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05/06/2023 | FRANCE | N°23/04580

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 05 juin 2023, 23/04580


N° RG 23/04580 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PAMH



Nom du ressortissant :

[B] [V]



PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

C/

[V]





COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND

EN DATE DU 05 JUIN 2023

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers







Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du

02 janvier 2023 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France e...

N° RG 23/04580 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PAMH

Nom du ressortissant :

[B] [V]

PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

C/

[V]

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND

EN DATE DU 05 JUIN 2023

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 02 janvier 2023 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Jihan TAHIRI, greffière placée,

En présence du ministère public, représenté par Monsieur Romain DUCROCQ, substitut général, près la cour d'appel de Lyon,

En audience publique du 05 Juin 2023 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de judiciaire de Lyon

représenté par le parquet général de Lyon, en la personne de Romain DUCROCQ, substitut général, près la cour d'appel de Lyon,

ET

INTIMES :

M. [B] [V]

né le 02 Mars 1997 à GAMBIE

Actuellement retenu au centre de rétention administrative 1 de [Localité 3]

Comparant assisté de Maître Nadia DEBBACHE, avocat au barreau de LYON, commis d'office

M. LE PREFET DU PUY DE DOME

[Adresse 1]

[Localité 2]

Non comparant, régulièrement avisée, représenté par la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocat au barreau de l'AIN

Avons mis l'affaire en délibéré au 05 Juin 2023 à 17h00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Le 10 mars 2022, une obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant 3 ans a été notifiée à [B] [V]' par le préfet du Puy-de-Dôme.

Le 02 juin 2023, une obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant 3 ans a été notifiée à [B] [V]' par le préfet du Puy-de-Dôme.

Le 02 juin 2023 [B] [V]' était placé en retenue administrative.

Le 02 juin 2023, l'autorité administrative a ordonné le placement de [B] [V]'en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement.

Suivant requête du 03 juin 2023, réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon le jour même à 17 heures 49, [B] [V] a contesté la décision de placement en rétention administrative prise par le préfet du Puy-de-Dôme.

Suivant requête du 03 juin 2023, reçue le jour même à 14 heures 38, le préfet du Puy-de-Dôme a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Dans son ordonnance du 04 juin 2023 à 13 heures, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a déclaré la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de [B] [V]' irrégulière, ordonné en conséquence sa mise en liberté et dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de prolongation de la rétention administrative de [B] [V].

Le 4 juin 2023 à 15 h 35 le ministère public a formé appel avec demande d'effet suspensif. Il fait valoir que lors de sa retenue administrative, il a été vu a deux reprises par le médecin, qui a jugé compatible la mesure avec son état de santé, sous réserve d'un accès au traitement qui est délivré au centre de rétention. Le juge des libertés et de la détention ne pouvait pas affirmer que l'intéressé tenait des propos incohérents ni se baser sur des éléments postérieurs à l'arrêté de placement en rétention pour déclarer ce dernier irrégulier. Il souligne que contrairement à ce que le juge des libertés et de la détention a écrit les propos tenus devant les services de police étaient cohérents au regard des questions posées. La préfecture n'avait commis aucune erreur d'appréciation et l'ordonnance déférée doit être infirmée.

Par ordonnance en date du 04 juin 2023 à 18 heures 30, et ordonnance rectificative du même jour, notifiée à 21 heures 02, le délégataire du premier président a déclaré l'appel recevable et suspensif.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 05 juin 2023 à 10 heures 30.

Le conseil de la préfecture a régulièrement transmis une attestation de visite médicale par laquelle il est mentionné que l'intéressé a été pris en charge par l'unité médicale du centre de rétention le 02 juin 2023 à 17H20 avec administration de ses traitements.

[B] [V]'a comparu, assisté de son avocat.

M. l'Avocat Général sollicite l'infirmation de la l'ordonnance et reprend les termes des réquisitions du Procureur de la République de Lyon et soutient qu'il doit être fait droit à la requête de la préfecture.

Le préfet du Rhône, représenté par son conseil, s'associe aux réquisitions du Parquet Général et soutient que la décision du juge des libertés et de la détention doit être infirmée la préfecture ayant motivé en suffisance et n'ayant commis aucune erreur d'appréciation en décidant de la nécessité du placement en rétention.

Le conseil de [B] [V]' a été entendu en sa plaidoirie pour solliciter la confirmation de l'ordonnance déférée. Il reprend les termes de sa requête initiale relevant l'insuffisance de motivation outre l'erreur d'appréciation au regard de la vulnérabilité de M. [V].

[B] [V]' a eu la parole en dernier. Il explique qu'il entend des voix, qu'il fait des cauchemars, que dans son pays il n'y a pas de soins psychiatriques et ne veut pas y retourner. Il ne sait pas où aller, exprime sa détresse et sa fatigue.

MOTIVATION

Attendu que le ministère public est appelant de la décision mais que le conseil de la personne retenue maintient l'ensemble des moyens soulevés en première instance ; Que pour une meilleure compréhension de la décision, les moyens seront repris dans l'ordre évoqué devant le premier juge ;

Sur le moyen pris de l'insuffisance de la motivation de la décision de placement en rétention administrative et du défaut d'examen de la situation individuelle de la personne retenue

Attendu qu'il résulte de l'article L. 741-6 du CESEDA que la décision de placement est écrite et motivée ;

Qu'il est constant que cette motivation se doit de retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l'administration pour prendre sa décision, ce qui signifie que l'autorité administrative n'a pas à énoncer, puis à expliquer pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté ; Que pour autant, l'arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d'éléments factuels liés à la situation individuelle et personnelle de l'intéressé, et ce au jour où l'autorité administrative prend sa décision ;

Attendu que le conseil de M. [V] reproche à la décision préfectorale de ne pas mentionner le fait qu'il dispose d'un dossier avec le nom d'une assistante sociale au centre hospitalier [4] de [Localité 2], des certificats de rendez-vous au point jeunes accueil, une attestation de domicile sans hébergement du collectif Pauvreté Précarité, outre le fait qu'il craint des persécutions s'il retourne en Gambie ;

Attendu qu'en l'espèce, l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme est motivé, notamment, par les éléments suivants :

- [B] [V]'a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour de 3 ans délivrée le 10 mars 2022 ;

- une nouvelle obligation de quitter le territoire français a été délivrée le 02 juin 2023 ;

- le 25 juin 2022 M. [V] a été assigné à résidence dans l'arrondissement de [Localité 2] pour une durée de 6 mois ;

- suivant procès-verbal du 08 juillet 2022 la carence de M. [V] aux obligations de pointage a été constatée par les services de police ;

- les 16 août et 30 octobre 2022, M. [V] a été assigné à résidence dans l'arrondissement de [Localité 2] pour une durée de 6 mois ;

- suivant procès-verbal du 10 novembre 2022, la carence de M. [V] aux obligations de pointage a été constatée par les services de police ;

- le comportement de [B] [V]'est constitutif d'une menace pour l'ordre public puisqu'il a été condamné à la peine de 12 mois d'emprisonnement pour des faits de vol, vol aggravé, refus de se soumettre au prélèvement biologique destiné à l'identification de son empreinte génétique, entre autres infractions ;

- l'intéressé est connu des services de police pour des multiples faits commis entre 2019 et 2021 ;

- [B] [V]'ne peut justifier ni d'un hébergement stable et établi sur le territoire français ni de la réalité de ses moyens d'existence ;

- il est démuni de tout document d'identité ;

- le médecin qui l'a examiné les 1er et 02 juin 2023 a considéré que son état était compatible avec le maintien en retenue sous réserve qu'il suive le traitement prescrit, et dès lors il ne ressort pas de l'évaluation qui a été faite d'élément de vulnérabilité susceptible de faire obstacle à une mesure de rétention.

Attendu que dans son audition devant les services de police M. [V] a indiqué qu'il était à la rue et n'avait pas de domicile fixe ; Que suivant certificat médical du 01 juin 2023 le docteur [N] a indiqué que la mesure de retenue était compatible avec l'état de santé de M. [V] sous réserve de la délivrance de son traitement ; que suivant certificat médical en date du 02 juin 2023 le médecin a indiqué que son état était compatible sous réserve de la délivrance de son traitement en attendant examen médical ;

Que contrairement à ce qui est soutenu la motivation retenue par la préfecture reprend les éléments tirés de la procédure qui ont trait à la situation personnelle et à l'état de santé de M. [V] ;

Attendu qu'il convient de retenir que le préfet du Puy-de-Dôme a pris en considération les éléments de la situation personnelle et la vulnérabilité de [B] [V]' pour motiver son arrêté de manière suffisante et circonstanciée ;

Que le grief tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision contestée est infondé, comme l'a retenu le premier juge.

Sur le moyen pris de l'erreur d'appréciation des garanties de représentation au regard de la vulnérabilité présentée par l'étranger

Attendu que l'article L. 741-1 du CESEDA dispose que «L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision. Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.» ;

Que l'article L. 741-4 ajoute que «La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.»

Attendu que la régularité de la décision administrative s'apprécie au jour de son édiction, au regard des éléments de fait connus de l'administration à cette date et l'obligation de motivation ne peut s'étendre au-delà de l'exposé des éléments qui sous-tendent la décision en cause ;

Attendu que M. [V] a produit devant le juge des libertés et de la détention diverses pièces qui établissent qu'il est suivi par l'équipe mobile psychiatrie précarité suivant attestation du 22 août 2022 et que suivant certificat du 19 août 2022 son médecin généraliste explique qu'il présente une « pathologie psychiatrique non étiquetée » , qu'il a suivi des soins en 2021, avec rupture depuis juillet 2022 et qu'au mois d'août 2022 il a bénéficié d'une consultation de médecine générale où : « un état psychologique instable incluant des hallucinations et des cauchemars ont été remarqués. Un traitement par Lexomil et Lormetapezam a été délivré ce jour » ;

Que la préfecture a versé aux débats un certificat médical de Dockever attestant que M. [V] avait été pris en charge par l'unité médicale du centre de rétention administrative le 02 juin 2023 à 17H20 avec administration de ses traitements, ce document permettant de vérifier que les réservés émises par le médecin consulté lors de la procédure de retenue avaient été suivies et que M. [V] a donc vu le service médical et obtenu son traitement médical ;

Attendu que le préfet du Puy-de-Dôme a considéré le fait que [B] [V] souffrait de troubles et qu'il pouvait disposer de soins à cet effet au centre de rétention ainsi qu'il résulte du certificat qui atteste que le traitement nécessaire à M. [V] lui a été délivré ; Qu'aucun élément n'établit que l'état de santé allégué par [B] [V]'n'est pas compatible avec la rétention administrative ; Qu'il lui appartiendra le cas échéant de saisir le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, seul habilité pour ce faire, s'il entend voir reconnaître une telle incompatibilité ;

Attendu que l'intéressé ne dispose pas de garantie de représentation effectives, pour être sans domicile fixe, vivre à la rue et être suivi par le Pôle Précarité ; Qu'il est dépourvu de document d'identité ou de voyage en cours de validité et s'est soustrait à une mesure d'assignation à résidence ;

Attendu dès lors qu'il n'est pas caractérisé que l'autorité administrative a commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant du placement en rétention administrative de M.[V] et que la décision entreprise est infirmée en ce qu'elle a déclaré la décision de placement en rétention irrégulière ;

Que de surcroît ce que critique fondamentalement M. [V] ainsi qu'il l'a expliqué à l'audience c'est le fait de devoir repartir en Gambie alors qu'il n'aura pas accès dans ce pays, selon ses dires, à un suivi médical psychiatrique ; Que ce faisant il remet en cause la pertinence de la mesure d'éloignement dont la critique relève de la seule appréciation du tribunal administratif, étant précisé qu l'intéressé a formé un recours contre l'obligation de quitter le territoire français délivrée dernièrement qui sera examiné par le tribunal administratif le jeudi 08 juin ;

Attendu que M. [V] est dépourvu de tout document de voyage et que la préfecture justifie avoir saisi l'ambassade de Gambie par courrier et par mail du 02 juin 2023 pour obtenir l'identification de l'intéressé ; Que des diligences sont en cours afin d'obtenir un laissez-passer consulaire et que la requête en prolongation de la rétention est bien fondée et justifiée ;

Attendu qu'en conséquence l'ordonnance entreprise est infirmée et qu'il est fait droit à la requête en prolongation de la rétention formée par la préfecture du Puy de Dôme ;

PAR CES MOTIFS

Infirmons la décision du premier juge en ce qu'elle a déclaré l'arrêté de placement en rétention irrégulier ;

Statuant à nouveau

Déclarons l'arrêté de placement en rétention du préfet du Puy de Dôme régulier ;

Prolongeons la rétention administrative de M. [V] pour une durée de 28 jours ;

Le greffier, Le conseiller délégué,

Jihan TAHIRI Isabelle OUDOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 23/04580
Date de la décision : 05/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-05;23.04580 ?
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