N° RG 23/04552 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PAK5
Nom du ressortissant :
[G] [Y]
[Y]
C/
PREFET DU PUY DE DOME
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 03 JUIN 2023
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Stéphanie ROBIN, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 02 janvier 2023 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assistée de Séverine POLANO, greffier,
En l'absence du ministère public,
En audience publique du 03 Juin 2023 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
M. [G] [Y]
né le 04 Juillet 2003 à [Localité 6]
de nationalité Serbe
Actuellement retenu au centre de rétention administrative [5]
comparant assisté de Maître Seda AMIRA, avocat au barreau de LYON, commis d'office, et avec le concours de Madame [F] [L], interprète en langue serbe, liste CESEDA, ayant prêté serment à l'audience
ET
INTIME :
M. LE PREFET DU PUY DE DOME
[Adresse 2]
[Localité 3]
Non comparant, régulièrement avisé, représenté par la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'Ain
Avons mis l'affaire en délibéré au 3 juin 2023 à 16 heures 00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Une obligation de quitter le territoire français sans délai, avec interdiction de retour pour une durée de deux ans a été notifiée à [G] [Y] le 30 mai 2023, par le préfet du Puy de Dôme.
Par décision en date du 30 mai 2023, l'autorité administrative a ordonné le placement de [G] [Y] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire à compter du 30 mai 2023.
Suivant requête du 31 mai 2023, réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention le 31 mai 2023 à 18 h36 et enregistrée sous le n° RG 23/1977, [G] [Y] a contesté la décision administative de placement en rétention prise par le préfet du Puy de Dôme.
Suivant requête du 31 mai 2023, reçue le 31 mai 2023 à 15 heures 08, le préfet du département du Puy de Dôme a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours. La procédure a été enregistrée au greffe sous le N° RG 23/01976
Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 1er juin 2023 à 12 heures 05, a :
' ordonné la jonction des deux procédures,
' déclaré recevable en la forme la requête de [G] [Y] ,
' l'a rejetée au fond,
' déclaré régulière la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de [G] [Y] ,
' déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,
' déclaré régulière la procédure diligentée à l'encontre de [G] [Y],
' ordonné la prolongation de la rétention de [G] [Y] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 4] pour une durée de vingt-huit jours.
[G] [Y] a interjeté appel de cette ordonnance, par déclaration au greffe le 2 juin 2023 à 10 heures 41, en faisant valoir que la décision de placement en rétention était insuffisamment motivée en droit et en fait, que celle-ci était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses garanties de représentation, et qu'il n'y avait pas de nécessité et de proportionnalité de prononcer un placement en rétention.
[G] [Y] a demandé d'infirmer l'ordonnance déférée, de déclarer irrégulière la mesure de placement en rétention administrative prise par le préfet du département du Puy de Dôme et d'ordonner sa remise en liberté.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 3 juin 2023 à 10 heures 30.
[G] [Y] a comparu, et a été assisté d'un interprète en langue serbe et de son avocat.
Le conseil de [G] [Y] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel.
Le préfet du département du Puy de Dôme, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée.
[G] [Y] a eu la parole en dernier.
MOTIVATION
-Sur la recevabilité de l'appel
L'appel de [G] [Y], relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est déclaré recevable ;
- Sur la régularité de la décision de placement en rétention
- Sur le moyen pris de l'insuffisance de la motivation de la décision de placement en rétention administrative et du défaut d'examen de la situation individuelle
Il résulte de l'article L. 741-6 du CESEDA que la décision de placement en rétention est écrite et motivée.
Cette motivation se doit de retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l'administration pour prendre sa décision, ce qui signifie que l'autorité administrative n'a pas à énoncer, puis à expliquer pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté.
Pour autant, l'arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d'éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l'intéressé, et ce au jour où l'autorité administrative prend sa décision, sans avoir à relater avec exhaustivité l'intégralité des allégations de la personne concernée.
L'avocat de [G] [Y] prétend que l'arrêté de placement en rétention du préfet du département du Puy de Dome est insuffisamment motivé en droit et ne fait pas état d'un examen sérieux de sa situation personnelle, ne mentionnant pas qu'il vit avec sa mère et ses six frères et soeurs et indiquant qu'il ne dispose d'aucun logement, alors qu'il a été assigné à résidence à son domicile, domicile où il a été interpellé le 29 mai 2023.
En l'espèce le préfet du Puy de Dome a retenu que :
-[G] [Y] avait déjà fait l'objet d'une décision, portant obligation de quitter le territoire français le 18 février 2022 et d'une assignation à résidence le 20 février 2022, et que des manquements aux obligations de présentation à un service de police ont été constatés,
- qu'il a été placé en garde à vue le 29 mai 2023 pour des faits de vol aggravé par deux circonstances et soustraction à une obligation de quitter le territoire français.
- qu'il serait arrivé en France en 2021,
- qu'il n'a entrepris aucune démarche depuis sa majorité pour régulariser sa situation,
- qu'il a déclaré dans son audition le 29 mai 2023 ne bénéficier d'aucun logement et qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente, l'assignation à résidence antérieure n'ayant pas été respectée et qu'il ne présente donc pas de garanties de représentation effectives, propres à prévenir un risque de soustraction à la mesure d'éloignement,
- qu'il est célibataire et sans charge de famille,
Le préfet a ainsi pris en compte et interprété les propos de l'intéressé, étant observé que ce dernier a d'une part transmis une adresse postale se situant [Adresse 1] à [Localité 3] et a d'autre part précisé vivre dans une caravane vers le stade de [Localité 3].
Il ne justifie pas dans ces conditions d'une résidence stable et effective.
La décision de placement en rétention rappelle en outre que son père est en Serbie et qu'il dispose d'autres attaches familiales là bas.
Il ne peut être fait grief à la préfecture de ne pas avoir mentionné la présence de la mère en situation irrégulière sur le territoire français et l'absence d'examen sérieux de la situation familiale n'est pas caractérisée dans ces conditions.
Par ailleurs, [G] [Y] ne s'est pas expliqué sur ses garanties de représentation et n'a pas contesté l'absence de respect de la mesure d'assignation à résidence.
Au regard de ces éléments, [G] [Y] ne caractérise pas une absence d'examen sérieux de sa situation concernant sa vie familiale et personnelle.
Dès lors, le préfet du Puy de Dôme a pris en considération les éléments de la situation personnelle de [G] [Y] pour motiver son arrêté de manière suffisante et circonstanciée.
En conséquence, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation est rejeté et l'ordonnance déférée confirmée sur ce point.
- Sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation des garanties de représentation
L'article L. 741-1 du CESEDA dispose que «L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.» ;
L'article L. 741-4 ajoute que «La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.
Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.»
La régularité de la décision administrative s'apprécie au jour de son édiction, au regard des éléments de fait connus de l'administration à cette date et l'obligation de motivation ne peut s'étendre au-delà de l'exposé des éléments qui sous-tendent la décision en cause.
L'avocat de [G] [Y] soutient que l'autorité administrative a commis une erreur d'appréciation et que son placement en rétention n'est pas nécessaire, dans la mesure où il vit route de la plaine avec sa famille, lieu où il a été assigné à résidence.
Cependant, comme il a été énoncé précédemment, [G] [Y] ne dispose pas d'un logement stable, au regard de ses déclarations. En outre, il n'a pas exécuté une précédente obligation de quitter le territoire français et n'a pas respecté l'assignation à résidence. Le risque de fuite est ainsi présumé, en l'absence de respect de l'assignation à résidence.
Il ressort de ces éléments qu'aucune erreur d'appréciation quant aux garanties de représentation n'a été commise par le préfet du puy de Dôme
Par ailleurs, [G] [Y] invoque le défaut de diligences depuis le 20 février 2022 pour l'éloigner du territoire.
Cependant comme l'a relevé le juge des libertés et de la détention, les dispositions de l'article L 741-3 du CESEDA ne concernent que la période de rétention de l'étranger examinée et non celle antérieure.
Dès lors, l'argument sur l'absence de nécessité et de proportionnalité du placement en rétention qu'il déduisait de l'absence de diligences dans ce cadre ne peut davantage prospérer.
La décision n'est donc pas irrégulière, en raison d'une erreur d'appréciation de la situation de vulnérabilité particulière de [G] [Y], contrairement à ce que son avocat prétend.
Ce moyen ne peut dès lors être accueilli.
En conséquence, à défaut d'autres moyens soulevés,l'ordonnance entreprise est confirmée.
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable l'appel formé par [G] [Y],
Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.
Le greffier, Le conseiller délégué,
Séverine POLANO Stéphanie ROBIN