AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/00846 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M22B
[L]
C/
Société INTRUM CORPORATE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 28 Janvier 2020
RG : F18/00795
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 24 MAI 2023
APPELANTE :
[F] [L]
née le 08 Juin 1990 à [Localité 6] (ETATS-UNIS)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Philippe MICHALON de la SAS LEXSPECIALITIES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société INTRUM CORPORATE venant aux droits de la société INTRUM
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
et ayant pour avocat plaidant Me Jérôme CHOMEL DE VARAGNES de la SELARL EQUIPAGE, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Mars 2023
Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 24 Mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société INTRUM CORPORATE, qui vient aux droits de la société INTRUM, elle-même venue aux droits de la Société INTRUM JUSTITIA, exerce une activité spécialisée dans le domaine du recouvrement de créances.
Mme [F] [L] a été mise à disposition par la société MANPOWER auprès de la société INTRUM JUSTITIA du 3 au 18 février 2014 dans le cadre d'un surcroît temporaire d'activité, en qualité de chargée de recouvrement.
La relation de travail s'est poursuivie suivant un contrat à durée déterminée dans le cadre d'un accroissement temporaire d'activité suite à l'acquisition de nouveaux dossiers clients, du 17 mars au 31 mai 2014, en qualité de Gestionnaire recouvrement junior.
Ce contrat à durée déterminée a fait l'objet d'un renouvellement jusqu'au 30 septembre 2014.
Suivant contrat du 1er octobre 2014, Mme [L] a été embauchée pour une durée indéterminée.
Au dernier état de son emploi, Mme [L] occupait les fonctions de Gestionnaire recouvrement pro, coefficient 160 niveau II, statut employé tel que défini par la convention collective applicable et percevait en contrepartie de ses fonctions un salaire mensuel brut de base de 1 400 € correspondant à un temps de travail de 151,67 heures.
Selon l'article 5 du contrat de travail, à cette rémunération de base était ajoutée une rémunération variable en fonction :
- d'une grille de rémunération définie unilatéralement par la Direction dans le cadre de son
pouvoir de direction, selon notamment l'évolution de la stratégie commerciale ou des clients de l'entreprise,
- des objectifs définis par la Direction.
A la suite d'un accident de la circulation survenu le 30 novembre 2016, Mme [L] a été placée en arrêt maladie jusqu'au 12 mars 2017. Elle a été placée en mi-temps thérapeutique à compter du 13 mars 2017.
Mme [L] a à nouveau été placée en arrêt maladie à compter du 1er août 2017.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 août 2017, distribuée le 19 août 2017, la société INSTRUM JUSTITIA a mis Mme [L] en demeure de justifier, par retour de courrier, de son absence depuis le 4 août 2017, ainsi que pour les dates des 20 et 26 juin 2017, 6, 10, 11, 13 et 31 juillet 2017, 1er et 2 août 2017.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 août 2017, la société INTRUM CORPORATE a convoqué Mme [L] le 8 septembre 2017 à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement .
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 septembre 2017, la société INTRUM CORPORATE a notifié à Mme [L] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :
« (')
Vous êtes actuellement employée par la société en contrat à durée indéterminée en qualité de gestionnaire recouvrement.
Or, vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail depuis le 4 août 2017, sans informer de votre absence, sans en justifier et ce, malgré notre mise en demeure du 18 août 2017.
Votre absence et notamment notre ignorance de sa durée probable, perturbent le bon fonctionnement de notre société. L'activité de votre service et votre remplacement ne peuvent, en effet, être organisés dans les meilleures conditions.
Votre maintien dans l'entreprise étant impossible, la rupture de nos relations prend effet ce jour. Dans les prochains jours, nous vous adresserons votre certificat de travail, votre solde de tout compte ainsi que l'attestation de l'employeur destinée à Pôle Emploi.(...) »
Par acte du 21 mars 2018, Mme [L] a saisi le conseil des prud'hommes de Lyon afin de contester son licenciement et a demandé la condamnation de la société INTRUM JUSTITIA à lui payer des indemnités de ruptures, un rappel de salaire pour la période de protection, des dommages-intérêts pour nullité du licenciement et à titre subsidiaire, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix le 22 mars 2019.
Par jugement rendu le 28 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Lyon, statuant en sa formation de départage, a débouté Mme [L] de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
La cour est saisie de l'appel interjeté le 3 février 2020 par Mme [L].
Par conclusions notifiées le 24 avril 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, Mme [L] demande à la cour de :
- Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 janvier 2020 par le Conseil de
Prud'hommes de Lyon,
Et statuant à nouveau,
- Dire et juger que son licenciement pour faute grave est nul,
Subsidiairement,
- Dire et juger que son licenciement pour faute grave est dénué de toute cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- Condamner la société INTRUM venant aux droits de la société INTRUM JUSTITIA à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes de Lyon :
*indemnité compensatrice de préavis : 4 022,50 euros
*congés payés afférents : 402,25 euros
*indemnité conventionnelle de licenciement : 1 407,87 euros
*dommages et intérêts pour nullité du licenciement : 25 000,00 euros
*subsidiairement, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
18 000,00 euros
*article 700 du code de procédure civile : 2 500,00 euros
- Condamner la société INTRUM venant aux droits de la société INTRUM JUSTITIA à lui remettre un bulletin de salaire et une attestation Pôle Emploi conformes aux condamnations qui seront prononcées, le tout sous astreinte de 75 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours suivant la signification de l'arrêt devant intervenir,
- Condamner la société INTRUM venant aux droits de la société INTRUM JUSTITIA aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
Par conclusions notifiées le 13 juillet 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société INTRUM CORPORATE demande à la cour de :
- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Lyon le 28 janvier 2020 en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [F] [L] repose sur une faute grave
- Juger que Mme [L] n'a pas fait l'objet d'une discrimination en raison de son
état de santé
En conséquence ,
- La débouter de l'intégralité de ses demandes;
Y Ajoutant
- La condamner à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- La condamner aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2023.
Par message enregistré le 9 février 2023 dans le RPVA, Maître Michalon expose qu'il est sans nouvelle de Mme [L] et demande en conséquence à la cour de statuer sur les éléments que cette dernière avait produis en première instance, avec toutes conséquences de droit.
MOTIFS
- Sur la nullité du licenciement :
Mme [L] soutient que la société INTRUM JUSTITIA ne pouvait pas initier une procédure pour abandon de poste alors même qu'elle avait connaissance de l'état de santé de sa salariée et qu'elle a manifestement profité de la situation pour passer sciemment sous silence la procédure de licenciement.
Elle indique s'être séparée de son conjoint au moment des faits, avoir été contrainte de déménager et ne pas avoir réceptionné la lettre de mise en demeure qui lui a été adressée le 18 août 2017 à son ancienne adresse [Adresse 3], pas plus que la convocation à l'entretien préalable et la lettre de licenciement.
Mme [L] qui avait évoqué en première instance, son état de grossesse, à l'appui de sa demande aux fins de nullité du licenciement admet en cause d'appel qu'elle n'avait pas informé son employeur par lettre recommandée avec accusé de réception.
Elle soutient qu'elle reste en revanche, bien fondée à solliciter la nullité de son licenciement lié à son état de santé.
Pour justifier de ce que la société INTRUM JUSTITIA était parfaitement informée de son état de santé, Mme [L] invoque :
- une retenue pour absence maladie du 1er au 11 août 2017, sur le solde de tout compte,
-l'existence d'arrêts de travail pour la période du 4 août au 30 octobre 2017 sur son compte Ameli,
- l'envoi par courriers simples de ses arrêts maladie, et son mail du 28 août 2017 par lequel elle s'inquiète de ce que la société INTRUM JUSTITIA n'avait pas adressé les attestations de salaire de juin et juillet 2017,
- des échanges intervenus entre les parties, objet de ses pièces n° 6-1 à 6-5.
Mme [L] conclut que le conseil de prud'hommes aurait dû s'étonner que la société INTRUM JUSTITIA ne l'ait jamais informée par mail qu'une procédure de licenciement était en cours et que cette attitude passive et sournoise laisse à tout le moins présumer une discrimination liée à son état de santé.
Mme [L] soutient que si elle avait été alertée, la société INTRUM JUSTITIA aurait été contrainte d'abandonner la procédure de licenciement dans la mesure où la situation aurait été régularisée, ce qu'elle n'a surtout pas voulu car elle ne supportait pas que la salariée soit en arrêt de travail.
La société INTRUM CORPORATE venant aux droits de la société INTRUM JUSTITIA conclut que Mme [L] ne justifie pas que la mesure de licenciement prononcée après plusieurs mises en demeure de justifier de son absence serait discriminatoire car liée à son état de santé, pas plus qu'elle ne justifie le non respect par l'entreprise des prescriptions du médecin du travail.
La société INTRUM CORPORATE fait valoir en effet que Mme [L] a bénéficié d'un entretien professionnel de reprise en date du 13 mars 2017 aux termes duquel il est fait mention d'un aménagement du poste de travail en cours.
S'agissant de la connaissance des arrêts de travail, la société INTRUM CORPORATE indique que si elle a eu connaissance d'un arrêt de travail de Mme [L], elle n'a jamais été informée des éventuelles prolongations des dits arrêts de travail dont Mme [L] ne justifie pas.
Enfin, la société INTRUM CORPORATE expose que dans le cadre des échanges de mails qui sont intervenus entre Mme [L] et le service paie de la société, Mme [L] n'a nullement fait état de nouveaux arrêts de travail alors même qu'au dernier état et par mail en date du 7 septembre 2017, la société INTRUM sollicitait de Mme [L] qu'elle précise ses dates d'arrêt, ce à quoi l'intéressée n'a pas répondu.
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L'article L. 1132-1 du code du travail énonce un principe de non discrimination aux termes duquel 'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte (...) en raison de son état de santé (...).'
Et il résulte de l'article L. 1334-1 du code du travail que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions relatives au principe de non discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l'espèce, Mme [L] invoque une attitude passive et sournoise de l'employeur en ce qu'il ne l'a jamais informée par mail qu'une procédure de licenciement était en cours contre elle. Mais la société INTRUM CORPORATE qui justifie d'une première lettre recommandée de mise en demeure, d'une convocation à l'entretien préalable et d'une lettre de licenciement, toutes correspondances restées sans réponse, alors que Mme [L] ne justifie l'envoi d'aucun de ses arrêts de travail, ni d'avoir informé son employeur d'un changement d'adresse, ne saurait reprocher une quelconque passivité à ce dernier.
Il en résulte que Mme [L] n'apporte aucun élément laissant supposer l'existence d'une discrimination et le premier juge a fait une juste appréciation des pièces versées aux débats relatives à l'aménagement du poste de la salariée et à la commande d'un siège ergonomique courant mars 2017.
Dés lors, faute pour Mme [L] d'apporter en cause d'appel de nouveaux éléments relatifs à l'absence de communication entre elle et son employeur entre le 4 août 2017 et le courriel de la salariée du 28 août 2017,le jugement déféré qui a retenu que le comportement de Mme [L] était d'une légèreté blâmable et de nature à empêcher son maintien dans l'entreprise, y compris pendant la durée limitée du préavis, doit être confirmé.
Le jugement sera par conséquent également confirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] de l'ensemble de ses demandes financières pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement, du rappel de salaire.
- Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de Mme [L] les dépens de première instance et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [L], partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamné aux dépens d'appel.
L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,
CONDAMNE Mme [L] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE