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22/06/2023 | FRANCE | N°20/07028

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 22 juin 2023, 20/07028


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 20/07028 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJF6





[D]



C/



S.A.R.L. COMCENTRE EST

S.A.R.L. COMCENTRE NORD







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 10 Novembre 2020

RG : 18/00025



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 22 JUIN 2023









APPELANT :



[P] [D]

né le 09 Mars 1986

à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté par Me Géraldine PERRET de la SELARL SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE







INTIMÉES :



Société COMCENTRE EST

[Adresse 3]

[Localité 1]



représentée par Me Florian DA SILVA de la...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 20/07028 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJF6

[D]

C/

S.A.R.L. COMCENTRE EST

S.A.R.L. COMCENTRE NORD

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 10 Novembre 2020

RG : 18/00025

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

APPELANT :

[P] [D]

né le 09 Mars 1986 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Géraldine PERRET de la SELARL SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE

INTIMÉES :

Société COMCENTRE EST

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Florian DA SILVA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat postulant du barreau de LYON et par Me Séverine FOURVEL, avocat plaidant du barreau de CLERMONT-FERRAND substituée par Me Gwenaëlle FRANCOIS, avocat au barreau de VERSAILLES

Société COMCENTRE NORD

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Florian DA SILVA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat postulant du barreau de LYON et Me Séverine FOURVEL, avocat plaidant du barreau de CLERMONT-FERRAND substituée par Me Gwenaëlle FRANCOIS, avocat au barreau de VERSAILLES

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Etienne RIGAL, Président

Vincent CASTELLI, Conseiller

Françoise CARRIER, Magistrat honoraire

Assistés pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 Juin 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président, et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS ET PROCEDURE

La société COMCENTRE EST gère des magasins de téléphonie mobile, Internet, accessoires et objets connectés et ce sous l'enseigne WEL'COM.

Monsieur [P] [D] a été engagé par la dite Société COMCENTRE EST sous contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 14 février 2012 en qualité d'employé de vente.

Sa période d'essai a été renouvelée.

Son contrat de travail a été rompu pendant la période d'essai le 13 juin 2012.

Monsieur [D] a été engagé par la Société COMCENTRE NORD, dont le siège se trouve à la même adresse que celui de la Société COMCENTRE EST, cela par contrat de travail à durée déterminée pour la période du 25 juin 2012 au 22 septembre 2012 en qualité d'employé de vente.

Au terme d'une convention tripartite régularisée le 14 avril 2014, les sociétés COMCENTRE NORD et COMCENTRE EST, d'une par, Monsieur [P] [D], d'autre part, convenaient ce qui suit:

« les parties conviennent expressément qu'à la date de avril 2014 le contrat de travail entre la Société COMCENTRE NORD et Monsieur [P] [D] est rompu sans indemnité.

Un nouveau contrat de travail est conclu au sein de la société COMCENTRE EST le 21 avril 2014, outre le lieu de travail aucune modification n'est apportée au contrat de travail de COMCENTRE EST les parties conviennent expressément que l'ancienneté et le droit congés de Monsieur [P] [D] acquis jusqu'au 20 avril 2014 seront transférés à la société COMCENTRE EST.'

Un avenant était régularisé entre cette dernière société et ce salarié le 05 août 2014 au terme duquel celui-ci était promu au poste de conseiller de vente adjoint au RM niveau 4 coefficient 190.

Par un nouvel avenant signé le 25 novembre 2014, il était de nouveau promu cette fois au poste de responsable de magasin sans modification de son coefficient.

Par lettre recommandée en date du 31 mars 2015, la société convoquait ce salarié à un entretien préalable à licenciement et prononçait sa mise à pied conservatoire.

Après entretien le 9 avril 2015 et par lettre recommandée du 17 avril de cette année Monsieur [P] [D] se voyait notifier son licenciement pour faute grave.

Par requête déposée au greffe le 16 mars 2018, Monsieur [P] [D] faisait convoquer à comparaître devant le conseil de prud'hommes de Roanne les sociétés COMCENTRE NORD et COMCENTRE EST.

Au terme des débats s'étant tenus devant ce conseil, Monsieur [P] [D] demandait, à titre principal, que son licenciement soit déclaré nul.

Il demandait la condamnation solidaire des sociétés COMCENTRE NORD et COMCENTRE EST à lui payer la somme de 20'000 €, à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, ainsi que celle de 2000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Lesdites sociétés, en réponse, soutenaient que les demandes formées à leur encontre étaient irrecevables comme prescrites.

À titre subsidiaire, elles concluaient au rejet desdites demandes .

À titre reconventionnel, elles demandaient que soient rejetées lesdites demandes, et sollicitaient condamnation de COMCENTRE NORD et COMCENTRE EST à payer à la société COMCENTRE NORD la somme de 2000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 10 novembre 2020, le conseil rendait un jugement dont le dispositif était pour l'essentiel rédigé comme il suit :

'Confirme le licenciement de Monsieur [P] [D] en date du 17 avril 2015.

Déboute Monsieur [D] de l'ensemble de ses demandes.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Condamne Monsieur [P] [D] à payer à la société COMCENTRE NORD la somme de 500 €, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.'

Le 11 décembre 2020, Monsieur [P] [D] formait appel de ce jugement.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 10 mars 2021 et au visa des articles 1132-1, 1132-4, 1235-3-1 du Code du travail , l'appelant demande à la présente cour de :

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a confirmé le licenciement de Monsieur [P] [D] et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à régler 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Juger que son licenciement est nul,

Condamner solidairement la société COMCENTRE NORD et la société COMCENTRE EST à lui régler la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

Condamner solidairement la société COMCENTRE NORD et la société COMCENTRE EST à lui régler la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner solidairement la société COMCENTRE NORD et la société COMCENTRE EST aux entiers dépens,

DEBOUTER les sociétés COMCENTRE NORD et la société COMCENTRE EST de leurs prétentions contraires.

Au soutien de ces demandes, il plaide que :

Son licenciement a été monté de toutes pièces et a été en réalité fondé sur son appartenance religieuse.

Il produit en une attestation établie par Monsieur [H] [T].

Il a toujours satisfait son employeur et n'a fait l'objet d'aucune mesure disciplinaire.

Au contraire, il a fait l'objet de promotions constantes et d'une évolution de carrière importante puisqu'il est devenu responsable magasin.

Il a été victime de harcèlement de la part de Monsieur [V] [C] qui a d'ailleurs été licencié pour des harcèlements commis sur d'autres salariés.

Il n'a pas pu obtenir d'attestations d'autres salariés car ceux-ci avaient peur d'être licenciés.

Il produit d'ailleurs un échange de SMS avec Monsieur [O] [R] lequel répond :

« Moi ils m'ont menacé aussi, ils m'ont fait signer un papier comme quoi je ne peux rien dire contre eux car je voulais les attaquer aussi mais ils m'ont fait suivre par un détective et des huissiers et je n'ai plus envie d'avoir un lien avec ou contre eux' j'espère que tu le comprendras aussi, je suis désolé. »

Le harcèlement de Monsieur [V] [C] a duré plusieurs mois et a fragilisé sa santé mentale ainsi que son couple.

Monsieur [C] lui a interdit de faire sa prière dans la réserve alors que c'était autorisé jusqu'alors.

Il lui a également imposé de rester pendant sa pause du vendredi dans la réserve pour ne pas aller faire sa prière à la mosquée et lui également imposé de faire la bise à ses collègues féminines alors qu'il avait des relations tout à fait courtoises avec elles.

Il a subi des humiliations constantes devant ses collègues quels que soient ses résultats et a subi une véritable torture psychologique.

Les griefs invoqués au sein de la lettre de licenciement sont tous infondés et mensongers.

Les sociétés COMCENTRE n'apportent aucune pièce justifiant leurs affirmations 'de principe'.

Les société intimées, unies d'intérêts, au terme de leurs dernières écritures, notifiées le 4 juin 2021, demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'appelant de ses demandes en annulation de son licenciement.

Elles demandent à la cour de juger que le licenciement de Monsieur [D] repose sur une faute grave.

Elles demandent à la cour de condamner ce dernier à payer à la société COMCENTRE NORD la somme de 2000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles soutiennent que :

Monsieur [D] ne démontre à aucun moment une quelconque collusion ou encore une coresponsabilité entre elles. En aucun cas les deux sociétés n'ont agi de concert au mépris des droits de Monsieur [D].

En tout état de cause, Monsieur [D] ne démontre pas, comme l'impose la jurisprudence, que leur action a été commune et que leur faute est commune.

Il semble que Monsieur [D] ait pris conscience que sa demande initiale, reposant sur un prétendu licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, n'avait aucune chance d'aboutir compte tenu du dépassement du délai de prescription.

Aussi, le délai de prescription étant en matière de discrimination plus long, il a modifié le fondement de sa demande initiale.

Il considère désormais que son licenciement repose sur un motif discriminatoire et sollicite leur condamnation solidaire.

Cependant, il ne démontre aucunement la réalité de la discrimination qu'il prétend avoir subie.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 février 2023.

MOTIFS

À titre liminaire, il sera observé que l'action entreprise par l'appelant tend exclusivement à voir jugé que son licenciement est nul, comme étant discriminatoire, au visa des articles L. 1132-1, à voir L.1132-4, L. 1235-3-1 du Code du Travail, seuls évoqués.

Dès lors, il n'appartient pas à la présente juridiction d'aborder la question du bien ou du mal fondé des motifs ayant conduit à son licenciement pour faute grave.

La seule question en débat est celle de l'existence d'une discrimination que Monsieur indique avoir été fondée sur sa religion.

Il sera préalablement rappelé qu'aux termes de l'article L.1132-1 du Code du travail :

« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement «ou de nomination» ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens

de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de «son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou

de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes «, de son exercice d'un mandat électif local», de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.»

S'agissant du régime de la preuve, conformément à l'article L.1134-1 du Code du travail:

« Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, «telle que définie à l'article 1 er de la loi n o 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations». Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

Dès lors, la charge de la preuve ne repose pas sur le seul employeur, elle est partagée entre le salarié et celui-ci. Il incombe au salarié d'alléguer et de prouver des faits qui peuvent laisser croire à une différence de traitement. Il revient ensuite à l'employeur de démontrer que la mesure contestée avait une cause objective et n'était pas discriminatoire.

La cour, en premier lieu doit ainsi rechercher si Monsieur [D] démontre l'existence de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination qu'il aurait subie, en raison de ses convictions religieuses.

Celui-ci, à ce titre, produit aux débats, en premier lieu, une attestation établie au nom d'un dénommé [H] [T] ; cependant, il n'est adjoint à cette pièce aucun document d'identité permettant l'identification de son auteur, cela en violation des dispositions de l'article 202 du code de procédure civile. Au surplus, ce document ne mentionne pas qu'il aurait été rédigé en vue de sa production en justice.

Dans ces conditions, il ne peut être attaché aucune valeur probante à cette pièce, comme l'a justement retenu le premier juge.

Il est également déposé aux débats des copies d'écran téléphoniques contenant des SMS, identifiant leur auteur par son seul prénom, ce qui interdit toute identification et n'étant d'évidence pas, là encore, destinés à être produits en justice .

Ces pièces sont également dénuées de toute valeur probante.

Il est également déposé aux débats une attestation de la mère de l'appelant. Celle-ci ne rapporte que des propos qu'elle prête son fils, sans évoquer aucun fait précis dont elle aurait été personnellement témoin.

Cette attestation n'a, là encore, aucune valeur probante.

Enfin, l'appelant dépose à la procédure des attestations de clients rapportant que son travail était de qualité ; celles-ci, en cela, sont sans rapport avec les faits de discrimination religieuse allégués.

En l'absence d'autre élément de preuve au dossier, il sera jugé que l'appelant n'établit aucun fait laissant supposer l'existence d'une discrimination dont il aurait été la victime.

Dans ces conditions, celle-ci n'étant pas démontrée, la demande en annulation du licenciement sera rejetée, le jugement querellé étant, en cela, confirmé.

Les demandes en paiement de dommages-intérêts et d'indemnités formées au titre de la nullité du licenciement seront, en conséquence, rejetées.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Monsieur [D], succombant, supportera les dépens et succombera en sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En équité et en vue de la situation économique respective de chacune des parties, il versera à la société COMCENTRE NORD une somme ramenée à 200 €, sur le fondement de cette disposition légale.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Roanne le 10 novembre 2020 en ce qu'il a débouté Monsieur [P] [D] de l'ensemble de ses demandes,

Infirme ledit jugement en ce qu'il a condamné ce dernier à payer à la société COMCENTRE NORD la somme de 500 €,en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Condamne Monsieur [P] [D] à payer à la société la société COMCENTRE NORD la somme de 200 €, en application de ce même article 700 du code de procédure civile.

Condamne Monsieur [P] [D] aux dépens de première instance et d'appel.

le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 20/07028
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;20.07028 ?
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