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05/06/2023 | FRANCE | N°23/00070

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 05 juin 2023, 23/00070


N° R.G. Cour : N° RG 23/00070 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O5RS

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DE REFERE

DU 05 Juin 2023





























DEMANDERESSE :



S.A.R.L. LV GROUP immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 817 871 957 représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 3]



avocat postulant : la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHIL

IPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON (toque 475)



avocat plaidant : Me Mathieu PROUSTEAU substituant Me Claire DUPONT GUERINOT, avocat au barreau de l'Ain





DEFENDEUR :



M. [Y] [O]

[Adresse 1]

[Locali...

N° R.G. Cour : N° RG 23/00070 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O5RS

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DE REFERE

DU 05 Juin 2023

DEMANDERESSE :

S.A.R.L. LV GROUP immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 817 871 957 représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 3]

avocat postulant : la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON (toque 475)

avocat plaidant : Me Mathieu PROUSTEAU substituant Me Claire DUPONT GUERINOT, avocat au barreau de l'Ain

DEFENDEUR :

M. [Y] [O]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Abdelrahim ABBOUB de la SELARL 3A - AUBERT - ABBOUB - AVOCATS, avocat au barreau de LYON (toque 3805)

Audience de plaidoiries du 22 Mai 2023

DEBATS : audience publique du 22 Mai 2023 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 2 janvier 2023, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée publiquement le 05 Juin 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

EXPOSE DU LITIGE

M. [Y] [O] a été embauché par contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 19 décembre 2019 avec prise d'effet au 9 janvier 2020 en qualité de directeur clientèle par la S.A.R.L. LV Group (LV). Il est licencié le 28 septembre 2020 pour faute grave.

Par acte du 22 décembre 2020, M. [O] a assigné la société LV devant le conseil de prud'hommes de Lyon, lequel par jugement contradictoire du 25 novembre 2022 a notamment en ordonnant l'exécution provisoire de l'entier jugement :

- condamné la société LV à verser à M. [O] les sommes suivantes :

5 833,34 € au titre du préavis, outre 583,33 € de congés payés afférents,

546,88 € au titre de l'indemnité de licenciement,

673,05 € au titre de la mise à pied outre 13,46 € de congés payés afférents,

134,61 € au titre de la journée du 18 mars travaillée et non payée, outre 13,46 € de congés payés afférents,

5 833,34 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

4 097,09 € au titre du salaire différentiel entre la rémunération brute et le salaire versé entre mars et juin 2020, outre 409,70 € de congés payés afférents,

2 188,24 € au titre de commissions contractuelles, outre 218,82 € de congés payés afférents,

17 500,02 € au titre du travail dissimulé,

114,96 € au titre des frais de santé de février 2020, outre 114,96 € au titre de dommages et intérêts pour manquement fautif de l'employeur,

- fixé le salaire brut de M. [O] à 2 916,67 €,

- condamné la société LV à verser à M. [O] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société LV a interjeté appel de cette décision le 13 décembre 2022.

Par assignation en référé délivrée le 13 avril 2023 à M. [O], elle a saisi le délégué du premier président afin d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire.

A l'audience du 22 mai 2023 devant le délégué du premier président, les parties, régulièrement représentées, s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

Dans son assignation, la société LV invoque les dispositions de l'article 514-3 du Code de procédure civile et soutient qu'il existe des chances sérieuses de réformation étant donné que sur le fond du dossier, le conseil de prud'hommes n'a pas tenu compte des directives expresses données à M. [O] par la société LV, de son comportement fautif et déplacé à l'égard des autres salariés.

Elle affirme que la juridiction a statué ultra petita en la condamnant à verser des sommes supérieures à celles demandées par M. [O].

Elle soutient qu'il existe un risque de cessation des paiements dont les conséquences seraient irréversibles pour ses salariés.

Elle fait état d'une trésorerie de 193,50 € au 18 janvier 2023, de résultats négatifs sur les deux derniers exercices et de trois crédits professionnels à rembourser qui l'empêchent de contracter un nouveau prêt.

Elle craint un risque de non-restitution des sommes en l'absence de garantie ou de consignation.

Elle souligne que dans le cadre de la procédure d'appel, une ordonnance d'injonction d'avoir à rencontrer un médiateur a été rendue et perdrait tout intérêt si l'exécution provisoire n'était pas arrêtée.

Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 19 mai 2023, M. [O] s'oppose aux demandes de la société LV et sollicite la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile comme à supporter les entiers dépens.

Il excipe de l'application de l'article 517-1 du Code de procédure civile pour soutenir que le premier président n'a pas le pouvoir d'apprécier la régularité ou le bien fondé de la décision rendue par le premier juge pour en suspendre les effets.

Il affirme que la société LV ne prouve pas que l'exécution provisoire du jugement du conseil de prud'hommes de Lyon risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives, les deux pièces produites par elle n'étant pas probante au regard du résultat de la procédure de saisie attribution.

Il ajoute que la société LV ne démontre pas en quoi l'exécution provisoire serait susceptible de lui causer un dommage irréversible ou quasi-irréversible. Il relève que si la société LV ne fait pas partie d'un groupe, elle bénéficie par ses associés communs de la santé des sociétés détenues par ces derniers.

Il s'oppose à une éventuelle demande de consignation que la société LV n'a pas fait figurer au dispositif de son assignation.

Lors de l'audience, les parties ont précisé que la procédure de médiation lancée par la cour d'appel avait d'ores et déjà pris fin. Sur interpellation du délégué du premier président, la société LV a précisé solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire de l'intégralité de la décision du conseil de prud'hommes, qu'elle soit attachée de droit ou qu'elle ait été prononcée. Il a alors été relevé que les dispositions de l'article 517-1 du Code de procédure civile étaient seules applicables aux condamnations bénéficiant de l'exécution provisoire ordonnée.

En l'état de ce qu'il a été indiqué qu'une procédure de saisie-attribution lancée par M. [O] avait été fructueuse, la société LV qui indique être toujours dans le délai pour saisir le juge de l'exécution d'une contestation de cette saisie a été autorisée à justifier dans le cadre d'une note en délibéré au cas où elle délivrerait une assignation en saisissant le juge de l'exécution.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Attendu que le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 25 novembre 2022 est d'une part assorti de plein droit de l'exécution provisoire sur une partie des condamnations prononcées, alors que cette décision a en outre décidé de la prononcer, cette exécution provisoire concernant ainsi tous les autres chefs de son dispositif ;

Attendu que si les dispositions de l'article 514-3 du Code de procédure civile ont vocation à s'appliquer aux sommes assorties de l'exécution provisoire de droit, seules celles de l'article 517-1 s'appliquent concernant l'exécution provisoire ordonnée ;

Attendu que l'article R.1454-28 du Code de travail dispose : « A moins que la loi ou le règlement n'en dispose autrement, les décisions du conseil de prud'hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire. Le conseil de prud'hommes peut ordonner l'exécution provisoire de ses décisions.

Sont de droit exécutoires à titre provisoire, notamment :

1° Le jugement qui n'est susceptible d'appel que par suite d'une demande reconventionnelle ;

2° Le jugement qui ordonne la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer ;

3° Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement. »

Attendu que l'exécution provisoire de droit attachée au jugement rendu le 25 novembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Lyon, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ne peut être arrêtée, conformément aux dispositions des articles R. 1454-28 du Code de travail et 514-3 du Code de procédure civile, que lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ;

Que l'article R. 1454-28 énumère les condamnations qui sont assorties de cette exécution provisoire de droit :

«a) Le versement de provisions sur les salaires et accessoires du salaire ainsi que les commissions ;

b) Le versement de provisions sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ;

c) Le versement de l'indemnité compensatrice et de l'indemnité spéciale de licenciement en cas d'inaptitude médicale consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle mentionnées à l'article L. 1226-14 ;

e) Le versement de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8 et de l'indemnité de fin de mission mentionnée à l'article L. 1251-32 » ;

Que le conseil de prud'hommes de Lyon a fixé la moyenne de salaire brut définie dans l'article R. 1454-28 à 2 916,67 € ;

Attendu qu'en l'espèce, cette exécution provisoire de droit correspond à la somme totale de 26 250,03 €, comprenant les condamnations aux titres du préavis, de l'indemnité légale de licenciement, des salaires, du salaire différentiel et des congés payés afférents, inférieur au seuil du texte ci-dessus rappelé ;

Attendu que s'agissant de l'exécution provisoire ordonnée, les dispositions de l'article 517-1 du Code de procédure civile prévoient qu'elle peut être arrêtée lorsqu'elle est interdite par la loi et comme pour celle qui est de droit que lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ;

Attendu que la société LV ne soutient pas que l'exécution provisoire ordonnée est interdite par la loi ;

Que les deux conditions communes édictées par les articles 514-3 et 517-1 du Code de procédure civile sont cumulatives ;

Attendu que s'agissant de l'existence de conséquences manifestement excessives, il y a lieu de rappeler qu'il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue en fonction des facultés de remboursement de l'intimé si la décision était infirmée, mais également de la situation personnelle et financière du débiteur ;

Qu'en outre, le caractère manifestement excessif des conséquences de la décision rendue ne saurait exclusivement résulter de celles inhérentes à la mise à exécution d'une condamnation au paiement d'une somme d'argent ou d'une décision autorisant l'expulsion, mais ces conséquences doivent présenter un caractère disproportionné ou irréversible pour la partie contrainte par l'exécution provisoire ;

Attendu que comme M. [O] l'a relevé dans ses écritures il appartient à la société de rapporter la preuve de ces risques occasionnés par l'exécution provisoire ;

Attendu que la société LV affirme que si elle était contrainte de procéder au règlement des condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes elle risquerait de se retrouver en état de cessation des paiements ; qu'elle ajoute se trouver dans une situation financière délicate en connaissant une trésorerie au plus bas tout en devant procéder au remboursement de trois crédits professionnels d'un montant total de 110 000 € ;

Attendu que pour appuyer ses affirmations d'une situation financière délicate, la société LV ne produit que :

- un document intitulé «projets de bilan et de compte de résultat» pour la période du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, sans qu'il puisse être vérifié qu'un expert comptable soit intervenu pour sa rédaction ou sa validation et qu'il soit expliqué les raisons pour lesquelles un exercice clos depuis plus de 10 mois n'a pas fait l'objet de comptes définitifs, bien plus détaillés que les comptes plus que synthétiques ainsi fournis,

- un courrier émanant de la BNP Paribas daté du 18 janvier 2023 faisant état des soldes au 18 janvier 2023 d'un compte chèque à hauteur de 193,50 € et de trois crédits professionnels pour des montants respectifs de 8 498,72 €, 58 344,08 € et 47 757,60 € ;

Attendu que ces documents sont bien insuffisants et en grande partie inopérants à réfléter la situation financière actuelle de la société LV et en particulier ses capacités en matière de trésorerie et d'obtention de nouveaux crédits ;

Attendu que la saisie-attribution reconnue effectuée le 26 avril 2023 et comme ayant été reconnue lors de l'audience comme fructueuse à hauteur de 10 000 € ne corrobore en rien la faible trésorerie mentionnée dans le courrier susvisé, alors qu'il n'est pas en outre établi que cette mesure ait été contestée dans les délais devant le juge de l'exécution, malgré l'autorisation donnée à cette fin de déposer une note en délibéré ;

Que les éléments produits sont insusceptibles de caractériser un risque de cessation des paiements et en tout état de cause qu'une ouverture de procédure collective ait nécessairement des conséquences irréversibles sur l'entreprise et ses salariés ;

Attendu qu'en l'état de cette carence probatoire et sans qu'il soit besoin d'apprécier le sérieux des moyens de réformation articulés par la société LV, il convient de rejeter sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire ;

Que la société LV n'a pas présenté de demande tendant à être autorisée à consigner, et il n'est pas plus besoin d'examiner cette éventualité ;

Attendu que la société LV succombe et doit supporter les dépens de ce référé comme indemniser son adversaire des frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,

Vu la déclaration d'appel du 13 décembre 2022,

Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la S.A.R.L. LV Group,

Condamnons la S.A.R.L. LV Group aux dépens de ce référé et à verser à M. [Y] [O] une indemnité de 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 23/00070
Date de la décision : 05/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-05;23.00070 ?
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