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14/06/2023 | FRANCE | N°22/03320

France | France, Cour d'appel de Lyon, 2ème chambre a, 14 juin 2023, 22/03320


N° RG 22/03320 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OJAF



















décision du

Président du TJ de lyon

Au fond

du 09 mars 2022



RG :20/05340

chambre 9-Cab 9G



[I]



C/



LA PROCUREURE GENERALE

LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE LYON



2ème chambre A



ARRET DU 14 Juin 2023





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APPELANT :



M. [B] [I]

né le 12 Octobre 1976 à [Localité 9] (ALGERIE)

[Adresse 3]

[Localité 10]







représenté par Me Guillemette VERNET de la SCP ROBIN - VERNET, avocat au barreau de LYON





(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/005409 du 14/04/20...

N° RG 22/03320 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OJAF

décision du

Président du TJ de lyon

Au fond

du 09 mars 2022

RG :20/05340

chambre 9-Cab 9G

[I]

C/

LA PROCUREURE GENERALE

LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

2ème chambre A

ARRET DU 14 Juin 2023

APPELANT :

M. [B] [I]

né le 12 Octobre 1976 à [Localité 9] (ALGERIE)

[Adresse 3]

[Localité 10]

représenté par Me Guillemette VERNET de la SCP ROBIN - VERNET, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/005409 du 14/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

INTIMES :

Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 5]

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

TJ de [Adresse 8]

[Localité 4]

représentés par Mme Laurence CHRISTOPHLE, substitut général

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 13 Avril 2023

Date des plaidoiries tenues publiquement : 10 Mai 2023

Date de mise à disposition : 14 Juin 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré:

- Isabelle BORDENAVE, présidente

- Georges PÉGEON, conseiller

- Géraldine AUVOLAT, conseillère

assistée pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente, et par Sophie PENEAUD, greffière, auquel la minute a été remise par la magistrate signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [B] [I], né le 12 octobre 1976 à [Localité 9] (Algérie), de nationalité algérienne, s'est marié avec Mme [Y] [D] née le 12 novembre 1970, de nationalité française, le 18 novembre 2006 devant l'officier d'état civil de [Localité 7] (69).

De cette union sont issus quatre enfants :

- [F] [I], née le 30 septembre 2005,

- [K] [I], né le 4 avril 2007,

- [X] [I], née le 7 mars 2008,

- Et [L] [I], née le 23 novembre 2011.

Le 18 décembre 2018, M. [I] a souscrit une déclaration d'acquisition de la nationalité française sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, déclaration qui a été enregistrée le 13 mai 2019.

Sur requête du 7 février 2018 et par jugement du 26 novembre 2019, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lyon a prononcé le divorce des époux sur le fondement des articles 233 et 234 du code civil.

Sur assignation du 11 août 2020, M. le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon, aux fins de voir annuler l'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite par M. [I], le tribunal judiciaire de Lyon, par jugement contradictoire du 9 mars 2022, auquel il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé du litige, a :

- constaté l'extranéité de M. [I],

- annulé l'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite le 18 décembre 2018 par M. [I],

- ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil.

M. [I] a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 6 mai 2022.

Cet appel concerne l'ensemble des chefs du jugement tels que listés dans la déclaration d'appel.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 19 juillet 2022, l'appelant demande à la cour, au visa des articles 21-2 et 26-4 du code civil, de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 9 mars 2022 en ce qu'il a :

. constaté l'extranéité de M. [I], né le 12 octobre 1976 à [Localité 9] (Algérie),

. annulé l'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite le 18 décembre 2018 par M. [I], né le 12 octobre 1976 à [Localité 9] (Algérie),

. débouté M. [I] de sa demande de titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné ce dernier aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément à la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique,

. ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil,

- et statuant à nouveau :

- rejeter les demandes du ministère tendant à l'annulation de l'enregistrement de la déclaration de nationalité français souscrite le 18 décembre 2018, par M. [I], né le 12 octobre 1976 à [Localité 9] (Algérie),

- constater que M. [I], né le 12 octobre 1976 à [Localité 9] (Algérie), est de nationalité française,

- ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil,

- laisser les dépens à la charge du Trésor Public.

Au soutien de son appel, il fait valoir qu'il n'est pas contestable qu'une procédure de divorce a été engagée par Mme [D], mais que la communauté de vie matérielle des époux n'avait pas cessé à la date de la requête en divorce ; les différentes pièces communiquées ne sont pas purement administratives mais témoignent du maintien de la communauté de vie des époux notamment la contribution aux dépenses familiales, le maintien de la domiciliation de Mme [D] au domicile conjugal, la perception d'allocations de la CAF plus de dix mois après l'introduction de l'instance, la conservation du compte-joint ; la communauté de vie est également de nature affective entre les époux au jour de la souscription de la déclaration de nationalité par M. [I] ; plusieurs proches du couple ont pu constater la poursuite de leur vie affective en dépit de la procédure de divorce.

Selon des dernières écritures, notifiées le 27 septembre 2022, Mme la Procureure générale près la cour d'appel de Lyon invite la cour à :

- confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil,

- condamner M. [I] aux entiers dépens.

Mme la Procureure générale répond que la communauté de vie est l'obligation d'ordre public qui fonde le mariage ; celle-ci existe lorsque les deux époux avaient, lors de la déclaration, une réelle volonté de vivre durablement en union, qui doit être concrétisée par un ensemble de circonstances matérielles et psychologiques ; le législateur considère que la communauté de vie doit être tant affective que matérielle ; la loi exige que la communauté de vie ait été continue depuis le mariage, et n'ait pas cessé à la date de la déclaration acquisitive de nationalité ; en l'espèce, le divorce des époux [I] [D] a été prononcé le 28 novembre 2019, soit moins de deux mois après l'enregistrement de la déclaration ; la requête en divorce et l'ordonnance de non conciliation sont antérieures à la souscription de la déclaration ; l'attestation de vie commune datée du 17 janvier 2019 est mensongère ; la présomption de fraude est parfaitement caractérisée ; les documents produits par M. [I] pour attester de la réalité de la communauté de vie matérielle et affective ne démontrent qu'une simple domiciliation administrative ; M. [I] ne peut sérieusement soutenir avoir maintenu une vie affective avec son épouse.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions récapitulatives visées ci-dessus pour un exposé complet des faits, prétentions, moyens et arguments des parties.

La clôture a été prononcée le 13 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Conformément à l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est tenue de statuer que sur les demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties.

Du fait de l'effet dévolutif de l'appel, elle connaît des faits survenus au cours de l'instance d'appel postérieurement à la décision déférée et statue au vu de tous les éléments justifiés même s'ils n'ont été portés à la connaissance de l'adversaire qu'au cours de l'instance d'appel.

En l'espèce, l'appel est limité à l'extranéité de M. [I], l'annulation de la déclaration de nationalité, la mention prévue à l'article 28 du cide civil, l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens.

Sur le fond :

Aux termes de l"article 21-2 du code civil : "L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité."

Selon l'alinéa 3 de l'article 26-4 du code civil, l'enregistrement peut être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude.

En l'espèce, la déclaration de nationalité, soucrite par M. [I] le 18 décembre 2018, a été enregistrée le 13 juin 2019.

Sur assignation de M. [I] du 5 février 2019, le divorce des époux [I] [D] a été prononcé, par jugement du 28 novembre 2019, soit moins de six mois après l'enregistrement de la déclaration de nationalité.

Ce jugement fait suite à une requête en divorce déposée le 7 février 2018, et à une ordonnance de non conciliation rendue le 18 septembre 2018, soit deux mois avant le dépôt de la déclaration de nationalité.

L'attestation de vie commune signée par les époux le 17 janvier 2019 paraît dès lors pour le moins fragile.

La vie commune entre les époux ayant cessé dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration de nationalité, il incombe à l'appelant de renverser la présomption de fraude de l'article 54-2 du code civil, en démontrant qu'à la date de la déclaration de nationalité, la communauté de vie matérielle et affective entre époux n'avait pas cessé depuis le mariage.

Le premier juge a procédé à une analyse particulièrement détaillée des pièces produites par M. [I] au soutien de ses prétentions, pour en tirer la conséquence qu'aucune de ces pièces ne démontrait le maintien d'une communauté de vie affective des époux à la date de la déclaration de nationalité soucrite par M. [I].

En effet, M. [I] produisait un avis d'impôt, une attestation de la caisse d'allocations familiales, un appel de fonds du syndic, une attestation de la Caisse d'Epargne, un avis d'échéances de cotisations d'assurance, un relevé de compte-joint, un échéancier d'une mutuelle.

Le premier juge a justement retenu que ces pièces, de nature purement administratives n'étaient pas de nature à établir la persistance d'une communauté de vie affective au jour de la déclaration de nationalité souscrite par M. [I].

M. [I] a aussi produit des attestations tendant à prouver un maintien de la cohabitation entre époux jusqu'en 2020.

Pour trois de ces attestations, il est justement relevé leur caractère imprécis.

Il est produit une attestation de Mme [D], déclarant, le 18 décembre 2020, que le couple vivait sous le même toit.

Comme l'a justement relevé le premier juge, ces attestations sont contredites sur le plan de la communauté de vie materielle, puisqu'alors, aux termes de ses conclusions, et comme dejà dans le cadre de la procedure devant le juge aux affaires familiales, M. [I] indique être domicilié au [Adresse 3] à [Localité 10], alors que Mme [D] expose, au titre de l'identité declinée dans son attestation, qu'elle demeure [Adresse 2] à [Localité 10].

Elle ne saurait dès lors soutenir qu'elle vit sous le même toit que son ex-époux, ce qui remet en cause la sincerité de l'attestation produite.

Comme l'a justement énoncé le premier juge, compte tenu des mentions du jugement de divorce, qui reprennent notamment les termes de la requête et de l'ordonnance de non-conciliation, mais également les prétentions des parties, ainsi que leurs adresses distinctes (dans le domicile familial de [Localité 10] pour M. [I] et au [Adresse 6] à [Localité 11] pour Mme [D]), M. [I] ne saurait, sans se contredire, soutenir que les époux avaient maintenu à la date de sa déclaration de nationalié française, soit au 18 decembre 2018, une communauté de vie tant affective que matérielle.

Apres le depôt de la requête en divorce du 7 fevrier 2018 et le prononcé de l'ordonnance de non-conciliation du 18 septembre 2018, lui comme son épouse avaient conclu, Ie 5 fevrier 2019 et le 24 mai 2019, au prononcé du divorce avec, notamment, la reprise par l'épouse de son nom de naissance et la fixation de la résidence des enfants au domicile de celle-ci.

Devant la cour M. [I] produit :

- une lettre de la direction générale des finances publiques du 2 mars 2020,

- un avis d'échéance assurance auto du 1er octobre 2021 et du 1er octobre 2022,

- une simulation de remboursement anticipé de prêt du 10 janvier 2023.

La première pièce adressée à "M [I] [B] ou Mme [I] [E]" concerne le paiement d'une taxe foncière de 2019.

La deuxième pièce est un avis d'échéance d'assurance automobile du 1er octobre 2021 et du 1er octobre 2022 adressé à "M. [I] [B]".

La troisième pièce,non datée ni signée, est une déclaration de confirmation de remboursement anticipé de prêt bancaire par "M. ou Mme [B] [I]".

Le domicile indiqué sur ces pièces est : [Adresse 3] à [Localité 10].

Ces documents tendent seulement à démontrer une simple domiciliation administrative et non une communauté de vie.

Le jugement de divorce du 28 novembre 2019 mentionne une adresse différente pour les deux époux, le [Adresse 3] étant l'ancien domicile conjugal conservé par M. [I], Mme [I] ayant une autre adresse.

Comme le rappelle le premier juge, l'ordonnance de non conciliation du 18 septembre 2018, intervenue sept mois après la requête en divorce, a constaté l'accepation des époux du principe de la ruture du mariage caractérisant ainsi l'absence d'intention du lien matrimonial.

M. [I] ne peut sérieusement soutenir avoir maintenu une vie affective avec son épouse alors qu'il a été à l'initiative du prononcé du divorce, puisqu'il est à l'origine de l'assignation moins de deux mois après la déclaration de nationalité, et qu'il demandait le maintien des dispositions de l'ordonnance de conciliation, qui consacrait la rupture matérielle et affective des époux.

Il est établi que la communauté de vie, au moins affective, avait cessé entre époux avant la souscription de la déclaration de nationalité française.

Le premier juge a dès lors fait une juste appréciation en constatant l'extranéité de M. [I], en annulant sa déclaration de nationalité française, et en ordonnant la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Le jugement attaqué sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

M. [I], qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à la législation sur l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, après débats publics et après en avoir délibéré,

Dans la limite de sa saisine,

Confirme le jugement rendu le 9 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Lyon en toutes ses dispositions frappées d'appel,

Condamne M. [B] [I] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à la législation sur l'aide juridictionnelle.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Isabelle Bordenave, présidente et par Sophie Peneaud, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre a
Numéro d'arrêt : 22/03320
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;22.03320 ?
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