La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2023 | FRANCE | N°20/07073

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 22 juin 2023, 20/07073


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 20/07073 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJJM





S.A.S.U. FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING



C/



[F]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE SUR SAONE CEDEX

du 03 Décembre 2020

RG : 19/139



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 22 JUIN 2023









APPELANTE :



Société FRANPRIX LEADER P

RICE HOLDING venant aux droits de la société MALEMORTOISE DE DISTRIBUTION, suite à transmission universelle du patrimoine à compter du 2 Septembre 2021

[Adresse 1]

[Localité 8]



représentée par Me Sahra CHERITI de la SCP AGUERA AVOCATS, ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 20/07073 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJJM

S.A.S.U. FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING

C/

[F]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE SUR SAONE CEDEX

du 03 Décembre 2020

RG : 19/139

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

APPELANTE :

Société FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING venant aux droits de la société MALEMORTOISE DE DISTRIBUTION, suite à transmission universelle du patrimoine à compter du 2 Septembre 2021

[Adresse 1]

[Localité 8]

représentée par Me Sahra CHERITI de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Maxime SENETERRE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[T] [F]

née le 09 Septembre 1977 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Ingrid JOLY de la SELARL JOLY - GATHERON, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Etienne RIGAL, Président

Vincent CASTELLI, Conseiller

Françoise CARRIER, Magistrat honoraire

Assistés pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 Juin 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président, et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [T] [F] (la salariée) a été embauchée par la société MALEMORTOISE DE DISTRIBUTION, aux droits de laquelle vient la société FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING (la société, l'employeur), selon un contrat à durée déterminée du 4 janvier au 30 juin 2011, en qualité d'employée libre-service au magasin Leader Price de [Localité 7]. Un contrat à durée indéterminée a ensuite été signé à compter du 1er juillet 2011. Au dernier état, la salariée occupait un poste d'employée commerciale de niveau 2.

Au mois de décembre 2018, la salariée était informée par l'employeur que le magasin où elle travaille fermant ses portes, elle sera dispensée de toute activité à compter du 10 janvier 2019 et jusqu'à la fin de la procédure.

Par courrier du 2 avril 2019, la salariée a été informée de son licenciement pour motif économique.

Le 18 octobre 2019, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône pour faire juger notamment :

A titre principal : que son licenciement économique est nul

A titre subsidiaire : que son licenciement économique est injustifié

En conséquence et en tout état de cause, condamner la société à lui payer la somme de 14 485,15 euros à titre de dommages-intérêts

Condamner la société à lui payer la somme de 18 106,40 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement du 3 décembre 2020, le conseil de prud'hommes a :

Dit que l'employeur n'a pas respecté ses obligations en ne mettant pas en place un comité social et économique ;

Dit et jugé nul le licenciement pour motif économique de la salariée ;

Condamné la société à verser à la salariée les sommes de :

8 281,20 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice causé par la nullité du licenciement ;

1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné le remboursement par la société aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement servies à la salariée, du jour de son licenciement au jour du présent jugement, ce dans la limite d'un mois d'indemnité ;

Débouté la salariée de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

Débouté la société de l'intégralité de ses demandes ;

Mis les dépens de l'instance à la charge de la société.

La société a relevé appel de ce jugement le 14 décembre 2020.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 30 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la société demande à la cour de :

Dire recevable son intervention en cause d'appel en lieu et place de la société MALEMORTOISE DE DISTRIBUTION ensuite de la transmission universelle de patrimoine intervenue

Réformant le jugement entrepris,

A titre principal : débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre du licenciement nul et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire : juger le licenciement irrégulier et non « nul » et limiter le montant des dommages-intérêts à allouer à la salariée à la somme d'un mois de salaire, en application de l'article L.1235-15 du code du travail ;

Confirmant le jugement entrepris,

débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail ;

En tout état de cause,

Condamner la salariée au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société soutient que la demande de nullité du licenciement de la salariée n'est pas fondée juridiquement, la seule sanction prévue étant l'octroi d'une indemnité ; qu'en tout état de cause, chacun des établissements encore en activité comptait moins de 11 salariés, de sorte qu'elle n'était pas tenue d'organiser des élections au sein de chaque établissement ; qu'elle a parfaitement respecté la procédure de licenciement économique ; que subsidiairement, la salarié ne démontre aucune faute ou légèreté blâmable de la société, ni aucune situation de co-emploi avec les autres sociétés du groupe CASINO ; que pour prouver sa bonne foi, la société démontre que la cessation de son activité est due à d'importantes difficultés économiques ; qu'enfin la salariée ne rapporte pas la preuve de son préjudice.

S'agissant de l'exécution du contrat de travail, la société soutient que la salariée ne démontre aucune exécution déloyale ; qu'en particulier celle-ci n'a pas été rétrogradée, que ses conditions de travail n'ont pas été détériorées et que son temps de travail n'était pas supérieur à celui prévu au contrat.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 mai 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la salariée demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL, CONFIRMER le Jugement déféré en ce qu'il a :

Dit et jugé que l'employeur n'a pas respecté ses obligations en ne mettant pas en place un comité social et économique,

Dit et jugé nul le licenciement pour motif économique de la salariée,

A TITRE SUBSIDIAIRE, DIRE ET JUGER que le licenciement pour motif économique de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause, REFORMER le jugement déféré en ce qu'il a limité le montant des dommages et intérêts alloués à Madame [F] à la somme de 8.281,20 euros,

Statuant à nouveau :

CONDAMNER la société à lui payer la somme de 14 485,15 € à titre de dommages et intérêts,

REFORMER le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau :

DIRE ET JUGER que la société a exécuté de manière déloyale le contrat de travail ;

En conséquence, CONDAMNER la société à lui payer la somme de 18.106,40 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

DEBOUTER la société de toutes ses demandes contraires,

CONDAMNER la société à lui payer la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'Article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la société aux entiers dépens de l'instance.

La salariée soutient que la procédure de licenciement est nulle dès lors que, comptabilisant plus de 11 salariés, la société aurait dû consulter le comité économique et social, ce qu'elle n'a pas fait ; que subsidiairement, le licenciement est injustifié en ce qu'il ne s'agit pas d'une cessation d'activité ; qu'en effet la société ne le démontre pas ; qu'ainsi elle a fait preuve de légèreté blâmable et de mauvaise foi ; que son préjudice doit être évalué à une somme correspondant à 8 mois de salaire compte tenu des conséquences personnelles et psychologiques importantes qui en sont résultées.

S'agissant de l'exécution du contrat de travail, la société l'a exécuté de façon déloyale en la rétrogradant au poste de simple caissière après des fonctions de responsable de rayon, et en lui faisant exécuter des horaires de travail supérieurs à ceux prévus au contrat ; qu'elle en a subi un préjudice au regard des conséquences sur son état de santé et sur sa vie personnelle et professionnelle.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la société FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING déclare reprendre l'instance aux lieu et place de la société MALEMORTOISE DE DISTRIBUTION, laquelle a été absorbée par elle et dissoute ensuite d'une transmission universelle de patrimoine. La cour en prend acte.

Sur le licenciement

Sur la nullité du licenciement

Selon l'article L.1233-8, alinéa 1er, du code du travail, l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité social et économique dans les entreprises d'au moins onze salariés, dans les conditions prévues par la présente sous-section.

L'article L.1235-15 du même code précise qu'est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité social et économique n'a pas été mis en place alors qu'elle est assujettie à cette obligation et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi. Le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis.

Le motif économique du licenciement n'est pas discuté entre les parties ; seule est en litige, à titre principal, la question relative à l'obligation de mise en place du comité social et économique.

A cet égard il est acquis aux débats que la société MALEMORTOISE DE DISTRIBUTION, dont le siège était situé à [Localité 8] (Val de Marne), comptait plusieurs établissements secondaires.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, sans toutefois développer aucun moyen de droit à cet égard, il n'y a pas lieu de prendre en compte l'effectif de chaque établissement pris séparément mais, comme fait valoir la salariée, l'effectif cumulé des salariés de tous les établissements.

Or il ressort des propres écritures de la société (page 10) qu'au moment de la mise en 'uvre de la procédure de licenciement, trois établissements étaient encore en activité, à savoir ceux de [Localité 7] (5 salariés, dont Mme [T] [F]), [Localité 5] (7 salariés) et [Localité 6] (3 salariés), soit un total de 15 salariés.

Il n'est par ailleurs pas discuté qu'aucun comité social et économique n'a été mise en place au siège de la société et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi.

Les dispositions de l'article L.1235-15 précité sont donc applicables.

Toutefois, contrairement à ce que soutient la salariée et à ce qu'ont décidé à tort les premiers juges, elles entraînent, non pas la nullité du licenciement, mais sa seule irrégularité et l'octroi éventuel d'une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

La cour relève que la salariée allègue subir un préjudice causé par son licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, mais non par l'irrégularité de ce licenciement sur le fondement de l'article L.1235-15 du code du travail.

Dès lors, le montant de cette indemnité sera fixé à un mois de salaire, soit 1 654,24 euros, ainsi que le sollicite la société à titre subsidiaire.

Le jugement est réformé en ce sens.

Sur la cause du licenciement

Il résulte de l'article L.1233-2 du code du travail que tout licenciement pour motif économique doit être motivé dans les conditions définies par la loi et être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Il est de principe bien établi que la cessation d'activité est un motif économique autonome de licenciement, sauf si celle-ci est due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable (Soc. 16 jan. 2001, n°98-44.647, publié).

Lorsque la société appartient à un groupe, la situation de co-emploi ou la légèreté blâmable de la société mère peuvent également conduire à écarter la cessation d'activité de l'entreprise filiale comme cause autonome de licenciement (Soc. 18 jan. 2011, n°09-69.199 et Soc. 1er fév. 2011, n°10-30.045, publiés)

Par ailleurs, pour apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement pour motif économique, le juge doit se placer au moment de la notification du licenciement au salarié (Soc. 30 mars 2010, n°09-40.068), mais il peut également tenir compte d'éléments postérieurs au licenciement (Soc. 11 déc. 2019, n°18-17.874).

Au cas particulier, la lettre de licenciement de la salariée mentionne expressément : « Nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour motif économique, en raison de la cessation totale et définitive de notre activité, entraînant la fermeture de l'entreprise ».

La salariée soutient en premier lieu que l'ensemble des établissements de la société n'étaient pas fermés à la date de son licenciement, de sorte que la cessation d'activité ne pouvait constituer un motif de licenciement.

La société produit toutefois la résiliation, en date du 30 juin 2019, des baux de trois établissements, dont celui de [Localité 7] où était affectée la salariée, et justifie par la production d'un extrait Kbis du 8 décembre 2021 de la cessation totale de l'activité de l'entreprise, incluant tous ses établissements, à la date du 30 juin 2019, soit moins de deux mois après le licenciement de la salariée.

La cessation d'activité de l'entreprise est ainsi caractérisée.

La salariée soutient néanmoins que la société a fait preuve de légèreté blâmable dans la mesure où elle ne justifie pas des difficultés économiques ayant conduit à la cessation de son activité, alors même qu'elle appartient au groupe Casino.

Cette appartenance au groupe de distribution Casino n'est pas contestée par la société, laquelle le mentionne expressément dans la lettre de licenciement, et il n'est pas contesté que ce groupe réponde à la définition légale ci-avant rappelé.

Toutefois, contrairement à ce que soutient la salariée, le motif économique lié à la cessation d'activité d'une filiale peut légitimement être invoqué par l'entreprise sans qu'il soit nécessaire d'établir que l'ensemble du groupe auquel elle appartient cesse son activité.

De même, il résulte des principes ci-avant rappelés qu'en cas de fermeture définitive et totale de l'entreprise, ce qui est le cas en l'espèce, le juge ne peut, sans méconnaître l'autonomie de ce motif de licenciement, déduire la faute ou la légèreté blâmable de l'employeur de la seule absence de difficultés économiques ni, à l'inverse, déduire l'absence de faute de l'existence de telles difficultés. Il ne lui est pas interdit toutefois de prendre en compte la situation économique de l'entreprise pour apprécier le comportement de l'employeur.

Au cas particulier, pour établir la légèreté blâmable de la société, la salariée se borne à soutenir que cette dernière ne rapporte pas la preuve de difficultés économiques au sens de L.1233-3 précité.

Or, cette allégation de la salariée, à la supposer avérée, serait insuffisante à établir la faute ou la légèreté blâmable de la société, et la salariée n'allègue pas par ailleurs que la cessation d'activité de la société soit imputable à des décisions du groupe Casino, ni que la décision de fermeture ait obéi à des motifs illégitimes, au détriment de la stabilité de l'emploi.

La salariée n'allègue aucun autre élément de nature à établir la faute ou la légèreté blâmable de l'employeur.

En conséquence, la demande de la salariée tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse est rejetée, de même que les demandes subséquentes relatives aux conséquences indemnitaires de son licenciement.

Sur l'exécution du contrat de travail

Selon l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Il en résulte que tout salarié a droit à l'indemnisation du préjudice lié à la faute de l'employeur dans l'exécution de ses obligations.

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir, d'une part, la réalité du manquement, d'autre part, l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

Au cas particulier, la salariée allègue avoir occupé les fonctions de responsable du rayon crémerie, puis avoir été rétrogradée par mesure de rétorsion lorsque son époux a été placé en arrêt maladie. La salariée produit cinq attestations de collègues et de clients (pièces n°14 à 19), dont il ressort essentiellement qu'elle « s'occupait du rayon crémerie », travaillait beaucoup et faisait bien son travail, jusqu'à ce qu'elle soit affectée à la caisse. L'une des attestations indique : « [Elle] assurait le bon achalandage des rayons crémerie, comme une responsable. Elle assurait très bien la gestion du magasin ».

Cependant, il résulte du contrat de travail et des bulletins de salaires produits que la salariée occupait un poste d'employée commerciale, niveau 2, ce que celle-ci n'a jamais contesté au cours de la relation de travail.

Surtout, l'employeur produit cinq attestations de salariés qui indiquent que Mme [T] [F], bien que n'ayant pas le titre de responsable de rayon ni de magasin, se comportait comme telle du fait des fonctions de directeur de son époux, et en retirait des avantages indus tels que des périodes de repos supplémentaires ou une organisation des horaires de travail à sa convenance.

Nul n'étant fondé à se prévaloir de sa propre turpitude, la décision de l'employeur de mettre fin aux responsabilités que la salariée s'était elle-même arrogées et d'affecter celle-ci à un poste de caissière, ne caractérise pas une exécution déloyale du contrat de travail.

La salariée allègue par ailleurs avoir réalisé un temps de travail réel bien supérieur à la durée légale, se référant aux attestations précités ainsi qu'à des tickets de caisses agrafés dans un agenda de l'année 2015.

L'employeur relève cependant à juste titre que les attestations produites sont vagues et imprécises quant aux horaires de travail réalisés par la salariée, d'une part, et que les faits de 2015 étaient prescrits lors de la saisine du conseil de prud'hommes, le 18 octobre 2019, par application de l'article L.1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, d'autre part.

La cour relève en outre que la salariée n'allègue pas que les horaires de travail dont elle se prévaut aient été réalisés à la demande de l'employeur.

L'exécution déloyale du contrat de travail n'est pas davantage démontrée sur ce point.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la salariée de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement est confirmé quant aux dépens et quant à la condamnation de la société au titre des frais irrépétibles.

La salariée, qui succombe en appel, en supportera les dépens.

En considération de l'équité, il n'y a pas lieu à condamnation de l'un ou l'autre des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [T] [F] au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu'il a statué sur les dépens et sur les frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

REJETTE la demande de Mme [T] [F] tendant à voir déclarer son licenciement nul ;

REJETTE la demande de Mme [T] [F] tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

REJETTE la demande indemnitaire de Mme [T] [F] de ces chefs ;

CONDAMNE la société FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING à verser à Mme [T] [F] la somme de 1 654,24 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier ;

DIT n'y avoir lieu à condamnation de l'une ou l'autre des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [T] [F] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 20/07073
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;20.07073 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award