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16/06/2023 | FRANCE | N°20/00714

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 16 juin 2023, 20/00714


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 20/00714 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M2QM





Association LEO LAGRANGE CENTRE EST



C/

[R]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 21 Janvier 2020

RG : 19/00006











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 16 JUIN 2023







APPELANTE :



Association LEO LAGRANG

E CENTRE EST

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par Me Renaud BARIOZ de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



[L] [R] épouse [U]

née le 16 Mai 1975 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 1]



représentée par Me Phil...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/00714 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M2QM

Association LEO LAGRANGE CENTRE EST

C/

[R]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 21 Janvier 2020

RG : 19/00006

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 16 JUIN 2023

APPELANTE :

Association LEO LAGRANGE CENTRE EST

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Renaud BARIOZ de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[L] [R] épouse [U]

née le 16 Mai 1975 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Philippe METIFIOT-FAVOULET, avocat au barreau D'AIN

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 26 Avril 2023

Présidée par Catherine CHANEZ, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, présidente

- Catherine CHANEZ, conseillère

- Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 16 Juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

L'association Léo Lagrange Centre Est (ci-après, l'association) exerce son activité dans le secteur de l'économie sociale et solidaire.

Elle applique la convention collective de l'animation et emploie plus de 1 500 salariés.

Mme [L] [U] a été embauchée par l'association Centre [Localité 5] à compter du 8 avril 2002, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de directrice du centre multi-accueil de [Localité 7], à temps partiel.

Le 1er avril 2013, la communauté de communes Centre [Localité 5] a confié à l'association Léo Lagrange Centre Est la gestion du centre multi-accueil de [Localité 7].

A cette occasion, l'association Léo Lagrange Centre Est a repris le contrat de travail de Mme [U].

A partir du 29 juillet 2013, Mme [U] a travaillé à temps plein.

Par avenant du 2 février 2015, elle a été promue aux fonctions de directrice de la structure de [Localité 7] et les parties ont adopté le forfait annuel en jours, à raison de 215 jours travaillés sur 12 mois.

Le 22 décembre 2017, l'association a convoqué Mme [U] à un entretien pour faire le point sur sa situation professionnelle, dont la date a été fixée au 3 janvier 2017. Lors de cet entretien, il lui a été remis une convocation à un entretien préalable qui s'est tenu le 10 janvier 2018, auquel elle s'est présentée assistée d'un délégué du personnel.

Par courrier recommandé du 16 janvier 2018, l'association a notifié à Mme [U] son licenciement en ces termes :

« (')

Le 17 octobre 2017, l'EJE en CDI depuis Avril 2017 a sollicité Madame [O] pour un entretien. Elle exprime se sentir en désaccord avec vous sur les priorités pour l'équipe.

Los de l'entretien annuel du 24 octobre 2017, Madame [O] vous a exposé ses inquiétudes quant à votre attitude non professionnelle et l'essoufflement de l'équipe perceptible. Elle a organisé une réunion de travail avec l'EJE pour faire le point.

Le 15 Novembre 2017 avant l'entretien annuel de l'animation RAM, Mme [O] est passée dans les 3 sections du Multi Accueil pour saluer les 4 salariées présentes à ce moment-là.

Toutes étaient des salariées en CCD dont une pour laquelle c'était le premier jour de travail. En panique, l'équipe était débordée par les tâches à accomplir, et il était évident que l'encadrement n'était pas suffisant suite à des arrêts maladie. Elles avaient 4 dortoirs à gérer seule. Vous étiez présente le matin mais sans tenir compte des difficultés rencontrées par votre équipe, vous êtes partie à midi.

Dès le lendemain, Madame [O] vous a rappelé qu'il était de votre responsabilité de veiller aux conditions d'encadrement. Elle vous a aussi indiqué qu'elle participerait à la réunion d'équipe du 27 novembre 2017.

Le 20 Novembre, l'EJE a contacté à nouveau Madame [O] pour lui faire part d'un « clash » qui venait de se produire entre elle et vous. Elle souhaitait démissionner immédiatement et ne plus revenir. En effet, elle exprimait être en parfait désaccord avec vous sur l'appréciation que vous aviez des priorités pour l'équipe.

Par ailleurs, Madame [O] recevait un appel de l'animatrice du RAM qui l'alertait sur le mal être de l'équipe, un courrier rédigé par ses soins était affiché en salle du personnel et transmis à la DTA.

Courrier dont vous avez eu connaissance et qui relevait les points suivants :

Les parents se plaignent de ne pas vous voir

La parole n'est pas libérée dans l'équipe

Vous n'êtes pas présente sur les groupes

Vous ne jouez pas votre rôle de pilier dans la structure

Vous critiquez le fonctionnement institutionnel et vous vous plaignez devant les salariées

Le 21 Novembre 2017, Madame [O] a rencontré [G] [S], auxiliaire de puériculture en CDD depuis le 28 Août 2017 dans l'attente de pourvoir au poste vacant en CDI. Celle-ci a informé de son renoncement au poste CDI, alors que le poste lui conviendrait parfaitement. En effet, malgré sa motivation, elle indique se sentir en insécurité, avec trop d'inquiétudes et trop de questions sans réponse de votre part pour se projeter sur le poste à long terme.

Elle précise qu'elle vous a contacté par téléphone le 16 novembre au matin à 7h30 compte tenu de problèmes d'ouverture et que vous n'avez pas fait cas de cette sollicitation pour l'aider à résoudre la difficulté rencontrée.

Le 27 Novembre 201 : Madame [O] a animé la réunion équipe. Les discours ont été unanimes sur le manque d'information et d'écoute de votre part. Les salariées ne se sentent pas en sécurité dès qu'il manque quelqu'un, elles doivent trouver la solution par elles-mêmes. Elles ne disposent pas du projet pédagogique indispensable au bon fonctionnement de la crèche, le retour des parents fait à l'équipe est assez négatif quant à votre disponibilité et au turn-over des salariés.

Du 4 au 22 décembre au cours de votre arrêt de travail, Madame [O] a assuré votre remplacement et a découvert une équipe en souffrance, jamais entendu avec des conditions de travail dégradées, en attente de réponse.

Pour exemple :

Dans la buanderie, un étendage à linge complètement cassé, qui rend la tâche impossible pour l'agent en charge du linge ! Mme [O] a donc immédiatement acheté un nouvel étendage, ce que vous auriez dû faire depuis longtemps si vous aviez porté attention à la demande de votre salariée.

3 DOOMO ne sont plus utilisés dans la section des BB ! Les salariées précisent qu'elles attendent des sacs de micro-billes pour les recharger' Un achat simple à réaliser pour faciliter le travail.

Les plats des enfants reviennent dans la salle du personnel après le service, alors que vous avez assuré ne plus organiser les choses de cette façon depuis votre formation « entretien de l'espace de travail » en date du 10 octobre 2017 avec l'agent de restauration.

Le 12 Décembre, aucune des salariées n'étaient en capacité d'indiquer les lieux d'installation des 2 barrières livrées ce jour-là et prévues au budget, ce qui illustre l'absence d'échanges et de concertation en équipe.

Enfin, le 27 décembre nous étions destinataire d'un courrier signé par 5 familles de la crèche vous mettant en cause dans votre mode de gestion de la structure, votre indisponibilité, l'absence d'exemplarité et la sécurité.

Nous vous avons lu ce courrier sans que vous ne puissiez apporter de réponse.

Depuis votre prise de fonction vous avez été régulièrement accompagnée par la déléguée territoriale à l'animation. Vous avez bénéficié des formations suivantes :

Noé petite enfance les 23 et 24 octobre 2013

Responsabilité civile et pénale de la directrice d'EAJE le 19 et 20 juin 2014

La gestion du temps de travail des salariés de l'animation le 2 avril 2015

Gestion du temps de travail les 10 et 11 septembre 2015

Approfondissement [Localité 6] petite enfance le 6 novembre 2015

Le positionnement stratégique du directeur les 29 et 30 septembre 2016

EPI les 31 octobre 2016, 2 et 9 octobre 2017

Gestion de production les 3 et 4 novembre 2016 

La fonction managériale les 8 et 9 décembre 2016

Conduire un entretien professionnel les 19 et 20 juin 2017

Nous vous avons souvent alerté sur la nécessité de communiquer, de prendre en compter les problématiques quotidiennes et l'indispensable posture d'exemplarité que doit adopter tout responsable de service ou d'équipe.

Force est de constater que les critiques sont unanimes de la part des membres de votre équipe et de la part des parents. Elles pointent toujours les mêmes problématiques de management, d'organisation et de communication qui aujourd'hui font émerger de réels dysfonctionnements que nous ne pouvons plus tolérer. (') »

Par requête du 11 janvier 2019, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse, de demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 21 janvier 2020, le conseil de prud'hommes a :

Condamné l'association à payer à Mme [U] les sommes suivantes :

38 874,41 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté Mme [U] du reste de ses demandes ;

Débouté l'association de sa demande reconventionnelle ;

Condamné l'association aux dépens.

Par déclaration du 27 janvier 2020, l'association a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [U] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 20 février 2023, l'appelante demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé qu'elle n'avait jamais manqué à ses obligations dans le cadre de l'exécution du contrat de travail ;

Infirmer le jugement pour le surplus ;

Débouter Mme [U] de l'intégralité de ses demandes ;

Condamner Mme [U] à lui payer la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Mme [U] aux dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 16 février 2020, Mme [U] demande pour sa part à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'association à lui payer la somme de 38 874,41 euros pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

Infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de santé de résultat ;

Statuer à nouveau et condamner l'association à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice tiré de la violation de l'obligation de sécurité, assortie des intérêts au taux légal en vigueur à compter du jour de la demande jusqu'à parfait paiement ;

Ordonner la capitalisation des intérêts échus ;

Débouter l'association de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner l'association au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner l'association aux dépens.

La clôture est intervenue le 14 mars 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.

La cour relève également que l'intimée n'a tiré aucune conséquence juridique dans le dispositif de ses conclusions des moyens qu'elle a développés à titre préliminaire, si bien que ces moyens, sur lesquels ne s'appuie aucune demande, ne seront pas examinés.

1- Sur le licenciement

Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, le juge doit apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.

En application de l'article L.1232-6 du même code, la lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Enfin, les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits reprochés au salarié et de les qualifier, puis de dire s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L.1232-1 du code du travail, l'employeur devant fournir au juge les éléments lui permettant de constater le caractère réel et sérieux du licenciement.

En l'espèce, la lettre de licenciement se fonde sur plusieurs griefs :

- les manquements de la salariée en matière de management, d'organisation et de communication à l'origine de tensions, de souffrance au sein de l'équipe, par exemple :

- les tensions avec l'éducatrice de jeunes enfants et avec Mme [S], auxiliaire de puériculture, cette dernière annonçant qu'elle renonçait de ce fait à un contrat de travail à durée indéterminée ;

- un appel reçu le 20 novembre de la part de l'animatrice du RAM alertant sur le mal-être de l'équipe et sur son manque de disponibilité ;

- les retours de l'équipe lors d'une réunion organisée le 27 novembre par Mme [O], sa supérieure hiérarchique sur son manque d'information et d'écoute et sur les retours négatifs de la part des parents ;

- l'absence de remplacement d'un étendoir à linge cassé et de commande de micro-billes pour recharger des DDOMO ; le défaut d'information de l'équipe sur le lieu d'installation de barrières livrées le 12 décembre ;

- la mise en cause par 5 parents des enfants accueillis dans un courrier reçu le 27 décembre (absence de disponibilité et d'exemplarité, remise en question du mode de gestion et de la sécurité).

L'association expose que malgré les nombreuses formations dispensées à Mme [U] et des conditions de travail normales, celle-ci s'est avérée incapable d'assumer la responsabilité du management du personnel (13 personnes) et de la structure.

Elle justifie des difficultés relationnelles entre Mme [U] et Mme [D], ancienne éducatrice de jeunes enfants, par la production d'un courrier rédigé spontanément par celle-ci en septembre 2018 dans lequel elle indique avoir démissionné de son poste pour préserver sa santé face à son management délétère.

L'association verse également aux débats le courrier que lui ont adressé 5 parents d'enfants accueillis pour évoquer les tensions qu'ils ressentaient entre la directrice de la crèche et le personnel, les nombreux arrêts maladie, l'absence de personnel, avec pour corollaire la prise en charge des bébés par le personnel d'entretien, la rotation excessive du personnel et ses répercussions sur l'équilibre émotionnel des jeunes enfants, la suppression de certaines activités, le manque d'hygiène et l'absence de disponibilité de la directrice.

Les parents évoquent même dans ce courrier une situation qui tendait à s'aggraver, puisqu'ils précisent que depuis septembre 2017, l'organisation était très mauvaise, le personnel faisant « ce qu'il [pouvait] avec les moyens du bord : les petits mélangés avec les moyens et les grands'.» et affirment que depuis que Mme [U] est absente, l'ambiance et l'organisation sont meilleures et leurs enfants plus sereins.

L'association communique en outre une attestation rédigée par le directeur général des services de la communauté de communes de la [Localité 5], qui lui a confié la gestion de la crèche en question. Il témoigne avoir relevé de la part de Mme [U] un défaut de positionnement, voire un manque de sérieux ou d'organisation. La date de rédaction de cette attestation (16 mai 2019) ne la prive pas de tout intérêt étant donné la fonction de son rédacteur et les considérations générales qu'elle contient.

Mme [U] ne conteste pas la matérialité des faits mais soutient qu'elle n'en est pas responsable, évoquant une surcharge de travail sans en rapporter la preuve, un manque de moyens humains et un problème institutionnel et faisant valoir que son employeur avait toujours relevé ses qualités et ses compétences lors des entretiens annuels d'évaluation.

Elle a cependant reconnu elle-même lors de ses évaluations qu'elle rencontrait des difficultés dans le management de son équipe et elle ne peut expliquer pour quelles raisons aucun des salariés présents le 12 décembre 2017 ne connaissait la destination des barrières qu'elle avait commandées, ce qui montre qu'elle travaillait de façon isolée.

Il ressort en outre des pièces versées par l'association que ses demandes de formation ont été entendues et satisfaites, puisqu'elle a pu en suivre 6 sessions entre novembre 2015 et juin 2017, sur le thème de la petite enfance, mais aussi en matière de positionnement stratégique du directeur, de management et de conduite d'un entretien professionnel, sachant qu'entre octobre 2013 et septembre 2015, elle avait été formée notamment sur la gestion du temps de travail (2 sessions en avril et septembre 2015).

A l'occasion de l'entretien professionnel du 24 octobre 2017, Mme [U] n'a pas évoqué de difficulté particulière, en dehors des nombreuses absences de salariés et des remplacements qu'elle devait en conséquence organiser. Sa responsable a noté qu'elle était très fatiguée et qu'elle avait tenté de lui expliquer que son mode de management était peut-être l'une des raisons de cette fatigue.

En conclusion, la cour relève qu'après presque 3 années à la direction de la crèche, et malgré les formations mises en place par l'employeur, les carences de Mme [U] en matière de management et d'organisation, ses négligences dans la prise en compte des besoins des enfants accueillis, de leurs parents et des salariés de la structure, ses absences et son manque de disponibilité ne permettaient pas la poursuite de la relation de travail. L'employeur se devait de mettre un terme au contrat de travail, pour protéger tant les enfants que les autres salariés.

Les griefs évoqués par l'employeur au soutien du licenciement de Mme [U] sont avérés. Le jugement sera infirmé et Mme [U] sera déboutée de ses demandes fondée sur l'absence de cause réelle et sérieuse.

2-Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

L'article L.4121-1 du code du travail impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

La salariée fait valoir que l'employeur a manqué à son obligation de surveillance de sa charge de travail dans le cadre du forfait en jours, en application de l'article L. 3121-60 du code du travail et qu'il n'a pas pris en compte ses alertes, si bien qu'elle a dû être arrêtée par son médecin traitant et suivie pendant 2 ans pour un burn-out.

Elle en veut pour preuve l'entretien professionnel annuel du 24 octobre 2017, au cours duquel elle a demandé à bénéficier d'un demi-poste d'éducateur de jeunes enfants pour l'aider dans ses tâches administratives. Cette demande n'aurait pas été suivie d'effet malgré sa surcharge de travail.

Elle verse aux débats le certificat établi par son médecin traitant le 31 janvier 2018, qui se fonde sur ses propres constatations cliniques en relevant qu'elle s'est présentée « en pleurs, adynamique, submergée par l'épuisement moral et physique » et indique avoir dû lui prescrire des antidépresseurs.

Mme [U] communique également l'attestation établie à la date du 29 octobre 2018 par une psychologue du travail qui indique la recevoir en consultation spécialisée de psychopathologie du travail, sans plus de précisions, et une note d'honoraires relative à une consultation à la date du 2 juin 2020. La cour ne saurait en déduire que le suivi a perduré entre octobre 2018 et juin 2020.

Il apparait en définitive que, en dehors de la charge de travail induite par le réaménagement de la crèche et l'accroissement du nombre de berceaux suivis de la réouverture en 2015, les difficultés rencontrées par la salariée relevaient essentiellement de ses pratiques managériales, ainsi qu'elle l'a elle-même évoqué lors de l'entretien professionnel du 30 septembre 2015. La cour relève d'ailleurs qu'elle a fait l'objet d'entretiens professionnels réguliers et approfondis répondant aux exigences posées par l'article L. 3121-60 du code du travail.

Même si les pièces médicales tendent à montrer que Mme [U] présentait effectivement, au moins à la fin de l'année 2017, un état de fragilité psychologique probablement en lien avec son emploi, la cour ne peut en déduire que cet état a été causé par des manquements de l'employeur, ni que ce dernier, conscient des difficultés rencontrées par sa salariée, s'est montré défaillant dans leur prise en charge. Il apparait au contraire que malgré les formations mises en place, Mme [U] n'a pu faire face aux responsabilités nouvelles que lui conférait sa nomination en qualité de directrice d'une crèche de 36 berceaux.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité.

3-Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de Mme [U].

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, ni pour la procédure de première instance, ni pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement prononcé le 21 janvier 2020 par le conseil de prud'hommes de Bourg en Bresse, sauf en ce qu'il a débouté Mme [L] [U] de sa demande de dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [L] [U] de ses autres demandes ;

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de Mme [L] [U] ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, ni en première instance, ni en appel .

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 20/00714
Date de la décision : 16/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-16;20.00714 ?
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