La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2023 | FRANCE | N°19/06018

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 24 mai 2023, 19/06018


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/06018 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MR3B



[V] [P]

C/

Société LMP [Localité 9]

Société MJ SYNERGIE



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 Juillet 2019

RG : 18/00641



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 24 MAI 2023







APPELANTE :



[T] [V] [P]

née le 25 Octobre 1969 à [Localité 10]

[Adresse 2]r>
[Localité 7]



représentée par Me Sandrine DEMORTIERE, avocat au barreau de LYON





INTIMÉES :



Société LMP [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 5]



représentée par Me Delphine BRETAGNOLLE de la SELARL DELSOL AVOCATS, av...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/06018 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MR3B

[V] [P]

C/

Société LMP [Localité 9]

Société MJ SYNERGIE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 Juillet 2019

RG : 18/00641

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 24 MAI 2023

APPELANTE :

[T] [V] [P]

née le 25 Octobre 1969 à [Localité 10]

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par Me Sandrine DEMORTIERE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

Société LMP [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Delphine BRETAGNOLLE de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Société MJ SYNERGIE représentée par Me [F] [U] ou Me [Z] [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LMP [Localité 9]

assignée en intervention forcée

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Arlette BAILLOT-HABERMANN, avocat au barreau de LYON

PARTIE ASSIGNÉE EN INTERVENTION FORCÉE :

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 8]

non représentée

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Mars 2023

Présidée par Joëlle DOAT, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, président

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 24 Mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Madame [T] [V] était cogérante de la société Infiniment Meubles [Localité 9] depuis le 1er mai 2013, date à laquelle cette société a acquis la société Robert Seltz et Fils dans laquelle Madame [V] était employée en qualité d'architecte d'intérieur depuis le 8 juin 2004.

Madame [V] a démissionné de son mandat de cogérante le 30 juin 2016 et a signé un contrat de travail à effet du 1er juillet 2016 stipulant qu'elle était employée en tant que cadre au poste d'architecte d'intérieur.

L'emploi relève de la convention collective nationale du négoce de l'ameublement du 31 mai 1995( IDCC 1880) ainsi qu'il est précisé sur les bulletins de salaire.

Le 8 février 2017, le tribunal de grande instance de Mulhouse a prononcé la liquidation judiciaire de la société Infiniment Meubles [Localité 9].

Le 17 février 2017, Mme [V] a été victime d'un accident du travail.

Par jugement en date du 9 mars 2017, le tribunal de grande instance de Mulhouse a autorisé la cession de la société Infiniment Meubles [Localité 9] au profit de la société LMP [Localité 9].

Le contrat de travail de Madame [V] a été transféré à la société LMP [Localité 9] à la date du 22 mars 2017.

Par requête en date du 6 mars 2018, Madame [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et de condamner la société LMP [Localité 9] à lui payer diverses sommes à titre de maintien de salaire, de remboursement des cotisations payées à la mutuelle personnelle, d'indemnité de prévoyance, de rappel de 13e mois, ainsi que de dommages et intérêts et indemnités consécutifs à la rupture.

Le 4 février 2019, la société LMP a notifié à Madame [V] son licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison de la désorganisation de l'entreprise résultant de son absence prolongée et de la nécessité de procéder à son remplacement définitif.

Au dernier état de la procédure devant le conseil de prud'hommes, Madame [V] a demandé à titre subsidiaire que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 25 juillet 2019, le conseil de prud'hommes a débouté Madame [V] de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Madame [V] a interjeté appel de ce jugement, le 20 août 2019.

Par jugement en date du 28 décembre 2021, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la société LMP [Localité 9] et désigné la société MJ Synergie en qualité de liquidateur judiciaire.

Madame [V] demande à la cour :

' d'infirmer le jugement

statuant à nouveau,

' de fixer au passif de la société LMP [Localité 9] les sommes suivantes :

* 257,96 euros bruts au titre du maintien de salaire

* 733,53 euros au titre des cotisations à la mutuelle personnelle indûment supportées par elle

* 155,01 euros au titre des cotisations salariales non reversées par l'employeur à la MACIF

* 5 788,87 euros bruts au titre du 13e mois

' à titre principal, de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, à titre subsidiaire, de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse

' de fixer au passif de la société LMP [Localité 9] à son profit les sommes suivantes :

* 9 521,25 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 952,12 euros bruts au titre des congés payés afférents

*11'108,12 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L 1235-3 du code du travail

* 19'042,50 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral

' de dire que l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 8] garantira les sommes précitées

en tout état de cause,

' de fixer au passif de la société LMP [Localité 9] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance

' de fixer au passif de la société LMP [Localité 9] la somme de 650 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en exécution de l'ordonnance de référé prud'homal du 28 août 2019, y ajoutant les frais d'huissier de justice d'un montant de 189,24 euros

' de fixer au passif de la société LMP [Localité 9] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens d'appel

' de débouter la société MJ Synergie de toutes ses demandes contraires.

La société MJ Synergie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LMP [Localité 9], demande à la cour :

' de confirmer le jugement

à titre subsidiaire,

' de limiter l'indemnisation de Madame [V] au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum légal, soit 1 524,65 euros

en tout état de cause,

' de rejeter la demande de Madame [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

' de condamner Madame [V] à lui payer, ès qualités, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Assignée en intervention forcée par acte d'huissier en date du 17 novembre 2022, remis à une personne se déclarant habilitée à recevoir l'acte, l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 8] n'a pas constitué avocat.

Le présent arrêt sera réputé contradictoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2023.

SUR CE :

Sur la demande au titre du maintien de salaire

Mme [V] fait valoir qu'elle aurait dû bénéficier du maintien de 90 % de son salaire brut pour la période du 22 mars 2017 au 17 avril 2017.

Le liquidateur judiciaire, ès qualités, fait valoir que, pour cette période, elle avait l'obligation de maintenir le salaire à hauteur de 2 000 euros nets à compter du 22 mars 2017, date du transfert du contrat de travail, et que Mme [V] a perçu entre le 17 mars et le 16 avril 2017 la somme de 2 064,30 euros, de sorte qu'aucune somme ne lui est dûe.

****

En application de l'article 6.2. Accidents du travail ou maladie professionnelle de l'avenant du 31 mai 1995 relatif aux cadres, tout cadre qui est dans l'incapacité de travailler du fait d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle reçoit, à compter du premier jour d'absence justifiée, une indemnité dont le montant s'ajoute aux prestations versées par ailleurs par la sécurité sociale.

Cette indemnité est calculée de façon à assurer au salarié accidenté, en fonction de son ancienneté dans l'entreprise :

- 100 % de son salaire pendant les 30 premiers jours d'arrêt et 90 % pendant les 30 jours suivants s'il a moins de 8 ans d'ancienneté ;

- 100 % de son salaire pendant les 60 premiers jours d'arrêt et 90 % pendant les 30 jours suivants, au-delà de 8 ans d'ancienneté.

(...)

Le salaire versé au salarié absent, par cumul des indemnités journalières de la sécurité sociale et de l'indemnisation conventionnelle ainsi définie, ne peut être supérieur à celui qu'aurait perçu l'intéressé s'il avait travaillé pendant la même période.

(...)

Il ressort des bulletins de salaire de mars et avril 2017 que, pour les périodes du 22 au 31 mars 2017 et du 1er au 17 avril 2017, la société LMP [Localité 9] n'a versé aucun complément de salaire.

Compte-tenu des dispositions de l'article 6 de l'avenant ci-dessus et de celles de l'article 36 de la convention collective, le salaire qu'aurait perçu la salariée si elle avait continué à travailler s'entend de son salaire brut.

Mme [V] est dès lors fondée à solliciter la fixation à son profit d'une créance de 257,96 euros bruts correspondant au complément de salaire qui lui est dû, conformément au calcul présenté dans ses conclusions.

Sur la demande au titre des cotisations à la mutuelle

Mme [V] demande le remboursement des cotisations 'mutuelle' prélevées sur ses bulletins de salaire de novembre 2018 à mai 2019 et non reversées à la MACIF par l'employeur et celui des cotisations qu'elle a acquittées au titre de la mutuelle qu'elle a dû souscrire personnellement.

Le liquidateur judiciaire, ès qualités, fait valoir que le défaut d'affiliation de Mme [V] au contrat MACIF résulte uniquement du fait que celle-ci n'avait pas enregistré son changement de qualité (gérante puis salariée) de la société INFINIMENT MEUBLES [Localité 9]. Elle explique que la salariée a souscrit un contrat complémentaire santé à titre personnel dès la cession et que, la société LMP n'ayant été informée de cette difficulté que le 4 décembre 2017, elle a procédé à l'affiliation de Mme [V] en qualité de salariée la semaine suivante.

****

Il ressort des bulletins de salaire de la période litigieuse que des prélèvements 'montant salarial' au titre de la mutuelle ont été effectués à hauteur de 21,82 euros par mois en novembre et décembre 2018 et de 22,27 euros par mois de janvier à avril 2019.

Mme [V] qui demande le remboursement de ces sommes soutient que les cotisations n'ont pas été reversées à la MACIF, ce qu'elle ne démontre pas.

La demande de remboursement de la somme de 155,01 euros doit être rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Il y a lieu en revanche, au vu des justifications apportées, de fixer la créance de Mme [V] en remboursement des cotisations payées à la mutuelle personnelle qu'elle a dû souscrire en lieu et place de celle dont aurait dû la faire bénéficier l'employeur, à la somme de 733,53 euros.

Sur la demande de rappel de prime de 13e mois

La salariée soutient que la société LMP ne lui a pas payé toutes les sommes dûes au titre du 13ème mois.

L'article 5 rémunération du contrat de travail contient les stipulations suivantes:

Le salarié percevra en contrepartie de son travail une rémunération mensuelle brute de 2611 € qui sera payée le 30 de chaque mois, par chèque ou virement bancaire.

(...)

À cette rémunération principale s'ajouteront les primes suivantes :

13e mois et prime de chiffre d'affaires.

L'employeur a répondu à la réclamation de la salariée que le 13e mois était versé sous condition de présence, laquelle n'était pas remplie pour l'année 2017, puis, le 31 janvier 2018, il a régularisé le paiement à la salariée d'une somme de 337,31 euros bruts au titre du prorata de 13e mois de l'année 2017, pour la période du 1er janvier au 17 février 2017.

Le liquidateur judiciaire, ès qualités, estime donc qu'aucune somme n'est dûe à la salariée qui n'a effectué aucune prestation de travail postérieurement au transfert du contrat de travail.

S'agissant d'une prime qui participe de la rémunération versée en contrepartie du travail, au même titre que le salaire de base, en l'absence de toute clause définissant ses modalités et conditions de versement, il doit être tenu compte de son montant, en cas de suspension du contrat de travail à la suite d'un accident du travail, en raison du maintien de salaire auquel a droit le salarié (100 % pendant les 30 premiers jours d'arrêt, 90 % pendant les 30 jours suivants).

La prime de treizième mois s'élevant à la somme de 2 611, 79 euros bruts (soit 7 euros bruts par jour), il convient de fixer la créance de rappel de salaire à ce titre pour 21 jours à compter du 22 mars 2017 jusqu'au 17 avril 2017 à la somme de 132,30 euros (7 x 21 x 90%).

Sur la demande aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail

La salariée reproche à l'employeur :

- de ne pas s'être préoccupé de ses droits lors de la reprise de la société et de son contrat de travail en n'effectuant pas le maintien de salaire, ni l'affiliation à la mutuelle obligatoire, ni l'affiliation auprès de l'organisme de prévoyance

- de ne pas lui avoir versé les primes de 13e mois

- d'avoir retenu de manière systématique les fonds reçus de la prévoyance pendant plusieurs mois avant de les lui reverser, ce qui caractérise une intention de nuire.

Dans la mesure où le transfert du contrat de travail a été opéré à une date à laquelle la salariée se trouvait déjà en arrêt de travail à la suite d'un accident du travail, dans le cadre d'une cession ordonnée par le tribunal de commerce consécutive à une procédure de liquidation judiciaire, que les créances fixées par le présent arrêt sont de faible montant et que le nouvel employeur a régularisé l'affiliation à la mutuelle et à la prévoyance, puis versé à la salariée, bien qu'avec retard, les sommes qui lui étaient dûes en vertu du contrat de prévoyance, l'intention de nuire n'est pas établie. Ces retards ne présentent pas un caractère de gravité suffisant pour justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Mme [V] reproche également à l'employeur d'avoir commis des agissements de harcèlement moral à son encontre.

Elle invoque à cet égard les faits suivants :

' deux contrôles médicaux en novembre et décembre 2018

' l'atteinte à sa vie privée, en ce que l'employeur a demandé à un détective privé de la suivre dans ses activités personnelles

' des courriels totalement déplacés de la part du dirigeant

' la détérioration de son état de santé.

Le service d'assistance médicale aux entreprises a informé Mme [V] par lettre du 20 novembre 2018 qu'un médecin contrôleur se présenterait le 23 novembre 2018 entre 11 heures et 15 heures pour un contrôle médical.

Le 19 décembre 2018, Mme [V] a été informée de ce que son employeur souhaitait la soumettre à un contrôle médical et qu'elle devait se présenter devant le médecin le 27 décembre 2018 à 8 heures 45.

Mme [V] a répondu le 22 novembre 2018 au service de santé 'qu'elle s'opposait à ce contrôle médical complètement injustifié', son employeur n'ayant pas respecté ses obligations en matière de maintien de salaire et de versement des indemnités de prévoyance et 'qu'il était inutile que le médecin se présente à son domicile.'

Par lettre du 3 janvier 2019, elle a indiqué à son employeur qu'elle avait été autorisée par le médecin psychiatre à s'absenter de son domicile pour la période du 21 décembre 2018 au 1er janvier 2019 et n'avait donc pu se rendre au second contrôle médical, que ces demandes de contrôle médical étaient tout à fait abusives, qu'elle était dans l'attente de ses bulletins de paie d'octobre, novembre et décembre 2018 et du décompte de l'AG2R pour lui permettre de comprendre à quoi correspondait le chèque de 6884,64 euros que l'employeur lui avait fait parvenir par l'intermédiaire de son avocat, que ses indemnités de prévoyance n'étaient plus versées depuis septembre 2018, qu'elle le mettait en demeure de régulariser la situation sous quinzaine et que son attitude état constitutive d'un véritable harcèlement moral destiné à la faire 'craquer' dans un contexte de contentieux devant le conseil de prud'hommes.

Il ressort de deux rapports d'investigation privés que, le 10 octobre 2018 et le 26 octobre 2018, le dirigeant de la société LMP a chargé l'agence de recherches privées Hadès Investigations d'effectuer une enquête destinée à établir que Mme [V] exerçait une activité professionnelle et qu'un employé de cette agence s'est entretenu téléphoniquement avec celle-ci au sujet de la vente de peintures présentées sur son site.

Mme [V] n'a toutefois eu connaissance de l'existence de ces 'enquêtes' qu'après la rupture du contrat de travail dans le cadre du contentieux prud'homal.

Enfin, le dirigeant a répondu aux différentes relances et demandes de régularisation de Mme [V] telles que la lettre ci-dessus citée, en des termes désagréables et parfois grossiers : 'ben putain, j'aurais pas aimé être avec vous en 39-45 (...) pour une femme qui est en dépression, vous avez sacrément la pêche , vous avez essayé de gratter de l'argent en plus en me faisant croire que vous n'étiez pas imposable pour que je vous donne ce surplus non mérité' etc..., étant observé toutefois que la plupart de ces réponses totalement déplacées sont contemporaines ou postérieures au licenciement.

La détérioration de l'état de santé de Mme [V], décrite par un certificat médical en date du 3 mai 2017 et les attestations de suivi des 29 janvier 2018, 14 février 2019, 31 octobre 2019 et 9 juin 2022 rédigées par le médecin psychiatre ne peut être mise en lien avec ses conditions de travail, puisqu'elle n'a jamais travaillé avec le nouvel employeur.

Les faits matériellement établis ( deux contrôles médicaux, 'enquête' privée à la demande de l'employeur) et les échanges épistolaires, intervenus dans les circonstances ci-dessus décrites, même pris dans leur ensemble, ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement au sens de l'article L1152-1 du code du travail.

La demande aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail a été rejetée à juste titre par le conseil de prud'hommes, dont le jugement sur ce point doit être confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral

Mme [V] sollicite l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'elle a subi en raison du retard de paiement des indemnités de prévoyance qui lui étaient dûes, des manquements de l'employeur à ses obligations ayant généré des difficultés financières et de l'attitude malveillante de celui-ci.

La salariée justifie avoir subi un préjudice moral résultant des démarches qu'elle a été contrainte d'effectuer en raison du retard apporté par l'employeur à régulariser sa situation et à régler les indemnités qui lui étaient dûes, qu'il convient d'évaluer à la somme de 500 euros, créance qui sera fixée au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société.

Sur le licenciement

La salariée fait valoir que la société ne justifie d'aucune suspension d'activité et que si l'activité a été ralentie, ce n'est pas en raison de son absence mais de la conjoncture économique, qu'elle a été remplacée quelques mois avant son licenciement par une salariée sous contrat à durée déterminée et à temps partiel, ce qui démontre que la société n'avait pas besoin d'une salariée à temps plein et que, dans les faits, elle n'a jamais été remplacée à son poste de travail.

Le liquidateur judiciaire, ès qualités, expose que Mme [V] était la seule salariée de l'entreprise, que, ne connaissant pas sa date de retour, la société LMP a dû recourir à l'embauche d'un salarié par contrat à durée déterminée, ce qui a nécessité des temps de formation particulièrement longs et une implication personnelle de plus en plus importante du dirigeant, que ce dernier a été obligé de fermer régulièrement le magasin, que l'absence de Mme [V] a donc entraîné un grave désorganisation de l'entreprise, de sorte que la société n'a eu d'autre choix que de procéder à son licenciement et de recruter un architecte d'intérieur expérimenté, profil qui s'est révélé particulièrement difficile à trouver.

****

En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.

En vertu de l'article 6 de la Convention n°158 de l'OIT du 2 juin 1982, l'absence temporaire pour maladie ou accident ne peut constituer une raison valable de licenciement.

L'article L.1132-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son état de santé ou de son handicap.

Néanmoins, aucune disposition légale ne fait obstacle au licenciement motivé par la situation objective de l'entreprise se trouvant dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent le fonctionnement.

Il appartient alors à l'employeur d'apporter la preuve tant de la perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise que de la nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié malade, compte tenu des effectifs de l'entreprise et des spécificités des fonctions de l'intéressé.

La perturbation de l'entreprise en raison des arrêts maladie du salarié s'apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l'employeur.

La société LMP justifie avoir embauché Mme [C] en qualité d'assistante marketing par contrats à durée déterminée pour les périodes du 8 au 22 septembre 2017 et du 2 octobre 2017 au 31 mars 2018, puis Mme [E] en qualité d'architecte d'intérieur pour la période du 2 mai 2018 au 15 janvier 2019.

Elle produit une offre d'emploi pour le poste d'architecte d'intérieur datée du 15 janvier 2019.

Au vu de ces éléments, il est établi que l'absence ininterrompue de Mme [V], à compter de la date de transfert de son contrat de travail, le 22 mars 2017, jusqu'à la date de son licenciement, le 4 février 2019, alors qu'elle était l'unique salariée de la société depuis le 1er juillet 2016, a entraîné la désorganisation de l'entreprise et que, la salariée ayant été remplacée temporairement en 2017 et 2018, au moyen de contrats de travail à durée déterminée, son remplacement définitif était devenu nécessaire à la date de son licenciement, même s'il s'avère que l'offre de recrutement n'a donné lieu à aucune embauche.

Il y a lieu de confirmer le jugement qui a dit que le licenciement de la salariée était fondé sur une cause réelle et sérieuse et a rejeté les demandes en paiement consécutives.

L'AGS CGEA est tenue de garantir les créances ci-dessus fixées dans les conditions prévues par la loi.

Compte-tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance, antérieurs à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, doivent être fixés au passif de celle-ci.

Le liquidateur judiciaire, ès qualités, est condamné aux dépens d'appel.

Il n'y a pas lieu de mettre à sa charge les frais irrépétibles exposés par Mme [V].

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe, réputé contradictoire :

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes relatives au maintien du salaire, au remboursement des cotisations versées à la mutuelle personnelle, au treizième mois et en réparation du préjudice moral et en ce qui concerne les dépens

STATUANT à nouveau sur ces points,

FIXE les créances de Mme [T] [V] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société LMP [Localité 9] ainsi qu'il suit :

- 257,96 euros bruts au titre du maintien de salaire

- 733,53 euros au titre du remboursement des cotisations versées à la mutuelle personnelle

- 132,30 euros au titre de la prime de treizième mois

- 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral

- les dépens de première instance

DIT que l' AGS CGEA devra sa garantie dans les conditions prévues par la loi

CONDAMNE la société MJ Synergie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LMP [Localité 9] aux dépens d'appel

REJETTE la demande de Mme [V] fondée sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/06018
Date de la décision : 24/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-24;19.06018 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award