La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2023 | FRANCE | N°23/04636

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 07 juin 2023, 23/04636


N° R.G. Cour : N° RG 23/04636 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PAQI

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DU 07 Juin 2023





























DEMANDERESSE :



Mme [D] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]



comparante, assistée de Me Ségolène PINET de la SELARL PINET AVOCAT, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE







DEFENDEURS :



M. [R] [N]

[Adresse 2]
r>[Localité 7]



comparant, assisté de Me Laure MATRAY, avocat au barreau de LYON (toque 1239)





M. [C] [N]

[Adresse 3]

[Localité 5]



comparant



Audience de plaidoiries du 07 Juin 2023





DEBATS : audience publique du 07 Juin 2023 tenue par...

N° R.G. Cour : N° RG 23/04636 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PAQI

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DU 07 Juin 2023

DEMANDERESSE :

Mme [D] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparante, assistée de Me Ségolène PINET de la SELARL PINET AVOCAT, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

DEFENDEURS :

M. [R] [N]

[Adresse 2]

[Localité 7]

comparant, assisté de Me Laure MATRAY, avocat au barreau de LYON (toque 1239)

M. [C] [N]

[Adresse 3]

[Localité 5]

comparant

Audience de plaidoiries du 07 Juin 2023

DEBATS : audience publique du 07 Juin 2023 tenue par Anne WYON, Première présidente de chambre à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 2 janvier 2023, assistée de Sylvie NICOT, Greffier, le ministère public ayant été avisé.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée publiquement le 07 Juin 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Anne WYON, Première présidente de chambre et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

Mme [W] [I] veuve [N] est décédée le 13 mai 2023 à [Localité 7]. Une cérémonie de crémation a eu lieu le 23 mai et ses cendres sont restées dans l'établissement des pompes funèbres, ses trois enfants étant en désaccord sur le lieu de leur dispersion.

Les époux [N] avaient souscrit le 18 novembre 2009 un contrat obsèques aux termes duquel était prévue une dispersion de leurs cendres au jardin du souvenir de [Localité 6].

Les cendres de M. [H] [N], époux de Mme [W] [N], ont ainsi été dispersées dans ce jardin du souvenir après son décès survenu le 6 novembre 2021.

Suivant document du 28 décembre 2021, Mme [W] [N] a modifié les dispositions contractuelles afin que ses cendres soient dispersées au jardin du souvenir de [Localité 7]. Ce document est intégralement dactylographié à l'exception de la mention 'la dispersion de descendre au jardin du souvenir' et de la signature ainsi énoncée : Mme [N].

Saisi par M. [R] [N], le juge du tribunal de proximité de Villeurbanne a, par décision du 5 juin 2023 :

- confié au requérant le soin et le droit de fixer le lieu et le mode de sépulture de Mme [W] [N], à savoir une dispersion des cendres dans le jardin du souvenir du cimetière de la commune de [Localité 7],

- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes et

-dit que les trois enfants supporteront chacun un tiers des dépens.

[D] [N] a relevé appel de cette décision le 6 juin 2023 à 11 h 17.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 7 juin à 9h30.

Mme [D] [N] conteste la validité du document du 28 décembre 2021 en indiquant qu'il n'a pas la forme de testament ou de déclaration faite en forme testamentaire comme le prévoit la loi du 15 novembre 1887, et affirme qu'il est dépourvu de valeur testamentaire. Elle indique avoir déposé plainte pour faux et ajoute que sa mère ne signait pas 'Mme' [N].

Elle fait valoir que M. [R] [N] a exercé sur ses parents une véritable emprise, qu'en 2020 il les a fait déménager de leur habitation de [Localité 8] à [Localité 7], à 200 mètres de son domicile, ce qu'elle n'a su que trois mois plus tard. Elle indique qu'à partir de cette date elle n'a eu avec ses parents que des contacts téléphoniques, de même que le reste de la famille, qu'elle a appris le décès de son père plusieurs jours après et par l'intermédiaire d'un tiers, et qu'elle a été informée du décès de sa mère après sa survenance.

Elle s'étonne que le changement de lieu de dispersion de ses cendres n'ait pas été indiqué par sa mère dans les dispositions testamentaires qu'elle a prises devant notaire le 9 mars 2022 et affirme que compte tenu des liens de ses parents qui étaient inséparables et ont vécu 60 ans ensemble, le document du 28 décembre 2021 ne peut refléter la volonté de sa mère.

Elle précise que la plainte qu'elle a déposée contre son frère pour violences sexuelles commises durant son enfance est à l'origine du conflit qui l'oppose à M. [R] [N].

Par conclusions écrites auxquelles elle se réfère expressément, elle demande à la cour de réformer le jugement critiqué et de dire que les cendres de sa mère seront dispersées au jardin du souvenir de [Localité 6] aux côtés de celles de son mari, que lui soient confiés le soin et le droit d'organiser la dispersion des cendres, de juger que la décision à intervenir sera notifiée au maire de la commune de [Localité 6] et de condamner M. [R] [N] à lui verser une somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [R] [N] expose qu'il est la personne la plus qualifiée pour interpréter la volonté de la défunte dans la mesure où depuis le décès de leur père le 6 novembre 2021, son épouse et lui-même ont accompagné sa mère dans ses démarches et à ses rendez-vous, cette dernière souffrant de la maladie de Parkinson, d'un diabète et d'un cancer. Il précise que sa mère n'étant plus autonome depuis le début de l'année 2023, ils ont emménagé à son domicile afin de l'assister. Il indique qu'une altercation qui s'est déroulée à l'occasion de la cérémonie des funérailles de son père au cimetière de [Localité 6], ajoutée à la visite du jardin du souvenir du cimetière de [Localité 7], a conduit sa mère à changer d'avis quant au lieu de dispersion de ses cendres.

Il s'appuie sur le document du 28 décembre 2021 remis aux pompes funèbres, qu'il a dactylographié et demande que la volonté de sa mère soit respectée.

Questionné à l'audience sur la raison pour laquelle sa mère n'avait pas exprimé dans le même acte que ses dispositions testamentaires ses dernières volontés funéraires, M. [R] [N] a répondu qu'il n'avait pas pensé à lui dire de les faire inscrire dans l'acte du 9 mars 2022.

Par conclusions écrites auxquelles il se réfère expressément, il demande à la cour de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il lui a confié le soin et le droit de fixer le mode de sépulture de sa mère, de le réformer sur le surplus et de condamner Mme [D] [N] à lui régler 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel.

Entendu à l'audience, M. [C] [N] a confirmé que ses parents étaient inséparables et qu'il était impensable pour lui que leurs cendres ne soient pas réunies.

MOTIVATION

Ainsi que l'a indiqué le premier juge, le document du 28 décembre 2021 ne peut être qualifié de testament au sens de l'article 3 de la loi du 15 novembre 1887 et des articles 969 et 210 du code civil.

Cet élément de preuve doit cependant être retenu par la cour parmi tous les éléments produits afin de déterminer la volonté de la défunte.

En l'espèce, il est établi que du vivant des deux époux, ceux-ci avaient prévu que leurs cendres reposent ensemble au jardin du souvenir du cimetière de [Localité 6].

Le changement de dispositions de Mme [W] [N] sur ce point est intervenu après le conflit aigu qui oppose ses enfants et son installation à [Localité 7], près du domicile de M. [R] [N].

Il ne résulte que du document du 28 décembre 2021 et des deux attestations de M. [R] [N] et de son épouse qui ont pris soin d'elle jusqu'à son décès.

Or, il n'est pas contesté par M. [R] [N] qu'à compter du déménagement de Mme [W] [N] de son mari ces derniers n'ont eu que des contacts téléphoniques avec leurs deux autres enfants [C] et [D], et que ces derniers n'ont pas été avisés des derniers instants de leurs parents, ce qui accrédite l'isolement de Mme [W] [N] dénoncé par ses enfants [D] et [C] et fragilise la force probante du document du 28 décembre 2021, de même que le fait que Mme [W] [N] n'ait pas fait acter l'expression de sa volonté relativement à la dispersion de ses cendres lorsqu'elle a pris ses dispositions testamentaires en mars 2022.

De plus, Mme [D] [N] produit notamment :

- l'attestation de Mme [E] [N], sa cousine germaine, qui énonce que son cousin [H] a toujours exprimé le désir d'être auprès de son épouse à leur décès, et que la décharge le désirait aussi

- l'attestation de Mme [Z] [N], petite fille de la défunte, qui se rappelle de ses grands-parents toujours ensemble, inséparable à la maison comme à l'extérieur et dit être choquée d'apprendre que sa grand-mère a décidé d'être séparée de son grand-père,

- l'attestation de Mme [U] [N], fille de M. [C] [N], qui confirme le fort lien unissant ses grands-parents, et précise n'avoir jamais entendu sa grand-mère dire qu'elle ne voulait pas être avec son mari ;

- l'attestation de M. [V] [N], frère de M. [H] [N], qui énonce que son frère et ses belles-s'urs ont toujours vécu sa séparation et sans discorde depuis 1964 et qu'il ne comprend pas que leurs cendres puissent être séparées,

- un écrit d'Apollona [N] qui atteste sur l'honneur que ses grands-parents n'ont jamais envisagé d'être séparés après leur décès,

alors que l'intimé ne produit que les attestations de son épouse et de lui-même, étant observé qu'il a indiqué à l'instance avoir 5 enfants.

C'est pourquoi, au regard des dispositions prises par les époux [N] de leur vivant, des circonstances dans lesquelles a été rédigé l'acte du 28 décembre 2021, du fait que Mme [W] [N] n'ait pas réitéré sa volonté devant le notaire en mars 2022, et des nombreuses attestations concordantes attestant des liens qui existaient entre les époux, il y a lieu de réformer la décision du premier juge et de désigner Mme [D] [N] pour fixer le mode et le lieu de la sépulture de Mme [W] [N].

M. [R] [N] supportera les dépens de la procédure de première instance et d'appel et sera condamné à verser à Mme [D] [N] une somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce point étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort :

Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 5 juin 2023 et, statuant à nouveau :

Désigne Mme [D] [N] pour déterminer le lieu et le mode de sépulture de Mme [W] [N], né le 3 septembre 1942 à [Localité 8], et décédée à [Localité 7], le 13 mai 2023, à savoir la dispersion de ses cendres dans le jardin du souvenir du cimetière de [Localité 6] ;

Dit que la présente décision sera notifiée au maire de la commune de [Localité 6] ;

Condamne M. [R] [N] aux dépens de première instance et d'appel , et le condamne à payer à Mme [D] [N] une somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce point étant rejetée.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

remis en mains propres le 7 juin 2023 à :

M. [R] [N], Mme [D] [N], M. [C] [N]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 23/04636
Date de la décision : 07/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-07;23.04636 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award