N° RG 22/01142 - N° Portalis DBVX-V-B7G-ODTK
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON
Chambre 1 Cabinet 01 B
du 8 décembre 2021
RG : 19/02388
[I] [M]
C/
[I] [J]
[C] [P]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
2ème chambre A
ARRÊT du 14 JUIN 2023
APPELANTE
Mme [M] [I]
Née le 17 janvier 1993 à [Localité 6] (Rhône)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurence COUPAS, avocate au barreau de LYON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/005809 du 31/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIMÉS
- M. [J] [I]
né le 17 Novembre 1971 à [Localité 6] (Rhône)
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Frédéric LALLIARD de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON
- M. [P] [C]
Né le 14 février 1963 à [Localité 7] (Vietnam)
[Adresse 2]
[Localité 6]
Non représenté
INTERVENANT : Madame la procureure générale près la Cour d'appel de LYON
représentée par Mme Laurence CHRISTOPHLE, substitut général
[Adresse 1]
[Localité 6]
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 6 décembre 2022
Date des plaidoiries tenues en chambre du conseil : 10 mai 2023
Date de mise à disposition : 14 juin 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Isabelle BORDENAVE, présidente
- Georges PÉGEON, conseiller
- Géraldine AUVOLAT, conseillère
assistés pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffière.
A l'audience, un membre de la Cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente, et par Sophie PENEAUD, greffière, à laquelle la minute a été remise par la magistrate signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Des relations entre Mme [O] [D] et M. [J] [I] est issue [M] née le 17 janvier 1993.
L'enfant a été reconnue prénatalement par M. [I].
Suite à assignations des 8 et 11 mars 2019,à l'initiative de Mme [M] [I], en contestation et en recherche de paternité, le tribunal judiciaire de Lyon a, par jugement du 1er avril 2020, ordonné avant-dire droit une expertise génétique et commis pour y procéder le laboratoire Biomnis.
Le 27 janvier 2021, le laboratoire a déposé son rapport dont les conclusions sont les suivantes : «Nous pouvons dire avec une très grande certitude que M. [P] [C] est le père biologique de Mme [I]. Nous pouvons dire avec une très grande certitude que M. [J] [I] n'est pas le père biologique de Mme [M] [I].»
Par jugement contradictoire du 8 décembre 2021, auquel il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- dit que M. [J] [I] n'est pas le père de Mme [M] [I] et annulé en conséquence la reconnaissance de paternité effectuée par ce dernier le 30 octobre 1992,
- dit que M. [P] [C] est le père de Mme [M] [I],
- rejeté la demande de Mme [M] [I] tendant à voir dire qu'elle portera le nom de [C],
- condamné M. [I] et M. [C] aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 8 février 2022, Mme [M] [I] a interjeté de cette décision, l'appel portant uniquement sur le rejet de la demande relative au nom.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 29 avril 2022, Mme [I] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à voir porter le nom de [C],
- dire que Mme [M] [I] se nommera désormais [M] [C],
- ordonner la transcription du jugement à intervenir en marge de l'acte de naissance de Mme [M] [I],
- condamner M. [I] et M. [C] solidairement ou qui mieux le devra aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de maître Coupas sur son affirmation de droit, distraits comme en matière d'aide juridictionnelle totale.
Au soutien de son appel, elle fait valoir que :
- il est de son droit de vouloir porter le nom de son véritable père et non celui de M. [I] qui a été victime d'une usurpation d'identité, qu'elle ne connaît pas et qui a déposé plainte à son encontre, contestant tout lien de parenté avec elle,
- s'il est vrai qu'elle ne connaît pas non plus M. [C], il n'en demeure pas moins son véritable père et elle entend préciser que physiquement elle lui ressemble énormément.
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 10 mai 2022, M. [I] demande à la cour, au visa de l'article 331 du code civil et de la loi numéro 2022-301 du 2 mars 2022, de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir porter le nom
de [C],
- dire que Mme [M] [I] se nommera désormais [M] [C],
- ordonner la transcription du jugement à intervenir en marge de l'acte de naissance,
- condamner M. [P] [C] et Mme [M] [I] solidairement ou qui mieux le devra aux entiers dépens de l'instance.
Il répond que :
- le premier juge a rejeté la demande de Mme [M] [I] tendant à être autorisée à porter le nom de [C] au motif qu'elle fait seulement état de sa filiation biologique à l'égard de ce dernier, et n'expose en aucune façon l'intérêt que représenterait pour elle le fait de porter ce nom,
- il a été victime d'une usurpation d'identité,
- l'expertise biologique déclare qu'il ne peut pas être le père de Mme [M] [I],
il est donc désormais établi que M. [P] [C] est le père de Mme [M] [I].
- il sollicite que soit supprimé son nom et que celui-ci soit remplacé par celui de [C].
M. [C] n'a pas constitué avocat.
La déclaration d'appel lui a été signifiée par acte d'huissier du 19 septembre 2022, par dépôt en l'étude, après domicile vérifié selon les dispositions de l'article 658 du code de procédure civile.
Les conclusions de Mme [I] ont été signifiées par acte d'huissier à M. [C] le 12 mai 2022 à sa personne.
Les conclusions de M. [I] ont été signifiées à M. [C] le 9 juin 2022 par dépôt en l'étude après domicile vérifié selon les dispositions de l'article 658 du code de procédure civile.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions récapitulatives visées ci-dessus pour un exposé complet des faits, prétentions, moyens et arguments des parties.
La clôture a été prononcée le 6 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'étendue de la saisine de la cour
Conformément à l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est tenue de statuer que sur les demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties.
Du fait de l'effet dévolutif de l'appel, elle connaît des faits survenus au cours de l'instance d'appel postérieurement à la décision déférée et statue au vu de tous les éléments justifiés même s'ils n'ont été portés à la connaissance de l'adversaire qu'au cours de l'instance d'appel.
En l'espèce, l'appel est limité à la substitution du nom, de sorte que les autres dispositions du jugement, non frappées d'appel, sont définitives.
Sur le fond
Aux termes de l'article 331 du code civil, lorsqu'une action est exercée en application de la présente section, le tribunal statue, s'il y a lieu, sur l'exercice de l'autorité parentale, la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant et l'attribution du nom.
L'article 61-3-1 du code civil dispose que :
'Toute personne majeure peut demander à l'officier de l'état civil de son lieu de résidence ou dépositaire de son acte de naissance son changement de nom en vue de porter l'un des noms prévus aux premier et dernier alinéas de l'article 311-21. Sans préjudice de l'article 61, ce choix ne peut être fait qu'une seule fois.
Toute personne qui justifie d'un nom inscrit sur le registre de l'état civil d'un autre Etat peut demander à l'officier de l'état civil dépositaire de son acte de naissance établi en France son changement de nom en vue de porter le nom acquis dans cet autre Etat. Lorsque la personne est mineure, la déclaration est effectuée conjointement par les deux parents exerçant l'autorité parentale ou par le parent exerçant seul l'autorité parentale, avec son consentement personnel si elle a plus de treize ans.
Le changement de nom est consigné par l'officier de l'état civil dans le registre de l'état civil en cours. Dans le cas prévu au premier alinéa du présent article, le changement de nom n'est consigné qu'après confirmation par l'intéressé devant l'officier de l'état civil, au plus tôt un mois après la réception de la demande.
Le changement de nom acquis dans les conditions fixées au présent article s'étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire lorsqu'ils ont moins de treize ans. Au-delà de cet âge, leur consentement est requis'.
Il est de l'intérêt de la personne de porter un nom conforme à sa filiation.
En l'espèce, il est désormais passé en force de chose jugée que l'appelante est la fille de M. [P] [C] et non de M. [J] [I].
L'appelante verse aux débats la plainte déposée par M. [J] [I] le 23 août 2018 auprès du procureur de la République de Lyon pour usurpation d'identité, expliquant qu'il conteste tout lien de parenté avec Mme [M] [I] et qu'il souhaite que son nom lui soit retiré.
Il est de l'intérêt de l'appelante que le nom de [C] soit substitué à celui de [I].
Le jugement attaqué sera donc infirmé et, statuant à nouveau, il sera jugé que Mme [M] [I] se nommera désormais Mme [M] [C] avec toutes conséquences de droit pour l'état civil.
M. [C] sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt par défaut, après débats en chambre du conseil, après en avoir délibéré,
Dans la limite de sa saisine,
Infirme le jugement rendu le 8 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lyon en ce qu'il a rejeté la demande de substitution de nom,
Statuant à nouveau,
Dit que Mme [M] [I] se nomme désormais Mme [M] [C],
Ordonne la transcription du présent arrêt en marge de l'acte de naissance de [M] [I],
Condamne M. [P] [C] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par les avocats de la partie adverse contre la partie condamnée dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Isabelle Bordenave, présidente de chambre, et par Sophie Peneaud, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière La présidente