salarié, dont il ressort que si celui-ci réalisait indiscutablement un nombre important d'heures de travail, la preuve que sa charge de travail fût telle qu'elle constituât un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles n'est cependant pas rapportée.

Les attestations de suivi par le médecin du travail en date des 19 octobre 2018 et 25 octobre 2018 mentionnent, dans les mêmes termes : " Pas de contre-indication médicale à son poste, sous réserve de respecter une charge de travail compatible avec les horaires de travail ".

Or le salarié ne rapporte pas davantage la preuve de ce qu'une charge de travail incompatible avec ses horaires lui ait été imposée, étant rappelé qu'il conservait une autonomie dans leur fixation.

A cet égard, la cour relève à nouveau qu'au cours des entretiens annuels des années 2015 à 2017, le salarié n'a jamais émis aucune plainte quant à sa charge de travail. Dans l'entretien réalisé en février 2018, il a certes évoqué " des moyens toujours plus faibles " et des " conditions dans lesquelles ont (sic) été exercé le métier ['] encore plus difficiles et donc bien moins plaisantes " ; toutefois, la cour note que ces reproches ont davantage trait au désintérêt éprouvé par le salarié dans l'exercice de son travail, plutôt qu'à sa charge en tant que telle.

Ce n'est que par un courrier recommandé du 17 octobre 2018, concomitant à l'achoppement des discussions préalables à une demande de rupture conventionnelle émanant du salarié, que ce dernier a fait état d'une charge et d'horaires de travail excessifs.

Ces éléments ne corroborent pas les manquements contractuels de l'employeur ci-avant examinés, tels qu'allégués dans la lettre de démission et dans les écritures du salarié.

Seul le grief tiré du non-respect de la durée minimale de repos quotidien, étayé par les attestations produites et non utilement contesté par l'employeur, apparaît établi, étant rappelé qu'un tel repos était expressément prévu par l'accord collectif du 15 mars 2016. Cependant, en l'absence d'éléments sur la fréquence et sur l'importance des infractions commises par l'employeur, il n'est pas démontré que ces manquements aient fait obstacle à la poursuite de la relation de travail.

D'une façon générale, à supposer certains manquements établis à partir du dernier trimestre de l'année 2018, il ne serait pas démontré que leur durée ou leur importance ait empêché la poursuite de la relation de travail.

Il en résulte que c'est par une juste appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont considéré que la prise d'acte par le salarié de la rupture du contrat de travail s'analysait en une démission, et que les demandes du salarié en découlant devaient être rejetées.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Compte tenu de l'issue du litige, le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Chacune des parties, succombant partiellement en cause d'appel, conservera la charge des dépens qu'elle a engagés.

En considération de l'équité, les demandes respectives des parties au titre des frais d'appel non compris dans les dépens seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de M. [T] [K] au titre de la contrepartie des astreintes ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE la société ELECTRO DEPOT à verser à M. [T] [K] la somme de 3 000 euros à titre de contrepartie des périodes d'astreintes réalisées au cours de l'année 2018 ;

DIT que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a engagés en cause d'appel.

REJETTE les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 20/07246
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;20.07246 ?
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