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25/05/2023 | FRANCE | N°17/09106

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 25 mai 2023, 17/09106


N° RG 17/09106

N° Portalis DBVX - V - B7B - LNZ2









Décision du tribunal de grande instance de LYON

Au fond du 23 novembre 2017



Chambre 9 cab 09 G



RG : 13/06193





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 25 Mai 2023







APPELANTS :



Mme [D] [A] épouse [W]

née le 31 Octobre 1943 à MARTIMPREY DU KISS (MAROC)

[Adresse

4]

[Localité 8]





M. [E] [W]

né le 21 Août 1966 à [Localité 8] [Adresse 6] (RHONE)

Chez Mme [D] [W]

[Adresse 4]

[Localité 8]





Mme [P] [W] assistée de son curateur l'ATMP DU RHONE

née le 30 Août 1974 à [Localité 8] [Adresse ...

N° RG 17/09106

N° Portalis DBVX - V - B7B - LNZ2

Décision du tribunal de grande instance de LYON

Au fond du 23 novembre 2017

Chambre 9 cab 09 G

RG : 13/06193

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 25 Mai 2023

APPELANTS :

Mme [D] [A] épouse [W]

née le 31 Octobre 1943 à MARTIMPREY DU KISS (MAROC)

[Adresse 4]

[Localité 8]

M. [E] [W]

né le 21 Août 1966 à [Localité 8] [Adresse 6] (RHONE)

Chez Mme [D] [W]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Mme [P] [W] assistée de son curateur l'ATMP DU RHONE

née le 30 Août 1974 à [Localité 8] [Adresse 5] (RHONE)

Chez Mme [D] [W]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Association Tutélaire des Majeurs Protégés agissant en qualité de curateur de Madame [P] [W] placée sous curatelle renforcée selon jugement du Juge des Tutelles du Tribunal d'Instance de LYON en date du 23 novembre 2017 représentée par ses dirigeants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentés par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 475

et pour avocat plaidant la SCP BIGNON LEBRAY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 693

INTIMES :

M. [N] [T]

né le 08 Septembre 1957 à FES (MAROC)

[Adresse 7]

[Localité 8]

M. [R] [T]

né le 13 Décembre 1981 à [Localité 8] (69)

[Adresse 7]

[Localité 8]

représentés par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 938

et pour avocat plaidant la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON, toque : 656

PARTIE INTERVENANTE :

Association TUTELAIRE DES MAJEURS PROTEGES DU RHONE, agissant ès qualités de curateur de Madame [D] [A] veuve [W], désignée en cette qualité du tribunal d'instance de Lyon du 21 novembre 2019

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 475

et pour avocat plaidant la SCP BIGNON LEBRAY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 693

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 14 Janvier 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Janvier 2022

Date de mise à disposition : 31 mars 2022 prorogée au 5 mai 2022, au 30 juin 2022, au 29 septembre 2022, au 15 décembre 2022, au 16 mars 2023, au 30 mars 2023, au 27 avril 2023, puis au 25 mai 2023, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne WYON, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Annick ISOLA, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

M. [I] et son épouse Mme [D] [W] exploitaient un hôtel à [Localité 8] dans le cadre de la SARL Financière Bellecordière.

Après le décès de M. [I] en 2000, l'exploitation s'est poursuivie, les parts sociales de la société étant alors détenues par Mme [D] [W] et par l'indivision formée entre elle et ses deux enfants, M. [E] [W] et Mme [P] [W].

Par lettre du 7 novembre 2010, M. [N] [T] s'est engagé à acquérir les parts de la SARL pour la somme de 2 000 000 euros avec garantie de passif pendant deux ans, le prix étant versé selon les modalités suivantes : paiement d'une somme de 550'000 euros à la 'Banque Hypothécaire Européenne', et sur le surplus de 1'450'000 euros qui sera versé, dépôt d'une somme de 1'200'000 euros sur une assurance-vie au bénéfice des enfants de Mme [D] [W].

Suivant acte du 20 juin 2011, Mme [D] [W] et les trois membres de l'indivision ont cédé à la SARL A l'Hôtel les parts de la SARL Financière Bellecordière au prix de 1'900'000 euros devant être acquitté de la façon suivante :

- une somme de 350'000 euros étant versée avant le 6 mai 2011 à Mme [D] [W],

- le solde de 1'550'000 euros étant réglé en :

- 120 mensualités de 3 000 euros chacune,

- le dernier versement de 1'190'000 euros soldant la dette,

le tout sans intérêts.

La SARL A l'Hôtel alors en cours de constitution, avait pour associés Mme [D] [W], Mme [P] [W], M. [E] [W], Mme [X] [L] et M. [N] [T], les associés étant respectivement titulaires de 5 parts à l'exception de M. [N] [T] qui en détenait 480.

Un second acte non daté signé par les mêmes parties a modifié les modalités de paiement du solde du prix soit 1 550 000 euros, celui-ci étant réglé par un versement de 210'000 euros à Mme [D] [W] 'dès avant ce jour au mois de septembre 2011", puis par 120 mensualités de 3 000 euros chacune puis par un versement de 980'000 euros, le tout sans intérêts.

Par acte du 10 juillet 2012, Mme [D] [W], M. [E] [W] et Mme [P] [W] ont finalement cédé leurs parts de la SARL Financière Bellecordière à la SARL MC & BC au prix de 894'832 euros.

Par actes d'huissier de justice des 21 et 22 mai 2013, M. [N] [T] et M. [R] [T] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lyon Mme [D] [W] et la SARL Financière Bellecordière devenue Républik Hôtel afin d'obtenir la résolution de la convention de cession des parts sociales de la SARL Financière Bellecordière et la restitution de deux sommes versées à Mme [D] [W] pour un montant total de 560'000 euros. Les sociétés Republik Hôtel et MC & BC, intervenantes volontaires à la procédure, ont fait assigner en garantie M. [E] [W] et Mme [P] [W] ainsi que le comptable de la SARL Financière Bellecordière, M. [H].

Par jugement du 23 novembre 2017, le tribunal de grande instance a :

- déclaré irrecevable la demande principale en résolution des actes de cession formée par M. [N] [T] et M. [R] [T] ;

- prononcé la nullité des actes de cession des parts sociales de la SARL Financière Bellecordière au profit de la société A l'Hôtel ;

- condamné Mme [D] [W] et l'indivision à rembourser à M. [R] [T] la somme de 350'000 euros ;

- condamné Mme [D] [W] et l'indivision à rembourser à M. [N] [T] la somme de 210'000 euros;

- condamné M. [N] [T] à verser à Mme [D] [W] la somme de 75'000 euros en réparation de son préjudice matériel ;

- condamné M. [N] [T] à verser à Mme [D] [W], Mme [P] [W] et M. [E] [W], indivisaires, à titre de réparation de leur préjudice matériel la somme de 25'000 euros, à charge pour eux de procéder à la répartition de ce montant au regard de leur quote-part respective dans l'indivision ;

- condamné M. [N] [T] et M. [R] [T] à verser à la SARL Republik Hôtel la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné solidairement la SARL Republik Hôtel et la SARL MC & BC à verser à M. [H] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté [les parties] du surplus des demandes ;

- condamné M. [N] [T] et M. [R] [T] d'une part, Mme [D] [W] et l'indivision d'autre part, à supporter par moitié les entiers dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 26 décembre 2017, Mme [D] [W], M. [E] [W], Mme [P] [W] assistée de son curateur, l'association ATMP du Rhône, ont relevé appel de cette décision, le limitant aux chefs suivants :

- les condamnations prononcées à leur encontre,

- la condamnation de M. [N] [T] à verser à Mme [D] [W] 75'000 euros en réparation de son préjudice matériel,

- la condamnation de M. [N] [T] à verser à Mme [D] [W], Mme [P] [W] et M. [E] [W], indivisaires, la somme de 25'000 euros à titre de réparation de leur préjudice matériel,

- rejet de la demande d'indemnisation de Mme [D] [W] au titre de son préjudice moral,

- condamnation de Mme [D] [W] et des indivisaires à supporter la moitié des dépens

- rejet de la demande de Mme [D] [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejet de la demande de Mme [D] [W] au titre de la compensation,

- rejet de la demande des consorts [W] de leurs demandes de mise à la charge de M. [N] [T] et M. [R] [T] en cas d'exécution de la décision à intervenir les sommes retenues par l'huissier de justice instrumentaire au titre de l'article 10 du décret n°93-1080 du 12 décembre 1996 tel que modifié par le décret n°2008-484 du 22 mai 2008.

Par conclusions déposées au greffe le 11 janvier 2021, Mme [D] [W], M. [E] [W], Mme [P] [W], l'Association Tutélaire des Majeurs Protégés du Rhône (ci-après l'ATMP) agissant en qualité de curateur de Mme [P] [W] désignée en cette qualité par jugement du tribunal d'instance de Lyon du 23 novembre 2017, ainsi que l'ATMP agissant en qualité de curateur de Mme [D] [W], désignée en cette qualité par jugement du 21 novembre 2019, intervenante volontaire, demandent à la cour de dire et juger recevable l'appel interjeté et de :

1- recevoir l'intervention volontaire de l'ATMP du Rhône agissant en qualité de curateur de Mme [D] [W] et lui donner acte de ce qu'elle reprend à son compte l'ensemble des arguments et fondements initialement développés par sa protégée ;

2- in limine litis : sur l'irrecevabilité de l'action introduite par les consorts [T] :

- confirmer le jugement du 23 novembre 2017 en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en résolution des actes de cession formée par M. [N] [T] et M. [R] [T],

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formulées par M. [N] [T] et M. [R] [T] au titre de l'action de in rem verso,

- le réformer en ce qu'il a déclaré recevable la demande en restitution formulée par M. [N] [T] et M. [R] [T],

- le réformer en ce qu'il a condamné :

' Mme [D] [W] et l'indivision à rembourser à M. [R] [T] la somme de 350'000 euros,

' Mme [D] [W] et l'indivision à rembourser à M. [N] [T] la somme de 210'000 euros,

Et, jugeant à nouveau :

- déclarer irrecevable l'action introduite par M. [N] [T] et M. [R] [T] et fondée sur les actes de cession, ceux-ci étant dépourvus de qualité et d'intérêt à agir ;

- débouter M. [N] [T] et M. [R] [T] de l'intégralité de leurs demandes ;

3- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des actes de cession des parts sociales de la SARL Financière Bellecordière à la société A l'Hôtel,

- prendre acte de ce que les consorts [T] sollicitent également la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des actes de cession ;

4- réformer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [D] [W] et l'indivision à rembourser à M. [R] [T] la somme de 350'000 euros et à M. [N] [T] celle de 210'000 euros ;

Et, jugeant à nouveau, débouter M. [N] [T] et M. [R] [T] de l'intégralité de leurs demandes;

5- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts formulées par les consorts [T] à l'encontre de Mme [D] [W] ;

6- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [D] [W] de sa demande au titre de son préjudice moral et le confirmer en ce qu'il a reconnu que Mme [D] [W] et les co-indivisaires avaient subi un préjudice matériel ;

Et, jugeant à nouveau :

- condamner M. [N] [T] à verser à Mme [D] [W] agissant à titre personnel les sommes de 100'000 euros au titre de son préjudice moral et 828'876 euros au titre de son préjudice matériel,

- condamner M. [N] [T] à verser à Mme [D] [W], Mme [P] [W] et M. [E] [W] en leur qualité de cédants indivis à charge pour eux de se répartir ce montant au regard de leurs quote-parts respectives dans l'indivision la somme de 276'292 euros,

7- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [D] [W] et les co-indivisaires de leur demande de compensation des créances et, jugeant à nouveau, dire et juger que les condamnations de chacune des parties seront compensées à hauteur de la plus faible d'entre elles ;

En tout état de cause :

- rejeter toute demande contraire ;

- condamner M. [N] [T] et M. [R] [T] à verser à Mme [D] [W] et Mme [P] [W] et M. [E] [W] agissant tant à titre personnel qu'en leur qualité de co-indivisaires de l'indivision [W] la somme de 20'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner solidairement M. [N] [T] et M. [R] [T] aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits, pour ces derniers, au profit de la SCP Jacques Aguiraud et Philippe Nouvellet représentée par Me Aguiraud, avocat, en son affirmation de droit.

Par conclusions récapitulatives déposées au greffe le 7 janvier 2021, M. [N] [T] et M. [R] [T] demandent à la cour, au visa des articles 1125, 1134, 1136, 1147, 1149, 1184, et 1338, 1382, anciens du code civil, 1371 du même code, et du 'principe de cohérence', de :

- confirmer le jugement du 23 novembre 2017 en ce qu'il a :

- prononcé la nullité des actes de cession de parts sociales de la SARL Financière Bellecordière à la société A l'Hôtel, cette confirmation étant demandée à titre subsidiaire,

- reconnu l'intérêt à agir des consorts [T] en condamnant Mme [D] [W] à leur rembourser la somme de 560.000 euros au total ;

- condamné Mme [D] [W] à rembourser à M. [R] [T] la somme de 350.000 euros ;

-condamné Mme [D] [W] à titre personnel à rembourser à M. [N] [T] la somme de 210.000 euros ;

- rectifiant sur ce point l'erreur du tribunal s'agissant de la condamnation de l'indivision [W], condamner solidairement avec Mme [D] [W] (représentée par l'Association Tutélaire des Majeurs Protégés) les co-indivisaires de l'indivision [W], à savoir Mme [D] [W], M. [E] [W] et Mme [P] [W] ès qualités, au paiement de la somme de 560.000 euros précitée ;

- débouté Mme [D] [W] de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice moral ;

- débouté Mme [D] [W] de sa demande de compensation des condamnations formulées dans l'hypothèse où elle serait condamnée à payer quelque somme que ce soit aux consorts [T] ;

- débouté Mme [D] [W] de ses demandes formées au titre de l'article 700 ;

- débouté les consorts [W] de leur demande de mise à la charge de M. [N] [T] et M. [R] [K] en cas d'exécution de la décision à intervenir les sommes retenues par l'huissier de justice instrumentaire au titre de l'article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001.

- réformer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré la demande principale des consorts [T] en résolution des actes de cession irrecevable;

- déclaré recevable la demande des consorts [W] au titre d'un prétendu préjudice matériel ;

- condamné M. M. [N] [K] à verser à Mme [D] [W] la somme de 75.000 euros en réparation de son préjudice matériel ;

- condamné M. [N] [T] à verser à Mme [D] [W], Mme [P] [W] et M. [E] [W], à titre de réparation de leur préjudice matériel la somme de 25.000 euros, à charge pour eux de procéder à la répartition de ce montant au regard de leur quote-part respective dans l'indivision ;

- débouté les consorts [T] de leurs demandes formulées à titre subsidiaire au titre de l'enrichissement sans cause.

- condamné les consorts [T] à supporter la moitié des dépens de l'instance

- débouté les consorts [T] de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

À titre principal, le tribunal ayant omis de statuer sur ce point :

- déclarer que les consorts [T] ont intérêt et qualité à agir en nullité et recevables en leur action ;

- par suite, et en conséquence de la nullité qui sera confirmée et de la remise en l'état consécutive :

- condamner solidairement Mme [D] [W] représentée par l'ATMP et les co-indivisaires de l'indivision [W], à savoir : Mme [D] [W], Mme [P] [W] et M. [E] [W] ès qualités, à rembourser :

o à M. [R] [T] de la somme de 360.000 euros ;

o à M. [N] [T] la somme de 221.000 euros ;

- ordonner l'application des intérêts au taux légal sur lesdites sommes à compter de leurs versements successifs, outre capitalisation ;

À titre subsidiaire:

Sur la résolution des actes de cession des parts sociales à la société A l'Hôtel aux torts exclusifs de Mme [D] [W] :

- dire et juger que M. [R] [T] et M. [N] [T] ont intérêt à agir en résolution de l'acte de cession des parts sociales de la SARL Financière Bellecordière à la société A l'Hôtel et la prononcer aux torts exclusifs de Mme [D] [W] ;

- ordonner en conséquence la remise en l'état des parties et consécutivement :

- condamner solidairement Mme [D] [W] représentée par l'association tutélaire des majeurs protégés du Rhône à la fois à titre personnel ainsi qu'en sa qualité de coindivisaire de l'indivision [W], Mme [P] [W] et M. [E] [W] également co-indivisaires, à restituer la somme de 360.000 euros à M. [R] [T] et celle de 221.000 euros à M. [N] [T], avec intérêts au taux légal à compter du versement des dites sommes, outre capitalisation;

- condamner Mme [D] [W] à verser respectivement à M. [R] [T] et M. [N] [T] la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la résolution fautive aux torts de Mme [D] [W] ;

À titre infiniment subsidiaire :

- constater l'enrichissement sans cause de Mme [D] [W] tant à titre personnel qu'en sa qualité de coindivisaire de l'indivision [W], ainsi que de Mme [P] [W] et de M. [E] [W] également co-indivisaires de l'indivision [I] [Y] et ;

- ordonner l'action de in rem verso au profit des demandeurs ;

- condamner solidairement Mme [D] [W] tant à titre personnel qu'en sa qualité de coindivisaire de l'indivision [W], ainsi que de Mme [P] [W] et de M. [E] [W] également co indivisaires de l'indivision [W], à restituer la somme de 360.000 euros à M. [R] [T] et la somme de 221.000 euros à M. [N] [T], avec intérêt au taux légal à compter du versement tant à titre personnel qu'en sa qualité de co indivisaire de l'indivision [W], ainsi que Mme [P] [W], M. [E] [W] également co-indivisaires de l'indivision [W] et l'association tutélaire des majeurs protégés du Rhône de l'ensemble de leurs demandes ;

Subsidiairement, si la cour considérait que Mme [D] [W] tant à titre personnel qu'en sa qualité de co indivisaire de l'indivision [W], ainsi que Mme [P] [W] et M. [E] [W] ès qualités de co indivisaires de l'indivision [W] ont qualité à agir en réparation d'un préjudice matériel :

- dire et juger que les consorts [W] tant à titre personnel qu'en qualité de co-indivisaires ne peuvent se prévaloir d'une quelconque perte de chance d'avoir pu vendre les parts sociales de la SARL Financière Bellecordière à un prix plus élevé que celui auxquels ils les ont vendus à la société MC & BC dans la mesure où :

' Mme [D] [W], par son refus, est seule responsable de la perte de chance d'avoir pu vendre les parts de la SARL Financière Bellecordière à hauteur de 1.900.000 euros à la société A l'Hôtel ;

' la perte de chance est purement hypothétique compte tenu de la situation financière et de l'état d'endettement dans laquelle se trouvait la SARL Financière Bellecordière avant l'apurement des dettes par les consorts [T] ;

- dire et juger qu'en toute hypothèse, la perte de chance ne peut être égale à la totalité du préjudice allégué ;

En tout état de cause

- condamner solidairement Mme [D] [W] tant à titre personnel qu'en sa qualité de coindivisaire de l'indivision [W], ainsi que Mme [P] [W] et M. [E] [W] en leur qualité de co-indivisaires à payer à MM. M. [R] [T] et M. [N] [K] la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement Mme [D] [W] tant à titre personnel qu'en sa qualité de coindivisaire de l'indivision [W], ainsi que Mme [P] [W], M. [E] [W] également co-indivisaires de l'indivision [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Me Laffly, avocat sur son affirmation de droit.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2021.

MOTIVATION

En application de l'article 554 du code de procédure civile, il y a lieu de recevoir l'intervention volontaire de l'ATMP du Rhône agissant en qualité de curateur de Mme [D] [W] qui a été placée sous le régime de la curatelle renforcée par jugement du 21 novembre 2019, et l'intervention volontaire de l'ATMP du Rhône agissant en qualité de curateur de Mme [P] [W] qui a été placée sous le régime de la curatelle renforcée par jugement du 23 novembre 2017.

- sur les demandes relatives aux actes de cession

Aux termes du dispositif de leurs écritures qui seul saisit la cour, les consorts [T] concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des actes de cession de parts sociales de la SARL Bellecordière, précisant qu'ils demandent cette confirmation à titre subsidiaire, et à titre principal réclament l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré leur demande principale en résolution des actes de cession irrecevable.

Il convient de se reporter à la reprise de leurs demandes telle qu'elle figure dans la première partie du jugement critiqué, dont il résulte qu'ils n'ont pas saisi les premiers juges d'une demande d'annulation des actes de cession mais qu'ils ont exclusivement sollicité la résolution de la convention de cession de parts. Le jugement rappelle en outre qu'en réponse au moyen de nullité des actes de cession de parts soulevé par Mme [D] [W], les consorts [T] ont demandé au tribunal d'écarter cette nullité (p 4). L'omission du tribunal de statuer sur une demande non formulée, telle que pointée par les consorts [T] dans le dispositif de leurs écritures, n'est donc pas constituée.

Les consorts [T] n'étant pas partie aux actes de cession, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable leur demande en résolution de ces actes, étant au surplus observé que dans le corps de leurs conclusions, les consorts [T] n'invoquent aucun moyen au soutien de leur demande d'infirmation sur ce point.

Les consorts [T] font aujourd'hui valoir que la nullité absolue de la cession à la société A l'Hôtel étant d'ordre public, l'action peut être exercée par toute personne justifiant d'un intérêt direct et légitime, de sorte que bien qu'étant tiers à ces actes qui leur causent un préjudice, ils sont recevables à agir.

Il résulte des deux actes de cession que la société A l'Hôtel qui s'engageait était alors en cours d'immatriculation ; elle se trouvait donc dépourvue de personnalité juridique. Un acte conclu par une société non immatriculée est atteint d'une nullité absolue (cf Cass. com 19 janvier 2022 n°20-13719) qui peut en conséquence être invoquée par toute personne justifiant d'un intérêt légitime. En l'espèce, les consorts [T] qui affirment avoir versé certaines sommes en règlement du prix de cession justifient dès lors de leur intérêt à agir au sens de l'article 31 du code de procédure civile, de sorte que leur demande est en effet recevable.

Les consorts [W] sollicitent quant à eux la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des actes de cession.

Ces actes ayant été conclus par une société non immatriculée, ainsi que rappelé ci-avant, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité des actes de cession.

- sur les restitutions consécutives à la nullité des actes de cession

Les consorts [W] soutiennent que leurs adversaires ne rapportent pas la preuve des versements dont ils se prévalent au sens des articles 1326 et 1341 anciens du code civil applicables à l'espèce, qu'ils n'étaient pas parties aux actes de cession, n'y sont pas mentionnés, n'avaient pas qualité pour représenter la société A l'Hôtel, et ne produisent aucun élément permettant d'attester qu'ils auraient fait des versements au nom et pour le compte de la société A l'Hôtel. Ils contestent que les consorts [T] aient effectué des versements et affirment qu'au surplus rien ne prouve que les versements allégués auraient été effectués en considération des cessions de parts sociales.

S'agissant de la somme de 350'000 euros revendiquée par M. [R] [T], ils font valoir que le chèque dont celui-ci produit la copie et le relevé bancaire qui témoignerait de l'encaissement de ce chèque ne constituent pas même un commencement de preuve par écrit au sens de l'article 1347 ancien du code civil, et que l'argument de M. [R] [T] selon lequel Mme [D] [W] aurait donné bonne et valable quittance de ce paiement dans le cadre de l'acte de cession de parts du 20 juin 2011 est sans emport dans la mesure où les conventions sont nulles et privées de tout effet, et qu'au surplus M. [R] [T] n'était pas partie à ces actes.

Ils ajoutent qu'à supposer valable la quittance alléguée, elle aurait été donnée à la société A l'Hôtel qui n'a jamais eu d'existence juridique, et font observer qu'aux termes de l'acte du 20 juin 2011, le versement aurait été effectué le 6 mai alors que le chèque est daté du 18 avril et aurait été encaissé le 19. Ils précisent que les déclarations de l'expert-comptable de la SARL Financière Bellecordière sont dépourvues de tout crédit dans la mesure où ce dernier tenait toutes les informations comptables du seul M. [N] [T] qui avait pris le contrôle de la société Financière Bellecordière et qu'il s'est contenté de retranscrire les informations mensongères de M. [N] [T] tant par mail qu'au titre des écritures relatives au compte courant de Mme [D] [W] (pièces 10 et 18 des consorts [T]).

Les intimés se prévalent de la décision des premiers juges qui ont reconnu que la preuve de leurs règlements était suffisamment rapportée et, en réponse aux appelants qui critiquent que leur demande ait évolué de 560'000 à 581'000 euros, ils indiquent avoir retrouvé trace de certains paiements en cours de procédure. Outre les arguments contestés par les consorts [W], ils se prévalent d'un courrier du comptable de la société Financière Bellecordière du 17 novembre 2012 (leur pièce 12) qui évoque un prêt consenti par M. [N] [T] à Mme [D] [W] à titre personnel, en raison de l'existence duquel M. [H], comptable, a fait bloquer une partie du compte courant de Mme [D] [W], soit 566'000 euros, afin de permettre à Mme [D] [W] de répondre de cette somme.

' sur le versement de 350'000 euros

Les consorts [T] produisent la copie du chèque n° 6517017 de 350 000 euros émis sur le compte de M. [R] [T] le 18 avril 2011, qui est établi à l'ordre de Mme [D] [W] (pièce 15) et celle du relevé bancaire démontrant que le chèque a été encaissé le 19 avril suivant (p 15 bis).

L'acte de cession du 20 juin 2011 (pièce 39 des consorts [W]) et le second acte postérieur (pièce 8 bis des consorts [T]) confirment que Mme [D] [W] a reçu les fonds avant le 6 mai 2011. En effet, aux termes de ces deux actes, Mme [D] [W] déclare reconnaître avoir reçu cette somme de 350 000 euros et en donne bonne et valable quittance (page 3 de l'acte) ce qui confirme l'indication du relevé bancaire de M. [R] [T] faisant apparaître l'encaissement du chèque et la date de ces opérations.

Si les appelants contestent la validité de cette quittance aux motifs que les conventions ont été annulées, et qu'elle a été donnée non à M. [R] [T] mais à la société A l'Hôtel qui pas eu d'existence juridique, il n'en ressort pas moins que ces documents signés par Mme [D] [W], s'ils ne valent pas comme actes de cession, établissent que celle-ci a personnellement reçu cette somme à titre d'acompte dans le cadre de la cession des parts sociales, valent ainsi commencement de preuve par écrit, et confirment que cette somme qui ne pouvait être versée par la société A l'Hôtel non encore immatriculée l'a bien été par M. [R] [T] ainsi que le font valoir les consorts [T].

Il résulte en outre d'un courrier de Me Kuntz daté du 9 mai 2011 et adressé à la SCI PR qu'un chèque de banque de 350'000 euros lui a été remis en sa qualité d'avocat de la Banque Privée Européenne qui avait engagé une procédure de vente forcée pour obtenir paiement de sa créance de 561 159,26 euros sur la SCI PR, propriétaire de l'immeuble dans lequel était exploité l'hôtel et dont Mme [D] [W] était gérante (p 15 ter).

Les consorts [T] versent aux débats des conclusions de la SCI PR devant la cour d'appel de Lyon qui confirment que le 22 juillet 2010, la Banque Privée Européenne a fait délivrer à la SCI PR un commandement de payer en vertu d'un acte notarié du 29 mai 1991 contenant prêt et cautionnement hypothécaire et que par jugement du 15 février 2011, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon a notamment ordonné la vente forcée de l'immeuble à usage d'hôtel dont la SCI PR était propriétaire. Il résulte de ces conclusions que des pourparlers étaient alors en cours entre la banque et la SCI PR afin de solder le principal de la dette et d'éviter la vente forcée. Les consorts [T] affirment que le versement effectué par M. [R] [T] a été utilisé par Mme [D] [W] pour réduire la dette de la SCI.

Les éléments relatifs au paiement de la somme de 350'000 euros au profit de la Banque Privée Européenne confortent les éléments de preuve déjà énumérés ci-avant, de sorte qu'il est suffisamment établi que le paiement par M. [R] [T] d'une somme de 350'000 euros dans le cadre de la convention de cession des parts a bien été perçu par Mme [D] [W], à titre personnel ainsi qu'au profit de l'indivision qu'elle formait alors avec ses deux enfants, et doit être restitué en conséquence de l'annulation de cet acte, comme l'a décidé le tribunal.

' sur les autres versements

Les consorts [T] excipent de cinq paiements dont ils demandent restitution : deux paiements de 100 000 euros chacun, 16 000 euros, 10 000 euros et 5 000 euros.

Les consorts [W] concluent au rejet de ces demandes ; ils citent les articles R4127-51 et 52 du code de la santé publique qui interdisent à un médecin d'user de son influence pour obtenir de son patient un avantage matériel, énonçant que M. [N] [T], était le médecin de Mme [D] [W] (leur pièce 19) et a obtenu la cession des parts sociales de la SARL Financière Bellecordière à des conditions anormalement favorables. Ils ajoutent qu'il convient de s'interroger sur l'origine des fonds dont les consorts [T] réclament la restitution alors qu'à compter de l'intervention de M. [N] [T] dans la gestion de l'hôtel, le chiffre d'affaires annuel de la société a décliné, qu'à la demande de M. [N] [T], l'expert comptable ne se déplaçait plus à l'hôtel pour établir un suivi régulier des comptes, que les dépôts d'espèces n'étaient pas conformes au livre de caisse, et que M. [N] [T] a été condamné pour abus de biens sociaux en sa qualité de gérant de fait de l'hôtel, outre de nombreuses condamnations pénales et fiscales.

Ils affirment que les versements allégués, de 210'000 euros en première instance et de 221 000 euros en appel, n'ont pas été effectués entre les mains de Mme [D] [W] mais entre celles de Me Kuntz, avocat de la Banque Privée Européenne, qu'aucun acte satisfaisant aux conditions des articles 1326 et 1341 anciens du code civil n'est justifié, que les éléments produits ne démontrent l'existence que d'un versement de 100'000 euros et non de deux, et que M. [N] [T] se prévaut de la retranscription d'une somme de 216'000 euros sur le compte courant de Mme [D] [W] alors que cette somme y était inscrite à la date du 21 mai 2011 soit quatre mois avant les versements allégués.

Ils ajoutent que le chèque de 10'000 euros initialement revendiqué par M. [N] [T] et aujourd'hui par M. [R] [T] n'est pas prouvé, seul un récépissé de demande de chèque de banque libellé à l'ordre de Me Kuntz étant produit. Ils font observer que M. [N] [T] se prévaut d'un versement de 16'000 euros qui n'est justifié que par un courrier de Me Kuntz, et que la réclamation qu'il forme au titre d'un paiement de 5000 euros effectué par M. [R] [T] repose sur la seule photocopie du chèque, qui est une preuve insuffisante.

Ils reprennent les moyens de défense précédemment développés sur l'acte de cession non daté et la valeur probante de l'attestation de M. [H] et font observer que le décompte de la Banque Privée Européenne ne fait pas apparaître l'origine des paiements.

M. [N] [T] réplique qu'il n'était pas le médecin traitant de Mme [D] [W] mais un ami.

Au soutien de leurs demandes, les consorts [T] produisent :

- s'agissant du premier paiement de 100 000 euros du 21 septembre 2011 :

le récépissé d'une demande de chèque de banque n°1006501102 F de 100 000 euros datée du 21 septembre 2011 à l'ordre de Me Kuntz, somme prélevée sur le compte 0665572W de M. [N] [T] (p 16 ,16 bis), et la copie de ce chèque (p16 ter verso), une lettre du 21 septembre de Me Kuntz qui indique avoir reçu ce chèque n°1006501102 F, 'déposé à son cabinet par une personne se présentant de la part de M. [N] [T]' ;

- s'agissant du second paiement de 100 000 euros

une lettre de Me Kuntz du 26 septembre 2011 indiquant que Mme [Z] épouse [L] lui a remis deux chèques de banque dont un de 100 000 euros n° 0538988 libellé à l'ordre de la Banque Privée Européenne. Cette lettre est adressée à la SCI PR, à l'attention de Mme [D] [W] (p 16 ter) ;

- s'agissant du paiement de 16 000 euros : la lettre de Me Kuntz du 26 septembre 2011 déjà citée, témoignant de la remise par Mme [L] d'un second chèque de banque n° 0538987 de 16 000 euros, libellé à l'ordre de la BPE (p16 quater) ;

- s'agissant du paiement de10 000 euros : ce montant figurant sur le récépissé d'une demande de chèque de banque du 5 octobre 2011, à prélever sur le compte CCP [XXXXXXXXXX01], le chèque étant à l'ordre de Me Kuntz, et ce compte CCP est celui de M. [R] [T] puisqu'il porte le même numéro que celui figurant sur le chèque de 350'000 euros (p17) ; les consorts [T] affirment que ce chèque a été versé au compte courant de Mme [D] [W] le 13 octobre 2011 sous l'intitulé 'chq de bque perso reglt ADK', ce que confirme le document récapitulant les mouvements du dit compte courant dressé par le comptable M. [H] le 16 novembre 2012 (p 18).

- 5 000 euros par chèque tiré sur le compte CCP [XXXXXXXXXX01] de M. [R] [T] le 20 septembre 2010, à l'ordre de la Financière Bellecordière (p 23).

- le décompte des sommes versées à la BPE pour le compte de la société Financière Bellecordière, faisant apparaître un versement de 100'000 euros le 21 septembre 2011, un second versement de 100'000 euros le 22 septembre 2011 et un versement de 16'000 euros le 22 septembre 2011, le tout ayant réduit la dette de la SCI PR à 964,11 euros au 22 septembre 2011 (pièce annexée à la pièce 15 ter) ;

- l'acte non daté de cession de parts sociales qui prévoit, outre le versement d'une somme de 350'000 euros avant le 6 mai 2011, le paiement d'une somme de 210'000 euros 'versée dès avant ce jour, au mois de septembre 2011 entre les mains de Mme [D] [W], qui le reconnaît et lui en donne bonne et valable quittance '.

- les écritures du compte courant de Mme [D] [W] dans la SARL Financière Bellecordière où apparaît au crédit 'chq M [T]' en date du 20 avril 2011 pour un montant de 216'000 euros et l'intitulé 'chq de bque perso reglt ADK' pour

10 000 euros le 13 octobre 2011 au vu du document récapitulant les mouvements du dit compte courant dressé par le comptable M. [H] le 16 novembre 2012 (p 18).

- la copie du relevé du compte chèque postal de M. [N] [T] en date du 13 janvier 2011 sur lequel apparaît un virement de 550 000 euros à son profit émanant de la société Générali Vie et la rétrocession dès le lendemain d'une somme de 548 200 euros à son fils M. [R] [T].

Sur ce :

Contrairement à l'indication figurant dans l'acte de cession non daté mais non contesté par Mme [D] [W], aux termes de laquelle elle reconnaît avoir reçu la somme de 210 000 euros du cessionnaire (la société A l'Hôtel) et lui en donner bonne et valable quittance, il est établi que trois sommes, d'un montant total de 216 000 euros et non de 210 000 euros comme indiqué dans l'acte de cession, ont été encaissées par la Banque Privée Européenne, pour régler la dette de la SCI PR dont Mme [D] [W] était la gérante, cette SCI étant une personne morale distincte de sa gérante (cf décompte de créance de la BPE p 15 ter des consorts [T]).

S'il est démontré que le premier paiement de 100 000 euros émane de M. [N] [T] puisque les fonds proviennent de son compte chèque postal, le second chèque de

100 000 euros n'est justifié dans le cadre de la présente procédure que par le courrier de Me Kuntz qui cite son numéro ainsi que le font valoir les consorts [W] : aucune autre preuve de ce paiement ne figure au dossier, ni la demande de chèque de banque afférente, ni le débit sur le relevé du compte bancaire concerné, ni aucune autre pièce ne sont produits aux débats. L'identité de l'auteur du paiement allégué n'est pas déterminable, le fait que le chèque ait été remis à Me Kuntz par Mme [L] ne donnant aucune indication sur l'auteur du paiement.

Les deux autres paiements ont été établis à l'ordre de Me Kuntz pour celui de 10 000 euros et à l'ordre de la société Financière Bellecordière pour le chèque de 5 000 euros.

En conséquence, il n'est pas démontré que Mme [D] [W] et les membres de l'indivision aient personnellement bénéficié de ces paiements.

Enfin, les deux sommes de 16 000 et 10 000 euros proviennent du compte de M. [R] [T], comme le montre le numéro du compte figurant sur les récépissés de demandes de chèque de banque, alors que leur restitution est demandée par M. [N] [T], de même que celle du chèque de 5 000 euros qui a également été tiré sur le compte de M. [R] [T].

Les consorts [T] affirment que le chèque de 10 000 euros a été versé au compte courant de Mme [D] [W] le 13 octobre 2011 sous l'intitulé 'chq de bque perso reglt ADK', ce que tend à confirmer le document récapitulant les mouvements du dit compte courant dressé par le comptable M. [H] le 16 novembre 2012. Cependant, l'intitulé de l'écriture démontre que les fonds ont été remis à Me Kuntz, et les consorts [T] n'expliquent pas comment le règlement a pu être également encaissé par Mme [D] [W].

Les consorts [T] se prévalent en effet d'inscriptions au compte courant d'associé de Mme [D] [W] dans la société Financière Bellecordière. Deux autres mentions y ont été apposées; l'une, du 20 avril 2011,fait apparaître au crédit une somme de 350 000 euros sous le libellé 'cheq M. [T]' et l'autre, du 21 mai 2011, crédite le compte de 216 000 euros sous le libellé 'chq remis par M. [T]'.

Les montants correspondant approximativement aux sommes réclamées aujourd'hui par les consorts [T], et les consorts [T] n'alléguant pas avoir réglé une deuxième fois ces sommes, il apparaît que ces mentions n'ont été inscrites au compte courant d'associé de Mme [D] [W] que dans le but de permettre leur restitution ultérieure par celle-ci. Il ressort de la procédure pénale produite par les consorts [W] qu'à compter de 2008 (déclarations de M. [V], M. [H], M. [C]), tous les éléments comptables de la société Financière Bellecordière étaient communiqués au comptable par M. [T], qui a été condamné par jugement du tribunal correctionnel de Lyon le 18 octobre 2012 en qualité de gérant de fait de la société. Les inscriptions au compte courant d'associé de Mme [D] [W] sont en conséquence dépourvues de valeur probante, ainsi que le courriel du 17 avril 2012 versé aux débats par les consorts [T] dans lequel M. [H] indique que la comptabilité faisait ressortir une dette de 568 000 euros (somme à parfaire) au profit de M. [N] [T] (p 10 des consorts [T]).

La demande formée par M. [N] [T] en paiement d'une somme de 221 000 euros au titre des restitutions doit en conséquence être rejetée.

La demande qu'il forme à titre subsidiaire sur le fondement de l'enrichissement sans cause ne peut qu'être rejetée dans la mesure où elle est dirigée contre Mme [D] [W] et les co-indivisaires dont il n'est nullement démontré qu'ils aient perçu les sommes réclamées.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a accueilli la demande de M. [R] [T] en restitution de la somme de 350 000 euros mais infirmé en ce qu'il a mis cette somme à la seule charge de Mme [D] [W], cette somme étant due par Mme [D] [W] à titre personnel ainsi que par les trois membres de l'indivision, Mme [D] [W], M. [E] [W] et Mme [P] [W], solidairement. Elle produira intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle elle a été payée en application de l'article 1352-6 du code civil, soit à compter du 19 avril 2011.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a accueilli la demande en restitution de M. [N] [T].

La somme due par les consorts [W] produira intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, formée par conclusions notifiées le 29 mars 2016 au vu du jugement du 23 novembre 2017 et non à compter de la date à laquelle elle a été payée en application de l'article 1352-6 du code civil, soit du 19 avril 2011, ce texte du code civil étant entré en vigueur postérieurement aux actes de cession annulés.

- sur la demande de dommages et intérêts des consorts [T]

Les consorts [T] réclament la condamnation de Mme [D] [W] à leur verser 100'000 euros en réparation du préjudice qu'elle leur a occasionné en refusant d'exécuter ses engagements résultant de la cession, et qui consiste dans la privation des sommes qu'ils ont versées à Mme [D] [W], des frais bancaires qu'ils ont exposés pour débloquer les sommes nécessaires au rachat des parts sociales et, pour M. [N] [T], la perte du gain de devenir le principal détenteur de la majorité des parts sociales de la société Financière Bellecordière.

Mme [D] [W] répond qu'aucune faute de sa part n'est démontrée dans la mesure où les actes dont se prévalent les consorts [T] sont nuls en raison de l'absence de capacité juridique de la société qui les a souscrits et dont l'associé principal à hauteur de 86 % était M. [N] [T].

La nullité des actes a été constatée et ne peut être imputée à Mme [D] [W] ; de plus, si les consorts [T] font valoir que la cession avait été partiellement exécutée dans la mesure où ils avaient versé des fonds, ils ne justifient pas qu'au 14 février 2012, date à laquelle Mme [D] [W] a exprimé par lettre son refus d'exécuter l'acte de cession, les mensualités de 3 000 euros prévues par ces actes avaient été réglées, ce qui démontre que les représentants de la société A l'Hôtel ont eux-mêmes renoncé à l'exécution de l'acte de cession.

Le jugement mérite confirmation en ce qu'il a débouté les consorts [T] de cette demande.

- sur la demande en réparation du préjudice moral formée par Mme [D] [W]

Par des motifs pertinents que la cour adopte et qui répondent aux moyens soulevés en cause d'appel, le tribunal a justement considéré que Mme [D] [W] ne rapporte pas la preuve qu'elle a été victime d'un abus de faiblesse de la part de M. [N] [T], les éléments du dossier pénal ne l'établissant pas et Mme [D] [W] ayant été condamnée pénalement en sa qualité de gérante de droit par le tribunal correctionnel, tout comme M. [N] [T]. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

- sur la demande en réparation du préjudice matériel des consorts [W]

Les consorts [T] soulèvent l'irrecevabilité de cette demande au motif que la perte de valeur des titres ne constitue pas un préjudice personnel distinct du préjudice social.

Les consorts [W] dont l'intention de céder leurs parts est caractérisée à la date du 7 novembre 2010 ont nécessairement subi un préjudice dans la mesure où les agissements de M. [N] [T] tels qu'ils sont décrits par la procédure pénale leur ont fait perdre une chance d'en obtenir un meilleur prix, ce qui constitue un préjudice direct et rend leur demande recevable.

M. [N] [T] fait observer que les fautes pour lesquelles il a été condamné n'ont eu aucun impact sur le chiffre d'affaires car il n'était pas en charge de la gestion commerciale. Il ajoute que la perte de chance est infime compte tenu des dettes qui grevaient la société et de la menace de saisie immobilière et qu'il aurait fallu déduire du prix de vente les sommes dues à la Banque Privée Européenne.

Le tribunal a toutefois justement considéré qu'il est démontré par la procédure pénale que M. [N] [T] a assuré la gestion de fait de la société Financière Bellecordière à compter de 2008 et a commis de nombreuses et graves fautes de gestion qui ont justifié sa condamnation le 18 octobre 2012, que la comptabilité n'était pas correctement tenue alors que M. [T] et Mme [L] étaient les seuls interlocuteurs du comptable, que les bilans de mai 2009 à mai 2012 témoignent de la baisse importante du chiffre d'affaires pendant cette période et que M. [N] [T] avait accepté d'acquérir les parts sociales au prix de 2 000 000 euros par lettre du 7 novembre 2010, la société ayant été finalement cédée au prix de 1'600'000 euros.

Contrairement à ce que fait valoir M. [N] [T], la société Financière Bellecordière n'était pas la débitrice de la Banque Privée Européenne, seule la SCI PR l'étant ; de plus, le prix de vente de 2 000 000 euros qu'il a proposé de verser le 7 novembre 2010 incluait expressément le paiement de la dette de la SCI PR auprès de la Banque Privée Européenne.

Il y a donc lieu comme l'a fait le tribunal de retenir que la perte de chance de vendre au prix convenu en 2010 doit être chiffrée à 25 % de la différence entre la somme promise par M. [N] [T] et celle effectivement payée par l'acquéreur des parts sociales, ce qui justifie la condamnation de M. [N] [T] à verser aux consorts [W] qui étaient les seuls associés de la société Financière Bellecordière la somme de 100 000 euros à répartir entre Mme [D] [W] (1875 parts sur 2500) à raison de 75 000 euros et de 25 000 euros pour les trois membres de l'indivision (625 parts) à concurrence de leurs droits respectifs.

Chacune des parties perdant partiellement conservera la charge de ses propres dépens ; pour des raisons tirées de l'équité, les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Reçoit l'intervention volontaire de l'ATMP du Rhône agissant en qualité de curateur de Mme [D] [W] ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 23 novembre 2017 en ce qu'il a prononcé la nullité des actes de cession de parts sociales de la SARL Financière Bellecordière à la société A l'Hôtel ;

L'infirmant sur le surplus, et statuant à nouveau :

- déclare recevable la demande en résolution des actes de cession formée par M. [N] [T] et M. [R] [T] ;

- condamne solidairement Mme [D] [W] assistée par son curateur ainsi que Mme [D] [W] (assistée par son curateur), M. [E] [W] et Mme [P] [W] (assistée par son curateur), en leur qualité de co-indivisaires, à payer à M. [R] [T] la somme de 350 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2016, avec capitalisation des intérêts;

- déboute M. [N] [T] et M. [R] [T] de leurs plus amples demandes au titre des restitutions ;

- déboute M. [N] [T] de sa demande au titre de son préjudice matériel;

- déboute Mme [D] [W] assistée par son curateur de sa demande au titre de son préjudice moral ;

- déclare recevable la demande formée par Mme [D] [W] assistée par son curateur ainsi que Mme [D] [W] (assistée par son curateur), M. [E] [W] et Mme [P] [W] assistée par son curateur, en leur qualité de membres de l'indivision au titre de leur préjudice matériel ;

- condamne M. [N] [T] à verser à Mme [D] [W], assistée par son curateur, M. [E] [W] et Mme [P] [W] assistée par son curateur la somme de 100 000 euros à répartir entre Mme [D] [W] à raison de 75 000 euros et de 25 000 euros pour Mme [D] [W], M. [E] [W] et Mme [P] [W] en leur qualité de membres de l'indivision à concurrence de leurs droits respectifs ;

Condamne chacune des parties à supporter ses propres dépens, et rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 17/09106
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;17.09106 ?
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