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08/06/2023 | FRANCE | N°19/06042

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 08 juin 2023, 19/06042


N° RG 19/06042 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MR4U















Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE du 07 juin 2019



RG : 2017j00529











SAS LOCAM



C/



SARL LE GOLF





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 08 Juin 2023







APPELANTE :



SAS LOCAM agissant poursuites et dilige

nces par son dirigeant domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE





INTIMEE :



SARL LE GOLF représentée par ses dirigeants légaux domiciliés audit siège

[Adress...

N° RG 19/06042 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MR4U

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE du 07 juin 2019

RG : 2017j00529

SAS LOCAM

C/

SARL LE GOLF

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 08 Juin 2023

APPELANTE :

SAS LOCAM agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMEE :

SARL LE GOLF représentée par ses dirigeants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Denis WERQUIN de la SAS TUDELA WERQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1813, postulant et ayant pour avocat plaidant Me David GABRIEL, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 21 Août 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Avril 2023

Date de mise à disposition : 08 Juin 2023

Audience présidée par Aurore JULLIEN, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Le Golf exploitait une activité de restaurant brasserie.

Le 3 avril 2015, la société Le Golf a conclu avec la société Location Automobiles Matériels (ci-après « la société Locam ») un contrat de location portant sur une batterie de condensateur fourni par la société Agence française des énergies nouvelles, moyennant le règlement de 60 loyers mensuels de 169 euros HT. Un procès-verbal de livraison et de conformité a été signé le 14 avril 2015.

Le 6 janvier 2016, un incendie est survenu dans le restaurant. Cet incendie a endommagé le bien objet du contrat de location.

Par courrier du 2 juin 2016, la société Locam a formalisé une opposition auprès de la compagnie d'assurance MMA à hauteur de 10.933 euros TTC. Différents échanges ont eu lieu entre les parties concernant la prise en charge du sinistre par les compagnies d'assurance. La société Le Golf a alors cessé de régler ses échéances.

Par courrier recommandé du 7 avril 2017, la société Locam a mis en demeure la société Le Golf de lui régler les échéances impayées sous peine de déchéance et de l'exigibilité de toutes sommes dues au titre du contrat.

Par acte d'huissier du 9 juin 2017, la société Locam a assigné la société Le Golf devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne aux fins d'obtenir le règlement de la somme principale de 12.026,31 euros.

Par jugement contradictoire du 7 juin 2019, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :

- constaté que l'incendie survenu le 6 janvier 2016 constitue un événement présentant les caractéristiques de la force majeure,

- constaté la résiliation de plein droit du contrat de location à la date du 6 janvier 2016,

- débouté la société Locam de ses demandes en paiement,

- condamné la société Locam à payer la somme de 2.000 euros à la société Le Golf au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens sont à la charge de la société Locam,

- rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société Locam a interjeté appel par acte du 21 août 2019.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 2 octobre 2020 fondées sur les articles 1134 et suivants, 1149 anciens et 1218 du code civil et les articles L. 121-1 et L. 121-13 du code des assurances, la société Locam a demandé à la cour de :

- dire bien fondé son appel,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le contrat de location résilié de plein droit, l'a débouté de ses demandes et l'a condamné à payer une indemnité au titre de l'article 700 et aux dépens,

- condamner la société Le Golf à lui régler la somme de 12.026,31 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 7 avril 2017,

- débouter la société Le Golf de toutes ses demandes,

- la condamner à lui régler une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Le Golf en tous les dépens d'instance et d'appel.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 9 novembre 2020 fondées sur les articles 1103, 1104, 1240, 1218, 1351 et 1351-1 du code civil, les articles L. 121-1 et L. 121-13 du code des assurances et les articles 699 et 700 du code de procédure civile, la société Le Golf demande à la cour de :

- juger que ce n'est pas parce qu'elle exploitait un restaurant qu'elle ne pouvait prétendre être victime d'un événement présentant la caractéristique d'imprévisibilité,

- juger ainsi que la rupture du contrat qui la liait avec la société Locam résulte non d'une volonté de rupture unilatérale et brutale de sa part mais bien d'un incendie constitutif d'une force majeure présentant les caractéristiques d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et extérieure,

- juger qu'à partir du moment où il existe un cas de force majeure qui conduit à ce que l'exécution de l'obligation soient définitivement empêchée alors le contrat est résolu de plein droit plus encore, le débiteur cède à son créancier les droits et actions attachées à la chose,

- juger que cette résiliation s'imposera d'autant plus qu'en raison d'un sinistre incendie en date du 6 janvier 2016, le système loué à la société Locam a été manifestement détruit tant par la chaleur que par l'eau utile à l'extinction,

- constater que le 2 juin 2016, la société Locam a fait opposition pour la somme de 10.933 euros TTC de sorte qu'elle a dû se voir indemniser par la compagnie d'assurance MMA,

- constater que la société Locam était privilégiée en raison de son opposition effectuée préalablement à l'indemnité entre les mains de la compagnie d'assurance MMA,

- juger qu'il appartenait à la société Locam, voire à son assurance la société CAMCA, de s'assurer de son indemnisation des mains de la compagnie d'assurance MMA,

- juger qu'elle ne s'est pas opposée à ce que la société Locam soit dûment indemnisée de son préjudice ce qu'elle aurait dû être si elle avait été diligente et qu'il ne saurait lui être fait grief qu'elle ne le soit pas mais seulement de son préjudice et des intérêts légaux, sans pouvoir prétendre à plus,

en conséquence, au principal,

- débouter la société Locam de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions,

subsidiairement,

- faire droit aux demandes de la société Locam à son encontre mais seulement pour la période contemporaine au sinistre qui l'a frappé en janvier 2016 sans qu'il soit fait application de la clause pénale au risque de constituer un enrichissement sans cause de l'appelante,

- la condamner à régler à la société Locam une somme maximale de 10.933 euros TTC,

en tout état de cause,

- condamner la société Locam à lui régler, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, une somme de 2.000 euros en raison du préjudice moral que lui auront causé les procédures successives,

- condamner la société Locam à lui régler une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 30 novembre 2020, les débats étant fixés au 5 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de la société Locam

À l'appui de sa demande de réformation, la société Locam a fait valoir :

- l'absence d'un événement relevant de la force majeure eu égard au fait que le matériel financé n'a subi aucun dommage dans le cadre de l'incendie et de l'intervention des pompiers

- le fait que la force majeure ne saurait être retenue puisque la cause n'était pas extérieure au restaurant, dont l'activité, par nature fait encourir un risque d'incendie, d'autant plus qu'il utilise des équipements électriques mais fonctionnant également au gaz, ce qui rend un incendie prévisible

- le caractère inopérant d'une quelconque force majeure si le matériel n'a pas été endommagé, ce qui est le cas en l'espèce et imposait en conséquence la poursuite du paiement des loyers au titre du financement.

Pour sa part, la société Le Golf a fait valoir :

- l'existence d'une force majeure qui ne saurait être niée au motif que l'activité de restauration du fait de l'usage du gaz ou de l'électricité rendrait prévisible la survenue d'un incendie

- le caractère imprévisible, soudain et irrésistible de l'incendie qui est survenue dans ses locaux

- l'existence d'un dommage grave concernant le matériel, qui est définitivement hors d'usage et de fonctionnement, en raison des tonnes d'eau déversée sur cet appareil électrique

- le transfert en conséquence des droits et action du locataire au profit de la société Locam à l'égard de l'assureur

- la résolution de plein-droit du contrat en cas de qualification de force majeure d'un événement

- la réalisation par l'intimée de toutes les démarches nécessaires auprès de son assureur pour obtenir réparation, et la nécessité en conséquence pour la société Locam de se rapprocher des assureurs et au besoin d'adopter une autre attitude à l'égard de ceux-ci

- l'arrêt logique du paiement des loyers puisque la société Locam allait être indemnisée

- à titre subsidiaire, le rappel que la société Locam, prise en son unité assurance, a formé opposition entre les mains de la MMA pour la somme de 10.933 euros TTC, mais réclame une somme supérieure dans le cadre de son assignation

- la nécessité de modérer les clauses dont la société Locam entend se prévaloir en raison de leur caractère manifestement excessif de la clause pénale fixée à 10% des sommes demandées

- le rappel que le montant versé par l'assurance ne peut excéder le montant de la valeur de la chose assurée.

L'article 1134 du code civil dispose, dans sa version applicable au litige, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise, et doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1148 du code civil, dans sa version applicable au litige, dispose que Il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit.

La force majeure était caractérisée par les éléments suivants s'agissant d'un événement présentant trois caractères cumulatifs c'est-à-dire l'extériorité, l'imprévisibilité et l'irrésistibilité.

En l'espèce, quand bien même l'activité de restauration nécessite effectivement le recours à des appareils électriques ou fonctionnant au gaz, et même si des précautions sont nécessaires, il ne saurait être estimé qu'un incendie relève d'une situation prévisible, d'autant plus que la société Locam ne rapporte pas la preuve de ce que la société Le Golf était défaillante dans le cadre de la prévention incendie.

La problématique relative au paiement des loyers doit toutefois être envisagée puisque si la société Le Golf affirme que le bien financé par la société Locam a été lourdement endommagé et est inutilisable, il ressort des pièces versées aux débats, notamment des échanges avec les experts d'assurance, que le matériel financé n'a subi aucun dommage, cette indication étant donnée à deux reprises par les assureurs.

Dès lors, la société Le Golf ne peut prétendre que le matériel a été détruit pour se défaire de l'obligation de paiement des loyers. En outre, elle ne démontre pas avoir été dans l'incapacité définitive de reprendre son activité commerciale.

En conséquence, elle reste redevable des loyers liés au matériel financé par la société Locam, faute pour elle de rapporter les preuves nécessaires.

Ainsi, il convient d'infirmer dans sa totalité la décision déférée et, au constat de ce que la société Le Golf est liée par le contrat de location financière, de condamner cette dernière à payer les sommes réclamées par la société Locam.

Sur ce point, il sera relevé que la société Le Golf ne rapporte pas la preuve du caractère manifestement excessif des clauses de remboursement et pénale présentes au contrat.

Au regard des décomptes fournis par la société Locam, il convient de condamner la société Le Golf à payer à celle-ci la somme de 12.026,31 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 avril 2017.

Il n'y a pas lieu de tenir compte de l'opposition concernant les sommes octroyées à l'assureur puisque les différentes pièces indiquent que l'indemnité aurait été perçue par la société assurée.

Sur la demande d'indemnisation de la société Le Golf

L'intimée a justifié sa demande par le préjudice moral subi du fait de l'acharnement procédural de la société Locam à son encontre.

L'article 1240 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La société Le Golf ne rapporte pas la preuve de ce que la société Locam aurait commis un abus d'ester dans le cadre de la présente procédure d'autant plus qu'il est fait droit à ses prétentions, sans compter qu'elle ne justifie pas de manière objective du préjudice de la personne morale.

En conséquence, la demande présentée sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Il convient d'infirmer la décision rendue en première instance sur ces demandes.

La société Le Golf échouant en ses prétentions sera condamnée à payer les dépens de l'intégralité de la procédure en première instance et en appel.

L'équité ne commandant pas d'accorder à la société Locam et à la société Le Golf une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les demandes présentées seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel

Infirme dans sa totalité la décision déférée

Statuant à nouveau

Condamne la SARL Le Golf à payer à la SAS Locam la somme de 12.026,31 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 avril 2017

Déboute la SARL Le Golf de sa demande de dommages et intérêts

Condamne la SARL Le Golf à supporter les dépens de l'intégralité de la procédure

Déboute la SAS Locam de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute la SARL Le Golf de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/06042
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;19.06042 ?
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