La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2023 | FRANCE | N°21/07111

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 19 mai 2023, 21/07111


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/07111 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N3HO





[G]



C/



S.A.S. OTEIS







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Cour de Cassation de PARIS

du 08 Septembre 2021

RG : 962 FS-D



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 19 MAI 2023







APPELANTE :



[N] [G]

née le 30 Septembre 1960 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

<

br>
représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant du barreau de LYON, et Me Patricia IARUSSI, avocat plaidant du barreau de LYON





INTIMÉE :



Société OTEIS venant aux droits de la SA GRONTMIJ

[Adresse 1]...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/07111 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N3HO

[G]

C/

S.A.S. OTEIS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Cour de Cassation de PARIS

du 08 Septembre 2021

RG : 962 FS-D

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 19 MAI 2023

APPELANTE :

[N] [G]

née le 30 Septembre 1960 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant du barreau de LYON, et Me Patricia IARUSSI, avocat plaidant du barreau de LYON

INTIMÉE :

Société OTEIS venant aux droits de la SA GRONTMIJ

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat postulant du barreau de LYON, et Me Jérôme HALPHEN du PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP, avocat plaidant du barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Février 2023

Présidée par Etienne RIGAL, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Morgane GARCES, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Vincent CASTELLI, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 Mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE

Madame [N] [G] a été embauchée en qualité de comptable, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à temps plein, par la société ESB, à compter du 7 mars 1983.

À compter du 6 mars 1995, son employeur devenait la société JOHN BROWN France SOFRESID;

Cette société était ensuite reprise par la société SECHAUO ET BOSSUYT, puis GRONTMIJ.

Depuis le 1er décembre 2015, la société GRONTMIJ exerce ses activités sous la dénomination sociale OTEIS (ci-après, la société)

Cette société engageait une procédure d'information/consultation du comité d'entreprise sur un projet de licenciement collectif.

Dans ce cadre, la société concluait un accord d'entreprise avec l'organisation syndicale représentative de ses salariés portant sur l'ordre des licenciements.

L'accord collectif d'entreprise relatif à la détermination des critères d'ordre de licenciement, des catégories professionnelles et du périmètre d'application était validé par la DIRECCTE et le plan de sauvegarde de l'emploi était homologué le 1er octobre 2015.

Un licenciement collectif pour motif économique était ainsi décidé par cet employeur.

Madame [G] se voyait licenciée dans le cadre d'un courrier date du 12 octobre 2015.

Elle acceptait le contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

Par requête au greffe en date du 18 décembre 2015, Madame [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant condamnation de la société à lui payer diverses sommes notamment à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 15 juin 2017, le dit conseil a :

- Débouté Madame [G] de l'ensemble de ses demandes,

- Dit qu'il ne sera attribué à quiconque une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de Madame [G].

Madame [G] a interjeté appel de ce jugement le 10 juillet 2017.

Elle demandait alors à la cour d'infirmer le jugement et de:

- Dire que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Condamner la société à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts légaux :

- 9 927 euros, à titre d'indemnité de préavis, outre 992,70 euros au titre des congés payés afférents,

- 66 180 euros, à titre de dommages-intérêts,

- 10 000 euros, à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

- 2000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société OTEIS demandait à la cour, à titre principal, de :

- Confirmer le jugement,

- Condamner l'appelante à lui payer la somme de 3 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente cour, le 23 octobre 2019 rendait un arrêt dont le dispositif était rédigé comme suit :

- Infirme le jugement

Statuant à nouveau,

- Dit que le licenciement de Madame [G] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamne la société OTEIS à payer à Madame [G] les sommes suivantes:

- 9 927 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 992,70 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents, ces deux sommes étant augmentées des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2015,

- 50'000 euros à titre de dommages-intérêts, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

- Rejette les autres demandes en dommages-intérêts,

- Condamne d'office la société OTEIS à rembourser à Pôle emploi les allocations chômage qui ont été versées à la salariée dans la limite de deux mois d'indemnités,

- Condamne la société OTEIS aux dépens de première instance d'appel.

- Condamne la société OTEIS à payer à Madame [G] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.

La société formait un pourvoi en cassation à l'endroit de cet arrêt.

Par arrêt du 8 septembre 2021, la dite Cour rendait un arrêt dont le dispositif était rédigée comme suit: 'Casse et annule l'arrêt rendu le 23 octobre 2019 par la cour d'appel de Lyon, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, condamne la société à payer aux salariés des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société aux dépens et condamne d'office la société à rembourser à PÔLE EMPLOI les allocations chômage qui ont été versées aux salariés dans la limite de deux mois d'indemnités.

Madame [G], au terme de ses dernières écritures devant la présente juridiction de renvoi, notifiées le 22 novembre 2021, demande à la cour de :

Réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 15 juin 2017, et de constater que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence, condamner la société OTEIS venant aux droits de la société GRONTMIJ S.A à lui payer les sommes suivantes :

- Indemnité de préavis (3 mois) 9 927,00 euros, outre congés payés sur préavis 992,70 euros

- Licenciement sans cause réelle et sérieuse (20 mois) 66 180,00 euros,

- Dommages-intérêts pour licenciement vexatoire 10 000,00 euros,

- Dommages-intérêts pour perte des droits à participation pour les années à venir 5000,00 euros,

- Article 700 du code de procédure civile 2 000,00 euros,

Outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.

Au soutien de ses demandes, Madame [G] expose notamment que :

Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le non-respect par l'employeur des mesures de reclassement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Si un délai de réflexion est prévu par le plan, il est impératif et ceci est une garantie de fond, dont la méconnaissance rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il est manifeste que l'employeur a manqué à son obligation d'une recherche loyale de reclassement.

En effet, le mardi 6 octobre 2015, elle se voyait remettre en main propre un courrier proposant une unique solution de reclassement, sur un poste de qualification inférieure à [Localité 7], sur l'île de la RÉUNION .

Il était indiqué dans ce courrier qu'elle devait rendre sa réponse pour le mercredi 7 octobre, soit le lendemain.

Dans son courrier du 8 octobre, elle sollicitait un délai pour répondre; il lui était donc demandé de répondre avant le 9 octobre , soit deux jours pleins.

Elle indiquait immédiatement, soit dès le 12 octobre, son point de vue sur cette parodie de mutation.

Dans sa décision le Conseil de prud'hommes de Lyon avait considéré qu'elle n'a pas montré d'intérêt pour ce poste et qu'il lui était demandé de donner une réponse de principe dans un premier temps et qu'elle aurait bénéficié d' une période de réflexion supplémentaire de 15 jours, si toutefois elle avait donné une réponse de principe positive.

Or, il est totalement faux d'affirmer qu'une deuxième période de réflexion de 15 jours aurait pu lui être donnée.

Cependant, il convient de rappeler que le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait, pour les salariés subissant une mobilité géographique un délai de réflexion de 15 jours.

Si elle s'est vue proposer ce poste à [Localité 5] le 6 octobre 2015, elle a été licenciée par courrier date du 12 octobre 2015, soit 6 jours après.

Au terme de ses conclusions, notifiées le 21 janvier 2022, la société intimée demande à la cour de:

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a débouté Madame [N] [G] de l'ensemble de ses demandes,

À titre principal,

- Débouter Madame [N] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

À titre subsidiaire,

- Si la cour retenait, par extraordinaire, que le licenciement de Madame [N] [G] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, limiter le montant de dommages-intérêts au minimum légal, à savoir 6 mois de salaire correspondant à la somme de 19.854 euros.

En tout état de cause,

- Débouter Madame [N] [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Madame [N] [G] à lui payer 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Madame [N] [G] aux entiers dépens.

Cette société plaide notamment que :

Parmi les postes disponibles en ses effectifs, un poste d'Assistante à [Localité 7] sur l'île de la RÉUNION, a été proposé à Madame [G] par courrier remis en main propre le 6 octobre 2015.

Madame [G] a refusé cette proposition de reclassement par e-mail en date du 12 octobre 2015 rédigé en ces termes :

« Bonjour Madame,

Je ne peux pas répondre favorablement à une mutation à la Réunion compte tenu de ma situation familiale.

Sincères salutations ».

Par conséquent, placée dans l'impossibilité de reclasser Madame [G] au regard de son refus de la seule proposition de reclassement qui a pu lui être soumise, elle a été contrainte de la licencier.

En dépit du refus, sans équivoque, de Madame [G], mais également du fait que celle-ci ne s'est jamais rapprochée de la direction des ressources humaines afin d'obtenir de plus amples informations sur le poste proposé, cette dernière a adressé une lettre à la société datée du 8 novembre 2015, soit un mois après son licenciement, aux termes de laquelle elle lui reprochait de n'avoir pas respecté le délai de réflexion de 15 jours tel que prévu par le Plan de sauvegarde de l'emploi.

Elle précisait que la proposition de reclassement lui avait été remise en main propre le 6 octobre 2015 et qu'elle aurait prétendument dû donner sa réponse le 9 octobre 2015 au plus tard. D'ores et déjà, force est de constater que Madame [G] a donné sa réponse le 12 octobre 2015, soit postérieurement au terme du délai allégué et que la société a attendu sa réponse avant d'engager la procédure de licenciement.

Madame [G] réitère aujourd'hui cet argument dans ses écritures, consistant à soutenir que la société n'aurait pas respecté le délai de 15 jours mentionné dans le PSE de sorte que son licenciement serait de fait sans cause réelle et sérieuse.

La cour constatera que le PSE précise : « À compter de la date de réception du courrier, les salariés disposeront d'un délai de réflexion de 7 jours calendaires pour un reclassement sans mobilité géographique et de 15 jours calendaires pour un reclassement avec mobilité géographique pour adresser leur réponse à la direction des ressources humaines (') Le défaut de réponse sera assimilé à un refus de proposition de reclassement ».

Le délai imparti ne constitue une garantie de fond que lorsque le salarié s'abstient de répondre. Cela ressort d'ailleurs parfaitement des dispositions du PSE, la réponse pouvait être adressée avant la fin de ce délai. Maintenir un délai de 15 jours alors même que le salarié a refusé formellement et sans équivoque la proposition de poste n'a absolument aucun sens.

En outre, et comme la société le lui a précisé dans un e-mail en réponse daté du 19 novembre 2015, Madame [G] aurait bénéficié du délai de réflexion de 15 jours calendaires si elle avait formulé une réponse positive, de principe, sur l'acceptation du poste et de sa mobilité.

Cela était pourtant précisé dans le courrier remis en main propre à Madame [G] le 6 octobre 2015.

Dès lors, Madame [G] ne saurait alléguer que la société n'aurait pas respecté son obligation de reclassement, d'autant plus qu'elle a refusé, de manière catégorique, le poste dès le 12 octobre 2015, en raison de sa situation familiale.

Par ailleurs, Madame [G] sollicite la condamnation de la société au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de licenciement vexatoire, sans même être en mesure de démontrer en quoi ce dernier présentait un caractère vexatoire.

Elle demande également la condamnation de la société au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 9.927 euros et de congés payés sur préavis d'un montant de 992,70 euros.

Cette demande n'est une nouvelle fois pas sérieuse.

Madame [G], lors de son licenciement, a bénéficié d'un contrat de sécurisation professionnelle qui, en contrepartie du versement par la société à Pôle emploi d'une indemnité équivalente à son préavis, lui a permis de bénéficier d'une allocation de sécurisation professionnelle équivalente à 75% de son salaire journalier (au lieu de 50% normalement) jusqu'à ce jour.

Elle a donc fait le choix de ne pas percevoir de préavis afin de bénéficier d'une allocation chômage supérieure au droit commun.

Par ordonnance du 10 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture des débats.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un exposé plus ample des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

L'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version en vigueur au jour du licenciement disposait que :

'Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.'

L'obligation de reclassement constitue un élément justificatif du licenciement économique.

Il revient à l'employeur de démontrer qu'il a loyalement respecté cette obligation d'avoir recherché le reclassement de son salarié avant de prononcer son licenciement pour une telle cause économique et ainsi de lui avoir proposé un écrit précis présentant précisément les postes disponibles en son sein ou au sein du groupe auquel il appartient et que le dit salarié serait susceptible d'occuper.

A ce stade, il sera rappelé que le plan de sauvegarde de l'emploi obligeant la société prévoyait que :« À compter de la date de réception du courrier ( proposant un reclassement) , les salariés disposeront d'un délai de réflexion de 7 jours calendaires pour un reclassement sans mobilité géographique et de 15 jours calendaires pour un reclassement avec mobilité géographique pour adresser leur réponse à la direction des ressources humaines (') Le défaut de réponse sera assimilé à un refus de proposition de reclassement ».

Le délai de réflexion fixé par un plan social pour que le salarié se prononce sur les propositions de reclassement qui lui sont faites dans le cadre d'un licenciement pour motif économique constitue une garantie de fond dont le non-respect par l'employeur emporte méconnaissance de son obligation de reclassement et prive le licenciement de cause réelle et sérieuse (Soc16 mai 2007, 05-44.085).

Un poste de d'Assistante à [Localité 7] a été proposé à Madame [G] par courrier remis en main propre le 6 octobre 2015, rédigé comme il suit :

« Conformément à l'article L 1233-4 du code du travail, nous vous transmettons par la présente une proposition de reclassement envisageable au sein de la Société Grontmij SA.

Compte tenu de votre ancienneté, de votre salaire et vos qualifications, nous vous proposons le poste suivant :

Proposition de reclassement :

Société : Grontmij SA

Localisation : [Localité 7], Île de la Réunion

Nature du contrat ; CDI

Intitulé du poste : Assistante(...)

Vous trouverez ci-joint les documents relatifs à cette proposition de reclassement. II est

précisé que cette proposition de reclassement n'entraîne aucune modification de votre rémunération fixe annuelle, celle-ci étant maintenue. Le poste proposé est sur une base temps plein. Les modalités de réparation du temps de travail obéissent aux règles collectives d'organisation du travail du service au sein de Grontmij SA.

Si vous acceptiez ce reclassement, sur son principe, et avant le 7 octobre 2015, vous bénéficierez de mesures d'accompagnement pour votre relocalisation à [Localité 7] ou ses environs, toutes les modalités sont décrites dans les documents.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1233-4-1 du code du travail, nous vous rappelons que votre absence de réponse sera considérée comme un refus.'.

L'existence d'un délai de réflexion de 15 jours calendaires n'est pas mentionné à ce courrier et il n'est pas soutenu qu'il l'aurait été par une autre voie.

Aucune pièce produite aux débats ne justifie de ce qu'avant le licenciement la société aurait précisé à cette salariée que dans l'hypothèse où elle donnerait une réponse 'de principe' favorable à cette offre de poste, un délai de 15 jours supplémentaires lui serait accordé afin de mûrir plus encore sa décision définitive.

Cette 'information' ne lui a été signifiée que par un courrier postérieur au licenciement.

Dès lors il sera considéré qu'aucune information n'a été donnée à l'appelante quant à l'existence d'un délai de réflexion de 15 jours calendaires pour répondre à l'offre de reclassement outre-mer qui lui était faite.

Au contraire cette offre l'invitait à donner une réponse avant le 7 octobre 2015, c'est-à-dire le lendemain même de la remise de cette proposition. La précision qu'il était attendu une réponse dite de principe ne saurait être prise en compte, dès lors que ce courrier ne précisait pas ce qu'il fallait entendre par cette notion et notamment n'indiquait pas qu'une réponse positive lui aurait ouvert un délai de réflexion lui permettant de mûrir sa réflexion.

Au surplus, la société ne soutient pas qu'en présence d'une réponse négative 'de principe', la salariée aurait pu revenir sur cette première réponse et aurait bénéficié d'un délai de 15 jours minimum pour, au final, accepter l'offre de mutation faite.

Or le délai mentionné au plan de sauvegarde de l'emploi devait permettre, tout à la fois, l'acceptation réfléchie du reclassement proposé, mais, de la même façon l'expression d'un refus de celle-ci également maturé.

Une réponse dite de principe ne saurait être considérée comme définitive.

Dès lors, après avoir sollicité une simple réponse 'de principe', la société ne peut considérer que le retour qui lui a été fait le 12 octobre constituait une réponse 'formelle et sans équivoque', la salariée n'ayant au surplus apporté aucune précision explicite en ce sens.

Il ne peut d'ailleurs qu'être constaté que le licenciement de l'appelante est intervenu moins de 15 jours après que l'offre de reclassement lui a été faite et sur la base d'un refus qui ne peut être considéré comme ayant été définitivement exprimé ; il ne lui a donc pas été permis de revenir sur le refus prétendument 'de principe', c'est-à-dire non définitif, si l'on s'en tient aux termes de la lettre remise le 6 octobre.

Dans ces conditions, la cour retiendra que la société n'a pas laissé à la disposition de sa salariée un délai de 15 jours calendaires après l'offre de reclassement outre-mer qu'elle avait formulé et cela en violation des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi auxquelles elle était obligée.

Elle ne démontre donc pas avoir loyalement rempli l'obligation de reclassement à sa charge et, dès lors, le licenciement querellé sera jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Madame [G] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, cependant, en l'absence de motif économique de licenciement le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est tenu à l'obligation de paiement de préavis (Soc 10 mai 2016, 14-27953), dont le montant n'est pas débattu, même à titre subsidiaire, outre congés payés.

La société ne justifie pas du paiement effectif à Pôle emploi de sommes correspondant à l'indemnité de préavis.

La demande en paiement du chef de l'indemnité de préavis, outre congés payés, sera donc intégralement accueillie.

Les intérêts au taux légal courant sur cette créance salariale courent de la date de la réception de la convocation des parties à l'audience du conseil de prud'hommes, soit le 23 décembre 2015.

Cette salariée, âgée de 61 ans, avait dans cette entreprise de plus de 10 salariés une ancienneté de 32 années.

En application de l'article L. 1235 -3 du code du travail, dans sa version en vigueur au jour du licenciement, il ne peut lui être alloué à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif une somme inférieure au montant de ses 6 derniers mois de salaire, soit 19 854 .

Elle n'a retrouvé un emploi qu'en février 2018.

Au titre de la réparation du dommage matériel et moral consécutif à cette perte d'emploi, elle recevra la somme de 55 000 euros.

Elle ne justifie pas d'un préjudice supplémentaire, distinct de celui ainsi réparé, de sorte que sa demande en dommages-intérêts fondés sur le caractère prétendument vexatoire de licenciement doit être rejetée.

Il en est de même de la demande de dommages-intérêts fondés sur la prétendue perte de droits à participation, ce préjudice n'étant pas distinct de celui résultant de la part d'emploi précédemment réparé.

En application de l'article L. 1235 -4 du code du travail, il convient de condamner d'office la société précitée à rembourser à Pôle emploi les allocations de chômage qui ont été versées à Madame [G], dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société intimée succombant supportera les dépens.

Sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera en conséquence rejetée.

En équité et sur le fondement de cette dernière disposition légale, elle versera à Madame [N] [G] la somme de 2000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe,

infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 15 juin 2017 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare le licenciement de Madame [N] [G] sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société OTEIS à lui payer la somme de 9 927 euros, au titre de l'indemnité de préavis due, outre 992, 70 euros, au titre des congés payés afférents, le tout outre intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2015,

Condamne la société OTEIS à lui payer la somme de 55'000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation du dommage né de ce licenciement infondé,

Condamne, la société OTEIS à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Madame [N] [G], cela dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne la société OTEIS à payer à Madame [N] [G] la somme de 2000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres ou plus amples demandes,

Condamne la société OTEIS aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/07111
Date de la décision : 19/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-19;21.07111 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award