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25/05/2023 | FRANCE | N°22/00621

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 25 mai 2023, 22/00621


N° RG 22/00621 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OCLA









Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 04 janvier 2022



RG : 2020f1069







S.E.L.A.R.L. [H] [L]



C/



S.A.S. SN AUVERGNE AERONAUTIQUE

S.A. [Localité 3] AERO





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 25 Mai 2023







APPELANTE :



S.E.L.A.R.L. [H] [L] prise

en la personne de maître [H] [L], venant aux droits de la SELARL ALLIANCE MJ, par effet du jugement du tribunal de commerce de LYON du 3 août 2021, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AUVERGNE AERONAUTIQUE, désignée à ces fonctions par ...

N° RG 22/00621 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OCLA

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 04 janvier 2022

RG : 2020f1069

S.E.L.A.R.L. [H] [L]

C/

S.A.S. SN AUVERGNE AERONAUTIQUE

S.A. [Localité 3] AERO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 25 Mai 2023

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. [H] [L] prise en la personne de maître [H] [L], venant aux droits de la SELARL ALLIANCE MJ, par effet du jugement du tribunal de commerce de LYON du 3 août 2021, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AUVERGNE AERONAUTIQUE, désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de LYON en date du 1 er mars 2017

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T 1470

INTIMEES :

S.A.S. SN AUVERGNE AERONAUTIQUE représentée par la société

[Localité 3] AÉRO SA, en qualité de Président, elle-même représentée par M. [Y] [B]

[Adresse 1]

[Localité 4]

S.A. [Localité 3] AERO représentée par M. [Y] [B], en qualité de Président Directeur Général

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentées par Me Vincent DURAND de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 896, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Caroline CHABRERIE de la société CHABRERIE BAERT ASSOCIÉS A.A.R.P.I., avocat au barreau de PARIS

En la présence du Ministère Public pris en la personne de Romain DUCROCQ, substitut général

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 09 Mars 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Mars 2023

Date de mise à disposition : 25 Mai 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La Sas Auvergne Aéronautique exerçait une activité d'assemblage d'ensemble aéronautiques.

Par jugements du 16 juin 2016, le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand l'a condamnée à payer à ses salariés des rappels de primes de treizième mois pour les années 2010 à 2015. Cette prime était traditionnellement versée en deux parties aux salariés les 30 juin et 30 novembre. La société Auvergne Aéronautique a interjeté appel de ce jugement.

En parallèle, par jugement du 27 septembre 2016, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Auvergne Aéronautique et a désigné la Selarl Alliance MJ en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 24 novembre 2016, le tribunal de commerce de Lyon a arrêté le plan de cession des actifs de la société Auvergne Aéronautique au bénéfice de la SA [Localité 3] Aéro. La société [Localité 3] Aéro s'est substituée, pour la reprise des actifs de la société Auvergne Aéronautique, la société SN Auvergne Aéronautique (ci-après « la société SN2A »).

Par jugement du 1er mars 2017, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et a nommé la Selarl Alliance MJ en qualité de liquidateur judiciaire de la société Auvergne Aéronautique.

Par arrêts du 23 mai 2017, la cour d'appel de Riom a confirmé le rappel des primes de treizième mois pour les salariés.

Par courrier du 31 juillet 2017, la Selarl Alliance MJ, ès-qualités, a indiqué à la société SN2A que la deuxième partie de la prime était devenue exigible postérieurement au plan de cession et qu'elle était donc redevable de cette somme à l'égard des salariés.

Par courrier du 24 août 2017, la société SN2A a contesté devoir cette somme au motif que l'offre de reprise prévoyait un règlement limité à un prorata temporis à compter de la date de reprise.

Par courriers du 12 décembre 2017 et du 4 décembre 2018, la Selarl Alliance MJ, ès-qualités, a maintenu sa position et a mis en demeure la société [Localité 3] Aéro d'avoir à procéder à l'exécution du plan de cession.

Par acte d'huissier du 3 mars 2020, la Selarl Alliance MJ, ès-qualités, a assigné la société [Localité 3] Aéro et la société SN2A devant le tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir le paiement de la seconde partie de la prime de treizième mois dont elle avait fait l'avance sur la période du 1er juillet 2016 au 24 novembre 2016, le cessionnaire ayant payé la prime au delà.

Par jugement du 3 août 2021, le tribunal de commerce de Lyon a transféré le mandat exercé par Me [L] au sein de la Selarl Alliance MJ à la Selarl [H] [L].

Par jugement contradictoire du 4 janvier 2022, le tribunal de commerce de Lyon a :

- pris acte que par jugement en date du 3 août 2021, le tribunal a désigné la Selarl [H] [L], représentée par Me [L] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Auvergne Aéronautique en remplacement de la Selarl Alliance MJ, précédemment désignée,

- débouté la Selarl [H] [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la Selarl [H] [L] à payer, à chacune des sociétés [Localité 3] Aéro et SN2A, la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Selarl [H] [L] aux entiers dépens de l'instance.

La Selarl [H] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Auvergne Aéronautique, a interjeté appel par acte du 19 janvier 2022.

L'affaire a été fixée à l'audience en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

* * *

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 16 mars 2022 fondées sur les articles L. 642-5 et L. 642-11 du code de commerce, la Selarl [H] [L], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Auvergne Aéronautique, demande à la cour de :

- réformer en intégralité le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

- débouter les sociétés [Localité 3] Aéro et SN2A de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner solidairement, la société SN2A et la société [Localité 3] Aéro à exécuter le plan de cession et à payer la somme de 67.560,23 euros, à parfaire, entre ses mains sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai d'un mois commençant à courir à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner solidairement la société SN2A et la société [Localité 3] Aéro à lui rembourser la somme de 12.000 euros payée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai d'un mois commençant à courir à compter de la signification de la décision à intervenir,

En tout état de cause,

- condamner, solidairement, la société SN2A et la société [Localité 3] Aéro à lui payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SN2A et à la société [Localité 3] Aéro aux entiers dépens de l'instance.

* * *

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 15 avril 2022 fondées sur l'article 1103 du code civil, les articles L. 642-5, L. 642-11 et L. 661-6 II du code de commerce et l'article L. 1224-2 du code du travail, la société SN2A et la société [Localité 3] Aéro demandent à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

en conséquence,

- débouter la Selarl [H] [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

- juger que la charge du paiement de l'intégralité de la deuxième partie de la prime de treizième mois 2016 est une charge nouvelle augmentative du prix de cession qu'elle a versé qui modifie, de manière substantielle, ses engagements,

- juger que le paiement de ladite charge ne leur est pas opposable,

- débouter la Selarl [H] [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

A titre très subsidiaire,

- juger que la Selarl [H] [L] ne caractérise, ni n'établit, de manière documentée et justifiée, le quantum exact de la créance qui lui serait due,

- constater que les sommes réclamées sont erronées,

- fixer le quantum exact de la créance due,

en tout état de cause,

- débouter la Selarl [H] [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la Selarl [H] [L] de sa demande de condamnation solidaire à leur égard à lui verser 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Selarl [H] [L] à leur payer, la somme, à chacune, de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Selarl [H] [L] aux entiers dépens avec application de l'article 600 du code de procédure civile.

Le ministère public, a reçu communication du dossier au parquet le 17 février 2022 et n'a pas émis d'avis.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 9 mars 2023, les débats étant fixés au 16 mars 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bien fondé de la demande de paiement du 13ème mois

Maître [L] ès-qualités fait valoir que :

- la prise en charge de la seconde partie de la prime était soumise à deux conditions :

- la naissance du droit au 13ème mois postérieure à la cession

- la confirmation du droit des salariés à en bénéficier par une décision de justice définitive,

et ces deux conditions ont été satisfaites,

- le paiement de la seconde partie de la prime incombe en intégralité au repreneur, lequel s'était engagé à la payer sans pouvoir opposer une quelconque proratisation,

- la société [Localité 3] Aéro fait une interprétation biaisée et fausse des stipulations incohérentes de son offre aboutissant à la prise en charge par la procédure collective de charges exclusivement postérieures à la cession ; la seconde partie de la prime de treizième mois est née et est devenue exigible au 30 novembre 2016, soit postérieurement au plan de cession et le fait générateur est postérieur à la cession de sorte que la prime n'est pas à la charge du cédant,

- la société [Localité 3] Aéro ne peut arguer d'un contexte de précipitation dans la préparation de son offre, elle avait connaissance du contentieux sur le 13ème mois et a pu améliorer son offre ; l'article 5.1 de l'offre prévoit la reprise de l'ensemble des droits acquis par les salariés depuis le 1er juin 2016 en ce compris les primes acquises et donc celle du 13ème mois ; elle s'est engagée expressément à prendre en charge les primes exigibles postérieurement à son entrée en jouissance,

- le repreneur ne peut invoquer l'alinéa prétendument dédié au règlement prorata temporis, l'article 1224-2 du code du travail n'est pas applicable en procédure collective ; la prime de 13ème mois est un usage qui s'impose au cessionnaire tenu de la reprendre quand bien même il l'aurait exclue de son offre et aucune charge nouvelle ne lui est imposée,

- l'AGS avait prévenu les candidats repreneurs sur le fait que le paiement de la prime incomberait à l'employeur au jour de son exigibilité, et indiqué que seul le candidat [Localité 3] Aéro en avait tenu compte, cette dernière s'est engagée en toute connaissance de cause,

- le jugement arrêtant le plan de cession a confirmé les engagements du repreneur, sans indiquer qu'il s'agit d'une présentation synthétique de l'offre, et aucun appel n'a été interjeté, de sorte que la décision querellée ne pouvait limiter l'engagement,

- le repreneur ne peut interpréter a posteriori l'article 11.1 de l'acte de cession en contradiction avec l'offre et le jugement, et l'article 7.2 ne concerne que les charges d'exploitation,

- le tribunal de commerce ne s'est pas prononcé sur le fait générateur de la seconde partie de la prime et sa décision est erronée en ce qu'elle se base sur la seule notion d'exigibilité des charges de l'exercice en cours, le fait générateur se confond avec l'exigibilité, la jurisprudence précise que la prime n'est pas due par le cédant et refuse toute proratisation ; en tout état de cause, il ne peut y avoir proratisation en vertu de la liberté contractuelle, son adversaire ne tient pas compte du fait générateur, on ne peut faire peser sur la procédure collective une charge incombant exclusivement au repreneur,

- s'il peut y avoir proratisation en matière de procédure collective, encore faut il que les charges soient nées avant la cession, le débat élevé par l'intimée quant à la période d'activité des salariés est indifférent et crée la confusion,

- le courrier du 26 octobre 2017 n'est pas une reconnaissance d'une proratisation alors que plusieurs autres ont demandé l'exécution des engagements,

- elle n'est intervenue à l'acte de cession qu'aux fins de donner quittance du prix de cession,

- la procédure devant le conseil de prud'hommes ne concerne pas les relations cédant et cessionnaire,

- il n'y a pas de conséquences économiques majeures, l'action est strictement limitée au montant de la demande,

- sur le montant de la prime, l'attestation produite par l'intimée a été établie pour les besoins de la cause,

- le plan de cession n'est pas respecté, l'exécution forcée peut être ordonnée.

Les sociétés intimées font valoir que :

- au titre de l'article L.1224-2 du Code du travail, dans le cadre d'un plan de cession judiciaire, le repreneur n'est pas tenu des obligations de l'ancien employeur à la date de la cession : cela vise toutes les obligations à l'égard des salariés concernant la période d'activité antérieure à la cession, cet article est clair et ne nécessite aucune interprétation,

- au titre de son offre, la société [Localité 3] Aéro s'est engagée à prendre en charge le paiement du 2ème demi-treizième mois 2016 dans la limite du prorata temporis restant à courir dans la cession du 24 novembre 2016 ; il s'agissait d'une condition de l'offre opposable à tous et l'offre ne peut être modifiée dans un sens augmentant ses engagements ; il s'agit d'une condition essentielle et déterminante de l'offre de reprise, compte tenu des concessions déjà accordées en matière sociale,

- le droit d'usage du 13ème mois n'a pas été refusé,

- le paiement limité au prorata temporis correspondant au travail accompli par les salariés antérieurement pour le cédant est valable et licite, c'est une pratique courante relevant de la liberté contractuelle, et la date d'exigibilité de la charge est sans effet ; il n'est contrevenu à aucune disposition d'ordre public ; cette faculté ressort de l'article L 1224-2 du code du travail, et a été validée par les tribunaux pour les plans de cession judiciaire, c'est le droit du plan de cession qui prévaut,

- la proratisation est applicable à une charge antérieure, même si elle est exigible après, la jurisprudence adverse est inapplicable s'agissant de cas où il n'y avait pas de clause d'aménagement, le mandataire invente des règles d'ordre public qui n'existent pas,

- les débats sur la date d'exigibilité sont donc inopérants, et l'appelante confond pour les besoins de la cause date de naissance, d'exigibilité et de mise en paiement, le droit au 13ème mois s'acquiert au fur et à mesure de la période d'activité,

- le tribunal de commerce dans sa décision du 24 novembre 2016 n'a ni jugé ni écarté ou invalidé la proratisation, il a homologué le plan proposé au titre de l'offre et selon ses termes sans en exclure certains termes ; l'appelante ne peut donc dire que sans dispositions spécifiques du jugement, la clause n'est pas applicable,

- le paiement au prorata temporis a été validé par Alliance MJ pour le calcul des droits des salariés non repris, un tel paiement a été prévu par les décisions du conseil de prud'hommes,

- la contribution au prorata temporis est une condition essentielle de l'offre, et une modification ne lui est pas opposable ; l'offre a été acceptée sans modifications, un plan de cession est un contrat judiciaire, indivisible dans son intégralité,

- l'acte de cession définitif fait la loi des parties et s'impose à l'appelante, l'article 11.1 réaffirme le principe d'une contribution du repreneur au paiement du 13ème mois limitée à la seule période postérieure, à la prise de jouissance ; un paiement étendu à l'intégralité serait une modification de l'offre, ce serait une charge supplémentaire substantielle, évaluée entre 250K€ et 308K€, tant pour le passé que pour l'avenir il faut nécessairement l'accord du repreneur pour une modification ; si le jugement prévoit cette charge, elle est nouvelle et modifie le prix de cession et les engagements de sorte qu'elle n'est pas opposable ; aucune preuve d l'acceptation de cette charge supplémentaire n'est rapportée,

- la demande est en partie frauduleuse, elle vise pour partie des salariés qui n'ont pas été repris,

- le plan de cession est parfaitement exécuté.

Sur ce,

L'article L.642-2, V du code de commerce dispose que « L'offre ne peut être ni modifiée, sauf dans un sens plus favorable aux objectifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 642-1, ni retirée. Elle lie son auteur jusqu'à la décision du tribunal arrêtant le plan. »

Selon l'article L 642-5 du code de procédure civile, 'Après avoir recueilli l'avis du ministère public et entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur, l'administrateur lorsqu'il en a été désigné, les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et les contrôleurs, le tribunal retient l'offre qui permet dans les meilleures conditions d'assurer le plus durablement l'emploi attaché à l'ensemble cédé, le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d'exécution. Il arrête un ou plusieurs plans de cession (...)

Le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions applicables à tous (...)

Selon l'article L 642-11, 'Le cessionnaire rend compte au liquidateur de l'application des dispositions prévues par le plan de cession.

Si le cessionnaire n'exécute pas ses engagements, le tribunal peut, à la demande du ministère public d'une part, du liquidateur, d'un créancier, de tout intéressé ou d'office, après avoir recueilli l'avis du ministère public, d'autre part, prononcer la résolution du plan sans préjudice de dommages et intérêts.

Le tribunal peut prononcer la résolution ou la résiliation des actes passés en exécution du plan résolu. Le prix payé par le cessionnaire reste acquis'.

En l'espèce, de manière liminaire, il est relevé que les intimées n'opposent pas de refus de paiement de la prime en raison d'usages jusque là contraires dans l'entreprise.

Il est constant que le mandataire liquidateur a procédé à l'avance de la seconde partie de la prime exigible le 30 novembre 2016.

S'agissant d'une reconnaissance par le liquidateur judiciaire ès-qualités de son obligation à paiement comme soutenu par les intimées, il résulte des productions que par courrier du 26 octobre 2017, le liquidateur judiciaire a précisé 'Je reviens vers vous..concernant le paiement de la prime de 13ème mois 2016 suite aux arrêts rendus par la cour d'appel de Riom. Je tenais à vous informer que je procède au règlement de cette prime pour la période du 01.07.16 au 24.11.16. Comme vous l'avez évoqué dans votre courrier, le solde correspondant à l'entrée en jouissance, est imputable à votre société'.

Ce courrier ne peut toutefois être interprété dans le sens d'une reconnaissance non équivoque du bien fondé de l'argumentation du cessionnaire, ne consistant qu'à faire état du paiement de la prime aux salariés sur la période litigieuse, alors que par ailleurs, par courrier du 31 juillet 2017, la Selarl Alliance MJ avait indiqué à la SN Auvergne Aéronautique qu'il appartenait à cette dernière de prendre en charge la partie des 13ème mois acquise du 1er juillet 2017 et exigible le 30 novembre 2016 en application de l'article L 1224-2 du code du travail, relevant que cet engagement avait été pris à la barre du tribunal, que par courrier du 12 juillet 2017, la société Alliance MJ avait ensuite réitéré sa position juridique auprès du conseil du Groupe [Localité 3] Aéro.

Aucune reconnaissance d'une obligation à la dette ne peut donc être retirée du courrier intermédiaire du 26 octobre 2017, le paiement étant manifestement intervenu afin de ne pas pénaliser les salariés aux motifs du conflit sur le paiement de la prime.

Par ailleurs, les intimées ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article L 1224-2 du code du travail exclues en cas de transfert d'entreprise dans le cadre d'une procédure collective. De même, les décisions prud'homales ne concernent pas les relations cédants cessionnaires de sorte qu'il ne peut rien en être déduit sur le présent litige.

L'offre de reprise stipulait que la reprise des contrats de travail inclura la reprise des droits des salariés y compris les primes acquises depuis le 1er juin 2016 par les salariés concernés et précisait, dans son article 5.1 'un 13ème mois sera dû par le candidat repreneur que si le droit au 13ème mois est né postérieurement à la cession et sous réserve qu'une décision de justice définitive confirme et consacre le droit général des salariés d'Auvergne Aéronautique à bénéficier d'un 13ème mois. Le jugement du conseil des prud'hommes du 26 juillet 2016 a reconnu un droit au 13ème mois aux salariés d'Auvergne Aéronautique. Une procédure d'appel est en cours. A cet égard, il est précisé que le groupe [Localité 3] Aero ne pratique pas de 13ème mois. Dans le cadre de l'exécution du jugement du conseil des prud'hommes du 26 juillet 2016, [Localité 3] Aero versera le 13ème mois exigible à compter de la date de cession (...)

En conséquence de ce qui précède et dans le cas où l'entrée en jouissance devait intervenir pendant le mois de novembre 2016, les salaires de novembre 2016 et la demi-mensualité du 13ème mois seront payés par [Localité 3] Aero prorata temporis à compter de l'entrée en jouissance'.

S'agissant de l'acte de cession des actifs signé le premier août 2017, il indique dans son article 11.1 'un treizième mois sera dû par le cessionnaire si le droit au 13ème mois est né postérieurement à la date de jouissance et exclusivement pour la période débutant à compter de la date de jouissance sous réserve qu'une décision définitive confirme et consacre le droit général des 380 salariés d'Auvergne aéronautique à bénéficier d'un 13ème mois au titre de leur contrat de travail'.

Or, il résulte du jugement du tribunal de commerce du 24 novembre 2016 que le projet de reprise a été approuvé avec fixation d'une date d'entrée en jouissance au 25 novembre 2016 et il indique « 13 ème mois : paiement du 13 ème mois si le droit est né postérieurement à la cession et sous réserve d'une décision de justice définitive confirmant le droit des salariés à bénéficier d'un 13 ème mois. ». Le plan de cession arrêté est précis, notamment sur le volet social et rien ne permet d'affirmer qu'il serait incomplet et ne constituerait qu'une présentation synthétique de l'offre et qu'il conviendrait de se reporter à l'offre initiale pour le complément. Il ne fait pas état d'un paiement prorata temporis. L'acte de cession des actifs ne dit pas le contraire.

L'article L 661-6 III du code de commerce prévoit un droit d'appel du cessionnaire à l'encontre du jugement arrêtant le plan de cession lorsque ce plan lui impose des charges autres que les engagements qu'il a souscrits au cours de la préparation du plan. En l'espèce, aucun recours n'a été engagé par le cessionnaire en l'espèce de sorte que les modalités du plan sont définitives et s'imposent.

Il en découle que les sociétés intimées ne peuvent pas se prévaloir de ce que la charge du paiement de l'intégralité de la deuxième partie de la prime de treizième mois 2016 serait une charge nouvelle augmentative du prix de cession et qui modifierait de manière substantielle, leurs engagements, faute d'avoir exercé un recours sur les conditions fixées par le tribunal.

Il est de manière superfétatoire relevé que les conditions économiques majeures alléguées ne sont pas avérées puisque le 13ème mois en cause ne porte en fait que sur la demande du liquidateur judiciaire sur la période considérée, la prescription atteignant manifestement les créances des salariés n'ayant pas agi.

Par ailleurs, ainsi que justement relevé par le liquidateur, la seconde partie de la prime de treizième mois est née et est devenue exigible au 30 novembre 2016, soit postérieurement au plan de cession et le fait générateur est ainsi postérieur à la cession de sorte que l'intégralité de la prime est bien due par les intimées qui prétendent vainement que le droit au 13ème mois s'acquiert au fur et à mesure de la période d'activité.

Il découle de ce qui précède que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions de la Selarl [H] [L] ès-qualités.

Sur le montant des sommes dues en principal

Il est également constant que tout en indiquant que le treizième mois n'était pas d'usage dans l'entreprise, la société intimée ne conteste pas le droit au treizième mois pour les salariés en cause.

Il est rappelé qu'aux termes de l'article L 642-9 du code de commerce dans sa version applicable à la cause, 'Toute substitution de cessionnaire doit être autorisée par le tribunal dans le jugement arrêtant le plan de cession, sans préjudice de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 642-6. L'auteur de l'offre retenue par le tribunal reste garant solidairement de l'exécution des engagements qu'il a souscrits'.

En l'espèce, la société [Localité 3] Aero s'est substituée la société SN Auvergne Aéronautique pour l'exécution des engagements qui ont été souscrits mais elle reste tenue solidairement en tant qu'auteur de l'offre.

L'appelante produit en pièce 12 le listing des salariés et le montant des primes correspondantes qui sont réclamées.

Les intimés s'appuient sur leur pièce 19 qui est une attestation de M. [Z] [T], directeur de la filiale de la société SN Auvergne aéronautique, lequel atteste que 6 salariés visés dans la pièce 12 de l'appelante n'ont pas fait partie des 304 salariés repris par la société SN Auvergne dans le cadre du plan de cession homologué. Il s'agit des salariés [V], [C], [N], [R], [P] et Maitre.

Or, le tableau des primes réclamées ne fait effectivement mention d'aucune prime à payer pour quatre d'entre eux de sorte que l'argument des intimées est inopérant. Quant à M. [N] et Mme Maître, si ce tableau fait apparaître des montants, les concernant, il est manifeste que le montant de leur prime a été déduit du total réclamé.

En conséquence de ce qui précède, la demande de l'appelante est justifiée et les deux intimées sont condamnées solidairement à payer à l'appelante la somme de 67.560,23 euros au liquidateur judiciaire ès-qualités.

S'agissant d'une condamnation à paiement, le prononcé d'une astreinte n'est pas nécessaire.

S'agissant enfin de la restitution de la somme de 12.000 euros versée en application de condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile, il est rappelé que le présent arrêt constitue le titre permettant la restitution de sommes versées en exécution du jugement infirmé de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les intimés qui succombent sur leurs prétentions en appel supporteront les dépens de première instance et d'appel in solidum.

L'équité commande de les condamner in solidum à payer à la l'appelante la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Infirme en intégralité le jugement querellé.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne solidairement la société SN Auvergne Aéronautique et la Sas Auvergne Aéronautique à verser à la Selarl [H] [L] en qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Auvergne Aéronautique la somme de 67.560,23 euros.

Rejette la demande d'astreinte.

Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de remboursement de sommes acquittées en application de la décision de première instance.

Condamne in solidum la société la société SN2A et la Sas Auvergne Aéronautique à verser à la Selarl [H] [L] en qualité de liquidateur judiciaire de la Sa Auvergne Aéronautique la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum la société SN Auvergne Aéronautique et la société [Localité 3] Aéro aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 22/00621
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;22.00621 ?
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