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14/06/2023 | FRANCE | N°22/01953

France | France, Cour d'appel de Lyon, 2ème chambre a, 14 juin 2023, 22/01953


N° RG 22/01953 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OFU5









Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

Chambre 9 Cabinet 09G

du 9 mars 2022







RG : 19/08674







LA PROCUREURE GENERALE et

LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON



C/



[O] [E]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



2ème chambre A



ARRÊT du 14 JUIN 2023



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APPELANTS



- Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 4]





- M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

[Adresse 7]

[Localité 4]





Représentés par Mme Laurence CHRISTOPHLE, substitut général











INTIMÉ



M. [E] [O]

né le 26 n...

N° RG 22/01953 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OFU5

Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

Chambre 9 Cabinet 09G

du 9 mars 2022

RG : 19/08674

LA PROCUREURE GENERALE et

LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

C/

[O] [E]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

2ème chambre A

ARRÊT du 14 JUIN 2023

APPELANTS

- Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 4]

- M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentés par Mme Laurence CHRISTOPHLE, substitut général

INTIMÉ

M. [E] [O]

né le 26 novembre 2000 à [Localité 5] (Pakistan)

chez [6] [Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Sophie POCHARD, avocate au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 6 décembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 mai 2023

Date de mise à disposition : 14 juin 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Isabelle BORDENAVE, présidente

- Georges PÉGEON, conseiller

- Géraldine AUVOLAT, conseillère

assistés pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffière.

À l'audience, un membre de la Cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente, et par Sophie PENEAUD, greffière, à laquelle la minute a été remise par la magistrate signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par décision du 14 novembre 2018, le directeur de greffe du tribunal d'instance de Vienne a refusé de procéder à l'enregistrement de la déclaration de nationalité française présentée sur le fondement de l'article 21-12 du code civil par M. [E] [O], se disant né le 26 novembre 2000 à [Localité 5] (Pakistan) et placé à l'aide sociale à l'enfance (ASE) depuis le 12 novembre 2015.

Par jugement du 9 mars 2022, faisant droit à la demande de M. [O], le tribunal judiciaire de Lyon a constaté la délivrance du récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile, a annulé la décision de refus d'enregistrement du 14 novembre 2018, a ordonné l'enregistrement de cette déclaration, considérant M. [O] de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et dit que les dépens restaient à la charge de l'État.

Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de Lyon le 14 mars 2022, le ministère public relève appel de cette décision.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 10 juin 2022, Mme la procureure générale demande à la cour de dire délivré le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement de première instance et statuant de nouveau, de débouter M. [O] de sa demande d'enregistrement de sa déclaration de nationalité française, de dire que M. [O] n'est pas français, et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Au soutien de son appel, le ministère public fait valoir l'absence de régularité des actes de l'état civil produits, en ce que, nonobstant un contenu divergent de l'énoncé d'un jugement d'assistance éducative quant au lieu de naissance du requérant, les justificatifs d'état civil ne sont pas régulièrement légalisés, par des autorités compétentes à cet effet, dénonçant également la surlégalisation mise en avant et qui ne vaut pas au regard notamment de la jurisprudence. Il est également fait état de l'incompétence des autorités ayant surlégalisé cet acte d'état civil communiqué, et par ailleurs il est rappelé que la seule qualité d'officier de l'état civil ne saurait suffire à en valider le contenu, le nom de l'officiant devant être explicitement mentionné ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

M. [O] a constitué avocat mais n'a pas conclu.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions récapitulatives visées ci-dessus pour un exposé plus précis des faits, prétentions, moyens et arguments des parties.

La clôture a été prononcée le 6 décembre 2022. L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 10 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel du ministère public

L'appel du ministère public, régulièrement formé, est recevable.

Sur le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile

Aux termes des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation, ou le cas échéant une copie des conclusions soulevant la contestation, est déposée au ministère de la Justice qui en délivre récépissé.

En l'espèce, est versé aux débats le récépissé de la copie de l'acte d'appel daté du 9 juin 2022 délivré par le ministère de la Justice, les diligences de l'article 1043 du code de procédure civile ont ainsi été respectées.

Sur la charge de la preuve

L'article 30 du code civil dispose que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants du Code civil.

En l'espèce, M. [O] ne disposant pas d'un certificat de nationalité française, il lui appartient de faire la preuve de la qualité de français revendiquée.

Au fond

En application de l'article 21-12 du code civil, l'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France.

Toutefois, l'obligation de résidence est supprimée lorsque l'enfant a été adopté par une personne de nationalité française n'ayant pas sa résidence habituelle en France.

Peut, dans les mêmes conditions, réclamer la nationalité française :

1° l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ;

2° l'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins, une formation française soit par un organisme public soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État.

Par ailleurs, il résulte de l'article 16 du décret numéro 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, que le déclarant doit fournir un extrait de son acte de naissance et justifier d'un état civil certain, s'agissant d'une déclaration fondée sur l'article 21-12 du code civil exclusivement réservée aux mineurs, et dont la minorité doit être vérifiée à la date de la souscription.

En toute hypothèse, tout requérant qui aspire à la reconnaissance de sa nationalité, doit justifier d'un état civil fiable par la production d'un acte de l'état civil probant au sens de l'article 47 du code civil selon lequel 'tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française'.

Il résulte de ces fondamentaux que c'est par la production d'un acte de l'état civil que le requérant doit justifier de son état civil, et que cet acte doit être probant au sens de l'article 47 du code civil sus-rappelé.

De plus, selon la coutume internationale, et sauf convention contraire, doit être respectée l'exigence de légalisation des actes de l'état civil établis par une autorité étrangère régulièrement investie à cet effet, et destinés à être produits en France, formalité qui s'impose au souscripteur d'une déclaration de nationalité.

La France n'a pas conclu de convention de dispense de légalisation avec le Pakistan. Il ressort de la Convention de la Haye du 5 octobre 1961 que depuis l'adhésion du Pakistan aux dispositions conventionnelles de 1961, avec entrée en vigueur le 9 mars 2023, les documents pakistanais produits aux administrations françaises devront être revêtus d'une apostille, délivrée par l'autorité pakistanaise compétente.

En l'espèce, ces nouvelles dispositions ne sont pas applicables. Il convient dès lors de rechercher si les actes présentés par M. [O] sont valablement légalisés.

En l'état, sont versées au dossier les photocopies de plusieurs copies intégrales d'acte de naissance de l'intéressé, assorties des photocopies de leur traduction en français. Outre que les photocopies des copies intégrales d'actes de l'état civil ne peuvent avoir la force probante reconnue aux copies intégrales des actes, les pièces versées au dossier ne permettent nullement de s'assurer de l'existence juridique de l'état civil de l'intéressé.

De la même façon, elles ne permettent nullement à la cour d'apprécier la régularité des légalisations exigées, une partie de leur contenu étant illisible. Ainsi le nom de l'officier de l'état civil qui a délivré ou établi la copie intégrale de l'acte de naissance n'est pas précisé et sa signature est illisible.

Par ailleurs, les deux photocopies des copies intégrales de son acte de naissance font apparaître des codes-barres portant des références variant d'un support à l'autre. Or, il n'est pas justifié de ces différences, et a minima fourni tout élément utile à la cour sur la législation pakistanaise relative à ces codes-barres et sur leur appréhension possible par les services auxquels les actes qui en sont porteurs sont destinés.

En l'état, M. [O] ne justifie pas d'un état civil probant et exploitable dans le cadre de sa demande d'accès à la nationalité française.

Nul ne pouvant, à aucun titre, prétendre à la nationalité française s'il ne justifie d'un état civil certain et fiable, le jugement qui a annulé le refus d'enregistrement de la déclaration française notifiée à M. [E] [O], se disant né le 26 novembre 2000 à [Localité 5] au Pakistan, et a dit qu'il était de nationalité française en application de l'article 21-12 du code civil, sera infirmé en toutes ses dispositions.

M. [E] [O], succombant en ses demandes, il sera condamné aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

Déclare recevable l'appel du ministère public,

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [E] [O], se disant né le 26 novembre 2000 à [Localité 5] au Pakistan de sa demande d'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite le 14 novembre 2018 auprès du directeur de greffe du tribunal d'instance de Vienne,

Dit que M. [E] [O], se disant né le 26 novembre 2000 à [Localité 5] au Pakistan, n'est pas de nationalité française,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne M. [E] [O] aux entiers dépens recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Isabelle Bordenave, présidente de chambre, et par Sophie Peneaud, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre a
Numéro d'arrêt : 22/01953
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;22.01953 ?
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