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25/05/2023 | FRANCE | N°20/06496

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 mai 2023, 20/06496


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 20/06496 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NH5E





[J]



C/



S.A. AUTOROUTES [Localité 7] RHIN RHONE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VILLEFRANCHE SUR SAONE

du 05 Novembre 2020

RG : F 19/00166



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 25 MAI 2023













APPELANT :



[U] [J] ou

vrier autoroutier qualifié,

né le 22 Février 1962 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



S.A. AUTOROUTES [Localité 7] RHIN RHONE

[Ad...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 20/06496 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NH5E

[J]

C/

S.A. AUTOROUTES [Localité 7] RHIN RHONE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VILLEFRANCHE SUR SAONE

du 05 Novembre 2020

RG : F 19/00166

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 25 MAI 2023

APPELANT :

[U] [J] ouvrier autoroutier qualifié,

né le 22 Février 1962 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

S.A. AUTOROUTES [Localité 7] RHIN RHONE

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Tristan HUBERT, avocat postulant du barreau de LYON et par Me Martin LOISELET, avocat plaidant du barreau de DIJON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Etienne RIGAL, Président

Vincent CASTELLI, Conseiller

Françoise CARRIER, Magist

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président, et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [U] [J] a été embauché par la société Autoroutes [Localité 7]-Rhin-Rhône (société APRR)

à compter du 1er février 2004, en qualité d'ouvrier autoroutier qualifié 1ère catégorie.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, il était classé C position 2, échelle 7, échelon A, indice 281,3 de la convention collective des sociétés concessionnaires ou exploitants d'autoroute et ouvriers autoroutiers et de la convention collective inter-entreprise du 1er juin 1979.

M. [U] [J] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement le 29 août 2018.

Par courrier du 13 septembre 2018, remis en mains propres à M. [U] [J], la société APRR lui a notifié son licenciement pour faute simple avec dispense de préavis dans les termes suivants :

« Le 20 août 2018, vous étiez en poste de renfort sécurité. Dans l'après-midi, à 15h33, vous êtes intervenu au point kilométrique 443,900 sens [Localité 7]'[Localité 6] pour intervenir suite à l'appel destiné à l'agent de sécurité autoroutière (ASA) pour « objets encombrants » sur la chaussée.

Vous êtes garés sur [Localité 5], au niveau de la jonction des autoroutes A89 et A6. Vous allez alors chercher une porte de bâtiment modulaire dans un premier temps ; pour cela vous traversez les deux voies de l'A89, puis les trois voies de l'A6. Vous enjambez le terre-plein central (TPC) et vous retrouvez sur la voie rapide du sens [Localité 6] [Localité 7] de l'A6. Vous revenez ensuite sur le sens [Localité 7] [Localité 6], avec la porte, et traversez donc de nouveau les cinq voies.

Dans un second temps, pour récupérer d'autres débris du modulaire, vous traversez de nouveau les 5 voies jusqu'au terre-plein central, sans le franchir cette fois, et revenez avec ces derniers aux fourgons, franchissant pour la 4 ème fois les 5 voies.

Vos interventions ont été constatées par le directeur régional adjoint, Monsieur [O] présent au PC région, par votre responsable hiérarchique, Monsieur [W] présent au PC district, par l'opérateur présent au PC région en charge du secteur et de la surveillance de l'intervention, et par votre cadre viabilité'sécurité, Madame [D], pour le deuxième aller-retour entre [Localité 5] et TPC, suite à son arrivée au PC district.

Votre chef de District, Monsieur [M] [E] vous a reçu à 16h30 à votre retour au district, suite à votre intervention, en présence de Madame [D] ; vous avez argumenté connaître suffisamment votre métier pour intervenir ainsi, vous avez reconu avoir traversé 5 voies (1er aller-retour) pour aller récupérer la porte, puis avoir traversé une seconde fois les 5 voies (2ème aller-retour) pour récupérer les débris. Vous n'avez pas reconnu avoir passé le terreplein central -TPC). Vous avez affirmé à Monsieur [E] et Madame [D] n'avoir rien fait de grave ou de dangereux, et que vous ne connaissiez pas la règle d'interdiction de traverser à pied plus de 3 voies circulées.

Ces faits constituent des fautes professionnelles :

Malgré votre formation initiale d'ouvrier autoroutier, et les formations complémentaires liées aux interventions sur les voies, en lien avec les livrets et les manuels des activités, vous n'avez pas restpecté les procédures de sécurité mises en place par la société pour les interventions sur le tracé.

- En effet, vous avez

' Traversé 5 voies à 4 reprises, ce qui est contraires aux règles figurant page 7 du livret de l'ouvrier autoroutier et page 24 du manuel de sécurité des activités viabilité et sécurité,

' Franchi le terreplein central (tpc) pour vous retrouver en voie rapide sens opposé, ce qui est contraire aux règles figurant page 7 du livret de l'ouvrier autoroutier et page 24 du manuel de sécurité des activités viabilité et sécurité,

' Ramassé des objets lourds et/ou encombrants, sans prendre conseil auprès de l'Agent de Sécurité Autoroutière (ASA) en poste ou en demandant du renfort à votre manager d'astreinte, ce qui est contraire aux règles, principes et recommandations page 29 du livret de l'ouvrier autoroutier,

- Vous avez manqué à votre obligation de sécurité telle que prévue au Code du travail (L.4122- 1),

- Vous n'avez pas respecté le Règlement intérieur de notre société, tout particulièrement le préamabule de l'article I, à l'article I-C-1 et à l'article III-A-1 1er tiret dudit document.

Ces fautes sont inadmissibles et incompatibles avec votre fonction d'ouvrier autoroutier, d'autant plus que vous avez déjà fait l'objet :

- D'une lettre d'observation le 26 septembre 2016 signée de Monsieur [N] [B] pour non port de la ceinture de sécurité,

- D'un avertissement du 13 juin 2017 signé de Monsieur [P] [Y] pour non port de la ceinture de sécurité.

L'ensemble de ces éléments caractérisent plus généralement des manquements graves et répétés à vos obligations professionnelles. Nous avons constaté à plusieurs reprises que vous n'aviez pas conscience des risques engendrés par votre comportement dangereux.

Vous aviez pourtant été régulièrement sensibilité sur les questions de sécurité et les respect des règles, procédures et consignes de la société par votre manager lors de vos derniers entretiens d'évaluation, y compris sur votre propre sécurité (12 août 2016, 20 juillet 2017, 28 mai 2018).

Considérant que les comportements fautifs dont vous avez fait la preuve dans l'exercice de votre fonction le 20 août 2018 sont suffisamment importants, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute.

[...]

Nous vous dispensons de réaliser votre préavis. Vous n'avez pas à vous présenter à votre poste de travail jusqu'au terme du préavis ».

Par lettre du 25 septembre 2018, M. [J] a contesté son licenciement mais la société APRR a confirmé la sanction et le contrat de travail a pris fin le 13 novembre 2018.

Le 5 août 2019, M. [J] a saisi le conseil de prud`hommes de Villefranche-sur-Saône à l'effet de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, ordonner sa réintégration avec paiement des salaires et avantages annexes depuis le licenciement, subsidiairement condamner la société APRR au paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif, pour circonstances vexatoires du licenciement et pour non respect de l'égalité de traitement.

Par jugement du 5 novembre 2020, le conseil de prud'hommes a débouté M. [J] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

M. [U] [J] a interjeté appel.

Aux termes de conclusions notifiées le 1er février 2021, il demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- ordonner sa réintégration au poste occupé au moment de son licenciement avec maintien des avantages acquis,

- condamner la société APRR à lui payer une indemnité correspondant aux salaires bruts et congés payés afférents pour la période du 13 septembre 2018 jusqu'à la date de réintégration effective, somme qui sera 'incrémentée', au prorata temporis, de tous les avantages annexes ou accessoires liés à son appartenance à l'entreprise,

- subsidiairement, condamner la société APRR à lui payer la somme de 48 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

- en tout état de cause, condamner la société APRR à lui payer les sommes suivantes :

' 10 000 € à titre de dommages et intérêts résultant des conditions vexatoires du licenciement,

' 10 000 € en réparation du préjudice subi du fait du non-respect par l'employeur de l'égalité de traitement entre les salariés,

' 3 600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les sommes de nature salariale ou assimilée produisent intérêts à compter de la notification par le conseil de prud'hommes à l'employeur des demandes du salarié et que les sommes indemnitaires porteront intérêts de retard à compter du prononcé du jugement,

- ordonner que lui soient remis les documents légaux rectifiés correspondant aux condamnations prononcées et en particulier, les bulletins de salaire et l'attestation destinée à Pôle Emploi et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision,

- condamner la société APRR aux dépens.

Aux termes de conclusions notifiées le 13 décembre 2022, la société APRR demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner M. [J] à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de réintégration

Aux termes des articles L.1235-3 et L.1235-3-1 du code du travail, le salarié licencié ne peut exiger sa réintégration dans l'entreprise que lorsque son licenciement est entaché d'une des nullités prévues à l'alinéa 2 de l'article L.1235-3-1 parmi lesquelles celle afférente à des faits de harcèlement moral dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4.

En l'espèce, le salarié ne demande pas directement la nullité de son licenciement mais sa demande de voir ordonner sa réintégration sans que se pose la question de l'accord de l'employeur suppose qu'il considère son licenciement nul. La seule cause de nullité qui ressort de ses conclusions est que son licenciement s'inscrirait 'dans un contexte de harcèlement moral'.

En effet, il fait valoir :

- qu'il a toujours été préposé aux tâches les plus difficiles, les plus physiques et les moins valorisantes,

par mauvais temps de préférence,

- qu'il se voyait opposer des refus systématiques à ses demandes de changement de poste,

- que ses journées de RTT ou de congés lui étaient refusées au dernier moment ce qui perturbait l'exercice de son droit de viste sur ses enfants et l'organisation de ses vacances,

- qu'il est le seul salarié du secteur de [Localité 4] à n'avoir jamais bénéficié de prime de fin d'année,

- qu'il ne s'est jamais vu proposer de formation par la direction,

- qu'il a seul été sanctionné pour défaut de port de la ceinture alors que son collègue, passager arrière, n'avait pas non plus mis sa ceinture et que deux autres collègues dans la même situation n'avaient fait l'objet que d'une lettre d'observation pour l'un et d'une réprimande verbale pour l'autre,

- qu'au mois de mars 2018, il a été agressé par un collègue ce qui a été à l'origine d'un malaise nécessitant l'intervention des pompiers,

- que lors de son évaluation annuelle du 28 mai 2018, il a fait état de son ressenti d'acharnement et d'humiliation et qu'il a été réprimandé pour ces propos,

- qu'il s'était porté volontaire pour participer à une action 'gilets rouges' et qu'il s'est vu opposer un refus,

- que ses supérieurs hiérarchiques ont toujours oeuvré pour mettre à mal ses velleités d'effectuer des astreintes, des travaux de nuit ou des animations,

- qu'aucune action préventive n'a été mise en place afin d'amélioer sa situation personnelle.

L'employeur fait valoir en réponse :

- que le ressenti évoqué par le salarié lors de l'entretien annuel de 2018 n'est pas étayé par des éléments objectifs,

- que M. [J] n'a jamais accepté la critique ni souhaité se remettre en question mais qu'il s'est néanmoins déclaré satisfait de ses conditions de travail lors de ses entretiens de 2014 et 2016,

- que M. [J] n'a jamais critiqué les sanctions dont il a fait l'objet,

- qu'il n'existe pas de prime de fin d'année dans l'entreprise et que M. [J] a perçu des primes exceptionnelles à plusieurs reprises en reconnaissance de la qualité de son engagement et de ses prestations lors de certains travaux,

- que M. [J] a bénéficié de nombreuses formations et qu'aucune demande ne ressort de ses comptes-rendus d'entretien,

- que s'agissant de l'action 'gilets rouges', M. [J] avait eu l'accord de sa hiérarchie et que le refus émanait du département clientèles et services et était motivé par le trop grand nombre de candidatures cette année là,

- que M. [J] ne produit aucun élément médical susceptible de faire apparaître une dégradation de son état de santé en lien avec ses conditions de travail.

Selon l'article L.1152-1 du code du travail, « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Selon l'article L.1154-1, il appartient au salarié qui s'en prétend victime de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, le salarié ne produit aucun élément susceptible d'établir l'existence de faits précis matériellement vérifiables s'agissant du traitement partial et injuste dont il aurait fait l'objet de la part de sa hiérarchie en diverses circonstances.

Il ne rapporte pas la preuve de l'existence de primes de fin d'année dont il aurait été injustement privé, l'employeur justifiant de son côté qu'il a bénéficié de primes exceptionnelles.

L'employeur justifie que M. [J] a régulièrement bénéficié de formation de sorte que le grief d'absence de formation est sans fondement.

M. [J] ne produit aucun élément sur les circonstances du malaise dont il aurait été victime au mois de mars 2018 permettant de l'inscrire dans un contexte de harcèlement.

Il ressort des échanges de courriels qu'il verse aux débats que sa candidature aux gilets rouges n'a pas été écartée par sa hiérarchie mais que le décision a été prise par le service en charge de cette animation en raison du trop grand nombre de candidats, son collègue ayant été également écarté,

Il ne justifie pas avoir été réprimandé pour avoir exprimé son ressenti lors de son évaluation du 28 mai 2018. En l'absence de tout autre élément l'objectivant, il apparaît que ce ressenti est directement en lien avec son évaluation de 2018 qui retient que, s'il répond aux attentes en ce qui concerne les tâches qui lui sont confiées, son comportement laisse à désirer concernant le respect des règles de l'entreprise et conclut qu'il doit se reprendre et améliorer son comportement.

M. [J] ne produit enfin aucun élément desquels il ressortirait une dégradation de ses conditions de travail conduisant à une dégradation dea situation personnelle en lien.

En l'absence de faits précis matériellement vérifiables qui pourraient laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, M. [J] succombe à démontrer que son licenciement s'inscrirait dans un contexte de harcèlement et le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de réintégration.

Sur le licenciement

M. [J] fait valoir :

- que la vidéo surveillance exploitée par la société APRR pour justifier son licenciement est un mode de preuve illicite dès lors qu'il n'a pas été informé de sa possible utilisation aux fins de contrôle de son activité, que la reconnaissance de la matérialité des faits ne rend pas ce mode de preuve licite

- qu'il a pris la décision de traverser les voies devant l'urgence de la situation, une porte algéco étant tombée sur l'une des voies en sens inverse, afin d'éviter un accident ; qu'il a pris toutes les mesures de prudence pour traverser les voies,

- qu'il lui avait été demandé de se rendre sur les lieux seul au volant d'un véhicule utilisé par les patrouilleurs suite à un appel destiné à 'l'agent de sécurité' pour 'objet encombrant sur la chaussée', qu'il n'avait pas reçu de formation spécifique pour oeuvrer et intervenir dans le domaine d'activité du renfort de sécurité de sorte qu'il ne pouvait faire fonction d'agent de sécurité et qu'aucune faute ne pouvait lui être reprochée,

- qu'enfin l'intervention sortait du cadre des manuels élaborés par la direction, s'agissant d'une section à 5 voies de circulation.

L'employeur fait valoir en réponse :

- que le salarié avait fait l'objet de sanctions à de multiples reprises en particulier pour non respect des règles de sécurité,

- que son poste incluait des interventions de renfort de sécurité, qu'il était informé de l'interdiction de traverser plus de 3 voies circulées, ou d'intervenir directement sur la chaussée opposée, ayant bénéficié de formations en 2006, 2010, et 2013, 2014 et 2017 et étant tenu au respect des consignes,

- que toutes les méthodes ne peuvent pas être employées au motif qu'elle poursuivent l'objectif de faire cesser une situation de danger pour les usagers, les règles internes ayant pour vocation à encadrer l'intervention pour permettre aux agents d'éliminer la situation de danger sans qu'ils se mettent en danger eux-mêmes,

- que les dispositions protectrices en matière de vidéo-surveillance ne concernent pas les dispositifs qui ne sont pas destinés à contrôler l'activité des salariés ou les locaux dans lesquels les salariés n'ont pas à travailler, qu'en outre le salarié ne discute pas la matérialité des faits qu'il a expressément reconnus,

- que la réalisation d'interventions de sécurité est une mission de sorte qu'il n'existe pas de poste de renfort sécurité dans la classification conventionnelle, qu'il s'agit de missions habituelles de l'ouvrier autoroutier qualifié et que M. [J] n'est pas intervenu en tant que 'faisant fonction' d'agent de sécurité comme il le soutient,

- que la documentation rappelant les règles de sécurité avait été remise au salarié et que celui-ci avait bénéficié de formations régulières dans ce domaine,

- qu'en tout état de cause, les règles de sécurité en cause ne sont pas propres au poste d'agent de sécurité autoroutière ni aux interventions en tant que renfort de sécurité, mais constituent les règles élémentaires d'un agent.

Seuls les systèmes de vidéo-surveillance destinés à contrôler les salariés dans

l'exercice de leurs fonctions doivent être préalablement portés à leur connaissance,

sous peine d'être considérés comme un mode de preuve illicite entraînant l'inopposabilité des constatations opérées par leur biais.

En l'espèce, le dispositif litigieux est destiné à surveiller la circulation et assurer la sécurité des voies d'autoroute. Il ne s'agit donc pas d'un dispositif de surveillance mis en place spécialement pour contrôler l'activité professionnelle du salarié de sorte qu'il ne justifiait pas une information préalable et qu'il constitue un moyen de preuve recevable. En tout état de cause, le salarié reconnaît avoir traversé les cinq voies à 4 reprises et franchi le terre plein central pour récupérer, lors de son premier passage, la porte de bâtiment de chantier placée en appui contre le terre-plein par un automobiliste soucieux d'éviter un accident et, lors de son second passage, divers débris sur la chaussée opposée.

Selon sa fiche de poste, l'agent autoroutier qualifié (OARQ) assure les missions d'entretien général du patrimoine autoroutier, d'interventions de sécurité et les opérations de viabilité hivernale dans le respect des procédures d'exploitation de la société. La fiche précise que le salarié participe à l'astreinte de sécurité, qu'il peut effectuer des remplacements de patrouille et qu'il exerce son métier dans un environnement nécessitant en permanence un comportement adapté pour sa propre sécurité ; qu'il réalise également des missions de contrôle, maintenance et entretien du patrimoine autoroutier et procède notamment au nettoyage du 'tracé' (c'est à dire des voies) ; qu'enfin il participe à la sécurité du tracé et intervient sur accident et/ou incident en première urgence ou en renfort, selon les procédures de balisage et de sécurité du personnel et du client.

Il importe peu que la classification de renfort de sécurité n'existe pas dans la convention collective dès lors que cette activité ne constitue que l'une des missions de l'agent de sécurité et qu'elle ne correspond pas à un poste spécifique et à part entière. En outre, elle relève des fonctions spécifiques de l'ouvrier autoroutier qualifié puisqu'en tant qu'agent de viabilité, il est en charge du nettoyage des voies et qu'il lui incombe d'enlever les objets sur les voies.

La mission de renfort de sécurité ne saurait dès lors se comprendre comme conférant à l'ouvrier autoroutier qualifié les missions d'un agent de surveillance (également appelé patrouilleur) , seul habilité à neutraliser les voies, son intervention se limitant aux opérations de nettoyage des voies dans le cadre d'un accident ou d'un incident, ce dans le respect des procédures d'exploitation de la société et en gardant à l'esprit que l'environnement dans lequel il intervient nécessite en permanence un comportement adapté à sa sécurité ainsi que le rappelle la fiche de poste.

Il est acquis qu'il existe au sein de l'entreprise des OARQ assurant des missions d'agent de sécurité sur la base du volontariat avec un statut de 'faisant fonction' qui ne peut être obtenu qu'à la suite d'une formation validante.

Il ressort du compte rendu d'une réunion de suivi des relations entre services viabilité et sécurité du 12 novembre 2014, produit par le salarié, que les syndicats revendiquaient la reconnaissance de la 'polyvalence sécurité' des agents de viabilité (parmi lesquels les OARQ comme M. [J]) en faisant valoir que les salariés affectés en renfort sécurité n'étaient pas rémunérés en polyvalence alors qu'ils réalisaient la même mission que les 'faisant fonction' et qu'ils étaient arbitrairement désignés en renfort au tour de service et non pas sur la base du volontariat.

Aucun élément n'est toutefois produit objectivant l'identité complète des missions de l'OARQ 'faisant fonction' et de l'OARQ en renfort sécurité, le terme 'faisant fonction' et l'existence d'une formation habilitante faisant au contraire présumer que l'OARQ 'faisant fonction' se voit déléguer une partie des compétences spécifiques du patrouilleur.

M. [J] reconnaît qu'il n'avait pas la formation validante lui permettant d'accéder au statut de 'faisant fonction' et qu'il avait été appelé sur l'incident au qualité de renfort sécurité de sorte qu'il n'a pu se méprendre sur le périmètre de sa mission. Il convient de relever à cet égard qu'il n'a pris l'initiative d'aucune mesure de balisage ou de neutralisation de voies et qu'il est resté dans les limites de sa fonction de viabilité consistant à enlever les objets se trouvant sur les voies.

Il en résulte qu'il n'y a pas lieu de s'intéresser à la formation spécifique dont bénéficient les OARQ 'faisant fonction' de patrouilleur.

S'agissant des conditions d'intervention en renfort sécurité, il n'est justifié d'aucune disposition conventionnelle ou légale imposant que les agents appelés en renfort sécurité interviennent à deux. Il convient de relever qu'en l'espèce, M. [J] a, d'initiative, au reçu de l'appel au patrouilleur de service, indiqué qu'il se rendait sur les lieux de l'incident compte tenu de sa proximité qui permettait une intervention rapide, ce qui fait apparaître que ce mode de fonctionnement était habituel et qu'il n'était pas d'usage que les renforts sécurité interviennent à deux. Le salarié indique également avoir continué à effectuer des missions de renfort sécurité dans les mêmes conditions entre le 20 août et l'entretien préalable.

S'agissant de la connaissance par le salarié des règles de sécurité applicables à son intervention, l'employeur justifie d'une part que le salarié s'est vu remettre le livret de l'ouvrier autoroutier et le manuel de sécurité des activités viabilité et sécurité qui rappellent l'interdiction de traverser plus de trois voies circulées et d'intervenir directement sur la chaussée opposée. Il s'agit de règles générales de sécurité qui ne sont pas propres aux agents de sécurité autoroutière ni aux interventions en tant que renfort sécurité.

M. [J] s'est également vu remettre le manuel des modes opératoires qui prévoit une procédure spécifique en cas de présence d'objets sur la chaussée : 'en cas d'impossibilité d'évacuer l'objet dans de bonnes conditions de sécurité [...], informer l'atstreinte district pour envoi d'une équipe de renfort et permettre la récupération de l'objet'.

Le salarié ne conteste pas avoir eu connaissance de ces règles, étant relevé que le socle de connaissances nécessaires pour le passage en catégorie 2 à laquelle M. [J] a accédé en 2012 incluait le contenu du livret autroutier.

L'employeur justifie d'autre part que M. [J] a bénéficié de multiples formations ayant pour objet la sécurité nécessaire à l'exercice de ses fonctions, en particulier en avril 2014 la formation 'exploiter et intervenir en toute sécurité', portant notamment sur 'les consignes de sécurité à respecter à pied sur le tracé' et en mai 2017 une formation 'sécurité et intervention'.

L'adéquation de la formation de M. [J] à son emploi est ainsi démontrée de sorte que c'est en toute connaissance de cause qu'il a contrevenu aux règles fondamentales de sécurité de l'entreprise alors que, ne pouvant évacuer les objets présents sur la chaussée opposée dans de bonnes conditions de sécurité, il aurait dû appliquer la procédure spécifique prévue dans cette hypothèse. Les attestations versées aux débats démontrent que les conditions dans lesquelles il a transporté la porte de bâtiment de chantier depuis la chaussée opposée jusqu'à son véhicule étaient particulièrement dangereuses tant pour lui que pour les usagers de l'autoroute, compte tenu du poids et de l'encombrement de l'objet transporté, de la largeur de chaussée à traverser et de l'importance de la circulation (30 véhicules par minute).

Les règles de sécurité précédemment exposées étant générales, il ne saurait être reproché à l'employeur de n'avoir pas édité un guide spécifique pour intervenir dans cette configuration.

L'APRR justifie en outre que le secteur de travail de M. [J] comportait des portions à plus de trois voies, notamment la bifurcation entre l'A6 et l'A46 dont la mise en service date de 1991, de sorte que celui-ci ne saurait justifier son comportement par le caractère inhabituel du lieu de son intervention.

Le motif de sécurité pour les usagers de l'autoroute invoqué par le salarié ne saurait l'exonérer de ses fautes, les règles de sécurité susrappelées ayant pour vocation d'encadrer l'intervention des agents afin qu'ils ne se mettent pas eux-mêmes en danger en intervenant pour mettre un terme à une situation de danger.

L'employeur justifie que M. [J] avait auparavant déjà fait l'objet d'un rappel à l'ordre et d'un avertissement pour non respect des règles de sécurité.

La transgression de règles élémentaires de sécurité mettant en cause la sécurité du salarié et celle des usagers venant s'ajouter à ces précédents constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Sur le caractère vexatoire du licenciement

Le salarié fait valoir qu'il a été dispensé de préavis et qu'il a donc dû partir brutalement ce à quoi l'employeur répond que la dispense de préavis ne caractérise pas une circonstance vexatoire du licenciement.

L'article L.1234-5 du code du travail prévoit la possibilité pour l'employeur de dispenser son salarié de l'exécution de son préavis de licenciement.

Une telle dispense ne constitue pas en elle-même une mesure vexatoire. M. [J] ne justifie d'aucun autre fait caractérisant une faute de l'employeur dans la mise en oeuvre du licenciement et lui ayant causé un préjudice direct et certain de sorte que le jugement doit également être confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur l'inégalité de traitement

M. [J] rappelle qu'il est classé 7 A indice 281,3 et fait valoir :

- que son salaire est inférieur à celui de ses collègues, que l'appréciation de la performance qui permet à certains salariés de bénéficier de points d'indice plus élevés n'est pas un critère objectif, l'évaluation se faisant par leur supérieur,

- que MM. [S], [K], [Z] et [H], qui ont tous plus d'ancienneté que lui, sont classés à l'échelon 7 B, que MM. [I] et [UK] [F], qui ont la même ancienneté ou une ancienneté moindre, sont également classés 7B et mieux payés que lui,

- que l'absence d'augmentation individuelle en raison de sanctions disciplinaires constitue une double sanction prohibée.

L'employeur fait valoir :

- que M. [J] se compare avec plusieurs de ses anciens collègues en produisant pour chacun de ces derniers un unique bulletin de salaire, incomplet et qui porte sur une période postérieure à son licenciement ce alors que la situation salariale et indiciaire des intéressés a évolué,

- que M [J] n'établit pas qu'il effectue un travail de valeur égale à celui de ses collègues faute de justifier de situations comparables en matière d'emploi, de dates d'embauche et d'ancienneté, d'âge et de lieux de travail, qu'il ne prend pas en compte l'évolution de ses collègues, notamment quant à leur classification sur la durée de la relation contractuelle de sorte que les éléments invoqués ne sont pas pertinents,

- que M. [J] a régulièrement bénéficié d'avancement tant collectif qu'individuel, qu'il n'avait ni formation ni expérience professionnelle transférables immédiatement dans son nouvel emploi lors de son embauche, que ses comptes-rendus d'entretiens annuels font état de nombreux points négatifs quant à la qualité de son travail et à son comportement, ce qui objective le fait qu'il n'ait pas évolué davantage.

Aux termes de l'article L.3221-4 du code du travail, ont une valeur égale, « les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ».

Selon l'article 40 alinéa 2 de la convention collective du 27 juin 2006, tous les salariés occupant un poste positionné dans le même classe et dont la contribution individuelle est identique doivent bénéficier d'une rémunération équivalente.

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une inégalité de traitement de présenter les éléments de faits susceptibles d'établir une inégalité de rémunération, en particulier de démontrer qu'il se trouve dans une situation identique ou similaire à ceux auxquels il se compare notamment en termes de diplômes, de fonctions et d'ancienneté.

Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de démontrer que la différence de traitement est justifiée par des éléments objectifs. Le juge doit contrôler la réalité et la pertinence des raisons objectives invoquées pour justifier une différence de traitement.

En l'espèce, M. [J] se fonde sur un tableau répertoriant la situation salariale et l'ancienneté de 34 salariés. Sont toutefois seuls fournis les bulletins de salaire de 17 salariés. Parmi ceux-ci, seuls 13 sont ouvriers autoroutiers qualifiés, les quatre autres sont des agents de sécurité qualifiés, qui n'exercent pas les mêmes fonctions et dont il a été précédemment dit qu'ils assumaient des responsabilités impliquant une formation et des sujétions spécifiques, de sorte qu'ils ne sauraient être considérés comme dans une situation comparable à celle des agents autoroutiers qualifiés.

Les bulletins de salaire produits datent de l'année 2019, période à laquelle le salarié n'était plus dans l'entreprise. Si l'on peut admettre que les salariés en cause aient évolué entre le mois de novembre 2018, date du licenciement de M. [J] et l'été 2019, il n'en demeure pas moins que, compte tenu de la faible latitude en matière d'augmentations individuelles revendiquée par l'employeur, ils restent probants dans leur ensemble du niveau de salaire du personnel en cause.

M. [J], embauché le 1er février 2004, avait 14 ans révolus d'ancienneté au moment de son licenciement. MM. [A], [R], [V], [L], [G], [T], [Z] et [H] avaient en 2018 une ancienneté largement supérieure à celle de M. [J] pour avoir été embauchés entre 1983 et 2001 de sorte que leur classsement à l'échelon 7B et leur indice ne sont pas révélateurs d'une quelconque disparité de rémunération. En outre, s'agissant de M. [H], l'employeur justifie que ce dernier n'est passé à l'échelon 7B qu'à compter du 1er janvier 2019 et qu'auparavant il était à l'échelon 7A indice 286,8, la différence d'indice étant objectivée par sa plus grande ancienneté.

S'agissant de MM. [K], [I], [S] et [C], embauchés entre 2004 et 2007, ils sont tous à l'échelon 7B et à un indice supérieur à celui de M. [J]. Par contre, l'employeur justifie que M. [X], embauché en 2009 soit 4 ans après M. [J], n'était jusqu'au 31 décembre 2018 qu'à l'échelon 7A et à l'indice 266,9, inférieur de 14 points à celui de M. [J].

Il est ains établi que le niveau d'échelon et l'indice de M. [J] étaient inférieurs à ceux de quatre salariés embauchés en même temps ou après lui. Toutefois, M. [J] a été embauché à l'échelon 6A catégorie 1 et, après être passé à l'échelon 6B, n'a accédé à l'échelle 7A qu'en 2012 suite à l'obtention de l'examen permettant de passer en catégorie 2. En l'absence d'élément faisant apparaître que MM. [K], [I], [S] et [C] auraient accédé à la catégorie 2 postérieurement à 2012 de sorte que leur passage à l'échelon 7B avec un indice supérieur serait révélateur d'une disparité, M. [J] manque à établir qu'il serait dans une situation comparable à la leur.

Le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour inégalité de traitement.

Sur les demandes accessoires

Le salarié qui succombe supporte les dépens. L'équité ne commande pas de mettre à sa charge une indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [U] [J] aux dépens.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 20/06496
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;20.06496 ?
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