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25/05/2023 | FRANCE | N°20/06978

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 mai 2023, 20/06978


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 20/06978 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJCD





Société SBS SPECIAL BRIDES SERVICE

C/

[G]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON

du 03 Décembre 2020

RG : 19/00036











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 25 MAI 2023











APPELANTE :



Société SBS SPECIAL

BRIDES SERVICE

[Adresse 3]

[Localité 5]



représentée par Me Gérald POCHON de la SELARL CABINET LEX-PART AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substituée par Me Anne sophie LARDON-BOYER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE





INTIMÉ :



[E], [H], [U]...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 20/06978 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJCD

Société SBS SPECIAL BRIDES SERVICE

C/

[G]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON

du 03 Décembre 2020

RG : 19/00036

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 25 MAI 2023

APPELANTE :

Société SBS SPECIAL BRIDES SERVICE

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Gérald POCHON de la SELARL CABINET LEX-PART AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substituée par Me Anne sophie LARDON-BOYER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉ :

[E], [H], [U] [G]

né le 29 Août 1966 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par de Me Sedahat KELES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Etienne RIGAL, Président

Vincent CASTELLI, Conseiller

Françoise CARRIER, Magistrat honoraire

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président, et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

M. [E] [G] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 octobre 1988, en qualité de contrôleur, classification technicien, par la société Spécial Brides Service (SBS), société ayant son siège à [Adresse 4] et pour activité principale la fabrication et la transformation de produits métallurgiques.

La relation de travail était régie par la convention collective de la métallurgie.

M. [E] [G] occupait en dernier lieu les fonctions de Responsable d'Atelier Forge, sous la qualification Cadre, position ll, indice 135, et percevait une rémunération brute de 4 442,17 €.

Le 7 septembre 2018, la société a fait part au Comité d'Entreprise ainsi qu'à la Commission Territoriale de l'Emploi et à l'IUMM de la [Localité 7], de sa décision de supprimer 8 postes dont les 3 postes d'encadrement d'atelier, à savoir les postes de responsable développement usinage, de responsable atelier forge et de responsable métallurgique et développement technologique.

Le 2 octobre 2018, la société Spécial Brides Service a informé M. [E] [G] qu'elle était contrainte de supprimer son poste et lui proposait alors des postes de technicien au sein de l'entreprise à [Localité 5] (technicien méthode métallurgiste pour une rémunération brute annuelle entre 22 000 et 30 000 € ; technicien usineur éprouvette pour une rémunération brute annuelle entre 22 000 et 23 000 €).

Le 17 octobre 2018, elle lui a proposé un poste d'opérateur débit, sous la qualification ouvrier, pour une rémunération brute annuelle de 24 000 €, poste également situé à [Localité 5].

M. [E] [G] a décliné ces propositions.

Par courrier du 30 octobre 2018, la société Spécial Brides Service l'a convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement pour motif économique.

Par courrier remis en main propre contre décharge du 9 novembre 2018, M. [E] [G] s`est vu proposer le bénéfice d'un contrat de sécurisation professionnelle. Il a remis le bulletin d'adhésion, dans lequel il notifiait son acceptation à bénéficier de ce dispositif le 20 novembre 2018.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 3 décembre 2018, la société Spécial Brides Service lui a notifié son licenciement pour motif économique dans les termes suivants :

Dans le cadre d'une mesure de licenciement pour motif économique dont vous faites I'objet, nous vous avons remis le 9 Novembre 2018, une proposition de contrat de sécurisation professionnelle.

Après réflexion, vous avez décidé d'accepter ce contrat et vous nous avez remis votre bulletin

d'adhésion le 20 Novembre 2018.

Nous vous rappelons que du fait de cette adhésion, nous constatons par la présente, en application de l'article L1233-67 du Code du travail, la rupture de son contrat de travail d'un

commun accord avec effet au 30 Novembre 2018, date d'expiration du délai imparti, et ce pour les motifs suivants :

1- Le groupe GENOYER qui intervient principalement dans le secteur «Oil and Gaz» (pétrole et gaz) depuis plus de 50 ans, était organisé jusqu'en 2017, autour de trois métiers, chacun d'entre eux constituant un pôle d'activité :

a- Une activité d'achat/revente de matériels pour de grands projets dans le domaine de l'énergie, mais principalement dans le domaine du pétrole et gaz. Cette activité a une vocation mondiale et est internationalement reconnue sous la marque La Phocéenne.

Le c'ur de cette activité est basé à [Localité 10] (France).

Ce pôle a été durement touché par l'effondrement des investissements dans le domaine pétrole et gaz. Cela s'est traduit par une baisse de près de 70 % du chiffre d'affaires, passant d'un chiffre d'affaires de 200 M€ en 2015 à 60 M€ en 2017.

Dès 2016, des efforts importants ont été consentis pour faire face à cette situation difficile.

Des actions se sont poursuivies en 2017 et 2018. Malgré les actions menées, le pôle Phocéenne a généré un résultat net négatif sur 2017 et génèrera encore des pertes importantes en 2018.

b- Une activité industrielle de forge et d'usinage qui fabrique des brides, des connecteurs et des pièces forgées complexes à haute valeur ajoutée, principalement pour le marché du pétrole et gaz. Cette activité a également une vocation mondiale internationalement reconnue sous la marque Vilmar. L'usine principale et les compétences techniques et commerciales se trouvent à Valcea (Roumanie). Deux unités d'usinage basées à Houston (USA) et Dubai et rattachées à Vilmar fournissent des prestations locales de sous-traitance.

L'actívité industrielle liée à Vilmar connaît elle aussi des difficultés. Cependant, de par un positionnement haut de gamme sur des produits très techniques, avec une couverture géographique globale, les difficultés de ce pôle sont moindres. Si l'usine principale en Roumanie dégagera encore des résultats positifs en 2018 et génère le cash nécessaire à sa pérennité, les résultats du pôle Vilmar sont en retrait par rapport à 2017.

c- Une activité de service industriel à vocation européenne avec l'élaboration de produits en acier fabriqués à froid ou à chaud. Avant la crise du marché du Pétrole & Gaz, ce pôle comprenait les sept sociétés suivantes :

' SBS (France),

' RTI (France),

' TTB (France),

' WGI (Allemagne),

' Fithandel (Ecosse),

' SFS (Angleterre),

' Phocéenne Congo (Congo)

Toutes les sociétés de ce pôle ont été affectées par la crise du marché Pétrole & Gaz et par la

situation industrielle et économique globale. Après 2014, chacune de ces sociétés a vu son chiffre d'affaires divisé par deux au minimum, certaines bien davantage. En 2015 et 2016, les résultats de toutes ces sociétés étaient négatifs d'une manière très significative. Les sociétés Fithandel et Phocéenne Congo ont été fermées en 2017 et la SFS a été vendue.

Le Groupe GENOYER a en effet été contraint de revoir sa stratégie et mettre en place une nouvelle organisation focalisée sur la gestion et le développement de deux pôles - Phocéenne et Vilmar - et des 2 sociétés indépendantes RTI Industries et SBS, chacun des pôles et des sociétés devant adapter et implanter sa propre stratégie de manière autonome.

2- Ainsi, depuis 2017, le pôle service industriel se compose uniquement de deux sociétés indépendantes, à savoir: RTI Industries à [Localité 9] (18) et Spécial BRIDES SERVICE (SBS) à [Localité 5] (42).

La société SBS est la société la plus importante du pôle industriel, en chiffre d'ajfaires et en effectifs. Elle intervient sur une activité de niche pour la réalisation et la vente de produits forgés et usinés jusqu'à 5 tonnes principalement sur le marché français (80 %).

Depuis 2015, la société SBS enregistre des pertes importantes (...]

Les raisons de la chute du chiffre d'aff'aires sont bien établies :

' Tout d'abord, une détérioration des deux principaux marchés de SBS : la nouvelle crise du marché pétrolier qui débute en 2014 avec une chute du prix de pétrole, conjuguée à une baisse forte du marché nucléaire en Europe. Depuis le début de l'année 2018, on peut observer une légère reprise du nucléaire mais qui ne compense pas les difficultés rencontrées sur le marché pétrolier. La baisse des opportunités commerciales a augmenté la pression concurrentielle et donc la pression sur les prix et les marges.

' Depuis 2016, l'activité historique de négoce est abandonnée par manque de rentabilité au vu des exigences nouvelles des clients, en particulier celles relatives à la traçabilité fabricant.

' Enfin, un litige dans le domaine du nucléaire est survenu à la fin de l'année 2015. Ce litige a eu un effet négatif sur la prise des commandes. Des concurrents, jusqu'alors peu présents dans le domaine du nucléaire se sont subsitués à SBS.

Face à ses difficultés économiques, plusieurs mesures sont envisagées pour retrouver la voie

d'une croissance profitable dans un marché incertain.

' Un accroissement des investissements (...]

' Une augmentation de la marge commerciale par une meilleure valorisation des services et des prestations annexes (documentations, contrôles, gestion des projets)

' Une amélioration de la performance industrielle

' Une réduction de la masse salariale afin d'adapter notre effectif au volume d'activité constaté.

Ce dernier volet de la réorganisation à mener se traduit par la réaffectation de certains travaux entre le personnel salarié et par des suppressions de postes.

Dans ce cadre, il est prévu de simplifier l'organisation en confiant la responsabilité de la production forge et usinage ainsi que le développement technologique à une seule personne avec une formation d'ingénieur et une expérience professionnelle permettant une animation de l'ensemble des équipes qui interviennent dans la chaîne de production.

Cette nouvelle organisation implique la suppression de votre poste de responsable atelier forge.

Par courriers du 2 Octobre 2018 et du 17 octobre 2018, nous avons proposé plusieurs postes

de reclassement internes et externes.

Vous n'avez pas souhaité donner suite aux propositions de reclassement interne et externe que nous vous avons adressées.

En conséquence, compte tenu des graves difficultés économiques précitées et à défaut de possibilités de reclassement malgré les recherches effectuées, et étant donné que vous avez accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 20 Novembre 2018, nous constatons par

la présente la rupture de votre contrat de travail.(...).''

Par requête du 18 avril 2019, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Montbrison à l'effet de contester son licenciement et d'obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 3 décembre 2020, le conseil de prud'hommes a :

- condamné la société Spécial Brides Service à verser à M. [E] [G] les sommes de :

' 88 843 € au titre de dommages et intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 2 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' ainsi qu'aux dépens.

La société Spécial Brides Service a interjeté appel.

Aux termes de conclusions notifiées le 13 septembre 2021, elle demande à la cour de réformer le jugement et de débouter M.[G] de l'intégralité de ses demandes. Elle sollicite en outre l'allocation d'une somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de conclusions notifiées le 18 janvier 2022, M. [G] demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner la société Spécial Brides Service à lui payer la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

L'existence de difficultés économiques avérées à la date du licenciement n'est plus discutée en cause d'appel, le salarié invoquant d'une part l'absence de suppression de son poste, d'autre part le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement.

Sur la suppression de poste

M. [G] fait valoir :

- que les fonctions qu'il exerçait au sein de l'entreprise n'ont pas été supprimées puisqu'un responsable de production était en cours de recrutement pour gérer les divers ateliers,

- qu'un responsable d'exploitation a été recruté en externe quelques jours après son licenciement et que ses fonctions lui ont purement et simplement été transférées,

- que l'emploi du nouveau responsable d'exploitation est de même nature et de même qualification que le sien.

L'employeur fait valoir :

- que le poste de M. [G] a été effectivement supprimé de même que celui des deux autres postes d'encadrement d'atelier et que l'essentiel des responsabilités de ces postes ont été confiées à une seule et même personne,

- qu'aucun responsable atelier de forge n'a été embauché à la place de M. [G].

Dans le cadre d'un licenciement économique, il appartient à la juridiction de vérifier l'effectivité de la suppression d'emploi.

La suppression d'emploi n'implique pas la suppression des fonctions du salarié licencié qu'il est loisible à l'employeur de redistribuer en interne ou par un recrutement externe en fonction des nécessités de l'entreprise. Le poste est réellement supprimé lorsque le salarié embauché ultérieurement occupe un emploi différent avec une qualification supérieure.

Le seul transfert de certaines tâches de M. [G] au nouveau responsable d'exploitation recruté à la suite du licenciement ne saurait dès lors être probant d'une absence de suppression de son poste.

La société SBS justifie avoir supprimé les trois emplois de cadre d'atelier et transféré l'essentiel de leurs fonctions à une seule et même personne, ingénieur de formation, à laquelle ont en outre été confiées des fonctions élargies, ce qui suffit a établir la suppression du poste de M. [G].

Sur le manquement à l'obligation de reclassement

M. [G] fait valoir :

- que les propositions de postes de technicien qui lui ont été faites ne sont pas sérieuses, faute d'être en adéquation avec ses compétences,

- que le poste de responsable d'exploitation aurait dû lui être proposé, qu'il lui a été répondu que la direction souhaitait une personne compétitive immédiatement ; qu'aucune proposition d'évaluation ni aucune proposition de formation ne lui ont été faites afin de lui permettre d'accéder à ce poste,

- qu'il occupait un poste clé dans l'entreprise et qu'il avait les compétences requises notamment managériales mais également en matière de Lean management, de logique de qualité, de sécurité et de gestion du budget,

- que suite au licenciement pour motif économique de M. [Z], directeur d'usine, intervenu en 2017, il a 'managé' l'ensemble des équipes de production, à savoir la forge, le débit, l'usinage, le TTH, la maintenance et l'expédition.

La société SBS fait valoir :

- qu'elle a effectué des recherches de reclassement loyales tant en interne qu'en externe

- que les fonctions de M. [G] étaient principalement d'ordre technique et cantonnées à l'atelier Forge TTH et Débit alors que la mission du responsable d'exploitation comporte celle de de définir la stratégie industrielle de l'entreprise avec le directeur général et qu'il a la responsabilité de l'ensemble des équipes de production, soit 45 personnes contre 15 à l'atelier Forge, de sorte que l'emploi est différent et exige une qualification supérieure,

- qu'elle avait parfaite connaissance des compétences de M. [G] et de leurs limites, s'agissant d'un salarié ayant 30 ans d'ancienneté, de sorte qu'elle n'avait pas à procéder à leur évaluation, que celui-ci n'avait pas de relations fonctionnelles transverses, qu'il n'a jamais participé à la définition de la stratégie de l'entreprise, qu'il n'a jamais été membre du comité de direction ni travaillé avec les équipes commerciales, qu'il n'a pas vu son périmètre de responsabilité augmenté ou élargi suite au départ de M. [Z], l'ancien directeur de production,

- que le responsable d'exploitation recruté est titulaire d'un diplôme d'ingénieur en génie industriel disposant d'une expérience de responsable de production lui permettant d'avoir une vision globale des différentes composantes de l'entreprise et d'être le bras droit du directeur général,

- que, compte tenu de son expérience professionnelle principalement technique, M. [G] aurait dû, pour assurer le poste de responsable d'exploitation, recevoir une formation complémentaire de plusieurs mois dans de multiples domaines allant au delà de la simple adaptation à l'emploi.

L'article L.1233-4 du code du travail dispose : Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

L'obligation de reclassement est une obligation de moyens. Cela suppose l'existence dans l'entreprise de postes disponibles ou pouvant être créés, compatibles avec les capacités et compétences de l'intéressé.

L'obligation de formation corollaire de l'obligation de reclassement, est donc limitée aux formations complémentaires permettant au salarié d'acquérir rapidement une compétence lui permettant d'occuper l'emploi disponible. Par contre, il ne peut être imposé à l'employeur d'assurer au salarié la formation initiale dont il est dépourvu et qui est nécessaire à l'exercice de ses fonctions. Il n'est pas non plus tenu de lui délivrer une qualification nouvelle lui permettant d'accéder à un poste disponible de catégorie supérieure.

Selon sa fiche de poste, les fonctions de M. [G] étaient les suivantes :

- superviser et animer une unité de production, planifier le travail de l'équipe et résoudre les problèmes courants de production,

- définir, planifier et organiser les moyens techniques et humains afin d'atteindre les objectifs de production,

- s'assurer de la gestion des coûts et des indicateurs économiques de son atelier.

Elles impliquaient des compétences techniques ainsi que d'organisation et d'animation d'une équipe centrées exclusivement sur des objectifs de production.

Elles ne comportaient aucune fonction transversale et le 'management' consistait à 'fédérer les équipes autour des objectifs de production' et à organiser la planification du travail en fonction des commandes et des contraintes de production.

Il en résulte que les responsabilités de M. [G] étaient exclusivement d'ordre technique.

Il ressort des organigrammes versés aux débats que jusqu'en 2017, M. [G] exerçait son activité exclusivement dans le cadre de l'atelier Forge, TTH et Débit comportant une vingtaine de salariés et sous la direction de M. [Z], directeur de production.

L'organigramme postérieur au départ de M. [Z] ne fait apparaître aucun changement quant au périmètre des fonctions de M. [G] si ce n'est qu'il était désormais rattaché à un service exploitation sous la subordination directe de la direction générale.

Le salarié se prévaut d'un document interne intitulé plan de déploiement 2018/2019 pour démontrer qu'il aurait effectué des tâches transversales et managériales suite au départ de M. [Z] en mai 2017.

Toutefois, la lecture de ce document confirme que ses missions étaient d'ordre essentiellement technique, l'en-tête de la page 55 concernant son service s'intitulant :'réaliser' et son contenu concernant exclusivement les opérations à réaliser au sein de l'atelier Forge, Débit et TTH en temps, sécurité et coûts avec des indicateurs de suivi relatifs au temps de cycle et au taux de rejets.

Contrairement à ce que soutient M. [G], il n'en ressort pas qu'une mission transversale de gestion des équipes des autres ateliers lui ait été confiée ni qu'il aurait assumé les fonctions managériales de M. [Z] suite au départ de celui-ci.

Le salarié ne produit aucun document faisant apparaître qu'il aurait exercé de telles fonctions, étant relevé que son CV n'aurait pas manqué de le mentionner si tel avait été le cas alors qu'il indique seulement 'responsable atelier forge, encadrement d'une équipe de 25 personnes et gestion de 3 processus : réception et débit matières, forge libre et laminage circulaire et traitement thermique'.

S'agissant du poste créé concomitamment au licenciement de M. [G], il ressort du contrat de travail de M. [T] et de sa fiche de poste que le poste de directeur d'exploitation est un poste transversal impliquant des responsabilités beaucoup plus étendues que celui supprimé et comportant la reprise des fonctions de responsable de production jusque là assuré par le directeur général suite au licenciement du directeur de production. Outre la responsabilité de l'ensemble des équipes de production, il lui incombe de définir la stratégie industrielle de l'entreprise en lien avec le directeur général et de définir et de mettre en place les objectifs de production. Il est ainsi établi que son poste n'est pas exclusivement technique, que son périmètre d'intervention est beaucoup plus large et requiert des compétences généralistes permettant de gérer l'ensemble des enjeux industriels de l'entreprise de sorte qu'il s'agit d'un poste d'une qualification supérieure à celui supprimé.

Il ressort du CV de M. [T] et de la fiche de l'école [6] de [Localité 8] relative cette formation que le cursus d'ingénieur en génie industriel est de trois ans en alternance.

Il en résulte que M. [G], qui, titulaire d'un BTS Forge, avait une formation exclusivement technique centrée sur la spécialité Forge, ne pouvait prétendre assumer les fonctions d'un ingénieur généraliste de l'industrie sans une formation complémentaire longue et approfondie.

L'employeur connaissait les compétences de M. [G] s'agissant d'un salarié ayant une grande ancienneté et ayant travaillé sous la subordination directe du directeur général suite au départ du directeur de production. M. [G] ne s'est jamais prévalu de ce qu'il avait acquis à titre personnel une formation complémentaire le rendant apte à un poste d'ingénieur généraliste de sorte qu'il ne saurait être reproché à l'employeur de n'avoir pas préalablement au licenciement procédé à l'évaluation de ses compétences.

Ainsi, la différence entre les prérequis du poste de responsable d'exploitation et les compétences professionnelles de M. [G] ne pouvait être comblée par une simple formation d'adaptation au poste et justifiait que le poste créé ne lui soit pas proposé.

Si le reclassement doit porter en priorité sur un emploi de même catégorie ou équivalent assorti d'une rémunération équivalente, à défaut de poste disponible dans cette catégorie, l'employeur propose des emplois de catégorie inférieure.

En l'espèce, en l'absence de poste équivalent à celui précédemment occupé par le salarié, l'employeur était fondé à lui proposer des postes de catégorie inférieure.

La société SBS justifie avoir procédé à des recherches de reclassement au sein des sociétés du groupe GENOYER auquel elle appartient, avoir transmis à la Commission Territoriale de l'Emploi de [Localité 8] ainsi que l'Union des Industries et Métiers de la Métallurgie (UIMM) de [Localité 8] la liste des postes qu'elle envisageait de supprimer pour motif économique aux fins de tenir les salariés concernés informés des emplois disponibles sur le marché et avoir proposé à M. [G] des emplois de technicien compatibles avec ses compétences professionnelles et lui avoir communiqué la liste des emplois disponibles au sein du groupe GENOYER y compris à l'étranger et correspondant à ses compétences techniques.

Il est ainsi établi que l'employeur a mis en oeuvre tous les moyens utiles tant internes qu'externes pour parvenir au reclassement du salarié de sorte qu'aucun manquement ne saurait lui être imputé de ce chef et que le jugement doit être réforme en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes accessoires

La salarié qui succombe supporte les dépens. L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. [E] [G] de l'ensemble de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [E] [G] aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 20/06978
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;20.06978 ?
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