AFFAIRE : CONTENTIEUX PROTECTION SOCIALE
COLLÉGIALE
RG : N° RG 20/04889 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NEH4
S.A.S.U. [4]
S.A.S.U. [3]
C/
[V]
CPAM DU [Localité 7]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de LYON
du 31 Août 2020
RG : 17/02062
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 13 JUIN 2023
APPELANTES :
S.A.S.U. [4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Sofiane HAKIKI de la SELEURL HAKIKI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Marie FAVRE, avocat au barreau de LYON
S.A.S.U. [3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Sofiane HAKIKI de la SELEURL HAKIKI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Marie FAVRE, avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
[J] [V]
né le 12 Avril 1978 à [Localité 6] (AUSTRALIE)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Anne BARLATIER PRIVITELLO de la SELARL BARLATIER, avocat au barreau de LYON
CPAM DU [Localité 7]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
représentée par madame [D] [F] , audiencière, munie d'un pouvoir
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Nathalie PALLE, Présidente
Vincent CASTELLI, Conseiller
Françoise CARRIER, Présidente de Chambre
Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 13 Juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon un contrat à durée indéterminée du 2 mars 2015, M. [J] [V] (la victime, le salarié) a été embauché par la société [3] (la société, l'employeur) en qualité de rédacteur vocal, fonction qui impliquait l'utilisation d'un casque audiophonique.
Le 15 mars 2016, le salarié subissait un accident du travail dû à l'augmentation soudaine et puissante du volume sonore du casque, accident pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 7] au titre de la législation professionnelle.
Par décision du 5 mars 2017, la caisse fixait le taux d'incapacité permanente partielle de la victime à 8 %, dont 3 % au titre du taux socio-professionnel, à la date de consolidation fixée au 11 juillet 2017.
Selon l'avis du médecin du travail du 21 décembre 2016, le salarié était déclaré inapte définitif au poste de rédacteur vocal, le médecin proposant un reclassement à tout poste ne comportant pas d'exposition au bruit.
Le 24 janvier 2017, la société [4] informait le salarié de ce qu'il était désormais, par transfert de contrat de travail, son employeur en lieu et place de la société [3].
Le 7 février 2017, l'employeur notifiait à l'intéressé son licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement. Ce licenciement, contesté par le salarié, a été déclaré nul par jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 27 novembre 2020, décision frappée d'appel par les sociétés [3] et [4].
Le 31 août 2017, le salarié saisissait le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon aux fins de voir':
- dire et juger que l'accident du travail du 15 mars 2016 procède de la faute inexcusable de l'employeur,
- porter la majoration de la rente d'invalidité à son taux maximum,
- ordonner une expertise afin de déterminer les préjudices subis par le salarié,
- allouer au salarié une indemnité provisionnelle de 6'000 euros.
Par jugement du 31 août 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, devant lequel la procédure s'est poursuivie, a':
déclaré que l'accident du travail survenu le 15 mars 2016 est imputable à la faute inexcusable de l'employeur,
- ordonné la majoration du capital attribué au salarié au taux maximum prévu par la loi,
- fixé à 2'000 euros la provision attribuée au salarié à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,
- ordonné une expertise médicale du salarié,
- condamné la société [4] à payer au salarié la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- réservé les dépens.
Par déclaration du 11 septembre 2020, les sociétés [3] et [4] ont interjeté appel du jugement.
Dans leurs conclusions communes déposées au greffe le 20 mars 2023, oralement soutenues à l'audience des débats, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens, les sociétés demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :
débouter la victime de l'intégralité de ses demandes,
condamner la victime à verser aux sociétés [3] et [4] la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la victime aux dépens.
Les sociétés soutiennent essentiellement que la preuve de la faute inexcusable n'est pas rapportée. Elles font valoir'que :
-l'employeur a toujours respecté les dispositions légales applicables en la matière (à savoir l'article R.4431-2 du code du travail relatif aux seuils d'exposition au bruit, les recommandations de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS))
-l'employeur n'avait jamais été alerté sur le risque particulier de choc acoustique avant l'accident du salarié';
-toutes les mesures de prévention et de protection avaient été prises';
-par ailleurs, d'autres éléments extra-professionnels peuvent avoir une incidence sur les dommages auditifs subis par le salarié.
Dans ses conclusions déposée au greffe le 14 janvier 2022, oralement soutenues à l'audience des débats, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la victime demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé à 2'000 euros la provision allouée à valoir sur l'indemnisation de son préjudice';
- infirmer le jugement de ce chef et, statuant à nouveau,
- condamner les sociétés [4] et [3] à lui verser d'une provision sur dommages-intérêts à hauteur de 6'000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, outre intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine,
- débouter les sociétés [4] et [3] de leur demande au titre de l'article 700 code de procédure civile,
déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à la société [3] et à la société [4],
déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 7].
La victime soutient que l'employeur':
- avait parfaitement conscience du danger auquel étaient exposés les salariés, comme en témoigne un courriel du directeur de production à la médecine du travail antérieur à l'accident,
- n'a pris aucune mesure pour protéger ses salariés, notamment en n'ayant établi aucun document unique d'évaluation des risques à la date de l'accident et en n'ayant procédé à aucun test d'audiométrie pour les salariés de l'établissement lyonnais.
Dans ses observations orales à l'audience, la victime a indiqué qu'elle demandait à la cour, non pas la condamnation des sociétés [4] et [3] à lui verser d'une provision sur dommages-intérêts à hauteur de 6'000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, mais la fixation d'une provision à hauteur de la somme de 6'000 euros.
Dans ses conclusions reçues au greffe le 17 janvier 2023, oralement soutenues à l'audience, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, la caisse indique à la cour qu'elle entend intervenir directement à l'instance en reconnaissance de faute inexcusable mais n'entend pas formuler d'observations sur cette reconnaissance. Dans l'hypothèse où la faute inexcusable de l'employeur serait retenue, la caisse demande à la cour de dire et juger qu'elle procédera au recouvrement de l'intégralité des sommes (majoration du capital de la rente et des préjudices) dont elle serait amenée à faire l'avance, directement auprès de l'employeur, y compris les frais relatifs à la mise en 'uvre de l'expertise.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la faute inexcusable
En vertu des dispositions des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l'employeur est tenu d'une obligation légale de sécurité et de protection de la santé envers le travailleur.
Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié. Il suffit qu'elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru à la survenance du dommage.
La faute inexcusable ne se présumant pas, il incombe au salarié de rapporter la preuve que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Au cas particulier, il est acquis que, le 15 mars 2016, le salarié a été victime d'un accident du travail dont il est résulté des lésions auditives.
La déclaration d'accident du travail du 16 mars 2016 est ainsi rédigée':
«'Activité de la victime lors de l'accident': Il exerçait son travail de rédacteur vocal, il retranscrivait un appel.
Nature de l'accident': Augmentation soudaine du son du casque.
Objet dont le contact a blessé la victime': Casque audio.
Siège des lésions': Oreilles (audition)
Nature des lésions': Audition affectée'»
L'employeur n'a émis aucune réserve quant aux circonstances de l'accident et n'en discute pas le caractère professionnel ; en revanche, il conteste avoir commis une faute inexcusable telle qu'alléguée par le salarié.
Il revient à la cour d'examiner si les conditions de la faute inexcusable sont caractérisées.
Sur la conscience du danger
Il est acquis que le danger dont il s'agit est celui d'un choc acoustique, en lien avec l'utilisation d'un casque audiophonique, rendue nécessaire par la nature de l'activité professionnelle de rédacteur vocal du salarié.
Il ressort de la fiche «'choc acoustique'» réalisée par l'INRS dans son dossier «'bruit'», versé aux débats par le salarié, que «'les chocs acoustiques sont des événements électro-acoustiques rares et imprévisibles conduisant à des niveaux de bruit intense (souvent courts) reçus dans les casques utilisés notamment par les opérateurs dans les centres d'appels téléphoniques. Ces dysfonctionnements proviennent généralement de mauvaises isolations (perturbations électromagnétiques / boucles de courant). Conduisant parfois à des traumatismes sonores reconnus comme accident du travail (hyperacousie, décalage temporaire du seuil de l'audition), ils sont insupportables pour les salariés'».
Dans cette même fiche relative aux chocs acoustiques, l'INRS indique': «'De manière générale, l'INRS préconise que les opérateurs du centre d'appels effectuent un audiogramme de référence lors de la visite d'embauche ou soient adressés au service de santé au travail ou chez un médecin ORL pour l'effectuer s'il n'a jamais été réalisé. En effet, les opérateurs susceptibles d'être exposés à des chocs acoustiques ne doivent pas présenter des pertes auditives significatives. De plus, la connaissance antérieure de l'état de leur audition au cas où ils subiraient un choc facilite le diagnostic du médecin du travail ou du médecin ORL'».
Or, le salarié se prévaut également d'un courriel interne de l'employeur horodaté du 26 février 2016, adressé au médecin du travail, ainsi rédigé': «'Je suis directeur de production au sein de la société [3]. A ce titre, je suis en charge du pilotage des opérateurs de la plateforme de [Localité 8]. Lors des différentes visites médicales des opérateurs, je crois savoir que le test d'audiométrie n'est pas systématique. Est-il possible, selon vous, de le systématiser'. En effet, étant donné qu'ils portent un casque audio environ 5 à 6 heures par jour, je pense qu'il convient de suivre cela de près'».
C'est en vain que l'employeur soutient que cette demande n'avait d'autre objet que d'établir l'aptitude des salariés, alors qu'il ressort de ce courriel que l'employeur, antérieurement à l'accident du 16 mars 2016, avait conscience des risques liés à l'utilisation prolongée de casques audio par ses salariés pendant l'exécution de leur contrat de travail, spécialement le risque de choc acoustique, pour la prévention duquel un test d'audiométrie est préconisé.
D'une façon générale, comme l'ont relevé les premiers juges à juste titre, l'employeur, dont l'entreprise est spécialisée dans la transcription instantanée de la parole et qui équipe ses salariés de casques audio, ne pouvait ignorer le danger de choc acoustique lié à l'utilisation prolongée de ces casques, tel que documenté par l'INRS.
A cet égard, c'est tout aussi vainement que l'employeur soutient qu'aucun choc acoustique n'avait eu lieu avant celui du salarié, d'une part, et que la médecine du travail ne lui avait pas spécifiquement signalé ce risque, d'autre part, dès lors qu'à les supposer avérés, ces faits sont inopérants à l'exonérer de sa responsabilité.
De même, l'absence de mention d'un tel risque dans les document unique d'évaluation des risques (DUER) établi en 2014 (sa pièce n° C53) ne permet pas d'en déduire que l'employeur n'en avait pas conscience, ni a fortiori qu'il n'aurait pas dû en avoir conscience. La cour observe à cet égard que le DUER, au titre du risque lié au bruit, n'identifie que le «'bruit ambiant important en openspace'», sans faire aucune mention des risques liées à l'utilisation de casques audio, pour lesquels l'employeur revendique pourtant avoir mis en place des mesures de prévention.
Il en va de même de la mise à jour du DUER, non datée, dont l'employeur allègue qu'elle a été validée le 6 avril 2016, soit en tout état de cause postérieurement à l'accident (sa pièce n°'C19)': le seul risque recensé lié au bruit est celui d'une «'nuisance sonore liée à l'utilisation de la climatisation'», ce qui ne caractérise pas une recherche sérieuse des risques s'agissant de l'utilisation quotidienne et prolongée de casques audio, pour laquelle aucun risque n'est identifié.
Il résulte de ces éléments que le salarié rapporte la preuve de ce que l'employeur avait conscience ou aurait dû avoir conscience du danger de choc acoustique lié à l'utilisation d'un casque audio.
Sur les mesures prises par l'employeur
Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Il est de principe bien établi qu'en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, lorsque le salarié invoque un manquement à l'obligation de sécurité, l'employeur a la charge de prouver qu'il a rempli son obligation (Soc. 12 janvier 2011, pourvoi n°09-70.838, et 17 février 2021, pourvoi n° 19-14.812, arrêts publiés).
Au cas d'espèce, à titre liminaire, la cour relève que l'employeur affirme simultanément n'avoir pas eu conscience du danger de choc acoustique auquel était exposé le salarié mais avoir mis en 'uvre les mesures nécessaires à la prévention de ce risque.
Pour en justifier, l'employeur verse notamment aux débats':
l'attestation de M. [E], responsable de production, en date du 10 avril 2018, selon laquelle chaque salarié de l'entreprise bénéficie d'une sensibilisation sur le son. Cependant, il n'est justifié ni du contenu de cette formation, ni de sa fréquence, ni de ce que la victime en aurait effectivement bénéficié.
le courriel précité du 26 février 2016, par lequel le responsable des opérateurs de [Localité 8] demande à la médecine du travail de réaliser des tests d'audiométrie pour les salariés porteurs de casque audio, alors qu'il n'en avait pas l'obligation. Cette demande de l'employeur n'a toutefois été adressée qu'au médecin du travail compétent pour l'établissement de [Localité 8], dont il n'est ni établi, ni allégué qu'il était également compétent pour les salariés postés hors région parisienne au nombre desquels se trouvait la victime.
La fiche technique et la déclaration de conformité du casque Creative HS-800 Fatality Gaming Headset utilisé par la victime au moment de l'accident, ainsi que le rapport d'intervention de la caisse régionale d'assurance maladie d'[Localité 5] (CRAMIF) en date du 27 février 2018, qui invite l'entreprise à': «'choisir des casques avec une protection contre les chocs acoustiques la plus efficace possible, à cet effet les casques CREATIV FATAL1TY semblent particulièrement efficaces. Une liste de modèle avec leurs caractéristiques est donnée en annexe'».
Toutefois, la cour relève qu'aucun casque de marque Creative Fatal1ty ne figure dans la liste annexée audit rapport, d'une part, et que les spécifications techniques du casque utilisé par la victime au moment de l'accident ne mentionnent pas la présence d'un dispositif limiteur de choc acoustique, d'autre part. Par ailleurs, ce casque est destiné, selon le constructeur, aux joueurs de jeux vidéos et non à un usage professionnel.
Enfin, l'article L. 4121-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2012-954 du 6 août 2012, applicable à la date de l'accident, prévoit que l'employeur doit tenir compte de l'évolution de la technique et la fiche «'choc acoustique'» établie par l'INRS, déjà citée, mentionne la nécessité «'d'équiper tous les postes de limiteurs numériques de dernière génération'». Or l'employeur reconnaît dans ses propres écritures (page 28) ne s'être intéressé «'aux nouvelles technologies proposées sur le marché'» qu'après l'accident du 15 mars 2016, à la suite duquel il a proposé, selon sa note interne du 22 septembre 2016, un autre casque «'qui présente les meilleures garanties de sécurité à ce jour'».
Les autres pièces produites par l'employeur pour justifier des mesures de prévention prises pour préserver le salarié du danger de choc acoustique concernent des actions postérieures à l'accident, et par là-même inopérantes à exonérer l'employeur de sa responsabilité.
Il résulte de ces éléments que l'employeur échoue à démontrer avoir pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié du danger de choc acoustique auquel il était soumis en portant un casque audiophonique pour l'exercice de son activité professionnelle.
L'employeur allègue que la cause des séquelles subies par le salarié serait indéterminée en ce qu'elle pourrait provenir de l'exposition à certains agents ototoxiques professionnels ou extra-professionnels. Toutefois, dès lors que le caractère professionnel de l'accident n'est pas discuté, cet argument, à le supposer démontré, est inopérant à écarter la responsabilité de l'employeur, étant rappelé qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident du travail et qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée.
Les circonstances de l'accident pouvant être mises en rapport de causalité avec les manquements par l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité, il résulte de ce qui précède que la preuve est rapportée de la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de l'accident du travail dont le salarié a été victime.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur les conséquences de la'faute inexcusable
Sur la majoration de la rente
En application des dispositions des articles L. 452-1 et L. 452-2, alinéas 2 et 3, du code de la sécurité sociale, il y a lieu de fixer au maximum légal la majoration de la rente qui est due au salarié dont la caisse devra faire l'avance, par application de l'article L. 452-3.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur les préjudices complémentaires indemnisables, la provision et la mission d'expertise
En application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la victime d'un accident du travail imputable à la'faute inexcusable de l'employeur est fondée à demander réparation, indépendamment de la majoration de la rente ou du capital, du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, des préjudices esthétique et d'agrément, ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
Et il résulte de l'application de la réserve d'interprétation apportée à ce texte par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2010-8 QPC du 18 juin 2010, que la victime est en droit de solliciter devant les juridictions de sécurité sociale la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
C'est donc à juste titre que, avant débat contradictoire sur la liquidation des préjudices complémentaires, les premiers juges ont ordonné une expertise médicale, aux frais avancés de la caisse, afin de déterminer l'ensemble des préjudices définis par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et ceux non couverts par le livre IV.
Au regard de la nature des lésions subies par le salarié, qui justifie d'une hyperacousie douloureuse séquellaire, c'est par une juste appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont fixé à 2 000 euros la provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, dont la caisse devra faire l'avance.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser à la victime la somme de 2'000 euros au titre des frais de première instance non compris dans les dépens.
Compte tenu de l'issue du litige, l'employeur est condamné aux dépens d'appel.
L'équité commande de condamner l'employeur, qui succombe dans son recours, à verser à la victime la somme de 2'000 euros au titre des frais d'appel non compris dans les dépens.
La demande de la victime au titre de l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre la société [3] est rejetée.
La demande de l'employeur et de la société [3] de ce chef est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE'la société [4] à verser à M. [J] [V] la somme de 2'000 euros au titre des frais d'appel non compris dans les dépens';
REJETTE la demande de M. [J] [V] dirigée contre la société [3] au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
REJETTE la demande des sociétés [4] et [3] au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNE la société [4] aux dépens.
La greffière, La présidente,