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25/05/2023 | FRANCE | N°20/06866

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 mai 2023, 20/06866


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 20/06866 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NIZD





[V]

C/

Société OTOLIFT MONTE-ESCALIERS







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE SUR SAONE

du 02 Novembre 2020

RG : 19/00069











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 25 MAI 2023







APPELANT :



[C] [V]

né le 18 Décem

bre 1972 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]/FRANCE



représenté par Me Eladia DELGADO de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON substituée par Me Fabienne JACQUIER, avocat au barreau de LYON



INTIMÉE :



Société OTOLIFT MONTE-ESC...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 20/06866 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NIZD

[V]

C/

Société OTOLIFT MONTE-ESCALIERS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE SUR SAONE

du 02 Novembre 2020

RG : 19/00069

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 25 MAI 2023

APPELANT :

[C] [V]

né le 18 Décembre 1972 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]/FRANCE

représenté par Me Eladia DELGADO de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON substituée par Me Fabienne JACQUIER, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société OTOLIFT MONTE-ESCALIERS

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat postulant inscrit au barreau de LYON

et représentée par Me Manuelle PUYLAGARDE de l'AARPI BMS, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Etienne RIGAL, Président

Vincent CASTELLI, Conseiller

Françoise CARRIER, Magistrat honoraire

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président, et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [C] [V] (le salarié) a été embauché par la société OTOLIFT MONTE ESCALIERS (la société, l'employeur) par un contrat à durée indéterminée à compter du 3 septembre 2012 en qualité de technico-commercial, statut cadre, position II, coefficient 80 au forfait jour.

La convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie est applicable.

Le 21 juillet 2016, le salarié a été victime d'un accident de la circulation qui a entraîné un arrêt de travail pour accident du travail du 22 juillet 2016 au 15 mai 2018. Il était déclaré apte à reprendre son poste par le médecin du travail le 15 mai 2018.

A nouveau placé en arrêt de travail, le salarié n'a pas repris son poste.

A l'issue de la visite médicale de reprise du 16 juillet 2018, le médecin du travail le déclarait " inapte définitif à tout poste dans l'entreprise ", sans possibilité de reclassement dans l'entreprise.

Par courrier du 20 août 2018, le salarié était licencié pour inaptitude médicale d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement.

Par requête reçue le 27 mai 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône afin notamment de le voir :

- Dire et juger que le forfait jour n'est pas opposable

- Condamner la société à lui verser des sommes au titres des heures supplémentaires et congés afférents, au titre du travail dissimulé, au titre des indemnités conventionnelles de licenciement, au titre du reliquat des indemnités journalières de la Sécurité sociale, au titre du complément journalier de salaire employeur, au titre du complément de salaire journalier servi par la prévoyance, au titre de la revalorisation de la rente accident du travail et à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

Par jugement du 2 novembre 2020, le conseil a notamment :

- Dit que le forfait jour n'est pas opposable au salarié

- Fixé le nouveau salaire de référence à 5 330,65 €

- Jugé que la société a manqué à son obligation de sécurité

- Condamné la société à payer au salarié les sommes de :

o 10 232,37 € à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires ;

o 1 023,23 € outre les congés payés afférents ;

o 6 049,64 € à titre de reliquat d'indemnité conventionnelle du licenciement ;

o 38 957,50 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant de l'application d'une convention de forfait en jours illicite et destinés à compenser la différence entre les sommes perçues et les sommes versées au titre de l'indemnité journalière de Sécurité sociale, du complément employeur, d'indemnités versées par le régime de prévoyance ;

o 6 687,23 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant de l'application d'une convention de forfait en jours illicite et destinés à compenser la rente accident du travail ;

o 2 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour manquement à son obligation de sécurité

o 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

o Outre les intérêts légaux pour les sommes à caractère salarial, à compter de la date de signature par la société défenderesse de l'accusé de réception de la convocation à l'audience du bureau de conciliation et d'orientation, le 5 juin 2019

o Outre les intérêts légaux pour les sommes à caractère de dommages-intérêts, à compter de la signature de l'accusé de réception de la notification du présent jugement par la société défenderesse.

- Ordonné la remise d'un bulletin de paie pour la période d'août 2015 jusqu'à juillet 2016, de l'attestation Pôle Emploi, du solde de tout compte, rectifiés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard sous 15 jours suivant la notification du jugement pour une durée de 30 jours, la formation du bureau de jugement se réservant le droit de liquider l'astreinte

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

- Mis les dépens à la charge de la société.

Le salarié a relevé appel du jugement le 3 décembre 2020.

Dans ses conclusions notifiées le 20 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, le salarié demande à la cour de :

- RECEVOIR Monsieur [V] en son appel et ses demandes ;

- DÉBOUTER la société OTOLITF MONTE ESCALIERS de la fin de non-recevoir soulevée tendant à l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts pour défaut d'information et d'indemnisation des compensations obligatoires en repos ;

- DÉBOUTER la société OTOLIFT MONTE ESCALIERS de son appel incident ;

o SUR LA CONVENTION DE FORFAIT EN JOURS

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a jugé inopposable la convention de forfait en jours ;

o SUR LE TEMPS DE DÉPLACEMENT

À titre principal :

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a qualifié de temps de travail effectif les déplacements réalisés par Monsieur [V] ;

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu que Monsieur [V] était bien fondé à réclamer des heures supplémentaires à ce titre.

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a limité le quantum des condamnations mises à la charge de la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS au titre des heures supplémentaires à la somme de 10.232,37 €, outre 1.023,23 € au titre des congés payés afférents ;

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le montant du salaire de référence de Monsieur [V] à la somme de 5.330,65 € ;

Statuant à nouveau,

- CONDAMNER la société OTOLIFT MONTE-ESCALIERS à verser à Monsieur [V] la somme de 51.188,96 € à titre de rappel de salaire pour la période du 20 août 2015 au 22 juillet 2016, outre 5.118,90 € au titre des congés payés afférents ;

- FIXER à 9.679,34 € le salaire de référence de Monsieur [V] ;

À titre subsidiaire

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a qualifié de temps de travail effectif les déplacements réalisés par Monsieur [V] ;

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à Monsieur [V] la somme de 10.232,37 € à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires, outre 1.023,23 € au titre des congés payés afférents, suivant calculs opérés par l'employeur ;

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le salaire de référence de Monsieur [V] à la somme de 5.330,65 €, tel que calculé par la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS ;

À titre infiniment subsidiaire si la Cour ne qualifiait pas le temps de déplacement en temps de travail effectif

- JUGER que la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS doit indemniser le temps de déplacements réalisés par Monsieur [V] allongeant de 4 heures son amplitude journalière ;

- CONDAMNER la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à Monsieur [V] la somme de 9.046,66 € à titre de dommages et intérêts pour défaut d'information et d'indemnisation des compensations obligatoires en repos (dont 822,42 € au titre des congés payés) ;

- FIXER le salaire de référence de Monsieur [V] à la somme de 5.273,52 € ;

o SUR LE TRAVAIL DISSIMULÉ

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [V] de sa demande au titre du travail dissimulé ;

Statuant à nouveau,

A titre principal

- CONDAMNER la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à Monsieur [V] la somme de 58.076 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sur la base d'un salaire de référence s'élevant à 9.679,34 €

A titre subsidiaire

- CONDAMNER la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à Monsieur [V] la somme de 31.983,90 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sur la base d'un salaire de référence s'élevant à 5.330,65 €, tel que calculé par l'employeur.

A titre infiniment subsidiaire

- CONDAMNER la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à Monsieur [V] la somme de 31.641,12 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sur la base d'un salaire de référence s'élevant à 5.273,52 €.

o SUR LE RELIQUAT DE L'INDEMNITÉ SPÉCIALE DE LICENCIEMENT

À titre principal

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a limité le quantum des condamnations mises à la charge de la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement à la somme de 6.049,64 €

Statuant à nouveau,

- CONDAMNER la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à Monsieur[X] la somme de 19.443,61 € au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement, sur la base d'un salaire de référence s'élevant à 9.679,34 € ;

À titre subsidiaire

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à Monsieur [V] la somme de 6.049,64 € au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement, sur la base d'un salaire de référence s'élevant à 5.330,65 € tel que calculé par l'employeur ;

À titre infiniment subsidiaire

- CONDAMNER la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à Monsieur [V] la somme de 5.873,69 € au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement, sur la base d'un salaire de référence s'élevant à 5.273,52 € ;

o SUR LES DOMMAGES ET INTÉRÊTS RÉSULTANT DU PRÉJUDICE DISTINCT ENSUITE DE LA MISE EN 'UVRE D'UNE CONVENTION DE FORFAIT ILLICITE

A titre principal

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a limité le quantum des condamnations mises à la charge de la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS au titre des dommages et intérêts pour préjudice distinct ensuite de la mise en 'uvre d'une convention de forfait illicite;

Statuant à nouveau,

- CONDAMNER la société OTOLIFT MONTE-ESCALIERS à verser à Monsieur [V] les sommes suivantes, à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi en raison de l'application d'une convention de forfait en jours illicite :

- 64.268,44 € au titre du reliquat des Indemnités Journalières de Sécurité Sociale

- 27.027 € au titre du complément journalier de salaire employeur ;

- 63.463,40 € au titre du complément de salaire journalier servi par la Prévoyance ;

- 42.273 € au titre de la revalorisation de sa rente accident du travail.

A titre subsidiaire

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à Monsieur [V] les sommes suivantes, telles que calculées par l'employeur :

- 38.957,50 € au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant du reliquat des Indemnités Journalières de Sécurité Sociale du complément journalier de salaire employeur, du complément de salaire journalier servi par la prévoyance ;

- 6.687,23 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant de la revalorisation de la rente accident du travail ;

A titre infiniment subsidiaire si la Cour ne qualifiait pas le temps de déplacement en temps de travail effectif

- CONDAMNER la société OTOLIFT MONTE-ESCALIERS à verser à Monsieur [V] les sommes suivantes, à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi en raison de l'application d'une convention de forfait en jours illicite :

- 11.657,42 € au titre du reliquat des Indemnités Journalières de Sécurité Sociale ;

- 7.017,55 au titre du complément journalier de salaire employeur ;

- 16.905,61 € au titre du complément de salaire journalier servi par la prévoyance ;

- 5.656,77 € au titre de la revalorisation de sa rente accident du travail.

o SUR LE MANQUEMENT DE L'EMPLOYEUR A SON OBLIGATION DE SECURITE

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS a manqué à son obligation de sécurité ;

- L'INFIRMER quant au quantum des condamnations mises à la charge de la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS ;

Statuant à nouveau,

- CONDAMNER la société OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à Monsieur [V] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE

- ORDONNER la remise de bulletins de salaires rectificatifs mensuels conformes à la décision à intervenir, de documents de fin de contrat rectifiés, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document courant dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt ;

- SE RÉSERVER le droit de procéder à la liquidation de l'astreinte ;

- DIRE que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en justice ;

- DÉBOUTER la société OTOLIFT MONTE-ESCALIERS de toutes demandes, fins et conclusions contraires ;

- CONDAMNER la société OTOLIFT MONTE-ESCALIERS à payer à Monsieur [V] la somme de 3.000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER la même aux entiers dépens de l'instance.

Le salarié fait valoir essentiellement que :

- La convention de forfait en jours ne lui est pas opposable dès lors qu'il ne bénéficiait d'aucune autonomie dans l'organisation de son emploi du temps ; qu'il n'a pas bénéficié d'entretiens afin de faire le point sur sa convention de forfait en jours ; que la société n'a jamais procédé au contrôle de son temps de travail.

- Par un revirement de jurisprudence du 23 novembre 2022, la cour de cassation a jugé que les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les premiers et derniers rendez-vous répondent à la définition du temps de travail effectif, de sorte que l'article L.3121-4 du code du travail doit être écarté ; la société ayant admis par voie de conclusions que des heures supplémentaires avaient été réalisées par le salarié, seul demeure en litige le quantum des condamnations ; qu'il produit des tableaux récapitulatifs des heures supplémentaires dues ; que subsidiairement, la société doit être condamnée à lui verser des dommages-intérêts pour défaut d'information et d'indemnisation des compensations obligatoires en repos.

- La fin de non-recevoir opposée par la société à la demande de dommages-intérêts pour défaut d'information et d'indemnisation des compensations obligatoires en repos, tirée de son caractère prétendument nouveau, doit être rejetée dès lors que cette demande n'est que la conséquence du manquement de l'employeur qui n'a pas procédé au paiement des heures supplémentaires réalisées et qu'elle n'est pas nouvelle puisqu'elle tend à la même fin que celles soumises au conseil de prud'hommes, à savoir l'indemnisation du salarié consécutive à la réalisation d'heures supplémentaires réalisées.

- L'employeur a volontairement contourné les règles applicables aux conventions de forfait en jours pour ne pas procéder à la déclaration et au paiement d'heures supplémentaires et doit donc être condamné à lui verser une indemnité pour travail dissimulé, sur la base d'un salaire mensuel brut de 9 679,34 euros, ou subsidiairement de 5 330,65 euros, ou infiniment subsidiairement de 5 273,52 euros.

- Son inaptitude étant d'origine professionnelle, le montant de son indemnité légale de licenciement doit être doublée, sur la base d'un salaire de référence de 9 679,34 euros bruts, ou subsidiairement de 5 330,65 euros, ou infiniment subsidiairement de 5 273,52 euros.

- Il a subi un préjudice distinct né de la mise en 'uvre d'une convention de forfait illicite, en raison notamment d'indemnités journalières sous-évaluées pendant sa période d'arrêt de travail ; que celles-ci auraient dû être calculées sur un salaire de référence pour le mois de juin 2016 d'un montant de 6 635,65 euros ; qu'il en est de même s'agissant du complément journalier de salaire servi par l'employeur, du complément journalier de salaire servi par la prévoyance, ainsi que de la revalorisation de la rente accident du travail ; que subsidiairement la cour devra confirmer le jugements sur ces points ; qu'à titre infiniment subsidiaire, la cour devra toutefois tenir compte des repos compensateurs qui ne lui ont jamais été payés.

- L'employeur a violé son obligation de sécurité en ne respectant pas ses obligations en matière de suivi de la charge de travail et d'amplitude du temps de travail, privant le salarié de son droit au repos et portant atteinte au respect de sa vie personnelle et familiale ; que contrairement à ce qu'allègue l'employeur, le salarié avait alerté celui-ci sur ces difficultés ; que la cour devra donc, par voie d'infirmation, augmenter le quantum de l'indemnité octroyée de ce chef par le jugement entrepris.

Dans ses conclusions notifiées le 23 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la société demande à la cour de :

A titre liminaire : sur l'irrecevabilité de la demande nouvelle de M. [V] présentée dans les écritures d'appel

- Juger que la demande de M. [V] de dommages et intérêts pour défaut d'information et d'indemnisation des compensations obligatoires en repos est une demande nouvelle

- Juger la demande irrecevable

Sur le fond, recevoir son appel incident et :

A titre principal, infirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau,

o Juger que le forfait jours prévu à l'article 8 du contrat de travail de Monsieur [V] lui est opposable

o Juger que la société OTOLIFT MONTE ESCALIERS n'a pas manqué à son obligation de sécurité

Par conséquent,

o Débouter Monsieur [V] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire, la Cour d'appel devait considérer que le forfait jours n'est pas opposable à Monsieur [V],

Confirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau,

o Juger que le décompte d'heures supplémentaires produit par Monsieur [V] est erroné

o Juger que OTOLIFT MONTE-ESCALIERS n'a pas eu l'intention de de dissimuler des heures supplémentaires

Par conséquent,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

o Fixé le nouveau salaire de référence de Monsieur [C] [V] à 5.330,65 €

o Condamné la SARL OTOLIFT MONTE ESCALIERS à payer à Monsieur [C] [V] les sommes de :

- 10.232,37 € à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires

- 1.023,23 € outre les congés payés afférents aux heures supplémentaires

- 6.049,64 € à titre de reliquat d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 38.957,50 € au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'application d'une convention de forfait en jour illicite et destinés à compenser la différence entre les sommes perçues et les sommes versées au titre de l'indemnité journalière de sécurité sociale, du complément employeur, d'indemnités versées par le régime de prévoyance

- 6.687,23 € au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant de l'application d'une convention de forfait en jours illicite et destinée à compenser la rente accident du travail

o Débouté Monsieur [V] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé

A titre plus subsidiaire :

Si par extraordinaire, la Cour d'appel devait considérer que :

¢ Une indemnité pour travail dissimulé est due à Monsieur [V]

Confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a :

o Fixé le salaire moyen à 5.330,65 €

Infirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau :

o Juger que le montant de l'indemnité pour travail dissimulé ne peut être supérieur à 31.983,90 €

¢ OTOLIFT MONTE ESCALIERS a manqué à son obligation de sécurité

Confirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau :

o Juger que le montant des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité est justement réparé par la somme de 2.000,00 €

A titre encore plus subsidiaire, sur la demande nouvelle présentée par M. [V] :

Si par extraordinaire, la Cour d'appel jugeait la demande nouvelle de Monsieur [V] recevable :

o Juger que la demande de M. [V] de dommages et intérêts pour défaut d'information et d'indemnisation des compensations obligatoires en repos n'est pas fondée

o L'en débouter

Sur l'article 700 du Code procédure civile :

Dire n'y avoir lieu à condamnation de la société OTOLIFT MONTE ESCALIERS sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et,

Infirmant le jugement entrepris,

Débouter Monsieur [V] de sa demande de première instance et d'appel.

La société fait essentiellement valoir que :

- Le forfait jours prévue par le contrat de travail du salarié est valable et lui est opposable dès lors qu'il repose sur un accord collectif conclu dans la branche de la métallurgie ainsi que sur une convention individuelle de forfait ; que le salarié, s'il bénéficiait d'une optimisation du planning de rendez-vous proposée par le call center, destinée à faciliter le travail des commerciaux, n'était pas privé de son autonomie et demeurait libre de modifier les plannings ; que le salarié a d'ailleurs fixé lui-même ou déplacé certains rendez-vous ; que celui-ci ne peut reprocher à la société des amplitudes horaires trop longues alors que c'est lui qui a décidé de ne pas dormir à l'hôtel alors que les déplacements l'auraient justifié ; que la société a réalisé un suivi et un contrôle du nombre de jours travaillés, au moyen des plannings hebdomadaires gérés par l'agenda Outlook jusqu'en janvier 2017 ainsi que des points téléphoniques très réguliers, voire quotidiens, avec la directrice générale ; que le salarié ne s'est jamais plaint ni n'a émis la moindre réserve sur sa charge de travail ou sur le forfait jour pendant toute durée de la relation contractuelle.

- Subsidiairement, la société conteste le nombre d'heures supplémentaires réclamée par le salarié ; que le jugement entrepris a justement retenu les décomptes et calculs effectués par la société, sur la base d'un salaire mensuel brut moyen de 5 330,65 euros ; à titre infiniment plus subsidiaire, que la demande d'indemnisation au titre de la compensation obligatoire en repos n'est pas fondée puisque, d'une part, la société a inclus les temps de trajet dans le décompte des heures travaillées et, d'autre part, la convention collective ne vise les repos compensateurs que pour les voyages effectués par train, bateau ou avion.

- Si elle n'a pas payé ni mentionné les heures supplémentaires du salarié sur les bulletins de paie, c'est en application du forfait jours et de l'accord du 3 mars 2006 étendu dans la branche de la métallurgie ; que la cour devra donc confirmer le rejet de la demande d'indemnité pour travail dissimulé ; à titre infiniment subsidiaire, cette indemnité devrait être calculée sur la base d'une moyenne mensuelle de salaire de 5 330,65 euros.

- Le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement liée à l'inaptitude d'origine professionnelle du salarié devrait également être calculée sur cette même base de salaire.

- La demande de dommages-intérêts résultant du préjudice subi à la suite de la mise en 'uvre d'une convention de forfait illicite n'est pas fondée, dès lors qu'il est évident que si le salarié avait été engagé dans le cadre d'une durée de travail de 35 heures par semaine, les parties auraient convenu d'une rémunération d'un montant significativement inférieur ; que le salarié n'a donc subi aucun préjudice ; qu'à titre infiniment plus subsidiaire, les reliquats dus au titre des indemnités journalières de Sécurité sociale, du complément journalier employeur et du complément journalier prévoyance devraient être calculés sur la base d'une moyenne de salaire de 5 330,65 euros ; qu'il en serait de même de la revalorisation de la rente accident du travail.

- S'agissant de l'obligation de sécurité, l'employeur n'est tenu à qu'à une obligation de moyen renforcée ; que les déplacements hors secteur étaient expressément prévus par le contrat de travail ; que la société demande à tous ses commerciaux de dormir à l'hôtel lorsque les trajets sont longs selon le lieu du dernier/premier client et leur domicile ; que l'intéressé ne s'est pas rendu à l'étranger, sauf cas ponctuels ; que lui-même est également tenu à une obligation de sécurité et de vigilance ; qu'à titre infiniment subsidiaire, la cour devra confirmer le quantum accordé par le jugement entrepris.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la convention de forfait en jours

Il résulte des articles 17, paragraphe 1, et 4 de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, ainsi que des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Il appartient au juge de le vérifier, même d'office.

Selon l'article L. 3121-63 du code du travail, les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Selon l'article L. 3121-58 du code du travail, peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l'année, dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3º du I de l'article L. 3121-64 :

1º Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;

2º Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

Au cas particulier, les parties s'accordent à reconnaître l'application de la convention collective de la métallurgie, à laquelle renvoie le contrat de travail du salarié et qui prévoit : " Sont concernés par le forfait les salariés qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation journalière de leur emploi du temps, en raison des conditions d'exercice de leur fonction ou en application d'une disposition spécifique dans leur contrat de travail ".

Le contrat de travail de M. [C] [V], embauché en qualité de cadre, prévoit en son article 7 : " Monsieur [V] exerce une mission telle que définie dans la convention collective concernant le forfait annuel en jours. Compte tenu de l'impossibilité de prédéterminer sa durée de travail et compte tenu de son degré d'autonomie dans l'organisation dans son emploi du temps, Monsieur [V] est soumis à ce forfait annuel en jours dans les conditions prévues par l'accord et par la loi ".

Cependant, ledit contrat de travail prévoit également, en son article 4 (c'est la cour qui souligne) :

" Les activités principales de Monsieur [C] [V] seront les suivantes :

- Se rendre aux rendez-vous pris par le service commercial

- [']

- Effectuer des relances téléphoniques de prospects si cela est demandé par la société".

Il résulte sans équivoque de ces stipulations contractuelles particulières que M. [C] [V], nonobstant les stipulations générales contraires précitées, n'était pas libre d'organiser son emploi du temps à son idée, mais devait à l'inverse se conformer aux rendez-vous fixés par la société ainsi qu'aux demandes de celles-ci en matière de relances téléphoniques.

La société - qui, comme le relève le salarié, a très curieusement supprimé dans ses écritures les stipulations contractuelles ci-avant soulignées - se borne à citer quelques exemples isolés de situations où ce dernier ou d'autres cadres technico-commerciaux ont pu modifier ou annuler certains rendez-vous, pour en déduire qu'ils bénéficiaient d'une autonomie réelle.

La cour considère cependant que ces modifications ou annulations marginales dans les plannings ne confèrent pas au salarié la " réelle autonomie " exigée par la convention collective précitée.

Une telle autonomie ne ressort par ailleurs d'aucune des pièces produites par l'employeur, spécialement son courriel du 13 juin 2018, lequel ne fait qu'autoriser les vendeurs à convenir ponctuellement de rendez-vous de leur propre chef en sus du planning qui leur a été communiqué, " surtout s'il y a de la place ".

A l'inverse, le salarié produit un courriel de l'employeur du 1er juin 2016, par lequel celui-ci demande à être immédiatement averti de toute annulation de rendez-vous par un client afin de " trouver un autre rendez-vous [au salarié] ".

L'ensemble de ces éléments démontre que M. [C] [V] ne bénéficiait pas d'une réelle autonomie dans l'organisation de son emploi du temps qui était en fait totalement organisé et imposé par l'employeur.

Dans ces conditions, aucune convention individuelle de forfait en jours ne pouvait être passée entre les parties, de sorte que ladite convention n'est pas opposable au salarié.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

En application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties.

Si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le salarié présente les éléments suivants :

- un tableau récapitulatif des heures travaillées en 2015, aboutissant à un total de 484 heures

- un tableau récapitulatif des heures travaillées en 2016, aboutissant à un total de 691,5 heures.

Le salarié précise dans ses écritures avoir tenu compte de la prescription triennale, de ses périodes de congés payés et de ses éventuels arrêts de travail.

La cour rappelle à cet égard que selon l'article L.3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

En l'espèce, la rupture du contrat de travail étant intervenue le 20 août 2018, la demande peut porter sur les sommes dues depuis le 20 août 2015.

Les éléments présentés par le salarié quant aux heures supplémentaires alléguées à compter de cette date, détaillées de façon hebdomadaire, sont suffisamment précis et permettent à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La cour relève en premier lieu que l'employeur admet expressément dans ses écritures que les temps de trajets du salarié doivent être considérés comme des temps de travail effectif, seul le quantum des heures réalisées demeurant en litige.

La cour observe cependant que l'employeur ne produit aucun élément relatif au contrôle du temps de travail du salarié, se bornant à critiquer, sans portée utile, les éléments présentés par celui-ci, et à reconstituer fictivement le temps de travail de ce dernier en procédant à une estimation théorique de la durée moyenne des tâches qui lui étaient confiées. Une telle estimation ne répond pas aux exigences du texte précité. L'attestation produite par l'employeur au soutien de cette estimation est par suite inopérante.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'on retenu les premiers juges, il ne saurait être fait grief à M. [C] [V] de n'avoir pas systématiquement privilégié un hébergement hôtelier lors de ses déplacements éloignés plutôt qu'un retour à son domicile, dès lors qu'une telle obligation ne résultait ni de son contrat de travail, ni de consignes expresses de l'employeur.

Dans ces conditions, il y a lieu de retenir l'existence d'heures supplémentaires réalisées par le salarié pendant la période du 20 août 2015 au 22 juillet 2016.

Il ressort des bulletins de salaire produits par l'employeur que la moyenne des salaires de M. [C] [V] de juillet 2015 à juin 2016 s'établit à 4 519,63 € (et non à 4 477,95 € comme le soutient l'employeur), soit un taux horaire moyen de 29,80 €, comme l'indique le salarié (et non de 29,52 € comme le soutient l'employeur).

Il en résulte que la cour évalue la rémunération due pour les heures supplémentaires réalisées à la somme de 50 205,56 euros, outre 5 020,56 euros au titre des congés payés afférents.

L'employeur est condamné à verser ces sommes au salarié.

Le salaire mensuel brut moyen en résultant est de 8 703,43 euros.

Le jugement est réformé en ce sens.

Sur le travail dissimulé

L'article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, et l'article L 8221-5 2° du même code dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures inférieur à celui réellement accompli.

Au terme de l'article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 précité a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes et ouvrant droit à indemnité forfaitaire n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle et l'élément intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l'espèce, il a été jugé précédemment que la convention de forfait en jours est nulle en raison du défaut manifeste d'autonomie du salarié dans l'organisation de son travail. Il ressort par ailleurs des propres écritures de l'employeur que celui-ci reconnaît, à titre subsidiaire, l'existence a minima de 5 heures supplémentaires en moyenne par semaine; la cour a jugé que le salarié a en réalité effectué plus de 20 heures supplémentaires en moyenne par semaine.

Un tel volume d'heures supplémentaires, même en ne retenant que l'estimation a minima réalisée par l'employeur, démontre que celui-ci avait parfaitement conscience de leur dissimulation et qu'il n'a pu recourir à la convention de forfait en jours que dans l'intention de cette dissimulation.

La dissimulation d'emploi étant ainsi caractérisée, il y a lieu de faire droit à la demande du salarié de ce chef en lui accordant, sur la base d'un salaire mensuel moyen de 8 703,43 euros, une indemnité forfaitaire de 52 220,58 euros.

Le jugement est réformé en ce sens.

Sur l'indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle

L'employeur ne conteste pas le principe de cette indemnité ni celui du reliquat dû par le salarié, mais estime que le calcul de ce reliquat doit être fondé sur un salaire mensuel moyen de 5 330,65 euros.

La cour ayant précédemment retenu un salaire mensuel moyen de 8 703,43 euros, l'indemnité spéciale de licenciement qui lui est due s'élève à 8 703,43 / 4 x 6,16 x 2 = 26 806,56 euros.

Les parties s'accordant à indiquer que M. [C] [V] a déjà perçu une somme de 10 368,75 euros à ce titre, le reliquat qui lui est dû s'élève à 16 437,81 euros.

L'employeur sera condamné à lui verser cette somme.

Le jugement est réformé en ce sens.

Sur les demandes indemnitaires au titre des préjudices résultant de la mise en 'uvre d'une convention de forfait illicite

Sur la demande au titre des indemnités journalières de sécurité sociale, du complément journalier de salaire servi par l'employeur et du complément journalier de salaire servi par la prévoyance

Il est acquis aux débats que durant la période d'arrêt de travail du salarié, les indemnités journalières de sécurité sociale, le complément journalier de salaire servi par l'employeur et le complément journalier de salaire servi par la prévoyance ont été calculés sur la base des montants figurant sur les bulletins de salaire de M. [C] [V].

Or, la convention de forfait en jours ayant été déclarée inopposable au salarié, le salaire de référence pour le calcul de ces montant est erroné.

M. [C] [V] a donc subi un préjudice financier, non réparé par les sommes précédemment allouées, lui ouvrant droit à réparation.

Concernant les indemnités journalières de Sécurité sociale, le salarié réalise un calcul fondé sur son salaire du mois de juin 2016, reconstitué à partir de son salaire de base et des heures supplémentaires revendiquées, soit 6 635,65 euros. La cour ayant précédemment fait droit à la demande du salarié au titre des heures supplémentaires, incluant celles réalisées en juin 2016, il y a lieu de valider ce calcul.

Sur cette base, le montant des indemnités journalières que le salarié aurait dû percevoir s'élèvent à :

- 3 664,36 euros pour les 28 premiers jours

- 109 244,54 euros pour les 634 jours suivants,

soit un total de 112 908,90 euros.

Il résulte des pièces concordantes des parties que le salarié a déjà perçu la somme totale de 48 640,46' euros à ce titre. Le reliquat qui lui est dû s'élève donc à la somme de 64 268,44' euros.

Concernant le complément journalier de salaire servi par l'employeur, ainsi qu'il a été indiqué précédemment, la cour retient un salaire moyen mensuel de 8 703,43 euros.

Les montants que le salarié aurait dû percevoir s'élèvent donc à :

- 26 110,29 euros pour les 90 premiers jours (à 100 %)

- 13 055,15 euros pour les 90 jours suivants (à 50 %),

soit un total de 39 165,44 euros.

Il résulte des pièces concordantes des parties que le salarié a déjà perçu la somme totale de 16 530,75' euros à ce titre. Le reliquat qui lui est dû s'élève donc à la somme de 22 634,69 euros.

Concernant le complément journalier de salaire servi par la prévoyance, il y a lieu également de retenir un salaire moyen mensuel de 8 703,43 euros.

Le montant que le salarié aurait dû percevoir s'élève donc à 91 966,24 euros pour 634 jours (à 50 %).

Il résulte des pièces concordantes des parties que le salarié a déjà perçu la somme totale de 38 816,65 euros à ce titre. Le reliquat qui lui est dû s'élève donc à la somme de 53 149,59 euros.

L'employeur sera condamné à verser ces sommes au salarié.

Le jugement est réformé en ce sens.

Sur la demande au titre de la rente accident du travail

Pour des motifs identiques à ceux développés précédemment, M. [C] [V] a subi un préjudice financier du fait de l'application illicite d'une convention de forfait en jours, non réparé par les sommes précédemment allouées, lui ouvrant droit à réparation.

Toutefois, le salarié n'explicite nullement le calcul utilisé pour aboutir à sa demande d'un montant de 42 273 euros et les pièces qu'il produit ne permettent pas à la cour de déterminer, ni a fortiori de contrôler, ce calcul.

Il y a lieu en conséquence de lui accorder la somme offerte à titre subsidiaire par l'employeur, soit 6 687,23 euros.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande indemnitaire au titre du préjudice résultant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, dans sa version modifiée par ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable en l'espèce, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L'obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs.

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à prendre.

Respecte l'obligation de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (actions de prévention, d'information, de formation...) et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

En l'espèce, il résulte des décisions qui précèdent, ainsi que des pièces produites par le salarié, que l'employeur n'a procédé à aucun contrôle de l'amplitude de travail du salarié, lui imposant à l'inverse des trajets importants en des temps réduits.

Le salarié a alerté l'employeur sur cette situation et sur le risque d'accident qui en résultait par un courrier électronique du 30 mars 2016, non suivi d'effet.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, aucune faute ne peut être reprochée au salarié du seul fait qu'il n'a pas souhaité, lors de certains de ces déplacements, ne pas être hébergé à l'hôtel alors même, comme il a été indiqué précédemment, qu'aucune consigne expresse n'avait été donnée en ce sens par l'employeur.

Il résulte de ces éléments que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est caractérisé.

Toutefois, le salarié échoue à démontrer que son préjudice de ce chef serait insuffisamment réparé par la somme de 2 000 euros accordée par les premiers juges.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la remise des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat rectifiés

Il y a lieu de faire droit à cette demande, par ailleurs non contestée même à titre subsidiaire, sans toutefois que la cour ne se réserve la liquidation de l'astreinte ainsi prononcée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Compte tenu de l'issue du litige, le jugement est confirmé en ce qui concerne la condamnation de l'employeur aux dépens de première instance et à verser au salarié la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur est condamné aux dépens d'appel et à verser au salarié la somme de 3 000 euros au titre des frais d'appel non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la convention de forfait en jours n'est pas opposable à M. [C] [V] ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à M. [C] [V] la somme de 6 687,23 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'application d'une convention de forfait en jours illicite, destinés à compenser la rente accident du travail ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à M. [C] [V] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement à l'obligation de sécurité ;

CONFIRME le jugement entrepris des chefs statuant sur les dépens et sur les frais irrépétibles de première instance ;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à M. [C] [V] la somme de 50 205,56 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 20 août 2015 au 22 juillet 2016, outre 5 020,56 euros au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNE la société OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à M. [C] [V] la somme de 52 220,58 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

CONDAMNE la société OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à M. [C] [V] la somme de 16 437,81 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement ;

CONDAMNE la société OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à M. [C] [V] la somme de 64 268,44 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du reliquat des indemnités journalières de Sécurité sociale ;

CONDAMNE la société OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à M. [C] [V] la somme de 22 634,69 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du reliquat du complément journalier de salaire servi par l'employeur ;

CONDAMNE la société OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à M. [C] [V] la somme de 53 149,59 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du reliquat du complément journalier de salaire servi par la prévoyance ;

CONDAMNE la société OTOLIFT MONTE ESCALIERS à remettre à M. [C] [V] les bulletins de salaire correspondant aux mois d'août 2015 à juillet 2016 et les documents de fin de contrat, tous éléments rectifiés conformément à la présente décision, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard constaté, courant pendant 30 jours à compter de la date de signification du présent arrêt ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société OTOLIFT MONTE ESCALIERS aux dépens d'appel ;

CONDAMNE la société OTOLIFT MONTE ESCALIERS à verser à M. [C] [V] la somme de 3 000 euros au titre des frais d'appel non compris dans les dépens.

Le greffier Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 20/06866
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;20.06866 ?
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