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25/05/2023 | FRANCE | N°22/02863

France | France, Cour d'appel de Lyon, 2ème chambre b, 25 mai 2023, 22/02863


N° RG 22/02863 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OH5F









Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

ch 1 cab 01 A

du 13 avril 2022



RG : 19/09650

ch n°





LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

LA PROCUREURE GENERALE



C/



[V]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



2ème Chambre B



ARRET DU 25 Mai 2023







APPELANTS

:



M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

TJ de Lyon [Adresse 2]

[Localité 3]









Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Mme Anne BOISGIBAULT, avocat général











INTIMEE :



Mme [H] [V]

née le 12 Décembre ...

N° RG 22/02863 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OH5F

Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

ch 1 cab 01 A

du 13 avril 2022

RG : 19/09650

ch n°

LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

LA PROCUREURE GENERALE

C/

[V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

2ème Chambre B

ARRET DU 25 Mai 2023

APPELANTS :

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

TJ de Lyon [Adresse 2]

[Localité 3]

Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Mme Anne BOISGIBAULT, avocat général

INTIMEE :

Mme [H] [V]

née le 12 Décembre 2000 à [Localité 5] (RDC)

Chez M.et Mme [E]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Amélie PRUDHON, avocat au barreau de LYON, toque : 234

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/12023 du 28/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 21 Mars 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Avril 2023

Date de mise à disposition : 25 Mai 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne-Claire ALMUNEAU, président

- Carole BATAILLARD, conseiller

- Françoise BARRIER, conseiller

assistés pendant les débats de Priscillia CANU, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne-Claire ALMUNEAU, président, et par Priscillia CANU, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [H] [V], se disant née le 12 décembre 2000 à [Localité 5] (République démocratique du Congo), de l'union conjugale de M. [U] [F] et de Mme [K] [I], a déposé au greffe du tribunal d'instance d'Annecy le 28 novembre 2018 une déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-12 du code civil.

De nationalité congolaise, elle est arrivée en France en qualité de mineure isolée à l'âge de 15 ans et a été confiée au Président du Conseil départemental de Haute-Savoie par jugement du juge des enfants d'Annecy à compter du 19 juin 2015, suite à une ordonnance de placement provisoire du procureur de la République de Saint-Etienne le 18 mai 2015. Elle a été prise en charge jusqu'à sa majorité, le 12 décembre 2018.

Par décision du 29 mars 2019, notifiée par procès-verbal du 10 avril 2019, le greffier en chef du tribunal d'instance d'Annecy a prononcé un refus d'enregistrement de sa déclaration de nationalité française souscrite le 28 novembre 2018 sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, au motif que la légalisation tant du jugement supplétif d'acte de naissance établi par le tribunal pour enfants de [Localité 5] le 16 juin 2014, que la copie d'acte de naissance certifiée conforme délivrée le 6 août 2018, ne l'avait pas été par une autorité compétente.

Par acte du 8 octobre 2019, Mme [X] a assigné le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon aux fins de se voir reconnaître la qualité de Française par application de l'article 21-12 du code civil.

Par jugement contradictoire du 13 avril 2022, auquel il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le tribunal judiciaire de Lyon a constaté que Mme [H] [V], a acquis la nationalité française par déclaration en application de l'article 21-12 du code civil, a ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil et débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

Le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon a interjeté appel de cette décision par déclaration du 19 avril 2022.

Cet appel concerne l'ensemble des chefs du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 12 juillet 2022, Mme la procureure générale près la cour d'appel de Lyon demande à la cour :

- de dire que la procédure est régulière au regard de l'article 1043 du code de procédure civile,

- d' infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 13 avril 2022 et,

Statuant à nouveau,

- de débouter Mme [H] [V] de ses demandes,

- de dire et juger que Mme [H] [V], se disant née le 12 décembre 2000 à [Localité 5] (République démocratique du Congo), n'est pas de nationalité française,

- d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil,

- de condamner Mme [H] [V] aux entiers dépens.

Au soutien de son appel, Mme la procureure générale fait valoir que :

- conformément aux dispositions de l'article 16 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993, la souscription de la déclaration prévue à l'article 21-12 du code civil doit être accompagnée de la production d'un extrait de l'acte de naissance du mineur. Cet acte doit être authentique et muni, le cas échéant, de la formalité de la légalisation pour permettre au candidat à l'acquisition de la nationalité française de justifier d'un état civil certain, et par voie de conséquence de sa minorité à la date de la souscription, s'agissant d'une déclaration exclusivement réservée aux mineurs,

- Mme [H] [V] a produit d'une part une copie certifiée conforme délivrée le 6 août 2018 par la commune de Limete d'une copie intégrale d'acte de naissance n°2642 portant mention d'une légalisation du 7 août 2018 par [W] [T], notaire, d'une légalisation du 6 février 2019 par le ministère des affaires étrangères de la République démocratique du Congo, d'autre part une copie certifiée conforme d'un jugement supplétif de naissance n°RCE 7572 du 16 juin 2014 rendu par le tribunal pour enfants de [Localité 5] portant mention de la légalisation le 1er février 2019 par un notaire, d'une légalisation du 6 février 2019 par le ministère des affaires étrangères de la République du Congo, et enfin une copie du volet n°1 de l'acte de naissance n°5694 portant mention de la légalisation par un notaire puis de la légalisation par la direction de la chancellerie du ministère des affaires étrangères, et une copie d'un jugement supplétif de naissance du 11 septembre 2019 portant mention de la légalisation de la signature de ce notaire par la direction de la chancellerie du ministère des affaires étrangères, et de la légalisation le 20 décembre 2019 par la Vice-Consul cheffe de la Chancellerie,

- les conditions posées par l'article 21-12 du code civil doivent être réunies au jour de la déclaration pour que celle-ci puisse être enregistrée. La décision relative à l'enregistrement ne peut donc être motivée a postériori par des documents qui n'existaient pas encore à cette date,

- les légalisations précédemment énoncées sont toutes irrégulières. Aucun des documents produits ne porte mention d'une légalisation par le consul de France établi en République démocratique du Congo ou par le Consul de la République démocratique du Congo en France et ne peuvent donc produire d'effet en France,

- outre l'irrégularité des légalisations, Mme [H] [V] a produit deux copies d'acte de naissance et deux copies de jugements suppplétifs d'acte de naissance portant des mentions radicalement différentes. Or l'acte de naissance est un acte unique, conservé dans le registre des actes de naissance d'une année précise et détenu par un seul centre d'état civil, de sorte que les copies d'un acte de naissance doivent toujours avoir les mêmes références et le même contenu,

- Mme [H] [V] a également produit d'une part, une copie de l'ordonnance n°4766/2019 du 12 juillet 2012 rendue par le tribunal pour enfants de [Localité 5] selon laquelle le tribunal constate que l'acte de naissance n°2642 contient une surcharge sur l'année de naissance de l'enfant et ordonne l'annulation de cet acte de naissance et l'établissement d'un nouvel acte de naissance portant mention d'une légalisation effectuée par notaire, puis de la légalisation de la signature de ce notaire par le ministère des affaires étrangères du Congo, et d'autre part une copie d'un jugement du 9 août 2019 rendu par le tribunal pour enfants de [Localité 5] qui annule le jugement supplétif du 16 juin 2014, les copies des actes de naissances n°2642 et 3470 au motif d'une surcharge sur l'année de naissance de l'enfant, portant mention d'une légalisation par un notaire puis de la légalisation par le ministère des affaires étrangères du Congo. Cette surlégalisation est irrégulière car elle n'émane pas du Consulat ou de l'Ambassade du Congo. Le tribunal qui s'est contenté d'indiquer que les actes de naissance et jugement supplétif étaient légalisés par l'Ambassade de France à [Localité 5] le 20 décembre 2019 alors que la légalisation ne porte pas sur la signature de l'autorité qui a délivré la copie, a fait une mauvaise appréciation de la jurisprudence relative à la légalisation ;

- l'acte n°5694 qui n'a pas été annulé n'est pas conforme au jugement dont il est censé être la simple transcription et se trouve dénué de force probante au regard de l'article 47 du code civil ;

- le jugement supplétif de naissance du 11 septembre 2019 est inopposable en France car dépourvu de motivation. Il a été rendu 19 ans après la naissance de l'intéressée, sans aucune enquête, ni témoin, ni vérification des déclarations du requérant, ce qui est contraire à la conception de l'ordre public international français car elle prive le juge français de tout contrôle sur la conformité à l'ordre public international français de fond et l'absence de fraude. En outre, ce jugement a été rendu par fraude en ce qu'il n'est jamais fait état dans la requête du refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité française et de la procédure judiciaire concernant cet état civil. Par voie de conséquence, l'acte de naissance dressé en exécution de cette décision se trouve privé de tout caractère probant ;

- le législateur n'a pas retenu le critère de l'intégration dans la communauté française au titre des conditions de recevabilité de la déclaration souscrite au titre de l'article 21-12 du code civil ;

- Mme [H] [V], qui ne justifie pas d'un état civil certain et donc de sa minorité au jour de la souscription, ne peut être admise à revendiquer la nationalité française.

Selon ses dernières écritures notifiées le 29 septembre 2022, Mme [X] [F] demande à la cour, au visa des articles 21-12 et 47 du code civil :

- de dire que l'orthographe du nom de famille de l'intimée est Mme [H] [V] et non [X] [F],

- de dire et juger infondés les moyens présentés en appel par le ministère,

En conséquence,

- de débouter le ministère public de l'ensemble de ses demandes,

- de confirmer dans toutes ses dispositions, le jugement du tribunal judiciaire du 13 avril 2022,

- de déclarer que Mme [H] [V] a la qualité de française,

- d'ordonner la transcription de l'acte de naissance de Mme [H] [V] sur les registres d'état civil français,

- de condamner l'Etat au paiement de la somme de 1500 euros à Maître [S] [N] au titre de l'article 700 du code de procédure civile combiné avec l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et sous réserve de la renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle par Me [N].

Elle répond que :

- elle a suivi sa scolarité sur le territoire français et obtenu un certificat d'aptitude professionnelle d'employée de vente spécialisée option produits d'équipement, courant juillet 2018, ainsi que le diplôme national du brevet en juillet 2016. Elle justifiait à la date de l'enregistrement de sa déclaration remplir les conditions de l'article 21-12 3° du code civil ;

- compte tenu de surcharges sur son acte de naissance établi en 2014 à la suite d'un jugement supplétif du 16 juin 2014, elle a donné pouvoir à un pasteur de confiance pour régulariser la situation en son nom. Ces actes ont été annulés par une ordonnance du tribunal pour enfants du 12 juillet 2019, laquelle a été à l'origine de la création d'un nouvel acte de naissance dressé le 16 juillet 2019. Toutefois le tribunal pour enfants de [Localité 5], statuant en matière gracieuse, a le 9 août 2019 annulé le jugement supplétif de 2014 ainsi que celui du 12 juillet 2019, annulant par voie de conséquence les actes de naissance 2642 et 3470 ;

- elle ne disposait plus d'aucun acte de naissance à la date du 9 août 2019 et c'est par un jugement du 11 septembre 2019 du tribunal de Paix de [Localité 5] qu'il a été ordonné la reconstitution de son acte de naissance. Elle dispose donc désormais d'un seul et unique acte de naissance portant le n°5694 dressé le 16 octobre 2019 sur la base du jugement supplétif du 11 septembre 2019 ;

- la copie intégrale de l'acte de naissance et le jugement supplétif sont régulièrement légalisés dans les formes prescrites tant par les conventions internationales que par la jurisprudence de la Cour de cassation. La légalisation en République démocratique du congo s'effectue en deux étapes : légalisation par un notaire de la signature de l'agent d'état civil ayant délivré la copie puis légalisation par le ministère des affaires étrangères congolais. De façon surabondante, l'Ambassade de France a à son tour légalisé les signatures, ce qui confère à cet acte de naissance un surcroît de légitimité ;

- la souveraineté d'une juridiction étrangère ne saurait permettre à un juge français d'apprécier le bien-fondé de la décision. La motivation du jugement du tribunal de paix est présente et suffisante, et le principe du contradictoire a été respecté ;

- l'acte de naissance n°5694 a été établi sur la base des déclarations de M. [A] [D]. Les éléments d'état civil de Mme [X] [F] ont toujours été concordants et les mentions du jugement sont bien celles reportées sur l'acte de naissance, qui est régulièrement légalisé.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions récapitulatives visées ci-dessus pour un exposé plus précis des faits, prétentions, moyens et arguments des parties.

La clôture de la procédure a été prononcée le 21 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 20 juin 2022. La déclaration d'appel n'est pas caduque.

Sur le fond

L'article 30 du code civil dispose que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause.

La charge de la preuve incombe donc en l'espèce à Mme [H] [V], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française.

L'article 21-12 du code civil prévoit la possibilité pour le mineur étranger, né à l'étranger, d'acquérir la nationalité française dans le cas particulier où les conditions de son éducation permettent de présumer une assimilation à la société française et dispose en son alinéa 3 - 1° que peut réclamer la nationalité française l'enfant (..) qui, depuis au moins trois années, est confié au service de l'Aide sociale à l'enfance.

Selon l'article 8 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité française, les conditions de recevabilité d'une déclaration de nationalité s'apprécient à la date de la souscription de la déclaration, soit en l'espèce au 28 novembre 2018.

Conformément à l'article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Selon ces dispositions, seuls les actes de l'état civil faits en pays étranger peuvent faire foi des événements qu'ils constatent. Ainsi, l'état civil d'une personne née à l'étranger ne peut découler que de la production d'un acte d'état civil et non de documents purement administratifs, comme un certificat délivré par une autorité consulaire étrangère.

La France n'ayant conclu aucune convention de dispense de légalisation avec la République Démocratique du Congo, les copies d'actes de l'état civil et judiciaires émanant de ce pays ne peuvent produire d'effet en France si elles n'ont pas été légalisées, soit en France par le consul du pays où l'acte a été établi, soit à l'étranger par le consul de France établi dans ce pays.

Devant le greffier en chef de greffe du tribunal d'instance d'Annecy, l'appelante, dont il convient d'orthographier le nom comme suit, - Mme [H] [V] -, a produit une copie certifiée conforme délivrée le 6 août 2018 par le bourgmestre de la commune de Limete d'une copie intégrale d'acte de naissance n°2642 selon laquelle [H] [X] [F] est née le 12 décembre 2000 à [Localité 5], de [U] [F] et de [K] [I]. Il est précisé que la naissance a été enregistrée à la demande de M. [U] [F] le 5 août 2014 à la suite d'un jugement supplétif de naissance R.C.E : 7572 rendu le 16 juin 2014 par le tribunal pour enfants de [Localité 5] à la requête de M. [U] [F] du 12 juin 2014, dont il est également produit une copie certifiée conforme. La copie intégrale d'acte de naissance porte mention d'une légalisation de la signature du bourgmestre par un notaire le 7 août 2018, puis de la signature du notaire par le premier conseiller de l'Ambassade de la République démocratique du Congo, le 26 février 2010, ainsi que par le premier secrétaire d'Ambassade du ministère des affaires étrangères de la République démocratique du Congo le 6 février 2019. Le jugement supplétif porte trace quant à lui d'une légalisation du greffier divisionnaire par un notaire le 22 mai 2019 et de la signature du notaire par le premier secrétaire d'ambassade du ministère des affaires étrangères de la République du Congo en date du 29 mai 2019.

Ces documents n'étant pas régulièrement légalisés par une autorité compétente, c'est à juste titre que le greffier en chef du tribunal d'instance d'Annecy a, le 10 avril 2019, refusé l'enregistrement de la déclaration de nationalité de Mme [H] [V].

Au demeurant, l'acte de naissance n°2642 a été annulé en vertu d'une ordonnance n°4766 rendue le 12 juillet 2019 par le président du tribunal pour enfants de [Localité 5]/[R], sur requête de M. [A] [D], que l'appelante dit avoir mandaté pour ce faire, qui a également ordonné à l'officier de l'état civil de la commune de Limete de procéder à l'établissement d'un nouvel acte de naissance en faveur de l'enfant [H] [X] [F].

C'est ainsi que Mme [H] [V] a produit un acte de naissance n°3470 dressé le 16 juillet 2019 par l'officier de l'état civil de la commune de Limete suivant jugement supplétif N°RCE 7572 du 16 juin 2014 rendu par le tribunal pour enfants de [Localité 5]. Cet acte n'était cependant toujours pas valablement légalisé en ce sens qu'il portait mention de la légalisation de la signature du bourgmestre par un notaire le 24 juillet 2019 et légalisation de la signature de ce notaire par le premier secrétaire d'ambassage du ministère des affaires étrangères de la République démocratique du Congo du 25 juillet 2019.

L'ensemble de ces documents d'état civil a au demeurant fait l'objet d'une annulation par le tribunal pour enfants de [Localité 5]/[R] le 9 août 2019, lequel a, sur requête de M. [D] du 7 août 2019, autorisé l'annulation du jugement supplétif n°RCE 7572 du 16 juin 2014, les copies d'acte de naissance n°2642 et n° 3470, ainsi que l'ordonnance n°4766 autorisant la rectification d'une erreur matérielle.

In fine, Mme [H] [V] a communiqué une copie certifiée conforme d'un jugement supplétif d'acte de naissance n° R.C.G. 4.792/II rendu le 11 septembre 2019 par le tribunal de paix de [Localité 5]/[R], sur requête du 10 septembre 2019 de M. [A] [D], déclarant qu'elle est née le 12 décmebre 2000 à [Localité 5], de l'union conjugale de M. [U] [F] et de Mme [K] [I], ainsi qu'un acte de naissance n°5694 dressé le 16 octobre 2019 par l'officier de l'état civil de la commune de Limete suivant jugement supplétif du 11 septembre 2019 et une copie intégrale d'acte de naissance n°5694 établie le 16 octobre 2019 par le même officier d'état civil. Ces trois actes portent mention de la légalisation le 28 octobre 2019 de la signature du greffier certificateur et de celle de l'officier de l'état civil par un notaire et de la légalisation de la signature du notaire par le premier secrétaire d'ambassade du ministère des affaires étrangères de la République démocratique du Congo, et enfin d'une légalisation par la Vice-Consule Cheffe de la Chancellerie de l'Ambassade de France en République démocratique du Congo du 20 décembre 2019, sans qu'il ne soit toutefois fait référence à la signature légalisée.

Outre le caractère irrégulier de la légalisation de ces documents, il ne peut être considéré que ce jugement supplétif réponde aux conditions exigées pour sa régularité internationale, sa motivation ne faisant état d'aucune vérification ni enquête préalable prévues par l'article 106 du code de la famille congolais, alors même que plusieurs actes d'état civil avaient été précédemment annulés et qu'une procédure était en cours devant les juridictions françaises concernant son état civil. En outre, cette décision judiciaire ne fait état d'aucun des éléments sur l'état civil des parents figurant pourtant dans l'acte de naissance et la copie intégrale d'acte de naissance dont ils sont censés être la simple transcription.

Dans ces conditions, ce jugement supplétif du 11 septembre 2019 ne peut donc être reconnu en France et se trouve donc privé de toute force probante au regard de l'article 47 du code civil, de même que l'acte de naissance n°5694 qui n'en est que le prolongement.

Surtout, il est admis que les conditions posées par l'article 21-12 du code civil doivent être réunies au jour de la déclaration d'acquisition de la nationalité française pour que celle-ci puisse être enregistrée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le jugement supplétif du 11 septembre 2019 ainsi que l'acte de naissance dressé en exécution dudit jugement, ayant été établis postérieurement à la déclaration d'acquisition de la nationalité souscrite le 28 novembre 2018 .

Nul ne peut se voir reconnaître la nationalité française, sur quelque fondement que ce soit, s'il ne justifie pas d'une identité certaine, attestée par des actes d'état civil probants au sens de l'article 47 du code civil. Mme [H] [V] ne rapportant pas la preuve d'un acte de naissance probant et de sa minorité au jour de la souscription de la déclaration d'acquisition de la nationalité française le 28 novembre 2018, elle ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 21-12 du code civil et il y a ainsi lieu de constater son extranéité.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a constaté la nationalité française de cette dernière.

Il convient en outre d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Eu égard aux circonstances de l'espèce, il convient de laisser la charge des dépens au Trésor public.

En outre, Mme [H] [V], partie perdante, est déboutée de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Aprés débats publics après en avoir délibéré, statuant contradictoirement et en dernier ressort, et dans les limites de la saisine.

Constate que le récépissé justifiant de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré le 20 juin 2022,

Infirme le jugement rendu le 13 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Lyon, en ce qu'il a constaté la nationalité française de Mme [H] [V],

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [H] [V] de sa demande d'enregistrement de sa déclaration de nationalité,

Constate l'extranéité de Mme [H] [V],

Ordonne l'apposition de la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Y ajoutant,

Déboute Mme [H] [V] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le Trésor public au paiement des dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Anne Claire ALMUNEAU, président, et par Priscillia CANU, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre b
Numéro d'arrêt : 22/02863
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;22.02863 ?
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