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01/06/2023 | FRANCE | N°21/02817

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 01 juin 2023, 21/02817


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/02817 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NQ55





[T]



C/



Association ADAPEI DE LA LOIRE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ST ETIENNE

du 22 Mars 2021

RG : 18/00168



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 01 JUIN 2023







APPELANT :



[C] [T]

né le 29 Mars 1960

[Adresse 4]
>[Localité 3]



représenté par Me Filomène FERNANDES de la SAS FILOMENE FERNANDES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



Association ADAPEI DE LA LOIRE

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/02817 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NQ55

[T]

C/

Association ADAPEI DE LA LOIRE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ST ETIENNE

du 22 Mars 2021

RG : 18/00168

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 01 JUIN 2023

APPELANT :

[C] [T]

né le 29 Mars 1960

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Filomène FERNANDES de la SAS FILOMENE FERNANDES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

Association ADAPEI DE LA LOIRE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat postulant du barreau de LYON et par Me Christian BROCHARD de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat plaidant du barreau de LYON substitué par Me Marion DEWERDT, avocat au même barreau.

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Mars 2023

Présidée par Etienne RIGAL, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Thierry GAUTHIER, conseiller

- Vincent CASTELLI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 01 Juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE

L'Association Départementale des Amis et Parents d'Enfants Inadaptés de la LOIRE ( ADAPEI DE LA LOIRE) ( ci-après l'association) est une association loi 1901, reconnue d'utilité publique, qui accueille et accompagne des enfants et adultes porteurs d'un handicap mental.

Elle emploie plus de 10 salariés qui bénéficient des dispositions de la Convention Collective Nationale du Travail des Établissements et Services pour Personnes Inadaptées et Handicapées du 15 mars 1966.

Après avoir été salarié de l'association suivant de multiples contrat de travail à durée déterminée, Monsieur [C] [T] a été embauché par celle-ci, à compter du 16 septembre 2013 et cela jusqu'au 15 septembre 2014, dans le cadre d'un Contrat Unique d'Insertion (CUI), en qualité ' d'Agent d'Accompagnement Technique', échelon 1, coefficient 304 de la classification conventionnelle applicable et sur la base d'un temps partiel de 104 heures mensuelles , soit 26 heures hebdomadaires.

Ledit contrat a été renouvelé dans les mêmes conditions pour la période du 16 septembre 2014 au 15 septembre 2015.

À compter du 1er mars 2015, Monsieur [T] a été embauché par le même employeur, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, sur la base d'une durée du travail mensuelle de 75,43 heures.

À cette occasion, son contrat de travail a indiqué qu'il occuperait désormais les fonctions de 'Moniteur d'Atelier', 2ème classe, échelon 1, coefficient 411 de la classification conventionnelle applicable.

À la même date, Monsieur [T] a régularisé un avenant contractuel portant sa durée du travail à un temps plein, dans le cadre du remplacement de Monsieur [W], absent pour cause d'invalidité.

À compter du 5 décembre 2015, les parties ont convenu d'augmenter définitivement la durée du travail de Monsieur [T], sur la base d'un tel temps plein.

Au dernier état de la relation contractuelle, Monsieur [T] percevait un salaire mensuel brut de base de 1 646,88 €.

Il a été convoqué par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 12 avril 2017 à un entretien fixé au 21 avril 2017, préalable à un éventuel licenciement.

L' association lui a notifié son licenciement pour faute grave, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 5 mai 2017.

Par requête reçue au greffe le 5 avril 2018, ce salarié a fait convoquer son ancien employeur devant le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne et cela afin notamment de contester le bien-fondé de son licenciement et d'obtenir le paiement des sommes suivantes, avec intérêts au taux légal :

' 6 011,90 € à titre de rappel de salaire, outre 601,19 € de congés payés afférents,

' 2 000 € de dommages-intérêts pour mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail,

' 5 346,27 €, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 534,63 € de congés payés afférents,

' 3 267,16,€, à titre d'indemnité de licenciement,

' 22 000 €, à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

' 2 000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association comparante demandait au conseil de :

- Dire que les demandes concernant la classification conventionnelle étaient prescrites depuis le 15 septembre 2015,

- Dire que le licenciement querellé repose bien sur une faute grave,

En conséquence, débouter le demandeur de l'ensemble de ses prétentions,

- Le condamner à lui payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit conseil, le 22 mars 2021, rendait un jugement dont le dispositif était rédigé comme il suit :

'Dit que la demande relative à la classification professionnelle de Monsieur [C] [T] est prescrite et rejette en conséquence ses demandes de rappel de salaire, de congés payés afférents et de dommages-intérêts,

Requalifie le licenciement pour faute grave notifiée le 5 mai 2017 à Monsieur [C] [T] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

Condamne l'association ADAPEI à verser à Monsieur [C] [T] les sommes suivantes :

' 5346,27 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 534,63 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

' 3267,16 € à titre d'indemnité de licenciement

Condamne l'association ADAPEI à verser la somme de 1 500 € à Monsieur [C] [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboute l'association de sa demande reconventionnelle à ce titre,

Déboute Monsieur [C] [T] et l'association ADAPEI du surplus de leurs demandes,

Condamne l'association ADAPEI aux entiers dépens.'

Le 20 avril 2021, Monsieur [C] [T] a interjeté appel de ce jugement.

Au terme de ses dernières conclusions, notifiées le 13 juillet 2021, ce dernier demande à la cour

- d'infirmer le jugement et de :

- Dire qu'il a toujours occupé les fonctions de 'Moniteur d'atelier 2ème classe' et , qu'il n'a donc pas bénéficié du minimum salarial conventionnel,

En conséquence,

- Condamner l'ADAPEI à lui verser les sommes suivantes :

- 6 011,90 € à titre de rappels de salaires, outre 601,19 € de congés payés y afférents,

- 2 000 € de dommages- intérêts pour mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail,

- Dire que le licenciement pour faute grave notifié le 05 Mai 2017 n'est pas justifié,

En conséquence,

- Condamner l'ADAPEI à lui verser les sommes suivantes :

- 5 346,27 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 534,63 € de congés payés y afférents,

- 3 267,16 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 22 000,00 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner l'ADAPEI la somme de 2 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner l'ADAPEI aux intérêts légaux.

L'association, comparante, au terme de ses dernières écritures, notifiées le 11 octobre 2021, demande à la cour, à titre principal, de :

- Infirmer la décision des premiers juges en ce qu'ils ont requalifié le licenciement pour faute grave de Monsieur [T] en licenciement pour cause réelle et sérieuse et condamné l'ADAPEI DE LA LOIRE à lui verser diverses sommes,

Statuant à nouveau,

- DIRE que le licenciement de Monsieur [T] repose sur une faute grave,

- Confirmer le jugement de première instance pour le surplus,

Partant,

- Débouter Monsieur [T] de l'ensemble de ses prétentions,

- Le condamner à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande en rappels de salaires

Cette demande découle de l'affirmation par le salarié de ce qu'il occupait en réalité un des fonctions de 'Moniteur d'atelier 2ème classe' et qu'il n'a donc pas bénéficié du minimum salarial conventionnel.

Arguments des parties

L'appelant expose que :

Il a été employé en contrats à durée déterminée par l'ADAPEI à de très nombreuses reprises , afin de combler les absences d'employés de l'ESAT LA GRAND CROIX.

Ainsi, au cours de la période allant du 13 Février 2009 au 31 Mai 2013, il a signé pas moins de 285 de tels contrats..

Dans le cadre de ces contrats, il a été amené à remplacer des agents occupant la fonction de 'Moniteur d'Atelier 1ère et 2ème classe'.

Au terme de ces contrats, nonobstant son ancienneté et l'expérience acquise dans l'établissement, il s'est vu proposer d'intégrer l'association dans le cadre d'un CUI d'une durée de 1 an à compter du 16 Septembre 2013, cela en qualité de simple ''Agent d'accompagnement technique'.

Malgré son investissement et ses tâches confiées, il ne s'est ainsi pas vu attribuer la même qualification que précédemment, l'ADAPEI préférant lui ayant attribué cette seule qualification' d'Agent d'accompagnement technique', poste qui n'existe pas dans la grille conventionnelle.

Ce contrat fera l'objet d'un renouvellement le 16 Septembre 2014 pour une durée similaire, le terme étant fixé au 15 Septembre 2016.

Avant même le terme du CUI, Monsieur [T] signera un CDI à temps partiel le 1er Mars 2015, dans lequel on lui a enfin reconnu sa qualité de' Moniteur d'atelier 2ème classe'.

En réalité, il s'est toujours vu confier les mêmes fonctions.

La cour observera que l'ADAPEI n'explique pas en quoi les fonctions qu'il a exercées au cours du premier contrat CUI auraient été différentes au point de ne pas lui permettre de bénéficier de la qualité de 'Moniteur d'Atelier ', coefficient 411 depuis le 16 Septembre 2013 et ainsi de lui attribuer la rémunération de base de 1.545,36 € brut.

Elle ne se laissera pas abuser par les man'uvres de l'ADAPEI et conclura que, dès son embauche le 16 Septembre 2013, il a occupé le poste de 'Moniteur d'Atelier 2ème classe'.

L'intimée répond que :

La Cour ne pourra que constater qu'une telle demande est prescrite.

En effet, Monsieur [T] demande à la Cour de tirer les conséquences du non-respect des minimas conventionnels qu'il prétend subir depuis 2013 .

Dans ces conditions, le délai de prescription de l'action de Monsieur [T] a commencé à courir dès son embauche, et donc au plus tard, à compter du 16 septembre 2013.

Par conséquent, l'action engagée par Monsieur [T] est prescrite depuis le 15 septembre 2015, s'agissant d'une action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrivant par 2 ans.

Au fond, ce salarié ne produit aucune pièce ayant trait aux fonctions qu'il exerçait.

Par conséquent, on ne voit pas dans quelle mesure il pourrait sérieusement contester son embauche en qualité d'Agent d'Accompagnement Technique, à compter du 16 septembre 2013.

Sur ce

L'article L 32 45 '1 du code du travail énonce que :

'L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.'

La contestation de la classification de l'emploi occupé a conduit l'appelant à une demande en rappels de salaires pour une période comprise dans les 3 années précédant son licenciement et est ainsi recevable au regard de cette disposition légale.

Le jugement querellé sera bien infirmé en ce qu'il a déclaré prescrite ladite demande et l'a, en conséquence, rejetée.

Au fond sur cette demande, il sera rappelé que la qualification professionnelle se détermine par les fonctions réellement exercées par le salarié (Cass. Soc 22 octobre 2008, n°07-41.632).

Cependant, il appartient au salarié qui revendique le bénéfice d'une classification supérieure à celle reconnue par son employeur de rapporter la preuve que les fonctions qu'il exerce correspondent à la classification revendiquée, conformément aux dispositions conventionnelles.

Monsieur [T] fonde sa demande sur le seul fait que les fonctions qu'il occupait en suite du contrat formé 16 septembre 2013 auraient été identiques à celles qu'il occupait antérieurement, selon de multiples contrats temporaires formés avec son employeur.

Cependant, comme le relève son adversaire et comme l'a retenu le conseil de prud'hommes, il ne dépose aux débats aucune pièce relative aux fonctions réellement occupées à compter du 16 septembre 2013, ni d'ailleurs aucune pièce ayant trait aux fonctions qui étaient les siennes antérieurement, qui permettraient une comparaison.

Dans ces conditions sa demande en rappels de salaires apparaît fondée sur sa seule affirmation d'une identité de fonctions qui n'est étayée par aucun élément de preuve.

En l'état et en raison de sa carence probatoire, elle sera rejetée au fond.

Sur la demande en dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

Outre ladite demande en paiement de rappels de salaires, l'appelant forme une demande de dommages-intérêts fondée sur une exécution fautive de son ancien employeur lequel ne l'a pas classifié conformément aux fonctions qui étaient les siennes.

De ce chef, en revanche, il sera rappelé que l'article L 1471-1 du code précité dispose que

'Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.'

Cette dernière demande en ce qu'elle tend à obtenir des dommages-intérêts du fait des conditions d'exécution du contrat de travail se prescrit dans les conditions de délai prévues par cette dernière disposition légale.

Il sera relevé que le comportement fautif ainsi allégué par Monsieur [T] quant à une exécution de mauvaise foi du contrat de travail par son ancien employeur a trait à la période antérieure au 1er mars 2015.

L'action judiciaire tendant à obtenir des dommages-intérêts de ce chef a été formée suivant requête reçue au greffe le 5 avril 2018 ; dès lors, cette demande en dommages-intérêts en ce qu'elle porte sur l'exécution fautive du contrat de travail est bien prescrite et ainsi irrecevable.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave

Arguments des parties

Monsieur [T], s'agissant de sa contestation du bien fondé de la rupture du contrat de travail, expose notamment que :

Pour justifier sa décision, l'ADAPEI se fonde sur un certain nombre d'événements s'étant produits de nombreux mois, et même plusieurs années avant l'engagement de la procédure de licenciement.

Ces faits sont prescrits.

Au fond et à titre subsidiaire, il appartiendra à l'ADAPEI de démontrer non seulement la matérialité des faits reprochés, mais également la gravité de ceux-ci.

Au surplus, si l'employeur peut sanctionner par un licenciement pour faute grave un acte du salarié qu'il considère comme fautif, il doit s'agir d'un comportement volontaire et constitutif d'un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. A défaut, l'employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire.

En effet, il s'agirait alors d'insuffisance professionnelle laquelle n'est jamais fautive.

Il en est ainsi des griefs évoqués à son endroit.

Par ailleurs, il dénie les fautes qui lui sont reprochées considérant qu'il exécutait son contrat de travail dans le souci des personnes dont il avait la charge ainsi que de leur famille.

L'association, en réponse, plaide notamment que :

Sont fautifs, les manquements volontaires à une obligation professionnelle ou les erreurs professionnelles consécutives à la mauvaise volonté délibérée du salarié.

L'accumulation des fautes, qui, prises individuellement, ne permettraient pas de justifier un licenciement, sont de nature à caractériser une faute grave, à fortiori une cause réelle et sérieuse de licenciement. La persistance d'un salarié dans une attitude fautive, que cette attitude ait ou non fait l'objet de sanctions disciplinaires est constitutive d'une faute grave.

Monsieur [T] était investi de diverses missions consistant à accompagner les usagers dans leur travail, tout en veillant à respecter les engagements souscrits par l'ADAPEI DE LA LOIRE.

Elle a néanmoins été contrainte de constater que Monsieur [T] s'est littéralement soustrait à l'intégralité de ses responsabilités, dans des conditions ayant imposé, au dernier état des relations contractuelles, son licenciement pour faute grave.

Elle a dû déplorer de nombreux manquements du demandeur, constatés dans la préparation des réunions, la rédaction des fiches d'événements indésirables ou encore des fiches de sortie.

Ces différents manquements se sont traduits par une rupture avec l'équipe éducative, mais également avec les clients de l'ADAPEI DE LA LOIRE.

Sur ce

La lettre de licenciement adressée à l'appelant et qui fixe les termes du litige est rédigée comme il suit :

«Suite à notre entretien préalable à sanction disciplinaire du vendredi 21 Avril 2017 dans les locaux de l'ESAT, à [Localité 5], nous sommes au regret de vous notifier par

la présente votre licenciement pour faute grave.

En effet, au cours de l'entretien qui s'est déroulé en présence de Mme [F] [K], directrice adjointe du pôle et de M. [U] [V] qui vous assistait, nous vous avons exposé les motifs de la sanction envisagée au regard des faits fautifs qui vous sont reprochés à savoir :

Rupture dans l'accompagnement des personnes accueillies : (préparation des écrits et disponibilité des coordinateurs en point du jour des réunions du 26/05 et 23/06 2016 ainsi que celle du 07/02/2017 - Préparations des réunions 'Projet et Projets des personnes accueillies : Les préparations sont des copiés/ collés, de, voir des, années précédentes et font état d'un manque de travail et d'accompagnement des usagers. Il y a aussi une méconnaissance du travail exécuté par celles-ci (ex : Mr [Z] [G], en détachement en entreprise extérieure depuis plus d'un an et dont vous libellez le projet à venir « faire du détachement et passer son CACES. Donner un coup de main, aux espaces verts ».

En réponse à ces faits fautifs vous nous avez indiqué :

« Parfois je vois la personne 10 mn par ci ou 10 mn par là. Je fais les écrits seul et j'efface tout ce qui concerne l'année précédente. Puis je transmets le tout au coordinateur ». « En ce qui concerne Mr [Z] je ne sais absolument pas ce qu'il fait en entreprise extérieure et je ne me suis pas rendu sur son lieu de travail, pensant que cela me serait peut-être pas autorisé. Mais je n'ai pas fait la demande ».

« je travaille seul sans me concerter ni avec mes collègues moniteurs, ni avec le coordinateur

Rédaction des Fiches d'Evènement Indésirables : (RT / RI du 22/03 et 06/12/2016 ainsi que le 21/03/2017 et le mail du 08 juillet 2016) rappelant la procédure

Plusieurs exemples de FEI ou aucun plan d'action associé ni actions correctives immédiates ne sont indiquées, sont présentées.. Il est rappelé que le cadre doit être averti avant la rédaction de la FEI et que l'objectif est de mettre en place une action corrective immédiate. Pour l'exemple un fait de violence entre 2 usagers, où le cadre (présent sur place ce jour-là) n'a été informé qu'à posteriori par le biais de la FEI Cet incident, dont vous n'avez pas été témoin , n'a fait l'objet que d'un entretien conduit par vous-même (seul) avec les 2 protagonistes alors qu'un entretien avec la direction aurait été nécessaire pour reposer un cadre officiel (violence) et permettre d'avoir plus de certitudes sur ce qui avait pu se passer et de la gravité ou non du coup porté.

De nombreux rappels en Réunions institutionnelles ont été faits quant à la tenue et

l'importance de ces F.E.I., par la Direction.

En réponse à ces faits fautifs, vous nous avez indiqué :

« Ne pas connaître toute la procédure. Je pensais que la F.E.I était pour avertir le

cadre »

Emargement des fiches de sortie : (RT du 19/05 et 16/06 2015)

La direction vous a, à nouveaux précisé que la sortie d'un usager au cours de la journée se faisait sous la responsabilité de l'Etablissement. Ce point a été repris en Réunion institutionnelle, ainsi que le protocole à respecter. Une réunion de préparation des événements de la journée (dont les éventuelles sorties) se fait tous les matins de 8h30 à 8h45. Il y a un cadre de Direction à minima 4 jours sur 5 sur l'établissement et dans tous les cas, tous les matins. Les sorties sont connues au minimum 2 jours avant la date effective, par mail, où par courrier.

Sur l'ensemble des fiches de sorties de personnes dont vous êtes le moniteur,

seulement 2 portent la signature d'un cadre (sur 18 réalisées).

En réponse à ces faits fautifs, vous nous avez indiqué :

« Il n'y a pas toujours un cadre sur l'établissement et on connaît les sorties au dernier moment ».

Rupture avec l'équipe éducative :

Le 22 mars vous avez pris l'initiative, en dehors de toute considération et de ce qui avait été demandé la veille en Réunion Institutionnelle, d'interroger tous les usagers sur leur inscription, ou non, dans un projet de restauration. Cette initiative a mis en défaut l'ensemble de l'équipe, ainsi que de nombreux usagers qui se sont retrouvés en panique et mal à l'aise à la sortie de fin de journée. Un recadrage et une explication par la Direction ont été nécessaires pour apaiser les tensions.

Cette prise d'initiative, similaire à de nombreuses autres, a donné lieu à une

altercation avec un coordinateur de projet qui vous reprochait ce fait.

En réponse à ces faits fautifs, vous avez indiqué :

« Je reconnais mon erreur, mais on était en fin de semaine ' le mercredi ' tout le

monde sait que c'est la fin de semaine et Mr [M] voulait un état pour fin de

semaine et c'est plutôt lui qui se mêle de ce qui ne le regarde pas et ne me consulte

pas ».

Il vous a été rappelé, à nouveau les rôles et missions de chacun, moniteur MA2 et coordinateur. Coordinateur en charge de la mise en 'uvre des Projets que vous avez, normalement, écrits précédemment et qui font l'objet d'un plan d'action, justifiant l'intervention de ce dernier.

Rupture avec les clients : (gestion des dossiers clients et respect des informations

évoquées en RT/ RI du 06 décembre 2016) .

Il vous a été présenté de nombreuses remarques de la part de nos clients que sont :

Rouleaux Pack, Lactalis (détachement extérieur) et Desjoyaux. Clients dont vous

avez la gestion des dossiers. Les remarques portent sur :

Bons de livraisons erronés sur les quantités, les références, non signés et non

datés...Délais de livraisons non respectés, Consignes-de-priorités-non-respectées

Ces faits ont donné lieu à de nombreux « avoirs » et critiques de la part des

responsables des comptabilités « client ».

Les sociétés Rouleaux-Pack et Desjoyaux ont souhaité d'urgence nous rencontrer et ont fait état de leur volonté de se séparer de nous en tant que fournisseurs « si nous ne réagissions pas immédiatement à ces défauts récurrents » (visite et C.R les 09 février et 05 Avril 2017).

Ces défauts et remarques vous ont été communiquées, en leur temps, par Mme

[F], Directrice Adjointe du Pôle et responsable des ateliers, ainsi que Mr [B] [J], coordinateur des productions., Des mails, vous ont été adressés concernant

l'ensemble de ces points. Cependant nous notons encore des disfonctionnement

importants (Non-conformité le 21/02 février, soit 12 jours après la venue de Rouleaux-Pack et non-respect des priorités de réalisation), le 22 mars par un arrêt de

production, de la Direction suite au non-respect des consignes données de ne pas utiliser une graisse « Rouge » toxique pour les usagers 'uvrant sur cette production, le 13 mars par un nouveau mail faisant état d'anomalies et de retards de

délais ; les 20 mars et 10 Avril mails de la part de Lactalis (détachement en

entreprise) qui remet fortement en question la continuation du projet.

En conclusion c'est donc l'ensemble de votre comportement professionnel qui est

contraire et en rupture manifeste avec les règles d'organisation et les missions de moniteur d'atelier que vous devez exercer. En attestent les points précis de votre fiche de fonction (...)

L'ensemble de vos réponses ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation et nous conduisent à considérer ces faits qui vous sont imputables

comme gravement fautifs, empêchant immédiatement votre maintien au sein de

l'association.

Votre refus d'appliquer les consignes qui vous sont données eu égard à vos fonctions

de moniteur d'atelier compromettent le bon fonctionnement de l'établissement, tant

du point de vue la qualité et de la sécurité d'accompagnement des usagers, des relations de travail en équipe que des relations économiques que nous avons avec

nos clients et altèrent leur confiance.

Cet ensemble de comportements fautifs que nous vous reprochons ici, se rajoutent à

une sanction précédente en date du 22/02/2016 en partie pour des faits de même

nature.

Ce licenciement étant causé par une faute grave, vous n'effectuerez ni préavis, ni ne

percevrez d'indemnité. Il prend effet immédiatement. ».

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail, telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.' (Soc 26 février 1991, 88-44908).

Le licenciement fondé sur une faute grave a une nature exclusivement disciplinaire.

Dès lors, aucun grief tiré d'une insuffisance professionnelle ne peut fonder, même partiellement un licenciement fondé sur une telle faute.

Ainsi, la Cour de cassation a jugé que la cour d'appel qui a constaté que les erreurs

commises par le salarié ne relevaient pas d'une mauvaise volonté délibérée, mais de son insuffisance professionnelle, en a exactement déduit qu'elles ne pouvaient constituer une faute grave (Soc 31 mars 1998, 95-45.639).

Il convient donc de rechercher si la lettre de licenciement fait état d'erreurs ou de manquements du salarié relevant d'une mauvaise volonté délibérée ou d'une absence volontaire ou consciente de respect des consignes.

L'Association reproche dans cette lettre et en premier lieu à l'appelant de n'avoir pas dans ses rapports écrits fait preuve de l'implication nécessaire dans sa mission en procédant par voie de « copier/coller » d'une année sur l'autre ainsi dans l'élaboration des projets personnalisés des usagers dont il avait la responsabilité.

Il sera relevé à titre liminaire que les faits ainsi imputés au salarié, au terme de la lettre de ruptures, n'y sont nullement datés ou identifiés ; ce courrier décrit un comportement habituel ou constant. Dès lors, et notamment du fait de ce défaut d'invocations de faits identifiables, il apparaît qu'un tel défaut d'implication, à le supposée avéré, relève d'une insuffisance et non de fautes précises.

Ce premier grief, ainsi articulé, relève d'un reproche d'insuffisance et ainsi ne saurait fonder, même partiellement, lelicenciement querellé que l'employeur a entendu situer sur le terrain exclusivement disciplinaire.

L'association, ensecond lieu, fait reproche à l'appelant de n'avoir pas établi des Fiches d'Evènement Indésirables indiquant un 'plan d'action associé ou des actions correctives immédiates'.

Là encore, il ne peut qu'être constaté que la lettre de licenciement ne porte mention d'aucune date des faits imputés de ce chef, ni d'indications d'événements identifiables ou d'exemples précis de remise de fiches incomplètes.

Ce faisant, ledit courrier de rupture ne rapporte pas de faits précis et identifiables matériellement vérifiables.

Ainsi, si la lettre mentionne que de nombreux rappels ont été faits quant à l'importance de la tenue de ses fiches, il n'en reste pas moins que la lettre articule à l'encontre de salarié évincé un reproche général, qui, à défaut de faits précis, doit être considéré comme relevant là encore d'une insuffisance ne pouvant étayer le licenciement disciplinaire litigieux.

La lettre précitée rapporte un troisième grief ayant trait à un défaut de remise des fiches de sortie à la signature d'un cadre.

Une fois encore, il n'est articulé dans la lettre aucun fait précis mais un comportement général. Ainsi il est indiqué, sans même de référence à une période, que sur 18 fiches de sortie de personnes dont le salarié avait la charge, seule 2 portaient la signature d'un cadre.

Il sera répété, une fois encore, qu'il s'agit là d'un comportement général du salarié sans mention de faits précis identifiables et qui donc relève d'un grief d'insuffisance.

Le raisonnement sera identique quant aux reproches ayant trait à la gestion de dossiers clients et à la rupture avec ceux-ci.

Aucun fait précis n'est évoqué de ce chef et il est fait état d'un comportement général défaillant relevant d'une insuffisance.

Enfin à la lecture des conclusions mêmes déposées par l'intimée, le grief d'une rupture de l'appelant avec l'équipe de ses collègues s'analyse en réalité comme une conséquence des reproches précédemment évoqués et ce grief ne constitue pas en lui-même l'évocation d'une faute de l'appelant. Ce grief, une fois de plus, relève d'une insuffisance.

Il suit de l'ensemble de ces motifs que le licenciement querellé, bien que fondée explicitement sur une faute grave, articule des reproches relevant d'insuffisances professionnelles.

La lettre de licenciement ne rapporte aucun fait précis identifiable relevant d'une mauvaise volonté délibérée du salarié évincé.

Il n'y a donc pas lieu de répondre au moyen tiré de la prescription des fautes visées au sein de la lettre de licenciement.

Dans, dans ces conditions, la présente juridiction retiendra que le licenciement disciplinaire litigieux ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse de nature disciplinaire.

Dès lors le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement fondé.

Le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a alloué à Monsieur les sommes sollicitées au titre des indemnités de licenciement et de préavis, outre congés payés, lesquelles ne sont pas discutées en leur montant, même à titre subsidiaire.

Les intérêts au taux légal sur ces créances de nature salariale courront du jour de la convocation de l'employeur à comparaître devant le conseil de prud'hommes, soit le 5 avril 2018.

Monsieur [T] avait dans cette entreprise employant plus de 10 salariés une ancienneté supérieure à deux années.

Dès lors en application de l'article L 1235 '3 du code du travail, dans sa version en vigueur au jour du licenciement, celui-ci ne peut recevoir en réparation du dommage né de ce licenciement abusif une somme inférieure au montant de ces six derniers mois de salaire, soit la somme de 7 420,99 € .

Il n'a déposé à la procédure aucune pièce ayant trait à sa situation en suite de ce licenciement.

Il recevra à titre de dommages-intérêts réparant le dommage né de sa perte d'emploi la somme de 8500 €.

En application de l'article L 1235 ' 4 du code précité, l'association sera d'office condamné à rembourser à PÔLE EMPLOI la moitié des indemnités de chômage versées à Monsieur et cela dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les dépens et frais irrépétibles

L'association intimée succombant, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

En équité, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'association à verser à Monsieur [T] la somme de 1500 €.

L'équité commande également que cette association lui verse la somme de 500 €

au titre desdits frais engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 22 mars 2021 en ce qu'il a dit que la demande relative à la classification professionnelle de Monsieur [C] [T] était prescrite,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable comme prescrite la demande formée par ce dernier en paiement de dommages-intérêts, pour mauvaise foi de l'exécution du contrat de travail,

Déclare recevable la demande faite au titre de rappel de salaire outre congés payés,

La rejette,

Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement de Monsieur [C] [T] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau,

Déclare ledit licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné l'association ADAPEI DE LA LOIRE à verser à Monsieur [C] [T] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2018 :

' 5.346,27 € , à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 534,63 € au titre des 'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

' 3.267,16 €, à titre d'indemnité de licenciement,

Y ajoutant,

Condamne l'association ADAPEI DE LA LOIRE à verser à Monsieur [C] [T] la somme de 8 500 €, à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné l'association ADAPEI DE LA LOIRE à verser à Monsieur [C] [T] la somme de 1 500 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

Condamne l'association ADAPEI DE LA LOIRE à verser à Monsieur [C] [T] la somme de 500 €, en remboursement des frais irrépétibles qu'il a engagés cause d'appel,

Déboute les parties de leurs autres ou plus amples demandes,

Condamne l'association ADAPEI DE LA LOIRE à rembourser à PÔLE EMPLOI la moitié des indemnités chômage versées à Monsieur [C] [T] , cela dans la limite de six mois d'indemnités.

Condamne l'association ADAPEI DE LA LOIRE aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/02817
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;21.02817 ?
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