La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2023 | FRANCE | N°23/00055

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 05 juin 2023, 23/00055


N° R.G. Cour : N° RG 23/00055 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O3SH

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DE REFERE

DU 05 Juin 2023





























DEMANDEUR :



M. [O] [E]

[Adresse 4]

[Localité 2]



avocat postulant : Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON (toque 1102)



avocat plaidant : Me Hélène MOREIRA, avocat au barreau d

e GRENOBLE







DEFENDERESSE :



Société ACTION REPRISE

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me MAUBERT Benjamin substituant Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON (toque 1...

N° R.G. Cour : N° RG 23/00055 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O3SH

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DE REFERE

DU 05 Juin 2023

DEMANDEUR :

M. [O] [E]

[Adresse 4]

[Localité 2]

avocat postulant : Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON (toque 1102)

avocat plaidant : Me Hélène MOREIRA, avocat au barreau de GRENOBLE

DEFENDERESSE :

Société ACTION REPRISE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me MAUBERT Benjamin substituant Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON (toque 1470)

Audience de plaidoiries du 22 Mai 2023

DEBATS : audience publique du 22 Mai 2023 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 2 janvier 2023, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée publiquement le 05 Juin 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

EXPOSE DU LITIGE

En 2016, la S.A.R.L. [E], dont le gérant est M. [O] [E], exploitant son activité au sein d'un bien immobilier détenu par la S.A.S. des Sorbières (Sorbières), a fait appel à la S.A.R.L. Action entreprise afin de trouver des repreneurs dans le cadre d'une cession des titres de l'entreprise ou de son fonds de commerce moyennant une commission de 6 % du prix de vente. Une nouvelle lettre de mission a été signée en 2019 entre les sociétés Action reprise et [E].

En janvier 2021, un acquéreur a été trouvé par la société Action reprise et une lettre d'intention a été signée mais la société Sorbières et M. [E], considérant que la vente de l'immobilier n'était pas comprise dans l'objet du contrat de vente, ont refusé de payer les factures émises par la société Action reprise.

Par acte du 2 décembre 2021, la société Action reprise a assigné la société Sorbières et M. [E] devant le tribunal de commerce de Lyon, lequel par jugement contradictoire du 2 janvier 2023 a notamment en retenant sa compétence territoriale :

- condamné M. [E] à payer à la société Action reprise, conformément à la lettre de mission signée le 28 octobre 2019 :

la somme de 51 000 € HT, soit 61 200 € TTC, au titre de la facture portant sur le solde des honoraires liés à la cession des murs de l'exploitation Menuiserie [E],

la somme de 6 000 € HT, soit 7 200 € TTC, au titre de la facture de commission portant sur la cession des titres de la société [E],

- condamné M. [E] à payer à la société Action reprise la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [E] et la société Sorbières ont interjeté appel de cette décision le 18 janvier 2023.

Par assignation en référé délivrée le 3 mars 2023 à la société Action reprise, M. [E] a saisi le délégué du premier président afin d'être autorisé à consigner la somme de 70 812,11 € sur le compte CARPA ouvert à cet effet et d'obtenir la condamnation de la société Action reprise à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'audience du 22 mai 2023 devant le délégué du premier président, les parties, régulièrement représentées, s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

Dans son assignation, M. [E] invoque les dispositions de l'article 521 du Code de procédure civile et soutient que la consignation des sommes permet de garantir la société Action reprise du recouvrement de la somme en cas de succès de son action.

Il fait état du risque de non-représentation des fonds en cas de réformation du jugement étant donné que la société Action reprise ne publie pas ses comptes.

Il invoque le contexte de la guerre en Ukraine ainsi que celui de la baisse du marché de la cession d'entreprise en France depuis 2010.

Il prétend qu'il existe des chances sérieuses de réformation du jugement tenant au fait que la société Action reprise sollicite le versement d'honoraires en raison de la vente par la société Sorbières alors même qu'aucun contrat portant mandat de vente n'a été signé.

Il relève que le contrat invoqué par la société Action reprise ne fait pas état du numéro d'inscription sur le registre des mandats, ce dernier est donc nul.

Il affirme que le mandat concernait uniquement la cession de l'activité de menuiserie et non la cession des locaux commerciaux détenus par la société Sorbières.

Il soutient que la société Action reprise n'est pas fondée à émettre des factures d'un montant de 78 400 €, elle a été réglée de la somme de 7 200 €, correspondant au règlement des diligences dans le cadre de la cession des titres de la société [E].

Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 23 mars 2023, la société Action reprise demande au délégué du premier président de débouter M. [E] de sa demande de consignation et à titre reconventionnel, d'ordonner la radiation de l'affaire, de condamner M. [E] à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et à la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient qu'aucune observation concernant l'exécution provisoire n'a été faite en première instance et qu'il est irrecevable à agir sur le fondement de l'article 514-3 du Code de procédure civile.

Elle affirme que la consignation la priverait du bénéfice de l'exécution provisoire et conteste le risque de non-représentation des fonds en cas de réformation du jugement.

Elle considère que la garantie de confidentialité des comptes vis-à-vis des tiers ne préjudicie aucunement de sa solvabilité et qu'en étant inscrite depuis février 2005 au RCS de Lyon, elle n'a jamais fait l'objet d'un incident.

Elle prétend que le marché de la cession d'entreprise est en très forte croissance depuis la fin de la crise sanitaire et que la guerre en Ukraine a débuté un an avant le prononcé du jugement attaqué.

Elle rappelle que la juridiction du premier président n'a pas à apprécier les chances de réformation du jugement dans le cadre de l'article 521 du Code de procédure civile.

Elle revendique le caractère dilatoire de la demande de M. [E], dans l'unique objectif de gagner quelques mois supplémentaires dans l'exécution de la décision.

Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 17 mai 2023, M. [E] demande au délégué du premier président de déclarer irrecevable la demande de radiation de la société Action reprise et de la débouter de l'ensemble de ses prétentions.

Il conteste avoir organisé son insolvabilité et prétend ne pas avoir perçu le prix de vente de la cession.

Il soutient que le jugement attaqué sera nécessairement réformé étant donné qu'aucun contrat n'a été passé avec la société Action reprise et qu'il n'existe donc pas de mandat de vente qui en tout état de cause n'a pas de numéro d'inscription.

Il affirme que le mandat donné à la société Action reprise concernait uniquement la vente de l'activité de menuiserie ou de la société [E].

Il considère la demande de radiation de la société Action reprise irrecevable, cette dernière ayant été introduite postérieurement à la saisine du conseiller de la mise en état.

Lors de l'audience, la société Action reprise a indiqué qu'elle ne maintient pas sa demande reconventionnelle de radiation de l'instance d'appel et qu'elle a d'ores et déjà saisi le conseiller de la mise en état d'un incident en ce sens. M. [E] a sollicité à titre subsidiaire que la consignation soit opérée entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Sur la demande de consignation

Attendu qu'aux termes de l'article 521 du Code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation ;

Que le pouvoir prévu par ce texte est laissé à la discrétion du premier président, le demandeur n'ayant comme charge que d'invoquer un motif légitime pour être autorisé à procéder à cette consignation qui n'a pas pour effet d'arrêter l'exécution provisoire mais d'empêcher sa poursuite ;

Attendu que cette demande ne suppose nullement que soit caractérisés les critères de l'article 514-3 du Code de procédure civile, ce qui rend inopérant l'argument relevé par la société Action reprise fondé sur les dispositions de ce texte comme de l'article 514''1 du même code et sur l'absence d'observations devant le premier juge sur l'exécution provisoire de la décision à intervenir ou de demande d'écart de l'exécution provisoire ;

Attendu que la faculté ouverte ou non de M. [E] de solliciter maintenant un arrêt de l'exécution provisoire n'est pas de nature à le priver de celle de demander l'application de l'article 521, l'appréciation de son comportement depuis l'intervention de la décision de première instance concernant uniquement le bien fondé de cette prétention ;

Qu'il en est de même concernant la faculté qui lui était laissée de saisir le tribunal de commerce d'une demande de consignation ;

Attendu que les développements des parties sur les chances sérieuses de réformation pour être intéressants et pour correspondre à une discussion pouvant notamment conduire le cas échéant à ce qu'une incompétence soit retenue par la cour, ne sont pas plus de nature à déterminer le caractère légitime des motifs invoqués pour solliciter une consignation, comme l'a relevé la société Action reprise ;

Attendu que M. [E] fait valoir qu'il se trouve dans l'ignorance des capacités financières de la société Action reprise à le rembourser en cas d'infirmation de la décision dont appel, à raison de ce que cette société publie ses comptes mais en les maintenant confidentiels ;

Que cette faculté légale de maintien d'une confidentialité de ses comptes conduit nécessairement la société Action reprise à devoir fournir dans le cadre de la présente instance les éléments financiers de nature à rassurer son adversaire sur ces capacités de représentation en cas d'infirmation de la décision, l'objet même de la publication des comptes étant la sécurisation des rapports entre les entreprises par la connaissance d'éléments minimaux de leur santé financière ;

Attendu qu'en acceptant de rendre indisponibles dans l'attente de la décision de la cour des condamnations au total de 70 812,11 €, M. [E] ne peut être considéré comme ayant l'attitude dilatoire reprochée par son adversaire ;

Attendu que la société Action reprise ne fournit aucun élément concernant sa situation financière actuelle, ce qui ne permet en rien de présumer qu'elle dispose effectivement des capacités de représentation des fonds susceptibles de lui être versés dans le cadre de l'exécution provisoire ;

Attendu que la discussion entre les parties sur la prospérité ou sur la récession du marché des cessions d'entreprise est indifférente en ce qu'elle n'est pas fondée sur des éléments concrets et sur des évolutions effectives du marché ciblé par la société Action reprise ;

Attendu que la société Action reprise, en contestant subir une quelconque évolution péjorative de son activité et de ses résultats financiers qu'elle tient à maintenir secrets, ne peut reprocher à son adversaire de revendiquer une mesure qui a effectivement pour effet de garantir les droits respectifs des parties, en sécurisant pour le créancier la disponibilité des fonds et en garantissant leur débiteur en cas d'infirmation du jugement dont appel ;

Que la proposition faite par cette société le 21 février 2023 d'accepter la consignation d'une somme de 35 000 € dans l'attente de la décision de la cour conforte de plus fort que les sommes issues des condamnations ne sont pas considérées par la société Action reprise comme essentielles à son activité ou à sa santé financière ;

Attendu que la demande de consignation judiciaire des fonds en compte CARPA ne pouvait prospérer car elle contrevient aux dispositions d'ordre public de l'article L. 518''19 du Code monétaire et financier, selon lesquelles les juridictions ne peuvent autoriser ou ordonner des consignations auprès d'organismes autres que la Caisse des dépôts et consignations, les consignations faites en infraction à ces dispositions étant nulles et non libératoires ;

Qu'il convient de faire droit à la demande de consignation entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations faite à titre subsidiaire lors de l'audience par M. [E], les précisions étant faites au dispositif de la présente ordonnance ;

Sur la demande de radiation de l'instance d'appel

Attendu que la société Action reprise a renoncé à soutenir cette prétention devant le délégué du premier président et a précisé qu'elle était présentée devant le conseiller de la mise en état ;

Qu'au surplus en l'état de la consignation ici autorisée, elle aurait été insusceptible de prospérer si elle avait été déclarée recevable devant nous ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Attendu, à titre liminaire, que les dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile invoquées par la société Action reprise sont impropres à fonder une demande indemnitaire ; que cette société ne précise ainsi pas le fondement juridique de sa prétention ;

Qu'il n'appartient pas aux parties de saisir le juge d'une prétention tendant au prononcé d'une amende civile, cette initiative étant strictement réservée à la juridiction ;

Attendu que M. [E] a prospéré en sa demande ce qui rend sans objet une demande fondée sur l'abus de son droit d'agir ;

Attendu que cette demande de dommages et intérêts doit être rejetée ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que la société Action reprise succombe et doit supporter les dépens de ce référé ;

Que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de M. [E] ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,

Vu la déclaration d'appel du 18 janvier 2023,

Autorisons M. [O] [E] à consigner la somme de 70 812,11 € auprès de la Caisse des dépôts et consignations au plus tard dans le délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision,

Disons que l'exécution provisoire pourra être reprise par le créancier à défaut de couverture de la consignation fixée,

Rejetons la demande de dommages et intérêts présentée par la S.A.R.L. Action reprise,

Condamnons la S.A.R.L. Action reprise aux dépens de ce référé mais rejetons les demandes présentées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 23/00055
Date de la décision : 05/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-05;23.00055 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award