N° RG 19/01674
N° Portalis DBVX - V - B7D - MHRI
Décision du tribunal de grande nstance de LYON
Au fond du 21 janvier 2019
Chambre 9 cab 09 F
RG : 14/13757
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 15 Juin 2023
APPELANTS :
M. [E] [R]
né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 11] (ALGÉRIE)
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 6]
Mme [P] [W] épouse [R]
née le [Date naissance 7] 1946 à [Localité 16] (ARDECHE)
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 6]
SCEA [R] PERE ET FILS
[Adresse 2]
[Localité 6]
tous représentés par Maître Laurent DUZELET, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE, avocat postulant
et pour avocat plaidant Maître Marie AUDIER, avocat au barreau de CARPENTRAS
INTIME :
LA DIRECTION REGIONALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS DE [Localité 9]
[Adresse 8]
[Adresse 12]
[Localité 9]
représenté par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, avocat postulant
et pour avocat plaidant Maître Ralph BOUSSIER de la SELARL NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 17 Décembre 2019
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Mars 2022
Date de mise à disposition : 19 mai 2022 prorogée au 22 septembre 2022, au 24 novembre 2022, au 16 février 2023, au 1er juin 2023, puis au 15 juin 2023, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Audience présidée par Anne WYON, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Anne WYON, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Annick ISOLA, conseiller
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
La SCEA [R] Père et Fils (ci-après société [R]) est exploitant viticole de parcelles de vignes situées sur les communes de [Localité 6], [Localité 15], [Localité 13] et [Localité 17] dont les parcelles A [Cadastre 3] et A [Cadastre 4], situées sur la commune de [Localité 17].
Ces deux parcelles ont des contenances respectives de 20 a 48 ca et de 85 a et 20 ca; M. [E] [R] en est propriétaire.
Ces superficies sont celles qui figurent au casier viticole informatisé telles qu'elles résultent des déclarations de plantation effectuées par l'exploitant ; elles servent de référence aux déclarations de récoltes de la société [R].
Le 21 janvier 2013, le Centre de viticulture de [Localité 18] de la Direction Interrégionale des Douanes et Droits Indirects de [Localité 9] a réalisé un contrôle d'arpentage des parcelles par GPS. Il a relevé des différences entre les surfaces déclarées au casier viticole informatisé CVI, et les surfaces réellement encépagées.
Les résultats de ce contrôle ont été communiqués à la société [R] par lettre du 22 janvier 2013.
Par lettre du 25 février 2013 qui fait référence à un second contrôle de la parcelle ZC [Cadastre 5] le 30 janvier 2013 et à un entretien de M. [R], qui s'est rendu sur place, avec le Centre de viticulture de [Localité 18] le 22 février 2022, l'administration a communiqué à la société [R] le résultat de ses vérifications avec indication pour chaque parcelle de la différence entre la surface déclarée et la surface réellement encépagée.
Par lettre du 21 mai 2014, rappelant que M. [R] a demandé que le constat du 25 février 2013 soit validé par la Direction Générale des douanes, la Direction Interrégionale des Douanes et Droits Indirects de [Localité 9] a transmis à la société [R] les conclusions de la direction générale des douanes relatives à la superficie viticole des parcelles A [Cadastre 3] et A [Cadastre 4], dont il résulte que ces parcelles étant recouvertes de bois sur 24 ares et 98 centiares, et présentant une déclivité rendant cette partie impropre à la culture de la vigne, cette surface qui devait être considérée comme des falaises ne pouvait être prise en compte dans les superficies viticoles, ce qui devait entraîner la rectification du CVI Par le même courrier, il lui était déclaré procès-verbal pour l'infraction de fausse déclaration d'encépagement sur 5 parcelles, et il lui était demandé de prendre contact avec l'administration, étant précisé qu'il serait ultérieurement invité à se présenter au service aux fins de rédaction et de signature d'une procédure.
Le représentant légal de la société [R] ne s'est pas présenté dans les locaux de l'administration le 30 juin 2014 au motif qu'il contestait l'infraction. Le procès-verbal de notification d'infractions pour fausse déclaration d'encépagement, fausse déclaration de récolte et revendication abusive d'AOP a été dressé à l'encontre de la société [R] à cette date.
Le 8 août 2014, la société [R], par l'intermédiaire de son avocat, a formé un recours gracieux à l'encontre de la décision du 21 mai 2014, afin que soit maintenu à son profit le bénéfice des superficies de production depuis toujours inscrites à son casier viticole informatisé.
Par courrier du 4 septembre 2014, la Direction Interrégionale des Douanes et Droits Indirects de [Localité 9] a rejeté le recours de la société [R] tendant à voir enregistrer les parcelles A [Cadastre 3] et A [Cadastre 4] comme entièrement encépagées dans le CVI.
Cette décision était ainsi motivée : les parcelles A[Cadastre 3] et A[Cadastre 4], situées en zone d'appellation Hermitage, sont déclarées au casier viticole informatisé (CVI) comme étant entièrement encépagées, alors que lors du contrôle sur place réalisé en présence de M. [R], les agents ont constaté qu'elles étaient plantées en arbres, âgés de plus d'une vingtaine d'années et très denses (de type bois), sans plants de vignes visiblement exploités, ni entretenus, et se terminaient par une falaise avec un dénivelé très important.
Le 31 octobre 2014, la société [R] ainsi que M. et Mme [R] ont saisi d'un recours le tribunal de grande instance de Lyon, qui, par jugement du 21 janvier 2019, a :
- débouté les requérants de l'intégralité de leurs demandes,
- condamné la société [R] à payer à la Direction Interrégionale des Douanes et Droits Indirects de [Localité 9] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Le 06 mars 2019 la société [R] et les époux [R] ont relevé appel de ce jugement.
Par conclusions déposées au greffe le 5 juin 2019, la société [R] et les époux [R] demandent à la cour d'infirmer le jugement et de :
In limine litis,
Constater la nullité de l'entière procédure des douanes,
Dire incompétente l'administration des douanes pour ordonner les rectifications du CVI
Constater la violation des droits de la défense,
Constater la violation des articles 6§1 et 6§3 de la convention européenne des droits de l'homme et de la loi du 11 juillet 1979 ,
Déclarer nulles et de nul effet les décisions prises par la Direction Régionale des Douanes et Droits Indirects de [Localité 9] en date du 21 mai 2014 et du 4 septembre 2014;
Au fond,
Dire et juger prescrites les infractions visées par l'administration des douanes,
Déclarer non fondée la décision prise par la direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 9] en date du 21 mai 2014,
Déclarer non fondée la décision prise par la Direction Régionale des Douanes et Droits Indirects de [Localité 9] en date du 4 septembre 2014,
En conséquence,
Dire et juger nulle et de nul effet la décision prise par la direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 9] en date du 21 mai 2014
Dire et juger nulle et de nul effet la décision prise par la Direction Régionale des Douanes et Droits Indirects de [Localité 9] en date du 4 septembre 2014,
En conséquence,
Autoriser la SCEA [R] père et fils à conserver le bénéfice des superficies en production inscrites au CVI et sur les déclarations de plantation s'agissant des parcelles A [Cadastre 3] et A[Cadastre 4], sises sur la commune de [Localité 17], soit les superficies suivantes: - parcelle A [Cadastre 3] : 20 ares 48 centiares
- parcelle A [Cadastre 4] : 85 ares 20 centiares
Constater que cette procédure engagée par les douanes a causé un préjudice moral et un préjudice matériel à la SCEA [R] qui devra être indemnisée par l'Etat
Constater que cette procédure engagée par les Douanes a causé un préjudice moral à Monsieur [R] et Madame [W] épouse [R] ;
En ce sens,
Condamner l'Etat et les Douanes à payer à la SCEA [R] la somme de 140 637 euros au titre du préjudice commercial et financier ;
Condamner l'Etat et les Douanes à payer à la SCEA [R] des dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros pour le préjudice moral subi ;
Condamner l'Etat et les Douanes à payer à Madame et Monsieur [R] des dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros pour le préjudice moral subi ;
A titre subsidiaire,
Ordonner une expertise aux fins de déterminer le préjudice matériel subi et de fixer l'indemnisation correspondante à la charge de l'Etat.
Pour ce faire,
Désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec mission de :
- Prendre connaissance du dossier et se faire communiquer tous documents utiles, avec l'audition de tout sachant à même de communiquer les informations utiles
- Déterminer l'état de qualité des récoltes de la SCEA [R] qui ont été réservées en cuve pour les besoins de la procédure
- Chiffrer les dommages et intérêts à accorder à la SCEA [R] pour le préjudice matériel subi
- Fournir tous éléments techniques ou de fait susceptibles de permettre l'évaluation du préjudice subi
En tout état de cause,
Condamner l'Etat et les Douanes au paiement des frais non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile pour un montant de 13 000 euros.
Condamner l'Etat et les Douanes aux entiers dépens.
Par conclusions déposées au greffe le 13 août 2019, la Direction Régionale des Douanes et Droits Indirects de [Localité 9] demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 21 janvier 2019 et de :
- débouter la SCEA [R], M. [E] [R] et Mme [P] [R] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
- confirmer sa décision en date du 4 septembre 2014,
- condamner in solidum la SCEA [R], M. [E] [R] et Mme [P] [R] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
Si, par extraordinaire et subsidiairement, la cour ne devait pas débouter purement et simplement la SCEA [R] et les époux [R], ordonner une expertise pour essentiellement mesurer la surface des parcelles plantées en vigne et celle non plantée, indiquer si les déclivité, bois, végétalisation présents sur ces parcelles sont indispensables à la pérennité des sols ou non, fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction saisie de déterminer si ces surfaces non plantées de vigne doivent être déclarées au casier viticole informatisé,
Réserver les demandes des parties dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens qui seront repris dans la motivation de lé décision.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2019.
MOTIVATION
A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ou « déclarer » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
Le casier viticole informatisé (CVI) est un outil que les États membres de l'Union européenne doivent tenir. Il contient notamment toutes les informations relatives aux entreprises viti-vinicoles, aux parcelles plantées ou arrachées, aux niveaux de production et de stocks. L'immatriculation au CVI est effectuée par l'exploitant viticole auprès du service douanier en charge de la viticulture auquel l'exploitant fournit les documents justificatifs. Le service lui attribue alors un numéro d'identification au CVI.
I- sur la nullité de la procédure
1 - sur la compétence
Les appelants soulèvent l'incompétence de l'administration pour ordonner les rectifications du CVI. Ils soutiennent que l'article 6. 4° de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés évoque la rectification de données inexactes ou incomplètes au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées, que M. [R] a toujours contesté les mesures des superficies et que les données sur lesquelles s'appuie l'administration ne présentent aucune fiabilité en l'absence de définition précise de la surface à prendre en compte, aucun bornage n'ayant été réalisé et la réalisation pratique du mesurage ne correspondant à aucun cadre procédural, de sorte que la demande de rectification du CVI est contraire à la loi de 1978.
Ils ajoutent que le contrôle du parcellaire prévu aux articles L 665-4 et suivants du code rural est sanctionné par des infractions et qu'aucun texte ne donne pouvoir à l'administration pour modifier les données contenues dans le CVI.
Dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour, la Direction Régionale des Douanes ne soulève aucune irrecevabilité d'une exception de procédure puisque il est demandé la confirmation du jugement qui a débouté les demandeurs.
La Direction Régionale des Douanes répond que le contrôle du parcellaire entre dans les pouvoirs de contrôle et de sanction que lui attribue le code général des impôts, en particulier son article 407 et que le règlement communautaire CE 436/2009 crée en son article 4 une obligation de mise à jour et de correction des données du CVI à la charge de la France, et cite les textes du code rural et de la pêche maritime, du livre des procédures fiscales, du code général des impôts ainsi que les 4 textes communautaires qui définissent les obligations des opérateurs dans le secteur des produits viti-vinicoles, ainsi que l'article 1er de l'arrêté du 4 avril 2005 relatif à un système automatisé portant organisation du casier viticole informatisé en France.
Ainsi que l'a indiqué le tribunal,
- l'article 4 du règlement CEE n°436/2009 prévoit que les Etats Membres assurent la conservation des données figurant dans le casier viticole informatisé (...) et assurent sa mise à jour régulière au fur et à mesure que les informations recueillies sont disponibles;
- l'article L 665-4 du code rural dispose que les agents de l'administration des douanes et des droits indirects sont habilités à contrôler le respect des dispositions communautaires et nationales applicables au régime de plantations, aux déclarations de plantations et d'arrachage et à l'encépagement, et peuvent intervenir dans les surfaces viticoles afin de procéder au contrôle de la régularité des mentions portées sur les déclarations réglementaires qui doivent être établies lors de la création ou de la modification du parcellaire d'une exploitation (...);
- l'article 1er de l'arrêté du 4 avril 2005 énonce que la direction générale des douanes et droits indirects est chargée de constituer, mettre à jour, gérer et assurer la maintenance d'une base de données relative aux exploitations et entreprises viti-vinicoles dénommée casier viticole informatisé ;
- l'article 6.4° de la loi du 6 janvier 1978 impose que des mesures appropriées soient prises pour que les données inexactes ou incomplètes au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou traitées soient effacées ou rectifiées.
Ainsi que l'a retenu pertinemment le tribunal, ces textes donnent expressément compétence à l'administration des douanes pour effectuer une modification des données contenues dans le CVI à laquelle elle est expressément tenue, les Etats Membres devant assurer la mise à jour régulière de cet outil.
Les appelants invoquent l'absence de cadre procédural et le manque de fiabilité du mesurage. Ils ne contestent pas que celui-ci a été effectué en présence de M. [R], dûment averti au préalable, et au moyen d'un système GPS, et ne se prévalent d'aucun texte qui organiserait différemment la procédure, laquelle a été contradictoire. Par ailleurs ils ne produisent d'aucun document d'arpentage ou scientifique, de nature à établir l'inexactitude des mesures qu'ils allèguent.
La procédure suivie ne saurait donc être déclarée irrégulière de ces chefs.
2 - sur la violation des droits de la défense
' Les appelants se prévalent de l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et critiquent la décision du 21 mai 2014 valant procès-verbal d'infraction en exposant qu'à aucun moment, il ne leur a été notifié un droit de contestation des mesures effectuées ni la possibilité de se faire assister d'un conseil. Ils reprennent leur contestation relative à l'absence de bornage de la parcelle et de cadre procédural pour la réalisation pratique du mesurage.
La Direction Régionale des Douanes répond que la présente procédure, civile, n'a pas pour objet de poursuivre les appelants pour les infractions visées au procès-verbal du 30 juin 2014, la présente action ayant pour objet d'obtenir l'annulation de la décision du 4 septembre 2014. Elle précise que le contrôle a été pratiqué sur le fondement des articles L26 et L 27 du code des procédures fiscales et L 665-4 du code rural et rappelle que la Cour de cassation a énoncé le 19 juin 2013 que le droit de contrôle visé à l'article L26 du LPF ne fait pas obstacle à l'assistance d'un avocat, la régularité des opérations pouvant être mise en cause à l'occasion des poursuites éventuellement engagées à la suite du contrôle, et qu'elle a précisé dans un arrêt antérieur que 'la garantie du procès équitable ne concernait pas la procédure de contrôle des activités soumises à la législation des contributions indirectes, préalable à l'engagement des poursuites'.
Elle fait observer que le contrôle a été effectué en présence constante de M. [R], reçu au service le 22 février 2013 et dûment informé des conclusions de la direction générale des douanes et qui a pu faire valoir ses observations.
' Les appelants se plaignent également de la violation de l'article 6 § 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration publique en ce que les décisions du 21 mai et 4 septembre 2014 sont insuffisamment motivées alors qu'elles ont pour conséquence de réduire le volume de récoltes commercialisables en Appellation d'Origine Protégée (AOP). Ils font valoir que l'administration se prévaut d'une définition d'une parcelle viticole sans préciser le texte dont résulte cette définition et sans indiquer quel est le texte relatif à la procédure de mesurage, ce qui contrevient aux droits de la défense.
La Direction Régionale des Douanes et Droits Indirects répond que les appelants n'ont pas fait l'objet d'une procédure pénale et que les observations relatives à la lettre du 21 mai 2014 sont sans emport. Elle ajoute que sa décision du 4 septembre 2014 ne constitue pas une sanction, mais une mise en conformité qui n'entraîne pas de réduction des quantités pouvant être produites, les droits équivalents de production ayant été replacés au portefeuille de la société [R] qui ne subit aucun préjudice dans la mesure où elle peut planter des vignes dans la mesure des droits qui lui sont restitués, abattre des broussailles et des bois des parcelles considérées pour les remplacer par des pieds de vigne, ou vendre les droits qui lui sont restitués. Elle précise que l'article 2 du règlement CE n°1122/2009 donne la définition d'une parcelle et que sa décision est motivée.
Sur ce :
Il ressort de la chronologie des opérations telle que rappelée ci-avant et des pièces produites que :
- le représentant légal de la société [R] a été informé du contrôle parcellaire envisagé auquel il a assisté le 21 janvier 2013,
- les constatations de l'administration ont été portées à sa connaissance par lettre du 22 janvier 2013,
- il a été entendu par l'administration le 22 février 2013,
- il a été répondu à ses observations par lettre du 27 février 2013,
- l'administration des douanes a accueilli les observations de la société [R] formulées les 22 février et 8 août 2014 en ce qui concerne la parcelle ZH [Cadastre 10] (p 2 de la décision du 4 septembre 2014),
- la décision du 4 septembre 2014 est dûment motivée ; elle relate que 2 a 18 ca de la parcelle A [Cadastre 3] et 22 a 80 ca de la parcelle A [Cadastre 4] ne sont pas encépagées, qu'elles sont plantées en arbres âgés de plus de 20 ans, très denses, de type bois, sans plant de vignes visiblement exploité ni entretenu, et se terminent par une falaise avec un dénivelé très important comme le prouvent les clichés pris lors du contrôle.
Elle précise qu'une parcelle viticole est une parcelle agricole plantée en vigne, continue de terre sur laquelle un seul groupe de cultures est cultivé par un seul agriculteur, que les tournières, terrasse, talus, murets...peuvent constituer des éléments caractéristiques d'une parcelle viticole s'ils constituent un élément nécessaire à la bonne exploitation de la parcelle et sont entretenus selon les usages.
Elle indique que les caractéristiques réelles des terrains sont contraires à la définition même d'une parcelle productive tant en termes de surface exploitable en qualité de vigne que d'entretien et de densité minimale de plantation. Elle ajoute que les parcelles ne sont pas directement nécessaires à la culture de la vigne ni exploitables en qualité de surfaces viticoles et que lors du contrôle, M. [R] a reconnu qu'il était impossible de travailler cette falaise sans prendre le risque d'éboulement.
En conséquence, elle conclut que les parcelles litigieuses n'auraient pas dû être enregistrées comme entièrement encépagées dans le CVI dans la mesure où cette qualité ne correspond pas à la réalité du terrain, de sorte que l'administration ne peut que rejeter la demande de reclassement en parcelles encépagées dans le CVI.
- la SCEA [R] a été assistée d'un conseil qui a formé le recours gracieux du 8 août 2014 ;
Il a déjà été rappelé que la société [R] qui conteste le mesurage effectué n'a pas produit le moindre élément de nature à établir qu'il était susceptible d'être erroné ou qu'il avait été réalisé dans le cadre d'une procédure irrégulière.
D'autre part, l'article 2 du règlement CE n°1122/2009 énonce que l'on entend par 'surface agricole' l'ensemble de la superficie des terres arables, des pâturages permanents, ou des cultures permanentes. Il s'en évince que les zones qui ne peuvent être plantées ne constituent pas une surface agricole.
La société [R] a donc été en mesure de contester les constatations et les opérations de l'administration durant la procédure qui a été menée contradictoirement dès la prise des mesures des parcelles et a abouti à une décision précisément et clairement motivée, de sorte qu'aucune violation des droits de la société [R] n'est démontrée, étant observé que la présente procédure ne concerne pas les infractions relevées le 30 juin 2014, la société [R] et les époux [R] ne justifiant pas qu'une suite pénale leur ait été donnée.
La motivation reproduite ci-avant, précise et circonstanciée, fait apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l'auteur de l'acte, et permet à la société [R] et aux époux [R] de connaître les justifications de la mesure prise.
Au surplus, la mise en conformité du CVI à la situation réelle des parcelles ne peut s'analyser en une sanction de l'exploitant à qui il appartenait d'effectuer une déclaration sincère et exacte lorsqu'il a fait connaître à l'administration la superficie encépagée de ses parcelles.
En conséquence, aucune violation des droits de la société [R] et des époux [R] n'étant établie, il n'y a pas lieu de constater la nullité de la procédure, le jugement méritant confirmation de ce chef.
II - sur la prescription
Les appelants font valoir que l'infraction de fausse déclaration d'encépagement visée dans le courrier du 21 mai et dans le procès-verbal du 30 juin 2014 est prescrite, l'article L 665-5 du code rural édictant un délai de 10 ans à compter d'une date des plantations irrégulières et les plantations considérées datant de 1981/82 pour la parcelle A [Cadastre 3] et 1988/89 pour la parcelle A [Cadastre 4], de sorte que l'administration ne peut plus invoquer les manquements reprochés ni enjoindre une quelconque rectification du CVI.
La direction régionale des douanes et droits indirects répond que les appelants ne sont pas poursuivis dans le cadre d'une infraction pénale et que la prescription invoquée
n'a pas lieu de s'appliquer.
Il convient comme l'a fait le tribunal de constater que la présente juridiction n'est pas saisie de l'infraction pénale qui a fait l'objet du procès-verbal du 30 juin 2014, qui n'est pas soutenu que les appelants auraient fait l'objet de poursuites pénales et que dès lors, le moyen tiré de la prescription est sans emport.
III- au fond
Les appelants font valoir que l'administration a violé le principe de légalité des délits et des peines qui s'appliquent aux sanctions administratives, qu'elle a procédé à un mesurage de la parcelle en production sur la base de calculs et à partir de mesures qui n'ont aucune base légale, que les superficies non plantées peuvent être intégrées dans la superficie viticole dans la mesure où elles constituent des éléments nécessaires à l'exploitation de la parcelle, ce qui est le cas en l'espèce et que lors de leur visite des parcelles litigieuses, les organismes de défense et de gestion des AOP Hermitage et Côtes-du-Rhône les ont considérées comme entièrement plantées, les talus végétalisés permettant de répondre aux contraintes morphologiques et aux phénomènes d'érosion des sols et participant à la culture de la vigne par leur rôle sur le maintien du sol (maillage racinaire) mais aussi en sa qualité de réservoir écologique (auxiliaires) et paysager, ces talus faisant partie intégrante de la vigne.
La Direction Régionale des Douanes et Droits Indirects répond que le rapport et le constat des organismes de défense et de gestion des AOP lui sont inopposables pour avoir été établis par le syndicat professionnel de la société [R] et pour être totalement non contradictoires, il ne s'agit pas de talus mais de falaises qui ne permettent pas une culture de la vigne et ne constituent pas un élément nécessaire à la bonne exploitation de la parcelle.
Sur ce :
Il a déjà été indiqué ci-avant qu'aux termes de l'article 2 du règlement CE n°1122/2009 les zones qui ne peuvent être plantées ne constituent pas une surface agricole et que les appelants ne démontrent ni que les mesures parcellaires ont été prises par l'administration dans le cadre d'une procédure irrégulière, ni que celles-ci seraient inexactes. En conséquence, il n'est nullement démontré, à supposer que la rectification du CVI puisse être considérée comme une sanction, que l'administration a contrevenu au principe de légalité des délits et des peines.
Il est constant que la surface CVI correspond en France à la surface de vigne réellement plantée incluant l'ensemble des éléments du paysage permettant la bonne exploitation de la parcelle. Ces éléments sont les tournières, les talus, les haies et les fossés permettant le bon écoulement des eaux et le drainage de la parcelle. Le calcul de la surface CVI intègre les pieds plantés mais non productifs, ainsi que les manquants.
Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il a été constaté le 21 janvier 2013 que les parcelles litigieuses sont en partie recouvertes de bois et que la forte déclivité de la surface de la parcelle A [Cadastre 4] devait être considérée comme une falaise, que les falaises et autres éléments naturels comme les bois et les étangs sont impropres à la culture de la vigne et ne peuvent être considérés comme des éléments nécessaires à la bonne exploitation des parcelles de vigne ainsi que l'ont indiqué les courriers du 21 mai et 4 septembre 2014, et que les photographies produites par les parties démontrent que les deux parcelles litigieuses et tout particulièrement la parcelle A [Cadastre 4] sont plantées en arbres formant un bois, non entretenu, cette dernière parcelle se terminant par une forte déclivité qui ne peut être assimilée à un talus en raison de son importance.
Le syndicat des vignerons dont le constat qui a été contradictoirement débattu est parfaitement recevable, se contente d'affirmer que ces falaises participeraient à la culture de la vigne par leur rôle de maintien du sol et de réservoir écologique mais ne démontre pas en quoi ces surfaces boisées et pentues seraient nécessaires à l'exploitation des parcelles viticoles considérées.
Or, il est manifeste au vu des éléments ci-avant énoncés et des clichés produits que les falaises et le bois situés sur les parcelles considérées ne permettent pas la culture de la vigne et que les dites parcelles ne peuvent en conséquence être considérées comme intégralement encépagées.
C'est pourquoi le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 21 janvier 2019 sera confirmé dans toutes ses dispositions.
La société [R] et M. et Mme [R], parties perdantes, seront condamnés aux dépens et à payer à la Direction Régionale des Douanes et Droits Indirects la somme de 10'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, leur demande sur ce point étant rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe :
Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 21 janvier 2019 dans toutes ses dispositions ;
Et, y ajoutant :
Condamne la SCEA [R] Père et Fils, Mme [P] [W] épouse [R] et M. [E] [R] à supporter les dépens et à payer à la Direction Régionale des Douanes et Droits Indirects de [Localité 9] la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, leur demande de ce chef étant rejetée.
LE GREFFIER LE PRESIDENT