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01/06/2023 | FRANCE | N°21/02793

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 01 juin 2023, 21/02793


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/02793 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NQ3M





[H]



C/



S.A.S. NOE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de SAINT ETIENNE

du 15 Mars 2021

RG : F 19/00032



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 01 JUIN 2023







APPELANT :



[N] [H]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par Me Romain LAFFLY d

e la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat postulant du barreau de LYON et par Me Caroline GARNERO, avocat plaidant du barreau de PARIS







INTIMÉE :



Société NOE

[Adresse 4]

[Localité 2]



représentée par Me Ophélie MICHEL de la SELARL VIAJURIS...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/02793 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NQ3M

[H]

C/

S.A.S. NOE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de SAINT ETIENNE

du 15 Mars 2021

RG : F 19/00032

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 01 JUIN 2023

APPELANT :

[N] [H]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat postulant du barreau de LYON et par Me Caroline GARNERO, avocat plaidant du barreau de PARIS

INTIMÉE :

Société NOE

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Ophélie MICHEL de la SELARL VIAJURIS CONTENTIEUX, avocat postulant du barreau de LYON et par Me Jane-laure NOWACZYK de la SELARL SIBLING SOCIAL, avocat plaidant du barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Mars 2023

Présidée par Etienne RIGAL, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Thierry GAUTHIER, conseiller

- Vincent CASTELLI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 01 Juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCEDURE

La SAS NOÉ (enseigne TOMA INTERIM) (ci-après la « Société ») est une agence de travail temporaire, créée en 2011.

Monsieur [N] [H] a été embauché par celle-ci, suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 décembre 2015, en qualité de consultant, statut non-cadre, Niveau E, conformément aux dispositions de la Convention Collective nationale du personnel permanent des entreprises de travail temporaire, applicable à la société.

Au sein de cette entreprise, Monsieur [H] était chargé du recrutement des travailleurs intérimaires et des travaux administratifs entourant ces embauches (DPAE, facturationn recouvrement, etc')

Au sein de son contrat de travail, il était stipulé la clause de non-concurrence suivante:

« Le salarié reconnait qu'en raison de la fonction exercée, il a connaissance d'informations confidentielles concernant l'activité de la société sur le plan commercial, technique et organisationnel et se trouve être un interlocuteur clé des clients de la société.

Ainsi en cas de rupture du présent contrat, le salarié s'engage à ne pas travailler, directement ou indirectement et en quelque qualité que ce soit, au sein d'une entreprise exerçant sur le périmètre d'application de la clause, une activité de :

- Entreprise de travail temporaire ;

- Entreprise de placement de personnel.

Cette interdiction s'appliquera pendant une durée de deux années à compter du terme du contrat de travail, sur le département de l'établissement d'affectation du salarié au jour de la rupture du contrat ou des agences pour lesquelles il aura travaillé durant les 24 mois précédents son départ de l'entreprise appartenant ou ayant appartenue à la société TOMA ou de toutes sociétés du groupe.

En contrepartie de cette interdiction et pendant sa durée d'application postérieure au terme effectif du présent contrat, la société paiera mensuellement au salarié une contrepartie pécuniaire égale à 20% de la moyenne mensuelle de ses appointements fixes apprécié sur les 3 derniers mois de présence dans la société (étant précisé que toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, qui aurait

été versé au salarié pendant cette période, ne sera pas prise en compte) pour la première année, et 10% pour la deuxième année.

En cas de violation de l'engagement ci-dessus :

La contrepartie financière cesserait d'être due ;

Le salarié serait tenu à une indemnisation de la société, égale aux appointements fixes bruts perçus au cours des six derniers mois de sa collaboration avec la société et au remboursement de la contrepartie financière, ceci sans préjudice pour cette dernière de faire cesser l'infraction par voie de décision judiciaire, sous astreinte journalière. ['] ».

Par courrier du 28 août 2018, Monsieur [H] informait la société de sa démission..

Il effectuait son préavis jusqu'au 27 septembre 2018, conformément à son contrat de travail.

Le 23 octobre 2018, la société lui rappelait officiellement et par lettre recommandée qu'il était soumis à une obligation de non-concurrence.

Monsieur [H] répondait alors qu'il n'était soumis à aucune clause de non-concurrence valable. Il précisait dans ce courrier que, dans l'hypothèse où la société faisait référence à la clause de non-concurrence de son contrat de travail, celle-ci lui était inopposable, ce que la société savait pertinemment.

Il ajoutait qu'il ne souhaitait dès lors pas recevoir la contrepartie financière prévue par cette clause de non-concurrence non valable.

La société mettait alors en demeure Monsieur [H] de respecter son obligation de non-concurrence et de cesser ses pratiques concurrentielles par courrier du 12 novembre 2018.

La société NOE saisissait le Conseil de prud'hommes de Saint-Etienne par requête reçue au greffe le 15 janvier 2019 , cela aux fins de voir condamner Monsieur [H] au paiement des sommes suivantes :

-100.000 € à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence,

-13.122,10 € en remboursement des sommes perçues à titre de contrepartie financière à son obligation de non-concurrence ;

- 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

En réponse Monsieur [H] demandait au conseil de :

- Dire que la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail était nulle et lui était inopposable,

- Débouter la société de toutes ses demandes,

- Condamner la société au paiement d'un rappel de rémunération variable à hauteur de la somme de 1240,50 € outre 124,25 € au titre des congés payés afférents,

- Condamner la société au paiement de la somme de 5000 €, à titre de dommages-intérêts pour non fixation des objectifs,

- Condamner la société au paiement de la somme de 3000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Prononcer l'exécution provisoire,

- Ordonner que lui soit remis des documents sociaux conformes à la décision à intervenir et notamment des bulletins de paye, une attestation pôle emploi et un certificat de travail, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document.

Le 15 mars 2021, le conseil rendait un jugement dont le dispositif était rédigé comme il suit :

'Dit que la clause de non-concurrence prévue dans le contrat de travail du 28 décembre 2015 conclu entre Monsieur [N] [H] et la SAS NOE est valide ;

Condamne Monsieur [N] [H] à payer à société les sommes suivantes :

' 12'876,02 euros à titre de remboursement de la contrepartie financière à son obligation de non-concurrence,

' 50'000 € à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence,

Condamne la SAS NOE à verser à Monsieur [N] [H] la somme de 1 242,50 euros, à titre de rappel sur rémunération variable , outre 124,25 €au titre des congés payés afférents et rappelle que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la notification de la présente décision,

Ordonne à la SAS NOE de remettre à Monsieur [N] [H] les document sociaux conformes à la présente décision,

Condamne Monsieur [N] [H] à verser à la SAS NOE la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Monsieur [N] [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, sauf en ce qui concerne la remise de documents sociaux et le rappel de rémunération variable conformément dispositions des articles R. 14 54 ' 28 du code du travail et 515 du code de procédure civile,

Déboute la SAS NOE et Monsieur [N] [H] du surplus de leurs demandes,

Condamne Monsieur [N] [H] aux dépens de l'instance.'

Le 19 avril 1021, la société a interjeté appel de ce jugement.

Au terme de ses dernières écritures, notifiées le 13 février 2023, celle-ci demande à la cour de:

Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Saint-Etienne en date du 15 mars 2021 en ce qu'il a:

- Dit que la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail du 28 décembre 2015 conclu entre Monsieur [N] [H] et la SAS NOE est valide,

- Débouté Monsieur [N] [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Monsieur [N] [H] aux entiers dépens de l'instance,

- Condamné Monsieur [N] [H] à verser à la SAS NOE la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Saint Etienne en date du 15 mars 2021 en ce qu'il a:

- Condamné Monsieur [N] [H] à payer à la SAS NOE les sommes suivantes:

- 12 876.02 euros à titre de remboursement de la contre partie financière à son

obligation de non-concurrence,

- 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de non concurrence,

- Condamné la SAS NOE à verser à Monsieur [N] [H] la somme de 1242.50 euros à titre de rappel de rémunération variable outre 124.25 euros au titre des congés payés afférents et rappelé que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la notification de la présence décision,

- Ordonné à la SAS NOE de remettre à Monsieur [N] [H] les documents sociaux conformes à la décision du conseil de prud'hommes,

Statuant à nouveau,

- Juger que la Société a subi un préjudice du fait de la violation de cette clause de non-concurrence par Monsieur [H],

- Juger qu'il existe un lien de causalité direct et exclusif entre la violation de sa clause de non-concurrence par Monsieur [H] et le préjudice financier subi,

- Juger que le préjudice de la Société Noé est certain et chiffré,

- Condamner Monsieur [H] à hauteur de 100.000 € à titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour de céans devait juger que la Société ne rapporte pas la preuve de son préjudice, à tout le moins :

Condamner Monsieur [H] au paiement de la clause pénale, laquelle ne nécessite pas la preuve d'un préjudice, à hauteur de 22.091,04 € nets,

En tout état de cause,

Condamner Monsieur [H] au remboursement des sommes indûment perçues au titre

de la clause de non-concurrence ainsi que les charges patronales payées par la Société NOE, soit un total de 18.419 €,

Juger que la Société Noé avait fixé les objectifs de Monsieur [H],

Débouter Monsieur [H] de sa demande de dommages-intérêts de ce chef à hauteur de 5.000 €,

Débouter Monsieur [H] de sa demande à hauteur de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner Monsieur [H] à hauteur de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile dans le cadre de la présente procédure d'appel.

Au terme de ses dernières conclusions, notifiées le 27 février 2023 , Monsieur [H] demande à la cour de:

CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne du 15 mars 2021 en ce qu'il lui a attribué 1.242,50 € à titre de rappel de rémunération variable outre 124,25 € au titre des congés payés afférents ;

INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne du 15 mars 2021 en ce qu'il a considéré valide la clause de non-concurrence prévue dans le contrat de travail conclu et l'a condamné au paiement des sommes suivantes :

- 12.876,02 € à titre de remboursement de la contrepartie financière à son obligation de non-concurrence ;

- 50.000 € à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence;

- 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau :

Juger la clause de non-concurrence du contrat de travail de Monsieur [N] [H] nulle et inopposable à ce dernier, et en conséquence,

Débouter la Société de sa demande de remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,

Débouter la Société de sa demande de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence,

A titre subsidiaire,

Juger que la Société n'apporte pas la preuve d'un préjudice financier, et en conséquence,

Débouter la Société de sa demande de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence ;

A titre infiniment subsidiaire,

Juger que le montant de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence est totalement déraisonnable et, en conséquence:

Réévaluer à un montant inférieur le montant des dommages-intérêts et en fixer le montant conformément à la clause pénale prévue dans la clause de non-concurrence, soit à un montant maximal de 22.091 €,

Condamner la société NOE au paiement de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-fixation des objectifs,

Condamner la société NOE à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

Dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal dans le cadre des dispositions des articles 1153 et suivants du Code Civil.

ORDONNER la remise des documents sociaux conformes à la décision à intervenir et notamment des bulletins de paye, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document, la Cour se réservant le droit de liquider l'astreinte.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 février 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un exposé plus ample des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

Sur la validité de la clause de non-concurrence

Arguments des parties

Monsieur [H] de ce chef soutient notamment que :

Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de lui verser une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

L'appréciation de la réalité de la contrepartie financière est soumise au pouvoir souverain des juges du fond et une contrepartie dérisoire à la clause de non-concurrence équivaut à une absence de contrepartie financière rendant la clause nulle.

Au terme de la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation, les contreparties financières de non-concurrence sont considérées comme non dérisoires lorsqu'elles correspondent au minimum à 33% de la rémunération moyenne mensuelle brute sur les douze derniers mois.

De plus, la contrepartie financière d'une clause de non-concurrence doit s'apprécier au regard des exigences imposées au salarié et à la protection des intérêts légitimes de l'ancien employeur, de sorte que les juges déclarent illicite toute clause de non-concurrence fixant une contrepartie dérisoire, même si cette dernière correspond à celle fixée par la convention collective applicable.

L'article 7-4 de la convention collective applicable indique que:

« Lorsque le contrat de travail comporte une clause de non-concurrence, celle-ci doit être limitée dans le temps ' maximum deux ans ' et dans l'espace. Elle comporte, en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur autre que dans l'hypothèse de faute grave ou lourde, pendant la durée de la non-concurrence, une contrepartie financière qui ne pourra, en tout état de cause, être inférieure à un montant mensuel égal à 20 p. 100 de la moyenne mensuelle de la rémunération du

salarié au cours de ses trois derniers mois de présence dans l'entreprise, pour la première année et à 10 p. 100 pour la seconde année. Toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, qui aurait été versée au salarié pendant cette période, ne sera prise en compte que prorata temporis.

Les modalités de versement de la contrepartie financière ci-dessus visée seront fixées dans le contrat de travail ('). »

La Cour de cassation a fait de cette condition de l'indication des modalités de versement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, une condition substantielle à l'application de la clause de non-concurrence. Dès lors, l'absence de mention des modalités de versement de la contrepartie financière, comme en l'espèce, est une cause de nullité de la clause.

La société répond notamment que:

Le contrat de travail de Monsieur [H] prévoyait une contrepartie financière de 20% de sa rémunération hors prime exceptionnelle ou annuelle pour la première année d'exécution et 10% pour la seconde année.

Comme il a été rappelé à Monsieur [H] lors de la rupture de son contrat, conformément aux dispositions de son contrat de travail et de la Convention collective applicable, celui-ci avait donc droit à une somme mensuelle de 926,12€ bruts pour la première année et 463,06€ bruts mensuels la seconde année.

Elle s'est acquittée de ses obligations envers Monsieur [H] dès la fin du mois d'octobre 2018, puis tous les mois depuis lors.

Monsieur [H] a ainsi perçu chaque mois, en même temps que les virements des salaires des travailleurs, la contrepartie qui lui était due.

La clause de non-concurrence remplit ainsi cette condition de validité.

Sur le montant de la contrepartie, Monsieur [H] prétend sans davantage de précision que celle-ci serait dérisoire au regard de la jurisprudence applicable.

Il est évident que par appréciation in concreto, les juges ont pu retenir, dans certains cas d'espèce et au regard de l'équilibre général de la clause (qui comprend aussi l'étendue du périmètre géographique ainsi que sa durée) qu'une contrepartie inférieure à 33% pouvait ou non être dérisoire.

Une analyse de la jurisprudence produite à l'appui de cet argument permet d'ailleurs de constater qu'elle n'est pas transposable à la situation de Monsieur [H].

La contrepartie financière de Monsieur [H] ne peut donc pas être qualifiée de dérisoire.

Il est enfin de jurisprudence constante devant la Cour de cassation que la contrepartie n'est pas jugée dérisoire dès lors qu'elle correspond aux prévisions de la Convention collective applicable à l'entreprise.

Par ailleurs, et aux termes de ses dernières écritures, la partie adverse estime que le seul fait que la clause de non concurrence ne précise pas si la contrepartie financière est exprimée en brut ou net entraîne la nullité de la clause de non-concurrence.

A ce titre, la concluante souhaite attirer l'attention de la Cour sur les observations suivantes :

La décision de la Cour d'appel de Grenoble citée demeure inédite et ne s'inscrit dans aucune position jurisprudentielle constante,

Au surplus, dans la mesure où la contrepartie financière de la clause de non-concurrence a une nature salariale, il était évident que cette dernière est exprimée en brut.

Enfin, la Cour constatera que la contrepartie financière versée à Monsieur [H] correspondait bien à 20% de la moyenne mensuelle de ses appointements fixes bruts appréciés sur les 3 derniers mois de présence dans la société.

Enfin, et en désespoir de cause, la partie adverse tente d'obtenir la nullité de la clause de non-concurrence de Monsieur [H] notamment en faisait état d'une décision de la Cour de cassation laquelle prévoit que « l'absence de mention des modalités de versement de la contrepartie financière est une cause de nullité de la clause de non concurrence ».

Or, dans cette décision, la clause de non-concurrence avait été jugée nulle parce qu'elle ne prévoyait ni le montant de la contrepartie financière ni les modalités de versement.

Sur ce

Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière.

La clause de non-concurrence qui ne précise ni le montant de la contrepartie financière, ni les modalités de son versement est nulle ( Soc 3 juillet 2001, 44.139).

Comme cela a été rappelé précédemment, la clause de non concurrence litigieuse, s'agissant de la contrepartie financière due au salarié était rédigée ainsi :

'En contrepartie de cette interdiction et pendant sa durée d'application postérieure au terme effectif du présent contrat, la société paiera mensuellement au salarié une contrepartie pécuniaire égale à 20% de la moyenne mensuelle de ses appointements fixes apprécié sur les 3 derniers mois de présence dans la société (étant précisé que toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, qui aurait été versé au salarié pendant cette période, ne sera pas prise en compte) pour la première année, et 10% pour la deuxième année.'

Comme le relève Monsieur [H], il n'y est ainsi pas précisé si la rémunération de référence, base de calcul de cette contre partie financière, doit s'apprécier au regard du montant du salaire en brut ou de son montant en net.

Il sera ajouté que la référence à la notion ' d'appointements' en brut est à l'inverse utilisée s'agissant du montant de la clause pénale due par le salarié en cas de violation de la clause.

Quant au montant de la contrepartie due au salarié, la société ne saurait arguer d'une évidence, alors même qu'il est attendu d'une clause stipulant le mode de calcul d'une contrepartie à non-concurrence une rédaction en des termes explicites et précis.

Dès lors, cette stipulation et plus encore en présence d'une rédaction de la clause pénale utilisant une formulation différente, sera jugée ambiguë et il sera ainsi retenu que cette stipulation imprécise ne déterminait pas clairement le montant de la contrepartie financière due.

Cette ambiguïté équivaut à une indétermination de cette stipulation essentielle.

Le jugement étant infirmé à ce titre, ladite clause de non-concurrence sera, en conséquence, déclarée non écrite, sans besoin de s'intéresser aux autres moyens ou arguments développés de ce chef.

Dès lors le jugement sera également infirmé ce qu'il a :

condamné Monsieur [H] au remboursement de la contrepartie financière reçue,

condamné celui-ci à des dommages-intérêts pour violation de la dite clause.

Les demandes formées de ces chefs par la société seront intégralement rejetées.

Sur la créance en rémunération variable

Arguments des parties

Monsieur [H] expose au soutien de la demande faite à ce titre que:

Le contrat prévoyait , 'le cas échéant', le versement d'une rémunération variable

Le Conseil de prud'hommes de Saint-Etienne a fait droit à sa demande de Monsieur [H] qui sollicitait la condamnation de la Société au paiement de sa rémunération variable due pendant son préavis (mois de septembre 2018) soit 1.242,50 € euros à titre de rémunération variable et 124,25 euros de congés-payés afférents.

La société n'apporte aucune réponse, aucun argument en défense à cette demande.

Sur ce

Le jugement déféré sera approuvé en ce qu'il a constaté que la société n'apporte pas d'éléments de réponse à la demande de rappel de rémunération variable, alors que Monsieur [H] verse aux débats ses bulletins de paye comportant chaque mois une rémunération variable intitulé 'prime d'agence' et 'prime individuelle' et que cette dernière rémunération variable n'a pas été versée au cours du mois de septembre 2018.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné ladite société à payer à ce dernier la somme de 240,50 € outre 124,25 € de congés payés afférents.

Il sera infirmé cependant en ce qu'il a fixé le point d'intérêt des intérêts moratoires dus sur ces sommes au jour de notification du jugement, alors que ceux-ci doivent courir du jour de convocation de l'employeur à comparaître devant le conseil de prud'hommes, soit le 16 janvier 2019, valant mise en demeure.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné que soient remis au salarié des documents sociaux rectifiés, en ce sens qu'ils devront être conformes à la présente décision.

À ce stade, aucun élément ne justifie du prononcé d'une mesure d'astreinte provisoire accompagnant ladite obligation et, là encore, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en ce sens.

Sur la demande en dommages-intérêts pour défaut de fixation des objectifs

Arguments des parties

Monsieur [H] expose au soutien de la demande faite à ce titre que:

La Cour constatera que cette clause prévoit que la rémunération variable et les objectifs à atteindre sont définis chaque année par la direction et transmis au salarié au moyen d'une note interne.

Or, la Société ne lui a jamais fixé d'objectifs.

Celle-ci répond que :

Des objectifs ont bien été déterminés, pour s'en convaincre, il suffit de se reporter aux entretiens annuels de Monsieur [H] lesquels indiquent expressément les objectifs de Monsieur [H].

A titre subsidiaire, et si par extraordinaire, la Cour de céans devait juger que la Société Noé n'avait pas fixé les objectifs de Monsieur Noé, elle notera en tout état de cause, que la partie adverse ne rapporte à aucun moment la preuve d'un quelconque préjudice.

Sur ce

Là encore le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré que Monsieur [H] n'apporte aucun élément pour justifier du préjudice allégué.

Au regard de ce seul motif pertinent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [H] de sa demande de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société appelante succombant en toutes ses demandes supportera les dépens de première instance et d'appel.

En conséquence, elle succombera également en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant infirmé de ce chef.

Monsieur [H], en équité et par application de cette disposition légale, recevra la somme de 2000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint Étienne le 15 mars 2021 en ce qu'il a déclaré que la clause de non-concurrence prévue dans le contrat de travail du 28 décembre 2015, conclu entre Monsieur [N] [H] et la SAS NOÉ

est valide,

Infirme ledit jugement en ce qu'il a, par conséquent, condamner Monsieur [N] [H] à payer à la SAS NOÉ les sommes suivantes :

' 12'876,02 euros à titre de remboursement de la contrepartie financière à son obligation de non-concurrence,

' 50'000 € à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence,

Statuant à nouveau,

Déclare non-écrite la clause de non concurrence insérée au contrat de travail précité,

En conséquence,

Déboute la SAS NOÉ de sa demande en remboursement de la contrepartie financière versée à Monsieur [N] [H] et de sa demande en dommages-intérêts pour violation de ladite clause,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SAS NOÉ à verser à Monsieur [N] [H] la somme de 1242,50 € à titre de rémunération variable pour le mois de septembre 2018 outre celle de 124,25 € au titre des congés payés afférents,

Infirme ledit jugement en ce qu'il a dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que les intérêts au taux légal sur ces créances salariales courront du 16 janvier 2019,

Confirme le jugement en ce qu'il a ordonné à la société de remettre à Monsieur [H] les documents sociaux conformes à la présente décision et y ajoutant, dit n'y avoir lieu à assortir cette obligation d'une mesure d'astreinte provisoire,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur [N] [H] à verser à la SAS NOÉ la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Déboute la SAS NOÉ de sa demande fondée sur ledit article 700 du code de procédure civile,

La condamne à verser à Monsieur [N] [H] la somme de 2000 € en application de ce texte légal,

Condamne la SAS NOÉ aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/02793
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;21.02793 ?
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