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25/05/2023 | FRANCE | N°20/05392

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 mai 2023, 20/05392


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 20/05392 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NFNU





[F]

C/

Société THUASNE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE

du 16 Septembre 2020

RG : 17/00455











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 25 MAI 2023









APPELANT :



[S] [F]

né le 29 Mars 1966 à [LocalitÃ

© 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]



représenté par Me Myriam ADJERAD de la SELARL ADJERAD AVOCATS, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



Société THUASNE

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 20/05392 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NFNU

[F]

C/

Société THUASNE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE

du 16 Septembre 2020

RG : 17/00455

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 25 MAI 2023

APPELANT :

[S] [F]

né le 29 Mars 1966 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Myriam ADJERAD de la SELARL ADJERAD AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société THUASNE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat postulant inscrit au barreau de LYON, et représentée par Me Violaine CLEMENT-GRANDCOURT, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Etienne RIGAL, Président

Vincent CASTELLI, Conseiller

Françoise CARRIER, Magistrat honoraire

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président, et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCEDURE

Le 13 avril 1993, Monsieur [S] [F] était engagé par la société THUASNE sous contrat à durée indéterminée, en qualité d'attaché de direction.

Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des industries du textile.

Le 1er avril 2001, ce salarié évoluait aux fonctions de 'Directeur Qualité Groupe', et enfin, aux fonctions de 'Directeur Qualité et Affaires Réglementaires Groupe' à effet du 1er septembre 2006, fonctions qu'il occupait en dernier lieu.

Son salaire mensuel de référence s'élevait au dernier état de sa collaboration, à la somme mensuelle de 7 157,63 euros bruts.

Il était convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé le 25 juillet 2017 et son licenciement lui était notifié par courrier recommandé AR du 31 juillet 2017, cela pour cause réelle et sérieuse.

Par requête en date du 22 septembre 2017, il faisait convoquer son ancien employeur devant le Conseil de prud'hommes de Saint Etienne afin de contester, à titre principal, le bien-fondé de son licenciement.

Il sollicitait également paiement de rappels de salaires.

Devant le conseil, il demandait condamnation de son adversaire à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts légaux et capitalisation de ceux-ci:

- Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 229 100 €

- Rappels de salaires sur heures supplémentaires :78 459,89 €, outre indemnité compensatrice de congés payées afférente : 7 845,98 €,

- Reliquat d'indemnité de licenciement : 8 701,04 €,

- Prime variable: 15 000 €, outre indemnité compensatrice de congés payées afférente: 1500,00 €,

- Article 700 du Code de procedure civile: 3 000 €.

La société THUASNE comparaissait et concluait au rejet des demandes adverses et à la condamnation de Monsieur [F] à lui payer la somme de 2 000 euros, en application de l'article 700 du Code de procedure civile.

Le 16 septembre 2020, le conseil rendait un jugement dont le dispositif était le suivant:

' Dit que le licenciement notifié à Monsieur [S] [F] le 31 juillet 2017 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Dit que Monsieur [S] [F] a été rempli de l'ensemble de ses droits par la SAS

THUASNE.

Condamne la SAS THUASNE à payer a Monsieur [S] [F] la somme de 20 000 Euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Constate que Monsieur [S] [F] a le statut de cadre dirigeant,

Déboute Monsieur [S] [F] du surplus de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts.

Condamne la SAS THUASNE à verser à Monsieur [S] [F] la somme de 2 000 euros, au titre de l'article 700 du Code de procedure civile.

Condamne la SAS THUASNE aux entiers dépens de l'instance.'

Le 7 octobre 2020, Monsieur [F] interjetait appel de ce jugement.

Au terme de ses dernières conclusions, notifiées 23 Janvier 2023, il demande à la présente cour de :

-Confirmer le jugement en ce qu'il a :

Dit que le licenciement notifié le 31 juillet 2017 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamné la SAS THUASNE à lui verser la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procedure civile

Condamné la SAS THUASNE aux dépens,

-Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de saint-Étienne le 16 septembre 2020 en ce qu'il a :

Dit qu'il a été rempli de l'ensemble de ses droits par la SAS THUASNE Thuasne ;

Condamné la SAS THUASNE à lui verser la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Constaté qu'il a le statut de cadre dirigeant,

Rejeté le surplus de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts,

Statuant à nouveau,

Condamner la société THUASNE à lui verser la somme de 229 100 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la société THUASNE à lui verser à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires la somme de 78 459.89 €, outre une indemnité compensatrice de congés payés afférents de 7 845.98 €,

Condamner la société THUASNE à lui verser les sommes suivantes :

- reliquat d'indemnité de licenciement 8 701.04 €,

- prime variable 15 000€

- indemnité compensatrice de congés payées afférents 1 500 €,

Condamner la société Thuasne à lui verser la somme de 3 000 €, au titre de l'article 700 du code de procedure civile,

Rappeler que les sommes porteront intérêts à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère indemnitaire et à compter du licenciement pour les sommes à caractère salarial, en application de l'article 1343-2 du code civil,

Ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'anatocisme,

Condamner la société thuasne aux entiers dépens,

Débouter la sas THUASNE de l'intégralité de ses demandes.

Au terme de ses dernières écritures notifiées le 20 Janvier 2023, l'intimée demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint Etienne le 16 septembre 2020 en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de ses demandes en rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents, en rappel de prime variable et congés payés afférents, et en reliquat d'indemnité de licenciement ;

Réformer le jugement entrepris sur le surplus ;

Et, statuant à nouveau :

Débouter Monsieur [F] de l'ensemble de ses demandes. ;

Reconventionnellement,

Condamner Monsieur [F] à payer à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Monsieur [F] aux entiers dépens.

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de saint étienne le 16

septembre 2020 entre les parties, le cas échéant, par substitution de motifs ;

A titre infiniment subsidiaire,

Apprécier dans de bien plus justes proportions les dommages et intérêts alloués

à monsieur [F] sur le fondement de l'article l.1235-3 ancien du code du travail ;

Débouter Monsieur [F] du surplus de ses demandes.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2023.

Par ordonnance du 25 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a rendu une ordonnance dont le dispositif était le suivant:

'Disons que les conclusions n°4 et le pièce n°65 de la société Thuasne sont écartées des débats.':

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un exposé plus ample des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

Sur le bien fondé du licenciement

Arguments des parties

Monsieur [F] expose que :

La Cour ne pourra que confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que la lettre de licenciement faisait état d'éléments imprécis, très généraux et insuffisamment probants.

La société THUASNE ne précise pas si le licenciement repose sur une faute ou relève de l'insuffisance professionnelle.

Elle n'hésite pas à évoquer des faits pouvant relever d'une sanction disciplinaire ('refus de prendre en compte des directives ') et des griefs relevant d'une éventuelle insuffisance professionnelle.

Cette volonté de ne pas qualifier la nature du licenciement dans la lettre de licenciement qui fixe pourtant les limites du litige est une parfaite illustration de l'absence de tout réel grief.

Il a toujours parfaitement satisfait la société THUASNE par son engagement et ses qualités professionnelles.

L'évolution professionnelle qui a été la sienne illustre également son professionnalisme et ses réussites.

En suite à sa dernière promotion, Madame [P], PDG du Groupe THUASNE, indiquait: 'Je tiens à vous féliciter pour la nouvelle tâche qui vous est confiée et à vous exprimer ma reconnaissance de l'avoir acceptée. Je suis contente que cette promotion vous manifeste l'estime que nous avons pour vous'.

En raison de son investissement et de ses réussites, il a également pu bénéficier de nombreuses primes au cours de ses 24 années de carrière et particulièrement les dernières années précédant son licenciement.

L'intimée répond que :

Le jugement du 16 septembre 2020 a relevé justement que la lettre notifiant son licenciement à Monsieur [F] pour insuffisance professionnelle fondait cette décision sur deux motifs, à savoir un isolement professionnel progressif et de très graves dérapages dans le contrôle du système qualité et de la sécurité des produits commercialisés.

La réformation du jugement entrepris est donc encourue dès lors que le Conseil de prud'hommes a justement relevé que, selon les termes de la lettre de licenciement, la rupture était fondée sur ces deux motifs précis, et matériellement vérifiables.

Les insuffisances de Monsieur [F] sont objectivement démontrées et n'ont pas été sans conséquences profondes et durables.

Sur ce

Il convient, à titre liminaire, de déterminer quelle a été la nature du licenciement prononcé et plus précisément de rechercher si celui-ci était ou non de nature disciplinaire.

Dans ce cadre, il sera rappelé que l'exigence de motivation du licenciement n'oblige pas l'employeur à indiquer explicitement ladite nature. Dans le doute quant à celle-ci, il revient au juge de la déterminer en interprétant la lettre de licenciement, laquelle contient seule l'énonciation des motifs de rupture.

Enfin, il doit être également rappelé qu'un licenciement pour cause personnelle peut reposer sur des motifs pluriels, disciplinaires, pour une part et non-disciplinaires, pour le surplus.

A ce stade, il sera observé que l'employeur soutient avoir entendu fonder ce licenciement sur le seul grief d'une insuffisance professionnelle.

La lettre de licenciement litigieuse, qui comme indiqué plus avant, doit être analysée, articule deux griefs essentiels, qu'elle illustre par ailleurs :

' un isolement professionnel progressif,

' de très graves dérapages dans le contrôle du système qualité et de la sécurité des produits commercialisés.

Cette lettre, ainsi, rapporte une inadéquation de Monsieur [F] à son emploi dans les temps précédant son licenciement et ainsi fait état d'une insuffisance professionnelle.

En conséquence il sera jugé que le licenciement querellé repose bien exclusivement sur un tel grief non-disciplinaire.

En second lieu, il doit être recherché si la dite lettre est suffisamment motivée, ce que dénie l'appelant.

Or, contrairement aux autres motifs de licenciement pour lesquels la lettre doit être circonstanciée, il suffit à l'employeur d'invoquer le grief d'insuffisance professionnelle, motif en lui-même vérifiable, pour que la lettre soit dûment et suffisamment motivée (Soc 29 octobre 97, 95-44.152).

Dès lors qu'il a été précédemment considéré que le licenciement était fondé exclusivement sur une telle insuffisance, il sera jugé que la lettre de licenciement litigieuse a été suffisamment explicite quant à la cause de cette rupture.

Il incombe alors à la présente cour de déterminer, au fond ,si le motif précité a bien constitué une cause réelle et sérieuse de rupture du lien salarial.

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective non fautive et durable d'un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé, c'est-à-dire conformément à ce qu'on est fondé à attendre d'un salarié moyen ou ordinaire, employé pour le même type d'emploi et dans la même situation. Ladite insuffisance pour justifier une rupture d'un contrat de travail doit avoir été d'une gravité telle qu'elle a pu perturber le fonctionnement de l'entreprise employeur ou d'un de ses services.

Le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur au soutien d'un licenciement, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail.

Il sera rappelé que l'appelant avait été régulièrement promu depuis son entrée dans l'entreprise et qu'il occupait ses dernières fonctions depuis plus de 10 ans, sans avoir été l'objet de reproches.

Dans ces conditions, son insuffisance ne peut être utilement évoqué que s'il est démontré une dégradation durable de son travail ou de son investissement.

Son ancien employeur plaide qu'il a lâché prise quant aux attentes exprimées par la direction de la société, ne parvenant manifestement pas à se mettre en ligne avec ces attentes, pourtant légitimes et, dans le même temps, qu'il a poursuivi l'exécution de ses fonctions à l'identique, sans accepter la remise en question de ses méthodes de travail.

S'agissant du grief tenant à l'existence de graves dérapages dans le contrôle du système qualité et de la sécurité des produits, la société produit une pièce numérotée 62, consistant en un 'rapport d'expertise' établie non contradictoirement et à sa demande en août 2019 par un prestataire qu'elle a désigné unilatéralement. Ce rapport indique en sa page 11 que:

« le rapport d'audit de mai 2017 de THUASNE fait état de cinq non-conformités mineures. L'analyse des cinq non-conformités montre qu'elles ne relèvent pas d'une faillite du service qualité ou du directeur qualité mais de faiblesses dans les pratiques opérationnelles de certains opérateurs ou services . Elles ne présentent pas un caractère critique au regard de la norme, ni dans la difficulté des actions correctives à mener . (...) Ainsi Monsieur [F] n'a jamais mis en danger le système qualité lors de sa présence dans l'entreprise. »

Ce rapport, établi à l'initiative de l'employeur par un tiers qui était ainsi son mandataire, lui est naturellement opposable; il dédouane manifestement l'appelant du grief d'avoir été le responsable de graves dérapages ou manquements dans l'exercice de sa mission essentielle de contrôle du système qualité ou de la qualité des produits. Il démontre également que les non-conformités découvertes ne présentaient aucun caractère critique au regard de la norme et pouvaient être corrigées sans difficulté.

Dès lors, il doit être considéré qu'à supposer même qu'il soit établi que l'appelant aurait été défaillant dans sa mission essentielle de contrôle qualité, il n'est pas démontré qu'une telle défaillance aurait été de nature à perturber la bonne marche de l'entreprise.

Par ailleurs la société employeur indique que :

Monsieur [F] aurait dû adopter un rôle d'impulsion et organiser ce qui est appelé dans l'entreprise des « revues de directions » complètes. Ces « revues de directions » ont vocation à faire un point précis relativement à la mise en 'uvre des normes ISO avec l'ensemble des services.

Ce travail permet de détecter les éventuels dysfonctionnements dans la mise en 'uvre desdites normes.

Dès lors, cet employeur soutient que si de telles revues de directions avaient été correctement effectuées en 2016 et 2017, les points sensibles et a fortiori les non conformités relevés dans le cadre de l'audit de renouvellement des certifications ISO auraient été mises au jour en amont et auraient pu être corrigées avant le constat désastreux couché noir sur blanc dans le rapport d'audit réalisé.

Il sera rappelé que le rapport dit d'expertise visé plus avant et produit par l'employeur se fonde sur cet audit et qu'il ne fait état que de cinq non-conformités mineures ; il ne peut être considéré qu'il est ainsi démontré qu'il a été justement établi en 2017 un constat désastreux de la situation en 2017 .

Il sera également mentionné que le même rapport indique, en sa page 9, que: « contrairement à ce qui est affirmé par THUASNE, certains éléments démontrent actuellement que les revues de direction de 2015-2016 ont bien été menées, sont conformes à la norme et ont été fournies aux auditeurs ».

S'agissant de la revue 2017, il est indiqué par ce même rapport qu'elle n'a pas été établie à bonne date, soit au plus tard en janvier 2017.

Cependant, ce retard, dans un contexte où jusqu'alors cette tâche avait été accomplie de façon manifestement satisfaisante ne saurait démontrer , à lui seul , une incapacité de Monsieur [F] à réaliser cette tâche ou un désinvestissement notable.

Enfin, s'agissant de la question essentielle du contrôle qualité, il ne peut être passé sous silence le fait que le même rapport d'expertise indique que le résultat de l'audit 2018 est nettement moins bon que celui de 2017 et qu'il précise explicitement que ' le résultat de 2018 ne peut être affecté à l'ancien directeur qualité qui a physiquement quitté l'entreprise en mai 2017 et n'a donc pas pu être l'artisan de cette évolution'.

Le départ de l'appelant de l'entreprise et son remplacement n'ont pas été suivis d'une amélioration de la situation.

Au regard de l'ensemble de ces motifs, il sera retenu que la réalité d'un insuffisance de l'appelant dans le contrôle du service qualité et de sécurité des produits n'est pas démontrée en l'état .

Quant au grief d'un isolement professionnel progressif, il est notamment reproché à Monsieur [F] une gestion de son équipe particulièrement insensée notamment 'le départ de sa principale collaboratrice, épuisée de son immobilisme et sur qui reposait en pratique l'équilibre de l'équipe'

Cependant, il est déposé à la procédure une attestation de Madame [Y], la dite ' principale collaboratrice', rédigée comme suit pour l'essentiel :

'Mon départ de THUASNE en août 2017 est d'abord le fait d'une opportunité d'un poste à responsabilité dans une entreprise attractive à proximité de chez moi.

J'ai quitté l'entreprise avec beaucoup de regrets. En effet l'ambiance dans le service QHSE était très bonne : entente soutien et entraide, l'équipe était motivée, très professionnelle. (...)

Mon e-mail du 10 mars 2017 à destination de la direction avait pour but d'alerter sur la charge de travail du service QHSE. Cette surcharge était due à certains départs mais surtout à la croissance de l'entreprise. En effet le chiffre d'affaires n'a cessé de croître en 10 ans.Les exigences réglementaires étaient de plus en plus importantes et l'effectif du service était resté quant à lui identique.

Avec [S] [F] nous avons passé de nombreuses heures pour proposer à la direction un projet de réorganisation du service dans le but d'améliorer d'une part notre performance et d'autre part la maîtrise de certains processus défaillants. Aucune de ces propositions n'a été retenue par la direction (...).

Enfin ma demande faite à la direction générale, avant ma décision définitive de démission, d'une proposition d'évolution au sein de l'entreprise n'a pas non plus été prise en compte(...)

Affirmer comme cela est fait dans la lettre de licenciement adressé à [S] [F] en août 2017 que mon départ est dû à son immobilisme est une erreur.'

Ce témoignage circonstancié, émanant de celle que l'intimée, elle même, désigne comme la personne sur laquelle ' reposait en pratique l'équilibre de l'équipe', n'est contredit par aucune pièce ou attestation contraire

Il dénie manifestement l'affirmation d'un défaut de management de l'équipe dirigée par Monsieur [F], équipe que celle-ci décrit comme fonctionnant bien, étant motivée et compétente. Il contredit également le reproche d'un désinvestissement de ce directeur de service et de son prétendu immobilisme, alors même que cette témoin révèle qu'il aurait fait des propositions multiples de réformes qui n'auraient pas été prises en compte. Enfin, il fait état d'une charge de travail très importante et croissante , laquelle a nécessairement conduit à des retards, tel celui concernant le retard dans le dépôt de la revue 2017 visée précédemment.

Démontrant enfin l'existence d'une charge de travail importante dans ce service, ce témoignage peut également justifier du recours à un ou à des contrats de travail temporaires, lesquels sont reprochés à Monsieur [F].

Au regard de ces motifs le grief d'un isolement de celui-ci ne sera pas plus retenu.

Le licenciement querellé sera, en conclusion, jugé dépourvu de cause réelle, le jugement étant en cela confirmé.

Monsieur [F] avait dans cette entreprise de plus de 10 salariés une ancienneté de 24 années.

Il est démontré par remise de l'attestation POLE EMPLOI que le salaire qu'il a reçu au cours des 6 derniers mois de son service s'est élevé à la somme totale de 40 908,01 euros.

En application des dispositions des articles L.1235-3 et L.1235- 4 du code du travail dans leur rédaction en vigueur au jour du licenciement, il ne peut lui être alloué une somme moindre en réparation du dommage né de ce licenciement abusif et le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé le montant de cette réparation à la somme de 20 000 euros.

Il démontre par certificat médical avoir subi des soins liés à un épuisement et un stress important en suite de la procédure de licenciement.

Au regard de ces éléments et de sa très importante ancienneté dans cette entreprise, le montant des dommages et intérêts pour licenciement abusif sera fixé à la somme de 75 000 euros.

Sur l'exécution d'heures supplémentaires

Arguments des parties

Monsieur [F] expose que :

Il produit un tableau récapitulatif des heures supplémentaires qu'il a effectuées au cours des 3 années précédant la saisine du Conseil de prud'hommes.

Ce document établit qu'il a effectué 1 381 heures supplémentaires.

A l'appui de ce décompte, il produit :

- Ses agendas,

- Des exemples d'e-mails tardifs ou matinaux.

Il n'a jamais été cadre dirigeant de l'entreprise, notamment en ce qu'il n'est pas démontré qu'il ait fait partie des plus hauts salaires et en ce qu'il ne participait pas au comité de direction exécutif.

Par ailleurs, aucune convention de forfait en jours sur l'année ne peut lui être opposée compte tenu du défaut de contrôle du droit au repos ou de son temps de travail dans l'accord collectif.

L'intimée répond que :

A compter du 1er février 2010, Monsieur [F] a accédé au statut de Cadre dirigeant.

Il relevait bien depuis lors contractuellement de ce statut.

Un faisceau d'indices nombreux et concordants confirme le bien-fondé dudit statut de cadre dirigeant de Monsieur [F].

Ainsi, la définition de ses fonctions est en elle-même éloquente en tant qu'elle démontre la réunion des critères requis pour prétendre audit statut de cadre dirigeant.

Il avait d'ailleurs une délégation de pouvoirs consentie par Madame [P], PDG de THUASNE.

Il participait au CODIR, organe de Direction de l'entreprise, composé d'un nombre restreint de membres, tous dotés d'importantes fonctions.

Sa participation à la direction de l'entreprise se traduisait également dans ses fonctions

managériales, en tant qu'il encadrait des cadres de haut niveau.

Concernant sa rémunération, il apparaît qu'elle figurait parmi les plus élevées.

Son salaire moyen mensuel précédant la rupture de son contrat de travail s'élevait à

7.157,63 euros bruts .

Ce salaire moyen est à comparer à la grille des salaires communiquée par la SAS THUASNE qui démontre que le plus haut niveau de rémunération au sein de la SAS THUASNE est le niveau Ingénieur et Cadre Position IV.

Ce niveau Ingénieur et Cadre Position IV (ancienne classification de la Convention Collective coefficient 800 Cadre Supérieur) correspondait au niveau occupé par Monsieur [F].

A ce niveau le plus élevé, ce dernier avait une rémunération de 30 % supérieure au minimum.

En outre, il est démontré que Monsieur [F] percevait en 2016 le 20ème salaire des établissements de [Localité 4] et de [Localité 5] et figurait ainsi dans les niveaux les plus élevés des rémunérations pratiquées.

Si la cour venait à considérer que Monsieur [F] devait être soumis aux règles relatives à la durée du travail, il constaterait simultanément que celui-ci avait précédemment ratifié l'application d'une convention de forfait jours fixant le nombre de jours travaillés à 212 par an.

Eu égard aux fonctions de Monsieur [F] et à l'autonomie corrélative dont il disposait dans l'organisation de son emploi du temps, l'application du forfait jours était bien fondée.

A titre subsidiaire, Monsieur [F] s'appuie sur des tableaux rédigés péremptoirement et a posteriori des faits, cela pour les circonstances de la cause, mentionnant un nombre d'heures qu'il considère avoir travaillées, sans précision de ses horaires de travail.

Un tel document n'est pas de nature à rapporter valablement la preuve revenant au

salarié des horaires réalisés, d'une part, et de ce que ceux-ci correspondraient à une

commande de travail de l'employeur, d'autre part.

Sur ce

Il sera rappelé que la société intimée soutient sans être démentie que suivant accord formé avec l'appelant, celui-ci a été promu au statut de cadre dirigeant à compter du 1er février 2010.

Cependant, il revient à la présente juridiction de rechercher si cet accord contractuel était bien fondé, ce que conteste Monsieur [F].

Il résulte de l'article L 3111-2 du code du travail que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Ce même article L 3111-2 précise que les cadres dirigeants sont exclus des dispositions légales et réglementaires concernant la durée du travail ; ils n'ont ainsi pas droit à paiement d'heures supplémentaires.

La qualité de cadre dirigeant découle, dès lors, de la réunion des trois critères cumulatifs rappelés plus avant .

Il sera ajouté que la Cour de cassation a jugé que la réunion exigée des dits critères implique nécessairement que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise (Soc 31 janvier 2012, 10 -24- 412).

A ce stade, il sera considéré qu'en raison du caractère d'ordre public de la législation sur la durée du travail et de son lien direct avec la santé et la sécurité des salariés, cette exception au droit commune de la réglementation relative à la durée du travail ne peut s'accommoder que d'une acception restrictive de la dite notion de cadre-dirigeant.

Comme le relève le conseiller rapporteur dans son rapport préalable à l'arrêt ainsi du 31 janvier 2012, précité:

' Les intentions du législateur de 2000 étaient à cet égard très claires : ce texte ' vise ces salariés bien particuliers qui ont un rôle d'employeur et le représentent souvent en matière sociale ou autre. Il peut par exemple présider le comité d'entreprise à la place du chef d'entreprise ; il assume la responsabilité pénale.

Cette particularité, comme le fait que ne soit pas visée dans l'article l'article L 3111-2 du code du travail la catégorie des cadres dits « supérieurs », invite donc à se limiter au premier cercle autour du dirigeant, comme le font nombre de conventions collectives de branche (exemple de la chimie).

Dans les organigrammes des entreprises de moyenne et de grande importance, ces personnes devraient être par définition un très petit nombre.

Elles semblent se situer dans le premier cercle concentrique de pouvoir entourant le

chef d'entreprise.'

Au-delà des stipulations du contrat de travail, il revient au juge d'examiner les fonctions effectivement exercées par le salarié concerné, afin de vérifier, au regard de l'ensemble de ces critères, s'il occupe bien un emploi de cadre dirigeant.

En l'espèce, la société intimée produit aux débats un organigramme distinguant les organes de direction du 'groupe THUASNE' de ceux de 'THUASNE [Localité 2]', le poste de Monsieur [F] n'apparaît qu'au niveau de ce dernier établissement.

Il découle de l'absence d'inscription de son poste au sein de l'organigramme du 'groupe THUASNE' qu'il est exclu qu'il ait participé à la direction effective de l'entreprise elle-même, ses fonctions ne s'exerçant qu'au seul niveau de l'entité stéphanoise déconcentrée.

Par ailleurs, aux termes de ses écritures, la société intimée soutient que celui-ci percevait, en 2016, le 20ème salaire des établissements de [Localité 4] et de [Localité 5] et figurait ainsi dans les niveaux les plus élevés des rémunérations pratiquées.

Il ne peut être sérieusement soutenu que le bénéfice du 20ème salaire le situe dans les rémunérations les plus élevées et au niveau d'un cadre dirigeant et plus encore, la comparaison avec les autres rémunérations ne doit pas être appréhendée au niveau des établissements déconcentrés, mais bien au niveau de celui de la société mère à la direction de laquelle il est censé avoir participé.

Ces seuls faits convergents suffisent à démontrer qu'il est exclu que Monsieur [F] ait pu relever du statut de cadre-dirigeant de la société elle- même.

Son autorité ne s'exerçait qu'au niveau de l'entité déconcentrée., ce qui est exclusif du statut de cadre-dirigeant.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

A titre surabondant, il sera ajouté que la lettre de licenciement fait état d'une décision de rupture prise au niveau du comité de direction de la société, lequel apparaît ainsi être l'organe de direction effective de cette entreprise.

Or, Monsieur [F] indique, sans être démenti qu'il n'était pas membre de ce comité.

Il est ainsi exclu qu'il ait participé à la direction effective de l'entreprise elle-même, ses fonctions ne s'exerçant en réalité qu'au seul niveau d'un des établissements de la société.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

A titre subsidiaire et en défense à la demande en paiement d'heures supplémentaires, il est fait état de l'existence d'une convention de forfait-jours.

En réponse à ce moyen, il sera d'abord considéré douteux que l'employeur, alors qu'il indique que contractuellement son ancien salarié avait accédé au statut de cadre dirigeant, puisse encore, dans l'hypothèse où ce statut serait jugé infondé, se prévaloir d'une convention de forfait-jours, formée antérieurement à la prétendue promotion au dit statut.

La convention de forfait jours a nécessairement pris fin lorsque les parties, à l'initiative dudit employeur, ont convenu d'une promotion du salarié intéressé à ce statut le plus élevé, exclusif d'une convention relative au temps de travail.

La clause contractuelle convenant d'un accès au statut de cadre dirigeant s'est nécessairement substituée à la stipulation antérieure de forfait jours.

A titre surabondant, l'appelant argue de ce que la société THUASNE a conclu un avenant à son accord d'entreprise le 30 novembre 1999.

Dans cet accord, les partenaires sociaux ont prévu la possibilité pour les cadres d'être soumis à une convention de forfait jours sur l'année.

Mais, cet accord prévoit pour seule et unique modalité de contrôle du temps de travail et de suivi des droits à repos, un recueil 'des repos pris et du solde des jours à prendre communiqué par périodes trimestrielles par la hiérarchie'.

Aucune modalité concrète de contrôle du respect des droits à repos du salarié n'est prévue par cet accord.

Aucun argument n'est présenté en défense à ce moyen tiré de l'irrégularité de la convention de forfait précitée.

L'accord d'entreprise sur lequel repose la convention litigieuse, rédigé comme indiqué par l'appelant, ne prévoit aucune mesure effective de contrôle des durées maximales de travail et des temps de repos.

Ladite clause apparaît bien entâchée de nullité.

Au surplus, la société intimée ne justifie d'aucune mesure effective mise en oeuvre de contrôle de l'adaptation de cette convention de forfait à la réalité du temps de travail de son ancien salarié. Elle ne prétend pas avoir réalisé un contrôle annuel de son temps de travail avec ce dernier.

Dès lors, la société intimée ne peut utilement faire état de cette convention de forfait-jours en défense à la demande en paiement d'heures supplémentaires.

Il est ainsi retenu que cette société ne peut se reposer sur la qualité de cadre dirigeant de son ancien salarié ou sur une clause de forfait- jours pour s'abstraire du paiement des heures de travail ayant dépassé la durée légale hebdomadaire de travail.

Il convient dès lors de rechercher s'il peut être retenu que celui-ci a travaillé au-delà de cette durée hebdomadaire.

L'article L3171-4 du code du travail énonce que :

"En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles."

La charge de la preuve des heures supplémentaires est ainsi partagée.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies , afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. (Soc 18 mars 2020, 18-10-919).

Ce régime probatoire a été précisé par la Cour de cassation qui juge que, s'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande (Soc., 25 février 2004, n 01-45.441, Bull. V n 62)

La chambre sociale de la Cour a fait évoluer sa jurisprudence depuis un arrêt du 24 novembre 2010 (09-40.928, Bull. V n 266), qui énonce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires

effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; il en résulte que viole l'article L. 3171-4 du code du travail, la cour d'appel qui déboute la salariée de sa demande alors que celle-ci avait produit un décompte des heures qu'elle prétendait avoir réalisées auquel l'employeur pouvait répondre.

Il sera donc recherché, en premier lieu, si Monsieur [F] présente à la cour des éléments suffisamment précis quant aux horaires qu'il aurait effectivement réalisés pour permettre à son ancien employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments.

Il sera précisé, à ce stade, que la société intimée, dès lors qu'à titre principal elle argue de ce que Monsieur [F] était autonome dans la définition de ses horaires de travail, ne peut prétendre que celui-ci aurait accompli des heures de travail qu'elle ne lui aurait pas demandé ou sans son accord.

Monsieur [F] dépose aux débats copie de son agenda pour la période de janvier 2015 à son départ de l'entreprise, mentionnant pour chaque jour l'heure de sa première tâche et l'heure de sa fin d'activité.

Ces pièces sont précises quant aux horaires de travail revendiqués et permettent à son ancien employeur de confronter la revendication d'heures supplémentaires au recueil du temps de travail qu'il a dû opérer.

Il sera ajouté que l'attestation déposée par Madame [Y], précédemment évoquée, confirme la réalité des horaires de travail particulièrement importants accomplis par Monsieur [F], dont il fait état.

La société THUASNE ne produit aucune pièce ayant trait au recueil du temps de travail de ce dernier ; il apparaît bien qu'elle s'est crue, à tort, autorisée à ne pas contrôler ledit temps de travail.

Dès lors, Monsieur [F] étayant précisément une revendicationà laquelle il n'est aucunement répondu, il sera fait droit à son entière demande en paiement du chef de l'accomplissement d'heures supplémentaires, outre congés payés.

Le jugement sera, là encore, infirmé de ce chef.

Sur le rappel de salaire sur prime variable

Arguments des parties

Monsieur [F] fait valoir que :

Son contrat de travail prévoyait le versement d'une prime annuelle variable dont , au dernier état de la relation contractuelle, le montant était de 15 000 € bruts.

Pour l'année 2017, aucun objectif ne lui a été fixé.

Or, la jurisprudence considère qu'en l'absence de fixation de la prime d'objectif, les juges

condamnent l'employeur à la prime d'objectif maximale.

La société THUASNE répond que :

Cette demande est infondée, à plusieurs titres :

Si le montant maximal de rémunération variable, les années précédentes était de 15 000 euros, il sera rappelé que Monsieur [F] n'a obtenu que 6 000 euros pour l'année 2016, et 7 500 euros pour 2015, et ce, à titre, expressément, d'encouragements, et non en raison de l'atteinte partielle de ses objectifs. Il ne saurait donc prétendre, pour la demi-année 2017, à une rémunération variable de 15 000 euros.

Le montant maximal de la rémunération variable soumise à objectifs à laquelle il pouvait prétendre avait été fixé pour 2017 à 10 500 euros afin de tenir compte de ce qu'il n'avait plus la responsabilité des études cliniques, conformément au souhait qu'il avait exprimé.

Il ne peut donc prétendre à un montant excédant le maximum atteignable en cas d'objectifs pleinement atteints.

Surtout, Monsieur [F] semble oublier que ses objectifs ont bien été fixés lors de son entretien annuel, qui a même donné lieu à un entretien préparatoire en décembre 2016 pour lui permettre d'affiner les objectifs à définir.

Il doit être rappelé qu'en tant que cadre dirigeant, il se devait en effet d'être acteur de ses objectifs et que c'est dans ce cadre qu'ils ont été fixés entre lui- même et Madame [P], PDG THUASNE.

Sur ce

Le contrat de travail ayant lié les parties à l'instance stipule en sa clause 3 que le salarié bénéficiera d'une prime variable attribuée en cas de réalisation d'objectifs définis pour une période donnée, d'un montant brut maximum de 8000 € pour une année pleine, versable en début d'année suivante.

Monsieur [F] produit aux débats des courriers de son employeur définissant le montant maximum de sa prime annuelle pour l'exercice suivant, ainsi la somme de 15 000 euros pour l'année 2014.

Cependant, par lettre du 7 février 2017, la dirigeante de la société lui a indiqué que cette prime avait été ajustée à la somme maximale de 10'500 € pour l'exercice à venir.

Dès lors que ce montant est bien supérieur à celui stipulé au contrat et que les montants majorés des exercices précédents étaient explicitement limités à l'année à venir, cet ajustement à 10 500 euros était opposable à son bénéficiaire et il ne saurait être versé à celui-ci une somme supérieure à ce montant maximal.

En revanche, ni ce courrier, ni le compte rendu d'entretien annuel en date du 8 décembre 2016, produit par l'employeur en sa pièce numéro 18 ne contiennent un quelconque objectif à réaliser afin de bénéficier de cette prime, alors même qu'il incombe à l'employeur seul de notifier les objectifs à remplir.

Le montant dû au titre de la prime annuelle 2017 sera ,en conséquence de ce défaut de définition d'un objectif quantifié, fixé au montant maximal atteignable, soit la somme précitée, outre congés payés.

Le jugement sera encore réformé de ce chef.

Sur le reliquat d'indemnité de licenciement

Arguments des parties

De ce chef, Monsieur [F] plaide que:

En application de l'article 58 de la CCN des industries du textile, l'indemnité de licenciement d'un salarié cumulant plus de 24 années d'ancienneté est de 7.6 mois de salaire.

Son contrat a pris fin le 31 octobre 2017.

Au cours des 3 derniers mois, il a été en arrêt maladie.

Dès lors, il convient de retenir, pour calculer la moyenne de salaire, les 3 derniers mois

rémunérés ou indemnisés à plein traitement, soit les mois de :

- mars 2017 : 6 850.97 € ,

- 9 avril 2017 : 11 898.80 €,

- mai 2017: 6 815 €,

Soit une moyenne de salaire de 8 521.59 €.

L'indemnité conventionnelle de licenciement due est, dès lors, de 64 764.08 €, selon le calcul suivant : 8 521.596 x 7.6 mois.

En l'espèce, il n'a perçu que 56 693.04 €.

La société intimée répond que :

Monsieur [F] majore de façon mal fondée son salaire de référence sur les 3 mois précédant la rupture du montant de sa prime de participation versée par l'entreprise au titre de l'épargne salariale.

La convention collective applicable de l'industrie du textile, en son article 58, prévoit que

L'indemnité se calcule sur la moyenne de la rémunération mensuelle ou horaire des trois derniers mois. Pour le calcul de cette moyenne, doivent être pris en considération tous les éléments de la rémunération, y compris le 1/12 des primes contractuelles ayant une périodicité différente de la paie et égale ou inférieure à l'année versée au cours des 12 mois précédant la date d'expiration du préavis. Doivent par contre être exclues de ce calcul les gratifications aléatoires ou temporaires ».

Dès lors que l'épargne salariale n'a pas à être intégrée au salaire de référence, il ne saurait y avoir de reliquat d'indemnité de licenciement, la confirmation du débouté s'impose.

Sur ce

Le jugement a manifestement éludé cette demande.

Il incombe à Monsieur [F] de démontrer la réalité d'une créance de ce chef.

Or, pas plus que son adversaire, il ne produit aux débats les bulletins de paie pour les mois précédant son licenciement, permettant d'appréhender les éléments chiffrés constituant les salaires qu'il revendique.

Le seul document déposé à la procédure et ayant trait au montant de sa rémunération est l'attestation ASSEDIC en pièce 2.5 du dossier de l'appelant. Le montant de salaire moyen sur les trois derniers mois de sa présence dans l'entreprise, tel qu'il apparaît au regard de cette pièce, s'est élevé à la somme de 6 821 €.

Au regard de ce montant et faute d'autres éléments, il n'apparaît pas justifié qu'il lui soit dû un reliquat d'indemnité de licenciement.

Cette demande sera rejetée.

Sur les intérêts moratoires

Le jugement, faute d'avoir liquidé des créances salariales, n'a pas statué sur le point de départ des intérêts au taux légal.

Ceux-ci courront du jour de la convocation des parties à comparaître devant le conseil de prud'hommes, c'est-à-dire le 28 septembre 2017, pour les créances de nature salariale.

Ils courront de ce jugement s'agissant des créances en dommages-intérêts.

En application des dispositions de l'article 1343 -2 du Code civil, les intérêts dus pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêts.

Le jugement à ce titre encore sera infirmé.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

En application des dispositions de l'article L. 1235 ' 4 du code du travail, dans sa version en vigueur au jour du licenciement, la société THUASNE sera, d'office, condamnée à rembourser à l'association PÔLE EMPLOI la totalité des indemnités de chômage versées à Monsieur [F], dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société THUASNE, succombant, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux entiers dépens.

Il sera également confirmé en ce qu'il a condamné cette même société à payer à Monsieur [F] la somme de 2000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société THUASNE condamnée aux dépens sera déboutée de son entière demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne le 16 septembre 2020 en ce qu'il a dit le licenciement de Monsieur [S] [F] dépourvu de cause réelle et sérieuse ,

Infirme ledit jugement en ce qu'il a condamné la société THUASNE à payer à ce dernier la somme de 20'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,

Statuant de nouveau, condamne la société THUASNE à payer à Monsieur [S] [F] la somme de 75'000 € de ce chef,

Infirme le jugement en ce qu'il a dit que Monsieur [S] [F] avait eu le statut de cadre dirigeant et avait été rempli de ses droits par la société THUASNE ,

Statuant de nouveau condamne la société THUASNE à payer à Monsieur [S] [F] les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2017

- 78'459,89 €, à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires ,

- 7 845,98 €, au titre des congés payés afférents à ce rappel de salaire ,

- 10'500 euros à titre de rappel de salaire sur primes variables,

- 1 050 €, au titre des congés payés afférents à ce rappel de salaire ,

Infirme le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à capitalisation desdits intérêts ,

Statuant de nouveau, dit que ces lesdits intérêts se capitaliseront dans les conditions prévues à l'article 1343 -2 du Code civil, ,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société THUASNE à payer à Monsieur [S] [F] la somme de 2 000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société THUASNE à rembourser à l'association PÔLE EMPLOI la totalité des indemnités chômage versées à Monsieur [S] [F] ,dans la limite de six mois d'indemnités,

Rejette les autres ou plus amples demandes,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société THUASNE aux entiers dépens de l'instance.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 20/05392
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;20.05392 ?
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